Chapitre 18 - Vie au palais

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— Désirez-vous quelque chose, Monsieur ? Je peux vous l'apporter !

— Non, merci, répondit calmement Frère Albin, qui savait que, si l'on pouvait croire qu'il avait des privilèges, des serviteurs... il était en réalité prisonnier !

— Mais vous n'avez rien mangé depuis hier !

— Madame, je n'ai pas faim, répliqua Frère Albin.

La jeune femme rougit en se voyant traitée si poliment, si différemment de ce qu'on lui réservait habituellement, à elle qui était à peine plus qu'une moins que rien, qu'une esclave. Elle continua pourtant :

— Mais...

— Je n'ai pas faim ! la coupa le moine.

Déçue, la domestique sortit de la pièce.

Frère Albin se leva alors du canapé sur lequel il était assis, replaça le coussin décoré de motifs bleus, roses et violets, puis il se mit à faire les cent pas dans sa chambre.

Il réfléchissait à la manière de s'échapper de sa cage dorée. Il connaissait certes les passages secrets du palais, mais il ne pourrait jamais en atteindre un seul s'il restait constamment sous surveillance.

Il avait pensé passer de nuit par la fenêtre, mais il s'était ravisé : il n'avait plus l'âge de faire de l'escalade, et il se trouvait en haut d'une tour d'où il ne pourrait que s'écraser une vingtaine de mètres plus bas, sur le toit des écuries.

Son impuissance le fit rugir, et on frappa à sa porte. Sans doute le garde qui l'avait entendu.

— Entrez, fit le moine.

Il observa l'homme qui se tenait face à lui, vêtu de haillons et de grosses bottes noires trop grandes pour lui.

— L'Empereur Noxara veut vous parler, expliqua le domestique.

Oh, non ! pensa Frère Albin. Noxara allait lui réclamer des réponses. Celui-ci avait déjà attendu une semaine ! S'il ne cédait pas, il serait torturé...

C'était la fin.

Un garde apparut à la gauche du serviteur.

— J'arrive, soupira Frère Albin en s'avançant, voix tremblotante.

Dès qu'il fut arrivé à son niveau, le garde lui attrapa le bras et l'entraîna dans les escaliers et couloirs. Frère Albin songea qu'ils n'avaient jamais été aussi sombres.

À mesure que les salles défilaient, le rythme cardiaque du moine s'accéléra : il mourrait certainement bientôt. Mais il avait encore plus peur de l'interrogatoire que Noxara allait lui faire subir.

Il espérait ne pas craquer, ne rien trahir.

Sous la pression de la torture, qui pouvait être sûr de résister ? Au plus profond de son être, comme la lame glacée d'un poignard qui s'enfonçait dans son cœur, une certitude s'ancra : il devait mourir avant de flancher.

Soudain, des bruits de pas claquèrent derrière eux ; son escorte se retourna brusquement et poussa un cri de rage tandis que le domestique fuyait en hurlant...

Le Démon aux yeux rouges - Tome 1 - Le Royaume des GlacesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant