Le voyage fut long et on fit plusieurs haltes. Je ne faisais pas attention au paysage, les kilomètres défilaient et la voiture était remplie de mes compatriotes qui pour certains allaient chercher de la marchandise et pour d’autres retournaient voir la famille. Mon compagnon essayait de me parler mais je n’avais aucune envie de répondre et finalement il laissa tomber et me laisser à mes pensées. J’avais un grand vide intérieur, une profonde tristesse et surtout une rancœur tenace contre la vie. On mit presque deux jours avant d’arrivée. Le village de mon père était encore bien loin de la capitale et on prit un taxi brousse pour y aller. J’avais un vague souvenir du village de ma mère et je pensais trouver les mêmes concessions avec des cases en paille. Je trouvais effectivement ces cases, mais également quelques maisons bâties en briques à l’aspect rustique. Alassane demanda à l’entrée la concession de mon père et on nous indiquait une maison en brique entouré d’une palissade. A l’entrée, on a salué et une femme est sorti d’une case qui devait servir de cuisine pour nous répondre. Elle s’est arrêté à la porte et m’a regardé. C’était ma mère. Elle me regardait en plissant les yeux et s’est tenu la bouche
- Dioudé ? C’est toi ma fille ? demanda t’elle
Je m’approchais lentement et l’enlaçais. Elle avait vieilli et maigri. Elle Je me mis à pleurer et elle me berçait lentement en chantonnant mon nom. D’autres personnes sortir de la maison en entendant les salutations et je me retrouvais soudain entouré de tantes, cousines et surtout je retrouvais la petite Fanta. Je la pris dans mes bras et mon frère Ibrahima était aussi la et m’enlaçait. Ils avaient grandi et Ibrahima était plus grand que moi. C’était maintenant un beau jeune homme et Fanta aussi avait grandi. Tout le monde criait mon nom en parlant. Moi aussi je me mis à parler un peul et quand je répondais, ils rigolaient en disant que je parlais peul comme un immigré. A ce moment, je me rappelais la façon dont Demba parlait wolof et je me dis qu’ils devaient avoir la même impression. Tout le monde me demandait des nouvelles de Dakar et Fanta refusait de se détacher de moi. Elle était accrochée à ma taille et je lui caressais la tête. Un moment, le long voyage, les émotions des derniers jours, firent leurs effets et je tombais dans les pommes. Je me réveillais dans une chambre et il me fallut un bon moment pour me rappeler ou j’étais. J’étais dans une chambre toute simple, avec un mur sans peinture et un simple lit. Ma mère entrait à cet instant avec un verre contenant un liquide chaud. Elle me le tendit en me demandant de boire et s’assit à coté de moi en me regardant.
- Dioudé, tu vas bien ? me demanda-t-elle. Pourquoi es tu venu sans prévenir ?
- pour rien maman, je voulais voir mon père. Ca faisais longtemps et je n’avais plus de nouvelles dis je en baissant la tête.
Puis sans pouvoir les retenir, mes larmes commençaient à couler. Je pleurais encore tout ce qui c’était passé. Elle n’eut aucune réaction et se contentait de me regarder. Quand je me suis calmé, elle m’a à nouveau demandé ce qui n’allait pas. J’hésitais un moment et le regard plein de tristesse qu’elle me lançait me fit un bien terrible et je lui racontais. Je lui racontais le problème avec Tonton Farah, en évitant les détails et en diluant un peu les réactions de maman. Je lui dis qu’elle avait cru les paroles de son mari et ne voulait pas me laisser partir mais que je ne me sentais plus à l’aise dans la maison et c’est pourquoi je suis venue. Je ne voulais pas lui dire la manière dont maman m’a mise à la porte comme une malpropre. Je parlais en pleurant et parfois, je sentais qu’elle était tellement peinée qu’elle soupirait et baissait la tête. Quand je finis de tout raconter, elle me dit simplement que j’avais bien fait de venir et elle m’a demandé de venir dire bonjour à mon père.
Mon père j’eus du mal à le reconnaitre. Il était tellement maigre et avait complètement dépéri. Maman m’expliqua plus tard qu’il bougeait difficilement ses membres et qu’elle faisait tout pour lui. J’entrais lentement et il tourna la tête. je m’approchais et il fronçait les sourcils
-Diouldé ?
- oui papa, c’est moi ? Répondis-je en lui prenant la main qu’il me tendait difficilement
- tu es arrivée quand ?
- tout à l’heure papa.
Il m’observa un moment et souris légèrement
- je savais que tu viendrais. Ces dernières semaines, je ne passe pas une nuit sans te voir en rêve. Toutes les nuits tu nous appelais au secours dans le rêve et chaque matin je priais pour que Dieu te ramène à nous.
Ces paroles me firent encore pleurer. Je pleurais de désespoir. J’avais une famille, des parents qui m’aimaient et qui pouvaient voir que j’avais des problèmes.
- je crois que je ne pouvais pas mourir sans t’avoir revu. Tu es la seule que j’ai été obligé de laisser avant de rentrer et Dieu sait que ca m’a été très difficile. Mais je ne pouvais t’arracher à ta tante et je sentais que je te perdais ma fille. Tu avais une nouvelle mentalité, tu ne voulais plus parler ta langue, tu t’accompagnais de personnes avec qui vous n’avez pas la même culture et tu refusais de faire ce que je te disais
Je continuais à pleurer et un moment je me reprochais le fait d’avoir souhaité qu’il meure pour être en paix. Je m’en voulus à cet instant et serra encore plus fort sa main.
- papa, je suis revenu pour te voir car vous me manquiez tous
- toi aussi tu nous as manqué. Tu es ici chez toi. Vas te reposer et on discutera de tout ca plus tard.
Je me levais et sortais de la chambre en ayant un nouveau regard sur ce corps étendu sur le lit. Maman m’attendais dans la chambre et elle avait un regard soucieux.
- arrêtes de pleurer ma fille. Sèche tes larmes. Depuis quelques temps, chaque matin ton père me disait que tu avais des difficultés car il te voyait appeler au secours. Ca m’a intrigué car j’étais persuadé que je t’avais laissé en de bonnes mains. Ta tante n’est pas méchante, c’est juste qu’elle a choisi de croire son époux et c’est normal. Maintenant elle aurait pu m’appeler et me rendre ma fille au lieu de te laisser venir comme ca. Mais tu as un père ma fille, et je ne veux plus te voir pleurer. Oublie tout ca. Et tes études ?
- je n’avais plus la force de continuer mes cours, répondis-je simplement
- et tu compte tout laisser tomber ?
- non, mais je veux rester ici un moment et quand je me sentirai mieux je repartirai.
A ce moment j’avais dit ca comme ca sans aucune certitude de ce que j’allais faire plus tard. J’avais donné mon portable à Fatou et n’avais laissé à personne les contacts pour me joindre. J’ai juste dit à Fatou que je l’appellerais une fois arrivée. Je discutais encore un moment avec ma mère et elle m’expliquait que cette maison était la maison que papa avait construite avec l’argent gâché de son commerce. Présentement, il y avait la femme de son frère et ses enfants. Elle m’annonçait qu’Ibrahima avait pris femme depuis bientôt un mois et que sa femme est présentement à la maison. J’en rigolais en lui disant que c’était encore un gamin. Mais elle appela Mariama, la femme de d’Ibrahima pour me confirmer le fait. Elle était vraiment trop jeune et devait avoir maximum 15 ans. Je voulus protester mais me retins et me fis une raison en me disant que ce n’était pas les même mentalités. Je sortis et fis la connaissance de toute la maisonnée. Tout le monde se moquait de ma façon de parler la langue et je leur dit que je suis resté des années sans la parler. Il y avait un monde fou dans la petite concession et maman me dit qu’il fallait aussi que j’aille dire bonjour au voisin. Mais j’étais trop fatigué et préférait aller dormir. Mais avant 5 minutes, les voisines sont venir me dire bonjour et avec une chaleur et une joie qui m’étonnait. Certaines se mettaient à danser en chantant les louanges de mon homonyme, qui était ma grand-mère. J’esquivais même des pas de danse. Et ce n’est que le soir que tout le monde partit. Et je pus enfin aller dormir
Bien sur les premiers jours furent un peu compliqués car je devais m’habituer à pleins de choses. Il n’y avait pas d’electricité et pas d’eau courante. Les toilettes aussi furent un gros problème au début. Déjà elles étaient en dehors des concessions et c’était juste un trou entouré d’une palissade et sans toit. Je me disais que je ne m’y habituerai jamais mais je vous assure que l’homme est fait pour s’adapter à toutes les formes de situation. Après cela il y eu le bruit. A la maison, il n’y avait jamais de bruit, normal, il n’y avait presque personne. Du jour au lendemain, je me retrouvais dans une maison avec un brouhaha permanent. Les enfants criaient, les femmes criaient et riait, on entendait piler, le coq chantait, les moutons bêlaient. C’était incroyable et le pire je m’attendais à chaque instant à ce que quelqu’un crie à tout le monde de se taire tellement c’était fort, mais je compris que j’étais la seule qui faisait attention à ca. Mes oreilles bourdonnaient à tout instant. Comme j’avais l’habitude de parler doucement, avec le bruit, on ne m’entendait pas. Donc au bout de quelques jours j’appris à parler fort.
Le lendemain de mon arrivée, je ne pus voir mon père car maman disait qu’il n’allait vraiment pas bien. Je m’inquiétais mais Mariama, la femme d’Ibrahima me rassura en disant qu’il y avait des jours avec et des jours sans avec sa maladie et que d’ici le lendemain, il irait beaucoup mieux. Ibrahima tenait un commerce dans une autre ville et chaque matin il s’y rendait et malgré son jeune âge, il était très responsable. Je demandais à maman, ce qui faisait fonctionner la maison et elle me répondit que les affaires que papa avait laissé à Dakar continuait à fonctionner et chaque mois, on lui envoyait les bénéfices. Il avait laissé cela à un de ses proches établis là-bas. Moi qui pensait que mon père était pauvre, je me rendis compte qu’en fait tout l’argent qu’il gagnait, il le renvoyait en Guinée et c’est avec cela qu’il a avait construit la maison et apparemment, il avait investi dans un commerce de banane qui s’avérait être très productif. Et pourtant à Dakar, maman faisait le petit commerce et j’avais vraiment l’impression que mes parents étaient très pauvres.
Il y avait aussi une convivialité que je n’ai jamais connue. Je compris que si j’étais aussi renfermé c’est tout simplement parce que je n’avais personne à qui parler. A la maison, maman partais le matin, tata Sophie était une tombe, Marie la bonne était toujours occupé. A part quand j’allais à l’école, j’étais soit dans ma chambre à lire ou à regarder la télé. Ici, on n’avait jamais l’occasion d’être seule et quand je trouvai un coin tranquille pour me poser un peu, les gens me cherchaient et me demandaient si j’allais bien. Je n’avais même pas le temps de penser à mes problèmes. Finalement je trouvais un coin bien tranquille à plusieurs centaines de mètres de la maison, un peu en brousse et souvent j’y allais pour avoir un peu de calme et ressasser mes problèmes.
Car je ne cessais de penser à Demba. J’essayais de toutes mes forces de l’oublier et un moment je regrettais même de ne pas avoir répondu à ses appels. Et comme je n’avais laissé aucun contact à personne, je savais que personne ne me dérangerais ici. Je songeais aussi à maman et elle me manquait beaucoup.
Au fil des jours mon père allait beaucoup mieux. Je pris l’habitude chaque matin d’aller le voir et de rester discuter avec lui. C’était des moments que j’appréciais par-dessus tout. Je n’avais jamais vraiment discuté avec mon père, mais j’avais grandi et aussi un peu muri. Il me confia qu’il voulait que j’épouse mon cousin car il pensait que c’était la seule solution pour que je revienne vers ma famille. Ma réaction l’a beaucoup déçu et en évoquant cela, je me remis à pleurer. Finalement il ne voulait que mon bien car dans la famille, ce sont les parents qui décident du choix de l’époux de leur fille.
- Diouldé, tu étais ma fille ainée, et en te voyant grandir, tu devenais tellement belle. À chaque fois que je te voyais j’avais peur que cette beauté te fasse perdre la tête et que tu ne deviennes ces femmes frivoles que je voyais dans les rues de Dakar. Et je voulais que tu te case et ainsi je serais tranquille et quitte avec ma conscience car le Bon Dieu me demandera comment tu as éduqué tes enfants et dans ton cas, j’étais persuadé que si je mourrais sans te savoir en de bonnes mains, au fond de ma tombe, je me retournerais.
Ces mots de mon père, me finirent de briser mon cœur en milles morceaux. Je me cachais le visage dans mes mains et poussait un cri tirée du fond du cœur et qui exprimait toute ma peine. Je me mit à pleurer en sanglotant fort et ma mère entra dans la chambre et demanda ce qui se passait. Mon père continua à parler
- Ta mère est témoin de tout ce que je te dis la. Je lui disais toutes mes craintes mais elle disait toujours que ta tante était une femme bien. Je n’en disconviens pas mais, vous n’aviez aucun lien. En cas de problème elle n’aura aucun scrupule à te faire du mal. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre vous et je ne veux pas le savoir. Mais Dieu a entendu mes prières et maintenant que tu es revenue, je peux mourir tranquille
- Non papa, non, ne meurs pas, criais je en me couchant sur lui. Pardonne-moi, pardonne-moi.
Je pleurais en répétant ces mots et maman me demandait de me calmer.
Je sortis et cette journée malgré les efforts de toute la famille, je restais silencieuse et était profondément triste. Je savais que maman ne voulait que mon bien et je lui serais toujours reconnaissante de m’avoir fait entrer à l’école et d’avoir reçu une éducation et je la prenais pour ma seule famille. Après tout ce qui c’était passé, et les paroles de mon père, je ne savais plus quoi faire de ma vie. J’étais totalement perdue.
Au bout d’une semaine, je demandais comment faire pour passer un coup de fil et je compris pourquoi depuis Dakar, il était tellement difficile de parler à ma mère. Il fallait se rendre en charrette dans la ville ou Ibrahima avait une boutique. Donc un matin, je partis avec lui et j’avais un calepin ou j’avais noté le numéro de Coumba et Moha. J’appelais donc Coumba
- Diouldé, ou est ce que tu es ? J’ai essayé de te joindre et je tombais sur une Fatou qui me disait juste que tu étais partie et ne savais pas ou tu étais, crias t’elle sans me donner le temps de répondre
- j’étais morte d’inquiétude en plus, j’ai appelé chez toi, ta maman m’a raconté une histoire incroyable entre toi et son mari et m’a demandé de ne plus appeler. Qu’est ce qui se passe ma chérie ?
Je lui dis que j’allais bien et que j’étais en Guinée avec mes parents. Elle ne comprenait pas comment j’avais pu abandonner mes études pour retrouver mes parents. Je lui expliquais brièvement le problème avec tonton Farah et elle resta sans voix. Je dus dire allo à plusieurs reprises pour voir si elle m’entendait. Elle se mit à se disputer avec moi en me disant que j’aurais du lui en parler et aller chez elle. Sa mère allait m’accueillir sans problème et remis sur la table le fait que je lui cachais trop de choses et qu’elle n’aimait pas ca. Je m’excusais et elle coupa le téléphone en me disant que de toute façon, j’ai toujours été comme ca et que je ne la considérais pas comme amie. J’avais trop duré au téléphone et je n’eus plus de sous pour appeler Moha. Finalement, j’appelais juste Ibrahima pour lui dire que j’étais bien arrivé et le remerciait pour tout. Il m’avait remis de l’argent pour m’aider et je lui en serais toujours reconnaissant. Finalement je rentrais sans appeler personne d’autre. Je me dis que je ne me déplacerais plus pour appeler qui que ce soit. Je voulais refaire ma vie et oublier tout.
La vie suivait son cours et au fil des jours, je me sentais beaucoup mieux. Le quotidien était partagé entre mes discussions avec mon père et la cuisine. J’aidais ma mère et Mariama dans les travaux ménagers et on discutait beaucoup. Il y avait aussi les femmes de mes autres cousins et des frères de mon pères dans la maison, mais c’était maman qui dirigeait tout d’une main de mettre. Elle donnait des directives pour les repas et se limitait à préparer le repas de mon père. Je l’aidais et on discutait. Et c’est au fil des discussions que par mégarde je lui dis que maman m’avait chassé de la maison. Elle se figea et me regardais en me demandant si elle m’avait vraiment chassé. Je hochais la tête en lui disant que je ne voulais pas le lui dire car ca risquait de lui faire mal. En pleurant je lui dit
- néné, j’ai vécu des moments de joie car maman m’a beaucoup soutenu et aimé. Mais j’ai aussi vécu des moments difficiles ou je pensais même à mourir. Vous n’étiez pas là bas, je ne savais où aller. Je ne peux même pas te dire dans quel état j’étais avant de venir.
Je ne pouvais plus continuer et je me mis à pleurer. Ce qui me fis encore plus mal, ce fut les larmes de ma mère. Elle pleurait silencieusement et j’essayais de la réconforter
- Néné, ne pleure pas. Je vais bien maintenant. C’est du passé
- je pleure parce que c’est aussi de ma faute. Je ne voulais que ton bien en te confiant à elle. Quand tu étais enfant, un vieux a vu pour toi un avenir brillant et que tu ferais des études. Je ne le croyais pas et quand on est venu à Dakar et que cette femme s’est présenté et a voulu t’aider, j’ai repensé à cette prédiction et je me suis dit que c’est elle que le Bon Dieu a envoyé pour t’aider à réaliser ce brillant avenir. Quand ton père m’a fait part de ses rêves ou tu étais en difficulté je suis retourné le voir et il a maintenu ses paroles en disant que nul ne peux échapper à son destin. Depuis que tu es revenu, je m’en veux de l’avoir cru et de t’avoir laissé avec Fanta. Je t’ai imposé tout ca car je pensais à ton avenir. Personne ne laisse son enfant à quelqu’un de gaieté de cœur. Je ne voulais que ton bien sinon jamais je ne me serais séparé de toi.
Elle ne put continuer et recommençait à pleurer.
- Oui néné, nul ne peut échapper à son destin et c’était le mien
Elle se ressaisit et pour la faire rire, je lui parlais de tata Sophie et de ses manières.
Je n’avais plus de livre et le soir pour m’occuper, j’appelais les enfants et essayait de leur donner des cours de français. Ils me prenaient pour une petite folle mais au fil des jours, je les entendais dire quelques mots en français. Les filles apprenaient le coran jusqu’à un certain âge et allaient aider dans les travaux ménagers avant d’attendre tranquillement un mari, tandis que les hommes continuait le Coran un peu plus longtemps et allaient par la suite dans les grandes villes pour soit devenir commerçant ou chercher une autre activité. J’étais la seule à avoir fait des études un peu poussées et tout le village croyait que j’avais des connaissances dans tous les domaines. On m’interpellait pour n’importe quel problème pensant que j’avais la science absolu et ma mère ne m’aidait pas. Elle me ramenait des personnes qui me faisaient lire leurs lettres, leurs ordonnances. D’autres me prenaient pour un grand médecin et me parlaient de leur maux de tête et autres problèmes. Un vieux, me ramena un jour une vieille radio pour que je la répare. Je n’y connaissais rien, mais j’avais honte de le renvoyer alors qu’il avait tellement d’espoir. Ce jour, je dévissais la radio et souffla dedans sans grand espoir car elle n’était plus de toute jeunesse et miracle, dès qu’on remit les piles, la radio se remit à parler. Le lendemain, toues les vielles me ramenèrent leur radio, mais le miracle ne se reproduisit pas.
Je passais de très bons moments et profitais pleinement de la vie. Je me surpris à rigoler aux larmes de certaines situations avec les gens du village. J’avais l’impression de renaitre, de découvrir une nouvelle vie. Je n’avais plus cette pression, cette peur qui à la fin m’habitais quand je voyais tonton Farah à la maison. J’étais tout simplement heureuse. Je voulais ouvrir une petite école et donner des bases aux enfants mais les parents refusèrent et je me limitais aux enfants de notre concession. J’allais souvent en ville aussi pour faire des courses et me faire coudre d’autres habits. J’avais surtout des habits de ville et je ne pouvais pas les mettre. La première fois que j’ai mis un pantalon, ma mère m’a demandé d’aller me changer et donc il me fallait refaire ma garde robe.
C’est à travers la radio que j’appris que Wade a été élu président au Sénégal et je pensais à Demba. Il était très engagé à l’époque pour le changement de président et j’imaginais sa joie. J’étais aussi très contente car je me sentais sénégalaise à part entière et j’avais même ma carte d’identité. C’était les anciennes cartes jaunes et j’aimais bien la sortir pour regarder.
Ca faisait plus de 4 mois que j’étais rentré et un jour, Ibrahima en rentrant du boulot, me fit par d’un coup de fil de la part d’un certain Rassoul. Il me dit qu’il avait appelé plusieurs fois, mais comme les gens là bas ne me connaissaient pas encore, on lui demandait de rappeler le temps qu’on demande. C’est après qu’on a dit au propriétaire du télécentre qu’Ibrahima était mon frère, mais il n’avait plus rappelé. Je fus surprise de ce coup de fil et surtout comment il avait eu mon contact. Plus tard je me dis que c’était peut être Ibrahima mon cousin à Dakar qui lui avait remis mon numéro. Je promis d’appeler Ibrahima pour lui demander mais je n’eus pas le temps.
Mon père n’allait pas bien du tout et un jour, en discutant avec lui il me demandait
-Diouldé, tu prends de l’âge. Une femme doit se marier tôt sinon tu va finir vieille fille. Le vieux Souleymane est venu me voir et m’a dit que son fils t’a vu et voudrait te prendre comme femme. Cette fois je ne vais pas te forcer car je n’ai plus la force. Mais réfléchis-y.
Je pris peur à cet instant et comprit que je ne voulais pas de la vie de Mariama ou encore des femmes du village. Elles étaient certes heureuses, mais moi je savais que je pouvais avoir mieux que tout ca.
- baba, je sais que tu ne veux que mon bien, mais je te demande juste un temps avant de me marier. Je ferais ce que tu voudras, mais je veux juste faire une formation et après chercher un travail. J’ai eu mon bac et je veux continuer à étudier un peu. Je ne sais pas ou ni quand, mais je m’y remettrais. Je n’ai que 21 ans et j’ai le temps.
- huumm Diouldé, 21 ans c’est beaucoup. Khardiatou, ta cousine qui a le même âge à déjà 3 enfants.
Je rigolais en lui disant que la vie n’était pas une course.
- donc tu ne veux pas que je vois mes petits enfants me dit-il dans un souffle
Je lui pris les mains et lui dit qu’il vivrait encore des années et verrait même ses arrières petits enfants. Il sourit faiblement et s’endormit.
Cette discussion me fit réfléchir à mon avenir. Ca faisait un bon bout de temps que j’étais la et je sais que j’avais déjà raté mon année à l’université. D’ailleurs je ne voulais même pas retourner à Dakar malgré le fait que je ne cessais de penser à mon Demba. Malgré le temps je n’arrivais pas à me l’ôter de la tête. Je voulais comprendre pourquoi il était avec cette femme et si effectivement ils s’étaient réconciliés. Plein de questions me taraudaient mais je ne cherchais pas à l’appeler, ne voulant plus me replonger dans ces problèmes. J’avais tourné la page.
Les semaines passaient et je me rendis un jour dans la capitale pour trouver des renseignements sur les écoles de formation et sur les universités ainsi que les cursus qu’il enseignait. Je ne trouvais rien de bien intéressant à part une formation en comptabilité. Les chiffres m’ont toujours intéressé et je promis à la dame qui me donnait des renseignements de revenir m’inscrire. Encore fallait il que mon père accepte de me payer les études. La capitale était vivante et très animée. Je déambulais dans les rues et j’en profitais pour appeler Awa. J’avais peur de tomber sur Malik mais heureusement, c’est Awa qui décrochait. Elle criait de joie et disait qu’elle était très inquiète pour moi. Elle a essayé sans succès de me joindre à plusieurs reprises. Je lui présentais mes excuses et lui dit que j’avais fait un petit voyage mais que j’allais très bien. Elle fut contente pour moi et me demandais un contact ou elle pourrait me joindre. Je lui expliquais qu’on n’avait pas de téléphone au village mais que j’essayerai de l’appeler le plus possible. Je lui demandais des nouvelles de la petite Diouldé et elle me dit que maman avait interdit qu’on l’appelle comme ca maintenant. Ca me fit rire et elle m’expliqua que finalement elle avait déménagé et avait vendu la maison. Je l’interrompis car les unités filaient et je n’avais pas trop envie de savoir tout ca. Je le remerciais encore pour tout. J’appelais aussi Coumba qui cette fois me demandait comment j’allais et me dit qu’elle s’inquiétait vraiment pour moi. Je la rassurais en lui disant que tout allait bien pour moi. J’essayais Moha mais sans succès. Finalement j’eus Ibrahima et il me dit que sa femme était à terme. Je lui demandais si c’est lui qui avait donné mon numéro au Dr Rassoul et il répondit qu’effectivement, comme il demandait toujours de mes nouvelles, il lui a dit que j’étais retourné en Guinée chez mes parents et il a insisté pour avoir mon contact. Je le remerciais et lui dit de passer mes salutations à sa femme. J’avais oublié le bloc note ou j’avais marqué le numéro du Dr Rassoul et me promit de le rappeler.
Je passais la nuit chez une connaissance de mon père et le lendemain je rentrais. Papa n’allait vraiment pas bien et toute la nuit, mon frère lui apprit le Coran ainsi que des vieux du village. J’insistais pour qu’on l’amène à l’hôpital mais les vieux refusaient disant que l’hôpital ne pouvait rien et qu’il irait mieux. Le matin très tôt il rendit l’âme. J’étais accroupis toute la nuit à l’entré de sa chambre et j’entendais les récitations des versets du Coran. Ma mère me demandait d’aller me coucher mais je refusais et restais là-bas. Quand Ibrahima sortit au petit matin, à son visage, je sus qu’il c’était passé quelques chose et quand il me vit il baissa la tête et secoua la tête et la je compris. On était le 15 Juin c’est mon cri qui réveilla toute la maison. Mon père, que je venais de retrouver venait de mourir. Moi qui prenait plaisir à nos petites discussions, moi qui commençait à le connaitre, à savoir quel homme bien il était, voila qu’il s’en allait. En même temps, je le voyais tellement souffrir les dernières semaines que je me dis qu’il serait maintenant en paix. Homme pieux, réservé, très à cheval sur certains principes, Diallo Diery, est parti avec toute sa familles à ses cotés comme il l’a souhaité. Baba, soit rassuré tu ne recevras aucun coup dans l’au delà comme tu le craignais car tu as bien éduqué tes enfants.
Maman m’interdisait de pleurer et me demandait toujours d’implorer le Bon Dieu. Cette disparition m’affectait aussi et me replongeais dans une petite déprime. Mais comme j’étais entouré de toute la famille, tout le monde s’inquiétait et tout le monde me rassurait en apportant des témoignages sur tout le bien qu’il faisait autour de lui. Je surmontais donc cette épreuves et c’est ma mère qui se trouvait être la plus affectée. Elle portait le voile du veuvage mais je voyais bien qu’elle dépérissait malgré toute l’affection que j’essayais de lui prodiguer. Dans la même période, mon cousin Ibrahima nous informait que sa femme avait accouché et que le bébé portait le nom de mon père Mohamed. Tout le monde fut ravi de cette nouvelle et on souhaitait une longue vie au bébé.
Les mois passaient et il fut question de l’héritage. Ibrahima avait décidé de retourner sur Dakar pour s’occuper des affaires de Baba. Ma mère voulait que j’aille avec lui pour que je puisse continuer mes études là-bas. Mais je ne voulais pas la laisser seule et je lui promis d’y réfléchir avant le mois d’octobre. Ibrahima partit donc seul je lui promis de tenir sa boutique en attendant qu’il trouve un remplaçant et chaque jour j’allais là bas accompagnée de Fanta. Un matin, on vint m’appeler pour me dire de répondre au téléphone. Je pensais que c’était Ibrahima qui appelait mais quand je pris le combiné j’entendais la voix du Dr Rassoul.

Diouldé : itinéraire d'une vieWhere stories live. Discover now