6

8.7K 1.5K 60
                                    

Si je reste...
Chapitre 6.

-

-

-

J'en ai pleuré car je ne voulais pas lui ressembler ni physiquement ni moralement.

Tout de cet homme me dégoûtait et pourtant je restais là à le regarder se frotter le menton, faire mine de renifler, arquer et hausser furtivement ses sourcils, tout ce que je fais quand je suis nerveux ou que je dois parler en public.

Merde, nous avons les mêmes tics, c'est incroyable. Nous avons nos mêmes yeux, c'est déconcertant. Fallait pas... Fallait pas que je me rende compte de ça. Fallait pas qu'il soit une copie de moi avec des années d'écart.

Ils m'ont eu très tôt ma mère et lui, c'est pourquoi il est encore jeune aujourd'hui ou du moins conserve un corps qui me semble solide. 

Maman avait 16 ans quand elle m'a eu. Je savais par ma grand-mère et mes tantes qu'elle était une bonne à Dakar et que le fils de son patron l'avait engrossé pour ensuite l'abandonner, nous abandonner mais ma mère me répétait sans cesse que ce n'est pas vrai et je l'ai cru. J'ai toujours cru qu'il ne m'a pas abandonné mais qu'il est mort.

Ma mère travaillait durant les grandes vacances pour pouvoir se payer ses fournitures scolaires et donner le reste à ma grand-mère.

Pourquoi ne s'est-elle pas juste limitée à faire son travail ? Pourquoi est-ce qu'il a fallu qu'elle s'attache à une telle pourriture que Séga Diouf ?

Je dois être né sous une mauvaise étoile. C'est anormal d'être aussi malchanceux.
Pourquoi personne ne veut de moi?
Personne n'a jamais voulu de moi.

Ma mère m'a toujours vu comme la plus belle erreur de sa vie. Elle ne s'est jamais inquiétée de ce que je pouvais ressentir.
Quand je lui faisais part des méchancetés que débitaient mes tantes et ma grand-mère à propos de mon père, elle me disait juste :

- Sois un homme Mignane et arrête de te plaindre. Dans un monde meilleur tu aurais connu ton père et tu serais fier de lui. Sois un homme s'il te plaît.

Pour un gamin de 15 ans, c'était quand-même trop me demander et je ne comprenais pas vraiment le sens de ses paroles.

Aujourd'hui je le connais mais je ne suis pas fier de lui. Désolée maman.

J'ai quitté le meeting pour rentrer chez moi mais j'avais toujours son image en tête. J'aurai tellement aimé ne plus le voir mais il est sur toute les chaînes de télévision, radio et site internet.

Comme je n'avais pas décidé de la suite à donner à ma situation, j'ai jugé inutile d'en parler avec ma femme. Mais à Ousmane je lui en parlerai et je le fis une fois au boulot.

- Tu veux dire que tu es le fils du ministre ?

- Je crois bien que si.

- J'y crois pas.

- Tu n'es pas obligé.

- Je viens de me rendre compte que vous avez des traits de ressemblance. C'est incroyable.

Il était visiblement émerveillé.

- Mec faut qu'on lui dise ça ? Dit-il.

- Dire quoi?

- Au ministre que tu es son fils. Peut-être qu'il te cherche lui aussi. Je connais son garde du corps personnel.

Pour info, Ousmane est le type qui a des amis partout. Au bureau on l'appelle ''Carnet d'adresse''.

Si je reste...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant