Ses yeux s'agrandissent d'un coup. Il ne voit pas les choses de la même manière que nous, je le sais pertinemment, mais j'espère quand même que l'excitation que je lis dans ses yeux cache une pointe d'appréhension. Celle que je refoule depuis quelques jours.

Ma mère m'a souvent dit que les enfants sont des aimants à émotions, que quoi que tu ressentes ils vont le ressentir eux aussi. Avec le temps, je n'ai jamais su si c'était vrai ou si c'était seulement mon frère qui était mal construit. Dans les moments les plus durs, je ne repasse cette phrase dans ma tête en me disant que s'il y avait une infime partie de vérité là-dedans, je devais tout faire pour paraitre le plus détendu possible. Sauf que maintenant, il est grand et ce n'est presque plus un enfant. Alors sûrement que je le surprotège, mais il faut y voir un pourquoi.

On abandonne tous les ouvriers ainsi que notre génitrice. Après s'être perdus au moins quatre fois, nous arrivons devant la façade de notre nouveau chez-nous. Je reprends ma respiration et tire de ma poche les clés.

L'entrée émane de convivialité, sûrement dû aux couleurs douces dont sont peints les murs et les meubles. Tout est dans les tons blancs/bleus avec des touches de bois et c'en est apaisant, presque trop. Le salon est directement sur la droite, juste en face de la salle à manger ouverte sur la cuisine. À l'étage, il y a trois chambres et une salle de bain. Nous avons déjà tous choisis la nôtre. La mienne est toute blanche avec déjà ma planche de surf dans un coin.

Je m'assois sur le lit, mes coudes sur mes genoux et prends ma tête entre mes mains.

Une paume vient se poser sur mon épaule, me faisant sursauter. Il est là, à côté de moi. Il parait si réel que j'ai peur de le toucher. De sa voix rauque il commence à me parler :

—        Je savais que tout allait bien se passer pour vous. Il faut que tu croies en ce que le destin te donne, Marin. Tout a toujours fonctionné de cette manière, ce n'est pas maintenant que ça va changer.

Je lui souris même s'il n'est là seulement pour faire bonne figure. Il se lève pour venir s'accroupir devant moi, voyant que je ne lui réponds pas.

—        Si tu penses le contraire, dis-le-moi.

—        Si tu étais toujours là, ça serait différent.

—        Mais si j'étais encore à tes côtés, peut-être que ça serait pire. On ne le sera jamais.

—        Tu n'as pas le droit de dire ça, avec toi tout a toujours été si facile, tout allait comme ça devait aller. Depuis que tu es plus là, rien n'est parfait.

—        La perfection c'est pour ceux qui ne croient pas en la vie.

Il rigole mais je ne comprends pas pourquoi alors je relève la tête pour le voir petit à petit disparaitre continuant quand même de parler, malgré tout :

—        Tu es bien plus fort que ça. Tu es comme moi. Vous êtes tous plus importants que ce qu'on peut penser. Je vous aime, ne l'oublie jamais, chuchote-t-il, faisant naitre en moi une certaine rage.

—        Si tu nous aimais vraiment, tu ne serais pas partie comme un lâche. Vas te faire foutre !

Je regrette aussitôt mes mots et essaie de le rattraper, en vain. Sa disparition creuse encore plus le trou qui se trouve à l'intérieur de moi. Et même si ce n'était pas vraiment lui, là devant moi, l'avoir aperçu et lui avoir parlé pour ensuite le voir s'évaporer, fait mal. En une minute, l'espoir qu'il soit toujours là paraissait concret. C'était pourtant un mirage. 

Mon corps tombe à la renverse sur le matelas et le temps d'un instant mes yeux se ferment. J'aperçois une fille qui me sourit, derrière elle l'eau essaie de nous embrasser mais n'y arrive pas. Alors nous plongeons dans ses bras, l'un contre l'autre. Nos poitrines restent collées et nous tournons tout en remontant à la surface. Mon cœur bat fort, comme si j'avais déjà vécu ceci mais je suis pourtant sûr qu'aucune scène semblable ne s'est déroulée en ma présence.

Les minutes passent sans vraiment que je ne les vois, jusqu'à ce que des bruits de pas se fassent entendre, me rappelant que je ne suis pas seul ici. Néréo se jette sur moi et m'écrase de son poids plume. Nous restons un moment comme ça, seulement tous les deux dans notre nouvel environnement. J'aimerais qu'ils puissent être là tous les deux mais ils sont loin. 

Alors je profite pleinement de mon frère et de sa soudaine affinité qu'il a pour moi. Ce n'est pas souvent et quand ça arrive, je suis le plus heureux. Ce petit côté gaga peut paraitre exagéré alors que c'est de cette manière que j'ai appris à communiquer avec lui. Toujours dans les signes d'affection mais surtout d'amour.

Ce sentiment de plénitude totale est indescriptible.

Néréo me prend la main et nous dévalons l'un derrière l'autre les escaliers. Il passe par la baie-vitrée qui était déjà ouverte pour nous emmener sur la plage, à deux pieds de la maison. Aujourd'hui, la mer est calme, comme depuis que nous sommes là. Nous nous étendons, le regard vers le ciel. Néréo pose sa tête sur mon torse et je prends quelques-unes de ses boucles entre mes doigts pour me distraire. Il a les mêmes que moi mais en moins détendues et visibles. Les siennes ne sont pas encore formées et ça lui donne un style particulier, comme s'ils les avaient lissées. C'est sûrement dû à l'air marin.

—        Est-ce que tu lui parles des fois ?

Pas besoin de lui demander de qui il parle, c'est notre sujet principal lorsque nous sommes seulement tous les deux.

—        Ça m'arrive souvent, oui. Mais la plus part du temps, c'est lui qui parle.

—        Moi il ne veut rien me dire. Il dit je comprendrais quand je serai plus grand.

—        Je pense qu'il a raison. La plus part du temps, les plus belles choses paraissent claires quand nous le sommes nous-mêmes.

Il détourne la tête et même si je ne la vois pas, je peux y deviner son menton qui se fronce, montrant que son cerveau entre en action.

—        Pourtant, les enfants comprennent principalement mieux les choses que les adultes. Ils ont leur propre vision des choses, c'est bien ce que tu dis.

—        Tu as raison. Bien sûr que tu as raison, Néo.

—        Alors je pense que s'il se passe quelque chose, je suis apte à être au courant.

—        Tu es bien plus apte que quiconque.

—        Arrête de me répéter ! Je veux que tu me répondes sérieusement, pas que tu fasses le perroquet.

Je me redresse pour me mettre accroupi face à lui et prends ses mains dans les miennes.

—        Un jour, tu sauras tout, je te l'assure. Mais ce jour n'est pas aujourd'hui. Tu sais que je t'aime et que tu es l'une de mes personnes préférées sur terre, mais laisse-moi le temps de tout te dire, OK ?

Il baisse les yeux, me rendant coupable de ne pas pouvoir tout lui dire. Si cette conversation arrive il y a bien une raison. Un jour ou l'autre, en grandissant il se rendrait compte que nous ne lui disons pas tout, je me disais ça tous les jours. Mais je ne sais pas tout moi-même, c'est bien ça le problème.


osez me dire que marin & néréo ne sont pas juste trop mignons 🥹

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Let Somebody Go T.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant