Chapitre 2 - Prendre ses marques

28 9 7
                                    

La journée d'hier s'est écoulée à une vitesse folle.

Je n'avais jamais déménagé avant et je dois vous dire que c'est quelque chose d'extrêmement fatigant. Enfin surtout quand on emménage sur une île à plusieurs milliers de kilomètres de son ancien logement, j'imagine.

C'est sûr qu'on n'a pas fait dans la dentelle sur ce coup-là. Heureusement que nous n'avions que peu d'affaires, au final, et que la maison de grand-mama est en partie meublée.

J'étais tellement crevé que je me suis endormi sans faire d'histoire et j'ai même passé une nuit plutôt agréable, même si ma sœur m'a réveillé bien trop tôt à mon goût. Elle voulait que nous effectuions le maximum de tâches aujourd'hui, pour que nous puissions attaquer des travaux de fond le plus vite possible.

Nous avons repéré quelques fuites au niveau du toit et Zenaïda fait maintenant une fixation dessus.

- Il faut réparer ça avant qu'il pleuve, m'a-t-elle dit.

- Mais enfin Zen, ils n'annoncent pas de pluie avant des semaines, c'est presque la canicule, là.

- Oui eh bien qui dit canicule, dit orage. Et je n'ai pas envie de me prendre des trombes d'eau sur le coin de la tête, tu sais à quel point je déteste l'eau !

Merci mama, encore une phobie que tu nous as transmise. Bon, une phobie justifiée, mais tout de même...

Moi l'eau ne m'effraie pas tellement, je rêve même de pouvoir aller me baigner dans l'océan, mais je n'oserai jamais en parler à ma sœur, elle me clouerait sur mon lit et m'interdirait de sortir sans sa surveillance, c'est évident.

J'ai fini par la rassurer en lui promettant de m'en charger le plus rapidement possible.

Heureusement que j'adore bricoler !

Si ça ne tenait qu'à moi, je laisserais la maison de grand-mama en grande partie comme elle est. C'est vrai, certaines choses doivent être réparées, en commençant par les fuites du toit, mais le reste donne un certain charme à la bâtisse, je trouve.

Quelque chose d'authentique, de vivant.

Et puis nous avons appris cette après-midi que des voisins entretenaient la maison depuis des années, en hommage à sa défunte propriétaire. Ce sont ces mêmes voisins qui ont tout entrepris pour que l'on nous retrouve, nous les héritiers d'Aurora. Et ce sont ces mêmes voisins, encore une fois, qui sont venus nous saluer, tellement heureux de nous rencontrer.

Gaspard, un vieil homme d'environ quatre-vingts ans, m'a assuré qu'il pouvait rénover la maison sans nous demander de contrepartie financière.

Largement capable, voire enthousiaste de pouvoir m'occuper de tout ça par moi-même, j'ai gentiment refusé. Et puis nous n'allons pas commencer à exploiter les vieillards du coin, aussi accueillants soient-ils.

Nous nous débrouillons sans l'aide de personne depuis une éternité et ce n'est pas aujourd'hui que ça va changer.

Estelle, une autre voisine, nous a par contre appris que grand-mama lui avait confié la plupart de ses effets personnels et qu'elle serait ravie de nous les rendre.

Je sais que mama ne s'entendait pas avec sa mère, mais Aurora m'a toujours intrigué et j'aurais tellement adoré la rencontrer. Elle avait l'air d'une personne pleine de vie, ne se souciant pas des normes sociales. Il parait que je lui ressemble sur bien des points, d'ailleurs.

La simple idée d'en apprendre plus sur elle en parcourant ses reliques me procure une joie tout bonnement indescriptible.

- Qu'est-ce que tu fixes comme ça ?

La voix de Zenaïda me sort de mes songes. Je tourne la tête dans sa direction, l'incompréhension fichée sur le visage.

- Rien du tout, j'étais juste perdu dans mes pensées, je lui réponds sobrement.

Elle hausse les épaules avant de passer une main dans mes cheveux bouclés. Je ne sais d'ailleurs pas de qui je tiens cette chevelure, ma mère, ma sœur et ma grand-mère (de ce que j'ai pu voir sur les photos, concernant cette dernière) ont toutes des coupes afros, mais pas moi.

Peut-être de mon père. Allez savoir, je ne connais même pas son nom...

- D'accord, mais ne traîne pas trop, n'oublie pas qu'on sort, ce soir, me rappelle Zen.

Je me contente d'acquiescer puis la regarde partir sans bouger de ma chaise.

Elle se retourne vers moi, semble hésiter, puis finit par parler.

- Tu sais... je suis fière de toi. Tu as été plus qu'efficace aujourd'hui malgré la visite des voisins. Je pense que tu as raison, on va se plaire, ici.

Je n'ai même pas le temps de répondre ou de réagir qu'elle se trouve déjà à l'intérieur de la maison.

Bien que ses mots me touchent, j'ai l'impression qu'elle les a prononcés pour se convaincre elle, plutôt que moi.

Je regarde l'heure et constate qu'il serait en effet judicieux que j'aille me préparer pour la soirée. Je jette encore une fois un œil en direction de la plage, mais ce que j'y cherche n'y est toujours pas.

Oui, oui, je l'avoue, je ne me suis pas posé sur la terrasse en face de la plage uniquement pour me perdre dans mes pensées. J'espérais apercevoir à nouveau le joggeur d'hier. J'en ignore même les raisons, il m'intrigue, c'est tout. Et il semble très beau, aussi, je vous le confesse.

Mais après tout je ne l'ai observé que de loin et couvert de la tête aux pieds.

Enfin, pas que la beauté physique compte vraiment pour moi et pas que je cherche quelqu'un. C'est simplement qu'il m'a intrigué, de part son accoutrement et surtout cette aura si spéciale qui semblait émaner de lui.

Oui, oui, je sais, je suis en train de me faire un film complet. En plus, je n'ai aucune raison de penser que ce mec soit gay et quand bien même ; je ne vois pas trop pourquoi je l'intéresserais. Bref, je vous dis que ce n'est pas pour ça que je pense à lui !

Je secoue la tête comme pour chasser toutes ces pensées parasites qui n'ont tout simplement aucun sens.

Je suis invité à une super soirée où m'attendent discours politiques et musique classique alors je ferais mieux d'aller me préparer.

Bon, au moins ce sera sur la plage. Et puis qui sait, peut-être que mon mystérieux joggeur fera une apparition ?

Magie, Sirène et MalédictionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant