PROLOGUE

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Le Roi Déchu : Sur ses traces


Dans les méandres de l'obscurité de la nuit, un coup de vent violent fouetta la cime des arbres encore chargés de feuilles. A quelques mètres de là, un homme avançait, seul. L'air glacé de la nuit lui colla la chair de poule. Les muscles de son torse se contractèrent sous la caresse du vent. Sa peau à nue, sensible, délicate, était chatouillée par le battant de sa veste noire déchirée et trop petite pour être fermée correctement. A chacun de ses pas, le grincement strident de son épée contre les pavés résonnait dans le silence de la ruelle. La lune, pas plus large qu'un trait fin dans le ciel, éclairait à peine le petit village qu'il laissait derrière lui. Pourtant, malgré la pénombre qui lui tendait les bras, le roi déchu n'avait pas peur.

A peine eut-il fait ses premiers pas dans le sous-bois qu'il s'arrêta net lorsqu'un grondement à peine audible attira son attention. Dans les ombres d'un bosquet, deux billes d'un vert émeraude le fixaient. Elles disparurent, le temps d'un clignement de paupières, avant de s'ouvrir à nouveau sur des pupilles félines.

- "Sors de là et fais-moi ton rapport."

Sur son ordre, une immense panthère, bien plus imposante que les individus normaux de son espèce, s'extirpa de sa cachette. L'homme balaya distraitement une mèche de cheveux blancs rebelle qui barrait sa vision. Puis il resta impassible tandis que le félin redressait à peine la tête pour s'adresser à lui dans les yeux, la mine sombre.

- "J'ai flairé leur piste, mais ils avancent vite. Trop vite.

- Je vois... merci Nidalee..."

La panthère braqua sur l'homme de vingt-trois ans un regard appuyé, essayant de lui faire passer un message qu'il avait évidemment compris. Levant ses yeux bleutés vers le ciel étoilé, le roi déchu poussa un long soupir qui forma un nuage de buée, s'élevant dans les airs avant de disparaître. Si seulement le vent pouvait cesser de faire disparaitre des choses... Sa main libre s'immobilisa devant sa tête, paume vers le ciel.

Dès lors, une brume noire et dense s'éleva du sol, remontant le long de ses chevilles et des pattes de la panthère qui se mit à se trémousser, mal à l'aise. Nidalee avait beau être habituée au phénomène depuis le temps qu'ils se fréquentaient, sentir la brume se glisser dans sa fourrure lui faisait toujours un drôle d'effet. Cette fumée lui semblait trop... vivante. Elle se déplaçait contre elle comme un serpent s'enroulerait autour de sa proie pour l'étouffer. Elle émettait un son particulier, des murmures trop peu audibles pour qu'on puisse en saisir le sens, mais bien présents. Un mélange de cris d'agonies, de hurlements de douleur, de prières avant le trépas, de pleurs d'endeuillés. Toutes ces personnes tués par ce roi dont les âmes prisonnières résonnaient dans son pouvoir.

La fumée s'éleva toujours plus haut, glissant tel d'immenses doigts le long des muscles saillants du grand roi. Lorsque la brume se fit suffisamment épaisse, les deux rôdeurs se sentirent soudain plus légers. La brume les souleva de quelques millimètres du sol, leur permettant d'avancer plus facilement, et surtout plus vite. Une sensation de flottement désagréable pour la panthère qui aimait garder les griffes fermement ancrées dans la terre, l'élément d'où elle tirait son propre pouvoir.

- "Cherche brume," chuchota l'homme au creux de sa main, son souffle chaud faisant légèrement vaciller la fumée qui s'en échappait. "Trouve-la."

Après quelques secondes, il fit retomber sa main le long de son corps, une détermination nouvelle dans le regard. Devant lui, une longue traînée noire leur indiquait le chemin vers sa dulcinée.

- "Isolde... Tiens bon mon amour... j'arrive..."

Le roi déchuWhere stories live. Discover now