Tous font bonne figure sur l'instant, compatissants et étonnés. Ethan est dépité. Le moral dans les chaussettes, il prend rapidement la direction de la terrasse après avoir assuré à tout le monde que, oui, ça allait et que oui, il a prévu de redescendre pour profiter des festivités. Mensonges.

Thomas n'insiste pas. Après une tape de circonstances sur son épaule, le guitariste rejoint Lavinia qui l'attend, encore un peu en retrait, pour l'emporter avec lui dans des aventures incroyables mêlant alcool et rock'n roll.

Vic est plus soucieuse à son égard, il le voit dans ses yeux et à ce petit sourire qu'elle esquisse. Elle est jolie quand elle se fait du souci pour lui. Ethan se sent chanceux de l'avoir auprès de lui en tout temps.

— J'suis sûre qu'elle t'expliquera, affirme-t-elle avec sincérité devant l'air déçu qu'il affiche malgré lui. Vous aurez l'occasion de la faire, cette nuit au lac, et de mettre les choses à plat aussi... Tu veux que j'te ramène un verre? C'est un remède comme un autre.

Ethan secoue la tête.

— Ça ira. T'inquiète pas.
— Reste pas tout seul toute la soirée, hein? Je suis là, moi.

Il lui offre un sourire et grimpe deux à deux les marches qui mènent sur le toit, non sans lui avoir précisé une nouvelle fois que tout allait pour le mieux.

Encore des mensonges.

***

Le ciel est dégagé, ce soir. Il fait plus chaud en ce mois d'août que quelques semaines auparavant. C'est assez agréable, Ethan laisse la légère brise lui caresser le visage sans broncher. Ça l'apaiserait presque, ce calme sur la terrasse.

Depuis le quatrième étage, on aperçoit la ville et ses lumières. Le Palais Royal - il en est sûr à présent - attire quelques touristes venus en groupes. Le nez au dessus du vide, il s'appuie sur les garde-corps pour les observer, eux qui portent des sacs à dos chargés en pleine nuit, perdus en Scandinavie. Ça lui donne envie de faire des folies, ce soir.

Quinze minutes passent sans qu'il ne s'est rende compte, absorbé par ses pensées et durant lesquelles il ne ressent pas le besoin de toucher au paquet de cigarettes posé sur le muret juste à côté.

Il soupire et consulte son portable. Aucune nouvelle, rien. Fait défiler les messages privés reçus sur Instagram, incapable de faire la distinction entre ceux importants de ceux des fans exprimant leur adoration pour ses caractéristiques physiques ou musicales, certainement plus physiques que musicales d'ailleurs. Et abandonne lâchement.

Brusquement, des pas sur les dalles le sortent de sa rêverie.

— Excuse-moi, fait son interlocutrice dans un murmure à peine audible après avoir poussé la porte vitrée dans un grincement. Je voulais pas te faire peur.

Elle est aussi grande qu'Hazel, proche du mètre quatre-vingt. Blonde et élancé, c'est ce que le batteur remarque en premier quand ses yeux l'examinent. Elle esquisse un sourire timide qu'il ne lui rend pas de suite, dans la confusion.

Puis il réalise qu'elle fait partie du staff de Måneskin - une amie lointaine, clairement plus proche de la compagne de Thomas que de lui. De ce fait, ils ne se sont jamais vraiment adressé la parole auparavant plus par manque de temps qu'autre chose. Le brun sait qu'elle s'appelle Gaia, qu'elle est plus vieille de trois ans et que, comme lui, elle est mordue de Jazz. Qu'elle les suit dans leur tournée promo depuis peu.

— Tu fumes? demande-t-il, parce qu'il ne l'a jamais vu faire
— Qu'en soirée. J'essaie d'éviter en dehors mais, aujourd'hui, c'est l'occasion de se lâcher un peu... Et puis, je savais pas que Marilou était la cousine de Vic, elle est super cool!

Elle accepte la cigarette qu'il lui offre et allume pour elle avec une motivation redoutable. Comme Hazel quelques mois plus tôt, elle tente de faire la conversation et c'est plutôt sympa, surtout qu'il n'a prévu rien d'autre ce soir.

Ils discutent de la série The Eddy qu'elle a revu récemment et dont elle adore la bande son. Ethan a l'impression de faire une énième interview ou d'être dans un jeu télévisé dans le style de Questions pour un champion tellement elle semble passionnée. Sa joie-de-vivre mêlée à cette pointe de timidité bien contrôlée le transporte et l'emballe. Il se surprend à rire de ses blagues pour de vrai.

Elle s'avance doucement et ose le rejoindre, ses coudes sur les rambardes tandis qu'elle regarde sa propre cigarette se consumer. A la manière d'Hazel. Elle n'a pas bu, il est complètement sobre. C'est un peu different de ce qu'il a connu en mettant les pieds ici la dernière fois.

— Le voyage m'a crevée, avoue-t-elle en baillant, une main devant la bouche. Je sais pas comment vous faites pour enchainer comme ça. Non mais regarde, tout à l'heure, on était en Belgique... Votre succès m'impressionne!

Ethan acquiesce.

— C'est toujours aussi fou, tu sais. Quatre ans après, j'arrive toujours pas à comprendre ce qui se passe exactement. Mais c'est grisant aussi.

Elle demeure silencieuse un instant, le regard perdu dans le vague. A tenter de comprendre ce qu'il peut vivre au quotidien, quand elle n'est plus là et que ça ne s'arrête pas. Quand il a besoin d'intimité mais que les paparazzi ne veulent rien entendre.

De là où Ethan se tient, on dirait que ses iris sont bleus mais, il n'en est pas sûr. Ça lui rappelle qu'elle n'est pas «la brune aux yeux vairons » et c'est un peu décevant au final.

Il glisse ses mains dans ses cheveux pour ne plus y penser.

— Je peux te poser une question? s'enquiert Gaia

En guise de réponse, il esquisse un sourire bienveillant.

— Cette fille, celle qui passe dans ce spot pub à la télé locale, c'est ta copine, on est d'accord?

Un temps d'hésitation.

— Plus ou moins. On se fréquente, disons. Quand on a un moment de libre. Enfin, on a tous les deux d'autres choses en tête en ce moment mais, j'l'apprécie beaucoup.
— Je comprends.

Elle tire une dernière latte sur le minuscule tube bicolore qu'il lui reste entre les doigts et dont elle recrache la fumée par nuages, le menton levé vers le ciel. Avant d'écraser ce qu'il en reste dans le cendrier d'un geste super classe.

— Si j'étais toi, j'irai la voir. finit-elle par suggérer au bout de quelques secondes de réflexion. J'irai la voir et j'lui dirai. Premièrement parce que c'est carrément une bombe atomique, cette femme, et qui n'a pas envie d'une jolie fille? Deuxièmement, et retiens plutôt ça, parce que le peu de fois où je t'ai vu avec elle, t'avais l'air drôlement heureux et c'était beau à voir.

Gaia le quitte ensuite pour se mêler à la foule restée en bas, non sans avoir insisté pour qu'il vienne danser sur une chanson qu'ils n'écouteraient pas d'ordinaire mais qui résonne même sur la terrasse tout à coup. Il refuse ses multiples tentatives de rapprochements innocents et, comme dans beaucoup de circonstances similaires, elle finit par prendre la fuite. Retourner vers les autres.

Il fume la dernière cigarette de son paquet avec quelques regrets. A complètement oublié d'ajouter d'en racheter à la liste de courses décalée de Victoria, la veille. Il faudra faire sans, c'est pas plus mal. Il aura plus de souffle pour courir avec sa sœur de retour à Rome.

Victoria fait irruption à ses côtés alors qu'il s'apprêtait à descendre pour se prendre une bière et peut-être une cuite aussi finalement. Un bras autour de ses épaules, elle dépose un baiser dans son cou qu'il n'anticipe pas et éclate de rire, légèrement bourrée.

— Edgar, susurre-t-elle à son oreille, j'ai une super nouvelle pour toi, mon chou... Ta copine vient d'arriver.

HAZEWhere stories live. Discover now