Le signal sonne frénétiquement et je stoppe brutalement. Là, devant nous sur ce qui devait être un banc se tient une petite silhouette recroquevillée. Les deux caniches l'encerclent, empêchant toutes tentatives de fuite.

J'ouvre la portière de la voiture. Je suis équipée d'une tenue de protection intégrale qui régule la pression et la température. L'oxygène dehors est saturée en gaz sulfuré. Je sors rapidement et referme la portière. Mes bottes noires forment un contraste saisissant avec la neige au sol. Le silence est brisé par le vrombissement des caniches et leurs lasers pointés sur la cible. J'ajuste mon arme de poing et avance doucement en direction de la prise.

J'entends mes pas crisser sur la neige. J'initie un scan de l'environnement pour vérifier qu'il n'y a pas d'autre présence. Je suis attentif à tous signes de chaleur. Les morpions qui vivent maintenant dans les souterrains ont appris à masquer leur signature. Je continue à progresser en notant le très faible signal devant moi en provenance de la personne assise. Je suis interloqué...comment un morpion des profondeurs aurait pu activer le signal ? Je m'approche rapidement. La personne ne bouge plus depuis un certain temps. Elle sait qu'elle ne peut rien faire si elle ne veut pas finir tailler en pièce par les caniches. Je souris à mes deux jouets. Ces sales petites bêtes sont des bijoux de technologie. Arrivé à portée de voix :

« Levez-vous, mains sur la tête en évidence et pieds écartés ». Ma voix, déformée par le casque, gronde.

Très doucement, la personne devant moi se lève. Elle est petite,1 m 60 peut-être. Un jeune garçon ? Il écarte les jambes et place ses mains sur sa tête, sans se tourner vers moi.

« Tourne-toi ! » j'aboie les ordres... je n'ai pas envie de rester longtemps dans cette zone.

Doucement, comme si chaque geste se faisait au ralenti, il pivote vers moi en gardant la tête baissée, le visage masqué par une capuche et son masque.

« La capuche, ôte-là tout de suite. »

Une des mains s'agrippe au tissus. Je ne sais pas si c'est pour la maintenir au cas où je l'arracherais ou pour découvrir sa tête.

« Magne-toi ou je lâche pédro le caniche sur toi. » Ma menace le fait frémir. Rapidement, il tire sur sa capuche protectrice, dévoilant son visage.

Un instant, je reste saisi. Je sais ce qu'elle est. J'avais bien sûr espéré depuis l'activation du boitier, mais les chances étaient tellement faibles. Depuis deux ans, plus une seule n'avait activé le bouton de protection. Putain, c'est bien une veilleuse!

Je sens mon sang bouillir dans mes veines et ma queue durcir instantanément. A travers son masque, je n'aperçois que ces yeux verts, étrangement détachés mais si caractéristiques. Mon contrôleur de constante vitale s'emballe frénétiquement. Je dois me calmer si je ne veux pas prendre une dose de relaxant par intraveineuse. Je ferme un instant les yeux et ajuste ma respiration. Elle doit savoir ce qui m'arrive car je lis maintenant de la peur dans son regard.

Je m'approche lentement d'elle. Je suis suffisamment fort pour arriver à reprendre le contrôle de moi. Je me méfie également : tout cela ressemble à un piège.



Il est immense. Tout de noir vêtu, je ne distingue que ses yeux. J'y ai lu le choc, puis rapidement autre chose. Une pulsion animale, une faim. Je sens un frisson de peur me remonter l'échine. Je veux fuir, mais j'en suis incapable. Il s'arrête, respire et expire lourdement. Lorsqu'il me regarde à nouveau, je vois que la bête ne le domine plus, mais elle reste tapie.

J'ai peur et j'ai froid. Je regarde le sol devant moi et j'entends très faiblement des éclats de rire d'enfants jouant dans la neige. Mon rêve s'éteint. Pourquoi moi, pourquoi nous ?

Les armes laser sont toujours fixées sur moi. Au moindre faux pas, elles peuvent me découper ou me griller. L'homme est maintenant devant moi. Il tend son bras et me saisit le coude. Son contact me tétanise. Il me tire vers lui. Il serre trop fort, je sens ses doigts s'enfoncer dans ma peau. Il fait courir ses mains rapidement sur mon corps, me palpant pour vérifier que ne je porte pas d'armes ou de détonateur. Je frémis lorsque ces doigts s'arrêtent sur ma poitrine, puis descendent plus bas, entre mes jambes. J'ai envie de le frapper et de m'enfuir en courant mais je reste paralysée. Sa respiration est plus lourde, sa main moins rapide et plus pressante. Je me sens humiliée et dégoutée. Il se redresse rapidement et me saisit à nouveau. Je suis brutalement traînée vers la voiture de patrouille.

Il déverrouille la porte et me pousse sans ménagement à l'arrière. Mes mains sont toujours prisonnières des siennes. Il active un bracelet électromagnétique qui vient encercler mes poignets et mes pieds. Je suis prisonnière.

Il s'assoie prestement à côté de moi. L'habitacle semble rétrécir instantanément. La portière se ferme derrière lui et il claque un ordre au conducteur. Je sens la voiture démarrer rapidement.

Il continue à parler à son équipier mais le mode silencieux doit être activé car aucun son n'arrive à moi. Je m'enfonce dans le siège, appréciant un instant la chaleur et le confort du véhicule. Cela fait très longtemps que je n'ai pas été à l'abri du vent et du froid.

L'homme à côté de moi est en train de se déséquiper. Je ne distingue toujours pas ses traits.


D'ici moins de trois minutes nous serons au centre. J'ai activé un code écarlate, ce qui signifie que personne ne pourra voir le colis que nous ramenons. J'ai fait sécuriser l'ensemble des accès pour pouvoir l'amener directement dans la zone médicale. Je coule un regard de son côté. Elle fixe l'avant du siège. Elle a l'air paniquée et résignée.

J'ai dû faire injecter une dose de relaxant à David. Lorsqu'il a compris la teneur de mon colis, j'ai senti son pouls s'emballer dangereusement.

La question maintenant est de savoir ce que je veux faire. Les lois en vigueur il y a trois ans n'ont pas été abrogées. Je pense que personne n'y a vraiment pensé et à l'époque, c'était le seul moyen d'éviter une guerre civile.

Donc, oui, je pourrais facilement m'octroyer ma récompense.



Nous arrivons dans ce qui ressemble un garage blindé et la voiture stoppe brutalement. La lumière crue des néons semble nous attendre. Sans dire un mot, le conducteur coupe le moteur. Mon gardien ouvre sa portière et sort de l'habitacle. Je l'entends qui contourne le véhicule avant d'ouvrir ma porte. Je n'ai finalement plus envie de sortir : la voiture m'offre l'illusion d'un cocon protecteur. Je fixe le siège droit devant moi et tente de réguler ma respiration. La peur me noue le ventre, j'ai envie de vomir. Je ne suis même pas sûre d'arriver à sortir de ce siège sans m'effondrer par terre.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 20, 2021 ⏰

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