Chapitre 2

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Septembre 1995

"Vas-t-en, Cinq! On t'a dit qu'on voulait pas jouer avec toi!"

Deux me regardait avec rage, brandissant un petit canif en guise de menace. Je soupirai doucement, en colère contre eux tous! Quatre rigolait plus loin, ne prêtant pas attention à notre discussion. Un, quant à lui, me dévisageait avec un air de supériorité. Habituellement il ne faisait jamais cela, mais à cet instant, Trois le regardait, alors il faisait le malin pour l'impressionner.

Je les fixai un par un avec la plus grande fureur du monde avant de partir en courant, retenant mes larmes. Je fonçai dans ma chambre, contenant mes sanglots, et me laissai tomber contre les pieds de mon lit.

Depuis un mois maintenant, ils jouaient à ce jeu tous ensemble. Et depuis un mois, ils refusaient que je participe. Ils détestaient jouer avec moi! J'enviais tellement leurs petites voitures mais ils m'interdisaient formellement d'y toucher...

En pleurs sur le sol, je maudissais déjà toute ma famille. Ce n'était que des purs imbéciles, et à cet âge, je rêvais encore secrètement de devenir l'un d'eux, d'enfin pouvoir jouer à ce foutu jeu! Pour moi, c'était comme faire partie de la famille.

La petite Sept, ayant déjà sa frange à cette époque, entra sans un bruit dans la pièce et s'assit à mes côtés. Je cachai vite mon visage plein de larmes. Je détestais aussi pleurer, j'avais l'impression d'être faible, mais au moment où mes frères refusèrent de nouveau que je participe à leur course de voiture, mon corps tout entier s'était mis à trembler, mes yeux me piquaient et ma poitrine s'était rétrécie. J'avais fait des efforts toute la semaine et c'était la déception de trop.

"Dégage, Sept! Je veux pas te voir! lui criai-je.

-Tu devrais pas te mettre dans cet état pour eux... Six n'y va pas non plus à leur course, et ça ne lui fait rien.

-Six est invité! C'est juste lui qui préfère rester dans sa chambre et peindre. Moi, je ne suis pas invité, ils me détestent tous et ça tombe bien, moi aussi je les déteste!

-Tu sais, moi non plus je suis pas invitée.

-Mais toi c'est normal! Tu es ordinaire, tu n'as rien à faire avec nous!"

Elle se tut immédiatement, pleurant en silence. Ce sujet avait toujours été sensible et l'est encore actuellement. J'étais toujours désagréable, mais quand j'étais énervé, cela était pire. Le plus fâcheux dans l'histoire était que je ne m'en voulais pas de lui avoir dit ça. Ce n'était qu'une vérité à l'époque, elle était ordinaire, je ne citais que des faits.

"Laisse-moi tranquille maintenant, répétai-je.

-Tu peux vraiment être méchant quand tu veux, Cinq...

-Dégage."

Elle ne bougea pas d'un poil. Constatant qu'elle n'était pas prête de partir même après les horreurs que je lui avais dit, je me levai et me téléportai loin d'elle. L'amour la rendait réellement débile, je pouvais l'insulter des pires atrocités, elle resterait quand même avec moi.

Je me retrouvai à l'arrière de la maison, dans une petite ruelle. Encore sanglotant, alors que la pluie s'abattait sur moi, compatissant avec mes larmes, je m'assis contre le mur. Sous le déluge, je me sentais un peu plus compris. C'était ce qu'on appelait le "mauvais temps". Je trouvais ça fascinant. La pluie était pourtant un temps comme un autre, ce n'était pas elle qui avait choisi d'être froide et d'embêter tout le monde avec ses gouttes. Je me retrouvais en elle, moi aussi on me rejetait, et moi non plus je n'avais pas choisi d'être aussi pudique sur mes émotions, d'embêter tout le monde avec mon caractère.

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