[ OS ] Avant la Fin

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Elle était pétillante.
Autant que les boissons dont elle aimait s'abreuver.
Elle avait ses petites habitudes. Au moins un jour par semaine, elle allait au snack au sud-est de chez elle, et demandait soit "comme d'hab", soit quelque chose d'un peu différent. Mais toujours, on la voyait s'installer, souvent à l'intérieur pour être plus confortable, à une place avec un soda quelconque, un sandwich du type panini, une pâtisserie ou gourmandise chocolatée, et un paquet de bonbons...
Pétillante, sucrée, souriante. Elle avait ces sourires qui nous sont suscités par une sucrerie un peu trop acide, qui tirent les commissures des lèvres vers l'extérieur, font grimacer en riant... Ces sourires communicatifs, qui attendrissent même les cœurs les plus durs, ces sourires qui semblent ne jamais pouvoir être noircis, ternis par les tristes aléas de la vie.
Et pourtant... Sa vie n'avait pas été rose bonbon. Évidemment, elle avait vécu des périodes calmes, paisibles et heureuses... Mais même si son corps ne le montrait pas forcément, son esprit avait beaucoup souffert des maux, des évènements négatifs de son passé.
Enfin... Dire que son corps ne le laissait pas voir... était plutôt idiot. Il suffisait de regarder son bras droit, complètement robotique désormais. En réalité, il était sectionné à la moitié de son biceps, mais sa prothèse recouvrait tout, de son moignon à son épaule. Elle était belle. Pâle, fine, élancée, admirablement bien réalisée autant dans l'esthétique que dans la pratique. Du beau travail... qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à produire.

Je me souviens encore très bien d'elle. Elle n'a jamais quitté mon esprit. Nous étions bons amis, collègues aussi, puisque nous avions travaillé ensemble sur quelques robots. Au fond, pour me rappeler encore si bien d'elle, j'étais peut-être un peu tombé amoureux.
Amoureuse... Elle ne l'avait jamais été. Enfin, pas Ici... Elle avait trouvé l'amour dans de nombreuses autres Réalités, mais pas dans celle-ci. Ici, tout ce qu'elle avait trouvé, c'était des personnes lui ayant permis de combler temporairement son besoin et envie insatiable de sexe, de plaisir charnel. On l'avait souvent vue avec ses partenaires, elle ne les cachait pas. Aucun n'était tombé amoureux d'elle. L'inverse n'était pas vrai. Mais elle n'avait jamais eu aucun retour. Elle avait l'air entourée, mais au fond d'elle, se sentait incroyablement seule. La pauvre Ici n'aura jamais pu combler le vide dans son cœur.

Pour compenser, elle avait dédié sa vie à aider les autres, avec ses robots, ses prothèses, ses exo- et endo- squelettes... Elle se débrouillait très bien, elle s'était fait une bonne petite renommée. Là-bas, chez elle, tout le monde l'appréciait, la chouchoutait, la protégeait, sans savoir qu'elle était leur Mère à tous.
Leur créatrice, leur Meneuse, celle qui leur avait donné la vie mais causerait aussi leur disparition définitive, leur mort, sans détour.
Et c'est arrivé.

Cela fait trois ans, désormais. Trois ans que je continue à observer un Monde vide, dépeuplé, comme si j'attendais, j'espérais le retour de feu ses habitants. La jeune femme pétillante n'est plus là. Elle est morte. Elle est morte et en mourrant, elle a emmené avec elle tout le monde, toutes ses créations, dans le néant éternel. Sauf moi, seul spectateur restant.

Quoi ? Moi ? Comment j'ai survécu ?

J'étais un rêve. J'existais par moi-même. Cela n'a pas changé.

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