Le désert

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Le jour se levait sur le désert de Keidas.

Une créature étonnante se glissait le long des dunes presque ocres qui réverbéraient la lumière et la chaleur du jour.

Petit et cylindrique, le lézard survolait les pentes lisses, à l'épreuve de la gravité. Les ondulations serpentines de son corps faisaient oublier ses pattes courtes et maladroites qui le séparaient dans la classification de ses cousins à la langue fourchue.

Presque superflues sur les étendues sableuses, ces pattes devenaient nécessaires dès que le lézard cherchait à atteindre le nid qu'il avait établi à l'abri des prédateurs, dans les anfractuosités des pics rocheux qui parsemaient le paysage désertique. Toute sortie le mettait en effet en danger de croiser un renard des sables ou un oiseau de proie.

Il arrêta sa danse, prêt à s'enfouir dans le sable. Sous lui, la dune vibrait. Un ensemble gigantesque à la hauteur du lézard s'approchait, lourd et bruyant.

Le rythme était étranger, différent de la cadence légère et terrifiante des fennecs.
Toute la volonté de vivre intimait au lézard de ne pas attendre de découvrir si cette nouveauté lui serait dangereuse. Il s'enfuit.Dans sa hâte, il n'avait pas entendu un autre grondement, plus lointain et profond.

A notre échelle, ce n'était pourtant qu'un modeste convoi qui s'approchait.. Un mulet et trois femmes peinaient à avancer dans les sables où ils s'enfonçaient. Un guide les menait, s'arrêtant parfois pour trouver un repère connu de lui seul ou marmonner et humant l'air d'un air grave.

« C'est sans doute par là... Non attendez... »

Ce n'était pas ces caravanes dont les couleurs exotiques habillent les illustrations des livres de voyage. Les femmes n'étaient pas des explorateurs revenues de contrées lointaines, mais des chercheurs, gauches hors de l'environnement familier de leurs bureaux. Néanmoins, elles semblaient évoluer dans ce climat hostile avec un but.

On pouvait deviner l'existence de leur cité - Keidas - en un amas flou sur un rocher à l'horizon. Pas une fois les femmes ne s'étaient retournées. Elles savaient qu'elles rentreraient bien assez tôt. Enfin, si jamais le guide arrivait à retrouver son chemin.

La plus jeune marchait en tête, émerveillée devant le spectacle des dunes aux courbes infinies caressées par le soleil.
Elle s'appelait Elivia et c'était sa première sortie hors de la cité. Elle souhaitait tout inscrire dans sa mémoire. La chaleur, la sensation du sable sous ses pieds et la caresse du sirocco, des impressions fugaces qui devaient s'accumuler en elle tels des trésors bien alignés.

La douleur croissante qui avait poussée dans sa poitrine alors qu'elle montait avec peine les dunes lui importait peu. Le voile brûlant et obsédant imposé à ses poumons ne devait pas tempérer son enthousiasme.

De trop nombreuses fois, elle avait regardé ce paysage de loin, depuis sa fenêtre derrière les murs de la ville.
« Des murs qui protègent comme ils enferment, pensa la jeune fille amèrement, aurais-je à nouveau l'autorisation de sortir ? Et comment rentrer après ce premier goût de liberté ? »

Mais regardant le paysage, elle mesurait sa chance d'être enfin sortie... même pour quelques instants !
Cette chance, Elivia le savait, elle la devait à quelqu'un d'autre qui avait poussé pour qu'elle vienne avec eux.
Elle se retourna un instant pour regarder son mentor, restée en arrière pour discuter avec le guide.

Zarine - que tous appelaient 'Professeur' - était à l'origine de l'expédition.
La peau tannée et vieillie par le soleil et les longues fouilles, Zarine avait gardé un visage franc et ouvert qui la plaçait dans la catégorie des éternels jeunes.
Elle n'était pas fort âgée - bien que 20 ans la séparaient d'Elivia, une vie pour la jeune fille - mais elle avait gagné le respect de tous en étant une des plus expérimentés parmi ses pairs.

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⏰ Last updated: May 16, 2022 ⏰

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