Chapitre 5

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Les journées qui s'ensuivirent furent bien monotones, et je ne savais si je devais m'en réjouir, ou non. Le jour du départ approchait, et l'excitation mêlée d'une irrépressible angoisse pour certains, une émotion qui se rapprochait de la hâte pour d'autres, se faisaient ressentir dans notre pauvre campement.

Depuis qu'Aslanov et Katanov partageaient notre quotidien, probablement semblable au leur en Russie, Tran se montrait de plus en plus exigeant envers nous, beaucoup plus sec dans ses ordres, qu'il, comme à son habitude aboyait, et parfois même brutal. Il n'avait pas hésité à sensiblement réduire nos rations, même celles des plus jeunes, pour que ses invités puissent manger un "minimum convenablement". Si, tout comme Vedius Pollion, célèbre personnage du I e siècle avant J.-C., il avait ordonné qu'un de nous soit exécuté pour avoir mal fait un labeur qu'il jugeait simple, je n'aurai pas été étonnée. Cependant, je doutais qu'un bienveillant Auguste soit venu à la rescousse de sa victime.

Souvent, on pouvait entendre chuchoter des ragots aussi faux que puériles sur différentes personnes du campement, ou sur le monde du dehors qui "selon lui là-bas est encore plus beau qu'avant" ou "la catastrophe avait pour but d'éliminer les autres, nous avons été choisis pour rester sur Terre et accomplir une mission céleste." Je riais intérieurement de ces informations circulant, mais m'y accrochais parfois, comme à une bouée. Il fallait entretenir l'espoir n'est-ce-pas ?

Vint enfin le jour du départ.

Les préparatifs, volontairement bâclés, accentuaient l'agitation, qui était pourtant déjà à son comble.

Je me moquais du peu de personnes ravies de quitter l'endroit, persuadée que les conditions de vie seraient meilleures ailleurs, et pourtant, un étrange sentiment persistait dans le creux de mon ventre, comme si au fond de moi, j'espérais encore.

"Vous, là ! vociféra notre bon vieux chef, qu'est-ce que vous faîtes ? J'avais ordonné que la to-ta-li-té des survivants soient regroupés devant la grande porte ! Hop ! On se dépêche si on ne veut pas mourir ici !"

Détournant mon regard de son visage pivoine fumant d'un courroux injustifié, je pus l'entendre murmurer :

"Y'en à que neuf, heureusement que les autres sont morts, ça serait ingérable."

À ce moment, je me surpris à lui décocher un regard noir, exprimant bien la haine et le dégoût qu'il m'inspirait. Sans plus rechigner, je me rendis d'un pas rapide et tremblant de colère vers la porte censée nous libérer à tous jamais des entrailles de notre campement renfermant tous nos démons.

Sans grande surprise, j'aperçus Aslanaov et Katanov monter la garde devant, conseillant d'un ton prévenant voire aimable, de ne pas trop s'en approcher pour le moment.

Autour de moi, j'entendais des chuchotements appréhensifs de ce que pouvait bien cacher cette porte, tandis que la boule au fond de mon ventre prenait de plus en plus de place, grignotant quelques uns de mes doutes pour les remplacer par d'autres.

Lorsque Tran arriva je sentis frémir les survivants autour de moi, mes poils se hérisser sous mes vêtements sales et usés, et l'atmosphère s'alourdir visiblement. Étonnement, il ne souffla mot et adressa un bref signe de tête aux deux gardiens, qui le lui rendirent, l'aire grave.

"Ceci n'est pas un entraînement, commença Katanov.
-Bien qu'il eut été préférable d'en faire un, ajouta Aslanov d'un ton lourd de sous-entendus."

L'ignorant superbement, le capitaine continua.

"Vous risquez votre vie. Le monde extérieur a totalement changé.
-Tout ce que vous connaissez a soit disparu, soit s'est adapté à son nouveau lieu de vie, compléta la commandante en croisant des bras sur sa poitrine."

IncandescenceWhere stories live. Discover now