—        Oui, ne t'inquiète pas. J'ai juste besoin de sommeil.

—        Evane, tu sais ce que j'en pense.

—        Oui, je le sais. Mais tu sais aussi que je n'en fais qu'à ma tête.

Elle souffle et j'en profite pour changer de sujet.

—        Tu es à la plage ? J'entends Elena parler.

—        Ils vont partir, on se retrouve dans dix minutes ?

Aussitôt proposé, je me mets en haut-parleur pour envoyer un message sur notre groupe. Loyan répond immédiatement avant même que je n'ai le temps de fermer l'appli. Je raccroche et pars préparer mon sac avec une simple serviette, un livre, un petit tube de crème solaire malgré le mois de février qui se fait de plus en plus sentir. Le début de l'hiver a été frais et nos après-midi plage moins fréquentes, comme chaque année.

Mon pantalon noir aux jambes, mon sweat orange par-dessus un tee-shirt choisi au hasard ce matin, j'agrémente ma tenue typique de cette période d'une de mes nombreuses paires de Converse.

En sortant de ma chambre, mon portable vibre dans ma main. Je pense d'abord que c'est un message du groupe disant que l'un d'eux ne peut pas venir, mais en voyant « papa » s'inscrire en gros, mon cœur loupe un battement. La peur d'avoir fait quelque chose de mal prend de plus en plus de place.

PAPA : J'ai besoin de ton aide. Viens à mon bureau le plus vite possible, stp.

EVANE : Pour quelle raison ? J'ai déjà quelque chose prévu, papa. Tu ne peux pas demander à quelqu'un d'autre ?

PAPA : Evane. Ne me fais pas le répéter plusieurs fois. Quand je te demande quelque chose, tu dis oui, un point c'est tout.

Sachant que ça ne sert à rien de me disputer une énième fois avec lui, j'abdique.

Je souhaite une bonne fin de journée à ma mère qui en profite une énième fois pour me rappeler qu'il faut que je commence les révisions pour le bac. Je lui cris un oui en claquant la porte d'entrée. Les sangles de mon sac à dos resserrées, mes écouteurs aux oreilles sans rien qui n'en sors, la peur qui ressort, je prends la route qui mène à la capitainerie avec comme seul objectif, celui de montrer à mon père que ce n'est pas en m'obligeant à faire les choses, qu'elles vont se faire plus vite. Ce n'est pas moi son esclave et ça ne le sera jamais. Avec le temps, je pensais qu'il s'en rendrait compte, mais il n'a pas l'air de faire attention à sa fille, du moins pas autant qu'à son fils.

Trois jours par semaine, mon père travaille à la capitainerie. Il affectionne tout particulièrement ce poste qui lui a été donné, alors il prend un malin plaisir à me demander de l'aider quand il sait que j'ai d'autres choses bien plus importantes à faire. Mais comme j'aime aider les gens et que la mer est pour moi une des choses les plus précieuses sur Terre, je fais ce qu'il me demande. Et puis ils peuvent bien m'attendre quelques minutes.

En quelques minutes, je me stoppe devant le bâtiment et reprends ma respiration, me préparant intérieurement à ce qu'il va se passer. En traversant au passage piéton, un jeune de mon âge sur son vélo manque de me foncer dedans. Mes yeux se ferment et je suis tétanisée sur place, incapable de regarder quoi que ce soit. Il tombe de son engin, complètement déconcentré. C'est à ce moment-là que je croise enfin son regard sombre, l'inquiétude y est maitresse. De ce fait, il replace ses boucles brunes sur le haut de son crâne, sans même me regarder en face tandis que mon cœur bat de plus en plus fort, les souvenirs venant joncher mes pensées actuelles. Quand il repart, sans que je n'aie le temps de le remarquer, je lui crie de faire attention mais il ne me demande pas même pardon.

Let Somebody Go T.1Where stories live. Discover now