Introduction

Depuis le début
                                    

- Je percerai encore plus vite dans l'ancien monde que dans le nouveau. Je suis prêt! se dit-il intérieurement.

Il n'en pouvait plus. Il étouffait même. Croupir dans les fers, parmi ces hommes qui n'acceptaient pas, qu'en cette ère nouvelle, les individus du monde puissent avoir des couleurs et des choix distincts, était une chose aussi insupportable que de ne plus avoir de vie. Pour lui qui était né avec la peau brune, mais plus claire que nul autre et des yeux aussi bleus qu'un océan concentré dans une seule pupille.

- Vos papiers ! invectiva l'agent des douanes.

Théobald les chercha docilement et les tendit à l'agent moustachu. L'homme, la quarantaine passée, grand, blond et sec, n'était pas commode mais il y avait une douceur dans ses traits qui montrait le contraire. Un fort contraste entre l'être et le paraître.

-D'où venez-vous ? demanda-t-il ce dernier sèchement.

- Du Michigan, monsieur ! répondit l'élégant homme.

Le douanier l'inspecta sous toutes les coutures et après quelques secondes...

-Tenez, dit-il en lui tendant son passeport. C'est par ici...

Théobald respira en prenant la passerelle qui menait à l'Océanic.

À l'âge de dix-huit ans, après que son père qui possédait des terres lui ait légué une partie de ses biens, le jeune homme partit pour un long périple, laissant derrière lui désolation et tristesse, pour être hors de ses contrées encore inhospitalières. En route pour son destin, sur le bateau qui menait en Angleterre, il rencontra celle qui changerait sa vie...

****

Il sortit de sa cabine où il faisait trop chaud et se retrouva sur le pont où une cinquantaine de personnes se promenaient, lorsqu'il fut ébloui. Le soleil d'été lui grilla les rétines, il fit un geste de la main pour ne plus en être importuné. Lorsqu'il couvrit son visage, il la vit.

Elle avait ce charme étrange qu'aucune des femmes qu'il avait rencontrées ne possédait. Une longue chevelure noire de jais tombait sur ses hanches de pucelle. Elle paraissait candide, même si elle possédait déjà une beauté aussi frappante qu'un coup de maillet de dix tonnes.

Pourtant, il n'osa l'approcher.

Pas le premier jour du moins...

Il la suivit des yeux, la dévorant de son regard curieux. Dès qu'elle posait les yeux sur lui, il détournait maladroitement les siens. Non qu'il n'ait jamais eu affaire aux dames, mais celle-ci avait une aura particulière, une ombre aussi douce qu'acide.

- Pourquoi ? demanda-t-elle subitement en se dirigeant vers lui. Pourquoi me suivez-vous ainsi depuis notre départ ?

Théobald ouvrit les yeux sans pour autant répondre à son interpellation. Néanmoins, en la voyant tourner les talons...

- Je vous trouve charmante, voilà tout ! complimenta le jeune homme en baissant les yeux.

L'adolescente se figea. Elle aussi le trouva joli, avec ses longues boucles noires, sa peau basanée luisant sous la lumière et son visage aussi fin que celui d'une fille. Lorsqu'elle se rapprocha, elle crut voir scintiller ses yeux d'un bleu perçant. Il avait reçu cet attribut de sa mère qui les nommaient, yeux du malheur et disait avoir plusieurs vies à son actif.

Il portait ce jour-là un élégant costume blanc orné d'une broche dorée, à ses initiales. Le vent collait l'ample vêtement sur sa peau et balayait sa chevelure ondulée de ses doigts agiles. Le jeune homme était beau mais pas seulement. Il y avait dans la couleur de sa pupille, quelque chose d'irrésistible et d'attrayant.

Tue-moi lentementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant