Chapitre 2

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Un bruit retentit. J'avais peur.

J'entendais un bruit, aigu, des cliquetis. Du métal, voilà, c'était du métal. D'où venait-il ? Je l'entendais, partout autour de moi. On aurait dit des chaînes, s'entrechoquant à l'infini. Des chaînes... Était-ce au fond ce qui nous rattachait à la vie ? Moi, je n'avais pas envie d'être enchaînée, mais je ne voulais pas mourir non plus.

Je tournais vivement la tête autour de moi, formant un arc de cercle avec mon bâton. Mes yeux, bandés, se dirigeaient tantôt vers la droite, tantôt vers la gauche, parfois vers le haut, mais jamais vers le bas. D'où venait ce bruit ?

Mon rythme cardiaque s'adapta à la fréquences de ces bruits métalliques. Je sentais mon coeur battre à m'en déchirer la poitrine. Mais pourquoi avais-je peur de simples cliquetis ? Pourquoi la présentation de Tao, cinq ans, baignée de larmes n'était qu'un bruit de fond, alors que, comme tous les autres, j'aurai dû m'étouffer dans mes sanglots en entendant son terrible récit ?

Le bruit se rapprochait. D'où venait-il ? Était-ce le fait de ne pas voir qui me terrifiait tant ? J'avançais, voulant échapper à ce sombre enfer qu'est d'entendre sans voir.

Le bout de bois me servant de troisième œil heurta plusieurs murs, quelque fois le sol, me faisant trébucher à loisir.

Je n'entendais plus les chaînes. J'étais ravie. Mais en revanche, j'entendais des pas. Je n'étais pas en danger, ici, je n'étais plus en danger. J'essayais de me répéter cette phrase, me convaincant que je ne risquais rien, mais mon coeur continuait de tenter de s'échapper de ma cage thoraxique qui le maintenait prisonnier. Après tout, ces gens avaient sauvé ma vie. Et celles de vingt-neuf autres chinois. Pourquoi me voudraient-ils subitement du mal ?

Je marchais encore, ignorant les bruits de pas dont je ne savais s'ils n'étaient qu'un simple écho aux miens, ou ceux de quelqu'un d'autre, jusqu'à ce qu'une odeur putride me transperce les narines. Retenant un haut-le-coeur, je pressais mes mains contre ma bouche en me penchant en avant, laissant ma canne pendre dans le vide.

Il faisait froid dans cette pièce atrocement froid, comme dans une chambre froide. Comment se faisait-il que la température change, instantanément ? J'étais sûrement entrée dans une autre pièce, mais j'étais étonnée qu'ils aient trouvé un moyen de climatisation après l'explosion du Soleil qui avait tout bonnement saccagé la Terre. Les objets électroniques ne devraient plus fonctionner.

Les bruits de pas continuaient, ils se rapprochaient. L'auteur s'amusait-il à me voir ainsi, terrifiée sans avoir où j'étais ?
Un sentiment de haine se mêla à celui de peur qui me broyait les entrailles.

Les pas s'arrêtèrent brusquement, me laissant pantoise. Je sentis un souffle chaud et rauque dans ma nuque. Sursautant, je reculais vivement et posais mes mains sur quelque chose de froid.

Sous mes doigts bandés, je sentais un relief : des trous, des bosses, du liquide séché, le tout était mou. Je pouvais enfoncer mon index dedans, par exemple. Pourtant, sous cette mollesse reposait quelque chose de dur, de cartilagineux, de...

Un visage. Mes paumes étaient posées sur le visage d'un mort.

J'hurlais, faisant un bon en arrière en me rendant compte de ce que je touchais. Secouant mes mains, je continuais d'hurler, en proie à l'hystérie et à la terreur.

Une main, chaude donc appartenant à quelqu'un de vivant, se posa sur mon épaule.

Redoublant de hurlement, j'agitais ma canne autour de moi, espérant me défaire de ce contact.

L'air froid, humide et putréfié s'engouffrait dans ma bouche, dans mes narines, envahissant mes poumons, tandis que ma canne me fut doucement arrachée des mains.

IncandescenceKde žijí příběhy. Začni objevovat