Chapitre 1 / Ash

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Lorsque je n'allais pas bien, lorsque je commençais à ne plus pouvoir former une seule pensée cohérente, j'avais trouvé comme seul moyen pour ne pas finir fou, d'aller tout simplement courir. Est-ce que cela me vidait réellement l'esprit ? Je n'en avais aucune idée. Mais, ce dont j'étais certain, c'était que cette course m'aidait généralement à me calmer.

Aujourd'hui, mon souffle était moins régulier que d'habitude, plus court, plus rapide, mais je m'en fichais. Je continuais de courir comme un dératé à travers mon quartier. Je réalisais le tour habituel, ne faisant plus attention aux détails du paysage tant je le connaissais par cœur : le chien qui sautait contre le grillage en aboyant pour nous dévorer les mollets, la maison dont la pelouse est couverte de géraniums, les trois grands arbres qu'un promoteur tente de raser pour construire une nouvelle maison qu'une personne avec un salaire moyen ne pourrait jamais se procurer.

Mon t-shirt me collait à la peau, mes genoux commençaient à me tirer. Je n'y faisais pas attention. Je ne pouvais pas me laisser une seconde, une seule seconde. Ce n'était rien, mais assez pour devenir complètement fou. Alors, je cours. Je tente de m'accrocher à la musique, des millions de fois trop forte, cogner contre mes tympans.

J'inspire, j'expire, la bouche entrouverte. Je me cherche, je tente de me raisonner, mais l'angoisse est trop forte. Je dois me calmer avant de rentrer. Le bout de mes doigts se met à me piquer. Alors là, ça tombait carrément mal. L'angoisse s'accentue, s'écrasant comme un tsunami contre une ville habitée. Je dois contrôler ma Magie, en plus de ce sentiment si difficile qui se propageait dans mon corps.

Je détestais ça. « Se recentrer sur soi-même ». Quelle ironie, quand « soi-même » est un inconnu. Le plus difficile était d'admettre que je n'arrivais pas à maintenir le contrôle sur quoi que ce soit, et me le dire n'arrangeait pas les choses non plus. Je m'arrête vivement, regardant autour de moi, observant que la rue était vide. Un vif soulagement s'empare de moi. Au moins quelque chose pour lequel j'étais satisfait.

─ Ashitaka ?

Bien. Finalement, la rue n'était pas si vide que ça. Désintéressé au possible, je me tourne vers le grand-père détenant le titre de « voisin ». Il passait ses journées à jardiner, tant et si bien que j'en arrivais à croire qu'il tondait la pelouse aux ciseaux. De là découlait le fait qu'il connaissait l'emploi du temps de chaque habitant des maisons alentours sur le bout des doigts. Il était au courant d'environ la totalité de la vie de chacun, jusqu'à mémoriser les prénoms des amis ou toute autre relation interpersonnelle du voisinage.

─ C'est la treizième fois que tu fais le tour du quartier sans t'arrêter.

Je plante mon regard dans le sien, et, ma colère me pique à nouveau.

─ Je n'ai pas besoin que quelqu'un compte pour moi, je rétorque en lui lançant un regard lourd.

Il a un rictus insatisfait. Je ne savais pas ce qu'il attendait de moi, et honnêtement, je m'en moquais. Je n'étais pas d'humeur à faire du social aujourd'hui. Quoi que. Rectification. Je n'étais jamais d'humeur à faire du social. Ne pas prêter attention... Ne pas... Non. Définitivement, il venait de m'agacer un peu plus encore. Certainement un degré de colère au dessus qu'avant de partir je commence à rentrer chez... Non, pas chez moi. Chez mon « adoptrice ». C'était totalement stupide. Pauvre petit moi, abandonné par le décès de ses parents, et la disparition de son petit-frère.

Je sens le regard de ce fichu voisin me suivre jusqu'à ce que je lui claque la porte au nez. J'envoie mes chaussures dans un coin de l'entrée, et passe comme une furie devant Anne, celle qui avait eu la bonne - ou mauvaise idée - d'être volontaire pour m'accueillir il y a six mois.

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