Aime-moi

1 » Interrouxption

La fin de l'été était encore chaude tandis que Lucas et Anya déjeunaient ensemble sur les pelouses du parc municipal. Assis à même le sol, ils profitaient de ce petit bout de paradis niché au plein milieu du quartier des affaires, entre deux gratte-ciels impressionnants. Le minuscule poumon vert qui les accueillait s'articulait autour d'un lac artificiel où poussaient de nombreux nénuphars. Pour passer de la rive est, où se trouvait notamment la roseraie, à la rive ouest, bien plus agréable de par ses multiples fontaines, les citadins traversaient une petite passerelle en bois blanc. Magnifiquement ouvragée, semblant dater d'une autre époque, chacun avait pour coutume d'embrasser ici celui ou celle avec qui il désirait passer sa vie. Alors qu'un couple s'adonnait justement à cette ancienne pratique, Lucas fut interrompu dans son observation du paysage par l'élévation de la voix d'Anya.

— Dis, tu m'écoutes vraiment, Lucas ?
—  Non ?

Anya soupira devant la si grande franchise de son meilleur ami. Au-moins, il n'essayait pas de lui mentir de manière éhontée... Mais tout de même ! C'était lui qui l'avait invitée ! Le minimum aurait bien été de faire semblant. Enfin, le blond n'était pas vraiment connu pour exceller dans les bonnes manières ou le jeu d'acteur, et c'était aussi pour ça qu'Anya l'avait tout de suite apprécié. Sans artifices, sincère, franc, Lucas était en tout point l'antagonisme de l'hypocrisie.

— Tu sais, ça pourrait être poli de ta part d'écouter ce que je te racontais.
— Excuse-moi Anya, je...
— C'est bon, pas la peine de chercher un prétexte ! Je vais tout te réexpliquer, comme d'habitude.

Le sourire de Lucas disait, à lui tout seul, une centaine de merci. Anya savait qu'elle y était faible, et encore fois, elle lui pardonnait tout. C'était devenu une habitude entre eux deux. D'un naturel plus raisonnable, Anya ne commettait que rarement des bourdes. Lucas, lui, s'attirait souvent pas mal d'ennuis. Il avait failli insulter la mère d'Anya lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois, la prenant pour une personne totalement impolie car elle avait remonté toute la queue dans la fête foraine locale pour retrouver sa famille. L'accident diplomatique avait été évité de justesse, et la mère d'Anya avait ri de cette mésaventure. Enfin, ces souvenirs n'étaient pas ce qui importait le plus pour Anya en ce jour. Elle s'inquiétait surtout de l'arrivée d'un nouvel habitant dans son foyer.

— Ma mère m'a dit que mon demi-frère allait revenir de Rio.
— Qu'est-ce qu'il y faisait ?
— En fait, ma mère a d'abord été avec un homme au début des années 2000. Leur union a donné naissance à mon demi-frère. Puis, ils se sont séparés. Ma mère a décidé de rentrer en région parisienne, tandis que son ex-mari et son fils sont restés en Amérique du Sud.
— Et par la suite, elle a rencontré ton père, c'est ça ?
— Oui ! Mais il est mort quelques semaines avant ma naissance, dans un accident de voiture alors qu'il était à Hong Kong.
— Je suis encore...
— Bworf, t'inquiète pas, je ne l'ai jamais connu donc sa mort ne m'a jamais vraiment touchée.

Pour rendre l'atmosphère plus légère, Anya sortit les sandwiches qu'elle avait préparés pour Lucas, qui sortait quant à lui la tarte aux fraises qu'il avait confectionné. Ils aimaient tous les deux la cuisine, notamment car cela leur permettait de manger des bons plats. Les deux gourmets avaient donc l'habitude de se partager les tâches à chaque repas commun qu'ils organisaient, afin de pouvoir profiter des meilleures recettes de chacun ! Et cela ne faisait nul doute pour Anya que Lucas était le meilleur pâtissier de son entourage, tout comme Lucas croyait dur comme fer qu'Anya faisait les sandwiches mieux que personne. En plus, le début de leurs pique-niques avait permis à Lucas de sauver son portefeuille : il avait pris l'habitude d'aller au Subway en face de son collège régulièrement. Depuis qu'ils mangeaient ensemble, il avait vu le prix de ses repas presque divisé par deux, un grand soulagement pour les économies de sa mère.