- Certes, mais je suis sûr qu'il y a une raison à cela.

- En effet, la raison en est qu'il est déjà fiancé à une femme merveilleuse, et qu'il ne peut aimer une fille comme moi. Je ne suis pas la fille la plus belle de la terre, je suis timide, réservée, maladroite et peu sociable, alors dit moi, qu'est-ce qui pourrait attirer chez moi un garçon ?

- Tout simplement le fait que tu sois toi, répondit avec simplicité Rory. Car il n'y en a pas deux comme toi dans le monde. Tu es absolument unique.

Carmella le regarda avec une vive émotion, touchée par ses paroles venues du plus profond de son cœur. On peut tomber amoureux, mais il ne faut jamais perdre de vue que la famille est toujours là, n'attendant que de vous offrir tout l'amour qu'elle a pour vous. Car que représente un amour naissant face à l'immensité de l'amour d'une famille qui vous a chéri depuis votre premier instant, depuis vote premier souffle, depuis votre premier sourire ?



Franchissant enfin la grille en fer forgé aux armes de la maison, Carmella retint son souffle. La dernière fois qu'elle était venue ici, c'était lorsque son oncle l'avait enlevé pour la marier de force contre Julius. Enfin, de force, c'était elle qui avait accepté sous l'odieux chantage qu'il lui avait proposé. Comment aurait-elle pu refuser ?

Quand l'attelage s'arrêta devant le perron, Richard descendit d'un geste empli de souplesse pour contempler sa demeure retrouvée.

S'étonnant de ne pas voir Carmella le rejoindre, il se retourna pour trouver sa sœur complètement figée, les yeux fixés douloureusement devant la maison de son enfance. Jamais son frère n'aurait pu imaginer le défilé d'images qui se succédaient dans sa tête. Tous ces affreux souvenirs qu'elle accumulait depuis deux ans dans cette demeure. Elle se revit, battue, insultée. Elle se souvint brusquement de cette chambre sale du grenier, de ces travaux forcés tandis que Cheryl paradait avec ses plus belles robes, dans sa propre chambre. Elle repensa à Julius et ses incessantes tentatives de la piéger, de profiter d'elle sans le moindre complexe.

Des larmes emplirent ses yeux, et c'est un visage bouleversé qui vint se river au regard de Rory.

- Carmella ? Qu'y a-t-il ?

Carmella se contenta de tourner la tête frénétiquement de droite à gauche.

Rory s'approcha d'elle, lui serra la main avant de réitérer sa question.

Finalement, c'est d'une voix saccadée que Carmella répondit :

- Je ne peux pas aller dans cette maison.

- Mais Carmella, c'est la nôtre.

- Non, c'est la tienne. Je regrette, cette maison ne pourra plus jamais être la mienne.

- Je comprends... Mais il te faut oublier ces deux dernières années pour ne plus que te rappeler de celles d'avant, tu veux bien ?

- Tu ne comprends pas. Même si je le voulais, jamais je ne pourrais oublier ces deux dernières années et le fait que cette maison a été ma prison. Je n'y serais plus jamais à ma place. Je ne pourrais même plus reprendre ma chambre sans penser à Cheryl. Où que j'aille, chaque pièce me rappellera mon passé Rory.

- Je comprends, mais...

Carmella ne le laissa pas en dire plus.

- Cette maison a peut-être été la mienne, mais elle ne l'est plus.

Et, au plus profond de son cœur, elle savait que ce qu'elle considérait comme sa maison appartenait à un autre qui ne voulait plus d'elle.

À cette pensée, une larme amère roula le long de sa joue, tandis qu'elle suivait son frère jusqu'au perron, le regard morne, le cœur lourd.




Ce destin qui nous lieWhere stories live. Discover now