1| L'été c'est magique

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L'été est pour moi la meilleure période de l'année. Pourquoi?
Oh, pour plusieurs raison en fait. Et je suis sûre que vous devinerez que c'est en partie parce qu'il n'y a pas cours...

Je vais au lycée en ville, et chaque matin je fais plus d'une heure et demi de route en car pour y parvenir. Heureusement je suis toujours équipée de mon iPod et de bons livres aussi épais les uns que les autres. J'adore lire!

Contrairement à ce que j'aurais souhaité, je ne possède pas un super... statut social au lycée. Je dirais même que je fais partie des outsiders. La fille coincée et toujours dans son coin qui se fait humilier et insulter par les "Grands". Oui, c'est comme ça qu'on appelle le groupe des footballeurs et pom-pom girls... pas très original, je vous l'accorde, mais je n'y suis pour rien quant à ce petit surnom. Moi je les aurais appelés les "Connards." Mais chacun son point de vue.

En clair ils passent leurs journées à jeter des plus faibles dans les poubelles à ordures, à leurs renverser leur boisson à la cantine et à leur voler leur hamburger pour le peu de fois où on daigne avoir quelque chose de comestible à manger au self.

C'est clairement cliché et nullement original, mais bon, il fallait bien que Dieu créé quelques imbéciles.

J'ai bien sûr déjà subi chacun de ces petits tours "trop drôles", comme dirait Brittany, qui est je vous laisse deviner... Oui! Gagné! La capitaine des Cheerleaders! Quelle perspicacité.

Ma mère à pourtant insisté, que dis-je, taper une crise de nerf pour que je sois scolarisée à la maison, et c'était bien tentant, mais je ne le désirais pas. Je ne veux pas être traitée comme du sucre juste parce que j'ai une leucémie.

Je suis et ai toujours été une personne forte et combative, même si je n'en ai pas trop l'air, et je refuse tout bonnement de me retrouver à cent bornes de la ville toute la journée, encastrée chez moi à étudier comme une ermite.

Du coup, me voilà passée en mode masochiste au lycée qui attend la prochaine blaguounette de mes chers camarades...

C'est vrai que je pourrais leur dire, je pourrais leur dire que je suis malade, que je risque un peu plus de crever chaque jours et que leur comportement ne m'aide en rien. Mais ça serait trop facile et je n'aime pas jouer de ma maladie.
Je trouve ça un peu lâche.

C'est également vrai que je pourrais tout rapporter à ma mère, qui croyez-moi, leur briserait la nuque en un claquement de doigts (oui, ma mère se transforme en Hulk lorsqu'on ose s'attaquer à son bébé...), mais je ne veux pas être perçue comme la petite fille à sa maman.

Mais ce que je crains par-dessus tout, c'est la pitié.

Je ne veux en aucun cas que les gens aient pitié de moi. J'ignore exactement pourquoi, étant donné que ma vie serait beaucoup plus simple et truffées de traitements de faveur, mais tout ce que je sais, c'est que personne ne doit le savoir en dehors des professeurs. Personne.

*

Aujourd'hui la chaleur bat son plein, il fait plus de 40 degrés à l'ombre, chaleur à en crever (excusez-moi pour le sale jeu de mot) et je ne rêve que d'une bonne douche froide. Et pourtant il n'est que 10h du matin.

En attendant je suis étendue dans un pré à quelques dizaines de minutes à cheval de chez moi, à côté de mon fidèle destrier, Pablo. Je l'ai appelé comme ça en l'honneur d'un ami de ma mère et de moi-même, qui s'appelait Pablo. Il était immigré mexicain et avait atterri dans notre ranch par pur hasard, simplement pour trouver du travail. Ma mère, à l'époque l'avait embauché pour nettoyer l'écurie et s'occuper des chevaux, mais il est très vite devenu notre ami à toutes les deux qui vivions seules. Ils n'étaient pas plus que des amis, cependant, même si j'aurais fortement aimé que Pablo devienne en quelque sorte mon père de substitution.

Mais je crois que ma mère n'a jamais réussi à panser les blessures que mon père lui avait créées.

Pablo est décédé il y a dix ans, lorsque j'en avait 7, d'un accident de voiture. C'a été un grand choc pour nous ainsi que sa famille, qui l'a appris quelques temps plus tard.

Pablo et moi sommes à l'ombre d'un arbre qui lui aussi aimerait être à l'ombre. Mais il ne peut pas, alors tant pis pour lui.

Je suis entourée de petites fleures rouges, jaunes et bleues qui réussissent à survivre aux plus grandes chaleurs, et elles ont bien de la chance parce que je crois que je vais mourir de chaud.

Je me lève difficilement, un peu étourdie par la chaleur, et dénoue Pablo du tronc d'arbre.

"Tu dois avoir chaud toi aussi, hein mon Pablo?" Je dis en le caressant.

C'est un magnifique frison que j'ai moi-même dressé lorsque j'avais 9 ans, sous la tutelle de ma mère, la vraie pro des chevaux et du dressage.

Je place mon pied dans l'étrier gauche et me soulève à la force de mes bras et de ma jambe droite avec une grimace à peine contenue. Jamais monter à cheval ne m'a été aussi compliqué.

Je presse doucement les talons et Pablo se met à marcher au pas en direction de chez nous. Je ne connais pas de meilleure sensation que celle d'être sur le dos d'un cheval, c'est magique. On se sent transporté et libre... et je me considère comme grande chanceuse de pouvoir vivre au sein de dizaines de chevaux et de pouvoir monter chaque jour.

Les vallées s'étendent indéfiniment à l'horizon et je rêve d'y galoper pour ne plus jamais regarder en arrière, car si j'adore ma maison et l'endroit où je vis, je rêve par-dessus tout de voyager.

Je rêve de voir le reste du monde, de voir New-York par le toit de l'Empire State Building, ou de déguster des sublimes plats français à Paris, et parcourir la grande muraille de Chine.

Je voudrais quitter ma ville natale pour découvrir le monde et ses mystères, faire des connaissances à travers celui-ci, et tenter de multiples expériences inutiles mais complètement extraordinaires.

J'ai toujours été une grande rêveuse, préférant regarder les plaines au loin au lieu de devoir faire des calculs ou rédiger des dissertations. L'école ne m'a jamais réellement intéressée, je déteste la hiérarchie et le système scolaire dans toute son unité. Et je hais profondément les gens qui y sont. Car d'aussi loin que je me rappelle, j'ai toujours été solitaire, peut être jugée trop timide et inintéressante pour être fréquentée.

Ma seule amie est Émilie. Elle vit au centre ville donc je ne la vois que pendant la période scolaire en cours. Nous nous connaissons depuis la primaire et même si elle est ma seule amie, je ne dirais pas qu'elle est ma meilleure amie. Car ma meilleure amie c'est moi.

Je ne suis pas schizo, juste solitaire. J'aime me retrouver avec moi-même ou avec Pablo dans un immense pré, sans personne qui pourrait me déranger. La seule personne à qui je me confie vraiment est mon journal intime, que je considère comme indispensable quand on et comme moi.

J'y écris depuis que j'ai 7 ans, quand Pablo (l'humain, pas le cheval) me l'a offert pour mon anniversaire. Et depuis, j'y écris chaque jours, en y déchargeant toutes mes journées, qu'elles soient belles ou non, et tous mes chagrins et mes peines.

Mon journal est en fait mon seul réel meilleur ami. Au moins je sais qu'il ne me jugera jamais, lui.
Même quand je lui ai dis que j'avais été diagnostiquée atteinte d'une leucémie le lendemain de mon anniversaire, à 10 ans.

Je vais vous raconter comment ça s'est passé...

365 jours avec toiWhere stories live. Discover now