L'ENFANT SILENCE

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Il était une fois, une petite fille. Mais cette petite fille était très spéciale, car elle ne disait jamais rien.
Tous les jours, elle pleurait dans son coin car elle se sentait seule... Les autres ne la comprenaient pas, alors ils se moquaient d'elle.
Cela dura jusqu'à très tard. Quand elle était petite elle répétait l'alphabet dans sa tête
''a'' comme abriter, ''b'' comme bercer le bébé, ''c'' comme chanter, ''d'' comme douceur...
Ect, ect... Tout cela en souriant tout le temps, sans arrêt. Si bien qu'elle a fini par s'en faire un masque et le garder tout le temps. Elle n'arrivait plus à s'en défaire, elle était totalement paniquée sans jamais rien montrer. Elle n'arrivait même plus à pleurer le soir seule dans sa chambre, alors elle se mit à dessiner. D'abord des dessins très mignons comme une famille devant une maison avec un grand soleil puis ses dessins finirent par s'assombrir. Jusqu'à ce qu'elle n'ait plus du tout de papier...
Ce jour là, elle décide de se dessiner dessus. Au début c'était minuscule, des petits bonhommes puis ensuite ça s'est agrandi et ses dessins parcouraient l'ensemble de son corps avec des traits très fins, très rouge. Elle faisait ça tous les jours si bien que ses bras, en tout premier finirent quadrillés par les dessins. Les jambes, les cuisses, et pour finir le torse. Elle en avait absolument partout !
La petite fille grandit et devient une jeune femme. Ça l'effraie encore plus alors l'enfant silence continue son art corporel, après de longues journées à endurer la méchanceté de ses camarades... Toujours en répétant son alphabet...
''a'' comme abriter,''b'' comme bercer le bébé,''c'' comme chanter,''d'' comme douceur...
L'enfant silence continue ainsi, de plus en plus triste, sans plus pouvoir se défaire de son masque. Il était devenu tellement vrai qu'on aurait pu croire à une autre fille... Ce masque, elle essayait de l'enlever très souvent, car il la dérangeait. Elle continuait de se débattre, et d'essayer de pleurer le soir...

Un jour, alors qu'elle continuait de se battre contre ce masque, son père entre dans sa chambre pour l'appeler à manger et il la vit, paniquée devant la glace. C'est là que le masque tombe et se brise au sol. Stupéfié, il s'approche de sa fille solitaire et la prends dans ses bras. À ce moment, toutes les larmes qu'elle avait retenu sortent dans les bras de son père et recouvrent le sol. Ce jour là, elle prononce son tout premier mot, alors qu'on croyait qu'elle était muette.

"Désolée"

C'est ce qu'elle avait dit, et le père, surpris lui demande pourquoi elle était désolée. Alors elle décide de lui montrer ses dessins sur les bras... Horrifié, il se demande où sont passées ses feuilles de papier, elle réponds donc qu'elle n'en avait plus. Il dit que ce n'était pas un problème, qu'il pouvait en racheter mais que le corps n'est pas une feuille à dessin et qu'il ne fallait jamais y toucher de la sorte. La petite fille n'arrêtait plus de pleurer, et ses larmes qui étaient noircies par la haine qu'on lui avait donné jusqu'à présent, tombèrent sur son corps.
Au début, la sensation était très désagréable. Cela lui brûlait la peau avec l'acidité des propos que les autres avaient la concernant. Puis petit à petit, les dessins sur son corps se rétrécissent, puis disparaissent. Il ne restait que des minis traces blanches comme quand on gomme sur une feuille de papier. C'était les marques qui n'allaient jamais partir. L'enfant silence qui ne savais pas vraiment parler dit du mieux qu'elle le pouvait à son père qu'elle ne voulait pas aller à l'école, que c'était trop dur et qu'elle avait peur des méchants enfants qui lui disaient de vilaines choses. Le père de l'enfant lui dit alors : "tu sais, s'ils voient que ça te fais mal ils continueront. Il ne faut pas fuir le problème mais l'affronter ! Et je ne veux surtout pas que tu mettes une armure et un masque comme tu l'as fait depuis si longtemps, cela va te nuire. J'ai une super idée, par contre... Au lieu d'endurer, et de tout retenir viens me parler. Je t'écouterai et tu verras que tout ce que tu me dis, ça va te libérer. Car ces mots qu'ils te jettent à la figure ça représente un gramme dis-toi. Un plus un plus un est égal beaucoup beaucoup ! Si tu m'en donnes une partie, ce sera plus simple à supporter, d'accord ? Et au lieu de dessiner sur ton corps, je vais t'acheter des feuilles. Autant de feuilles dont tu as besoin !"
Alors la petite fille qui était très attentive à son père se mit à pleurer de plus belle, en souriant. Elle prononce deux mots de plus : "merci, papa!"
Son père la serre donc un peu plus fort contre lui tout en lui caressant le dos.
Pendant ce temps, les larmes qu'elle avait versée firent se décolorer les murs, le plafond, et le sol. Se mêlant aux larmes, les couleurs de ceux-ci recouvèrent tous les dessins de la petite fille qui faisaient la farandole dans les airs. Ceux-ci toujours vide de couleurs et d'émotions se transformèrent et devinrent éblouissants! La petite fille se défait donc de l'étreinte de son père et lui sourit. Mais ce sourire était réel, son tout premier vrai sourire. Et c'est ainsi que l'enfant silence devint l'enfant sourire.
Elle vivait depuis cette période des jours heureux et ne se cachait plus. Elle continuait de dessiner même beaucoup beaucoup et partageait tout à son père. On dit que parfois, dans les profondeurs de notre esprit, on pouvait entendre l'alphabet de sa solitude qui répétait constamment :
''a'' comme abriter, ''b''comme bercer le bébé, ''c''comme chanter, ''d''comme douceur...
On raconte aussi que les sourires des gens sont ceux qu'elle aimait distribuer dans ses dessins.

C'était l'histoire de l'enfant silence, cette petite fille qui ne parlait jamais...

Maintenant, si vous l'entendez, c'est qu'elle veille sur vous comme son père le faisait avec elle...

L'enfant SilenceWhere stories live. Discover now