Chapitre 4

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Lorsque la première balle avait fusée dans un vrombissement sonore, explosant la tête d'un malade dont les sanglots d'incompréhension et de peur se noyaient dans les méandres du silence, j'avais détourné la tête, la bouche tordue en un rictus de tristesse mêlée de colère. Même si je ne pouvais pas voir, je ne voulais pas donner l'illusion d'observer cet affreux spectacle.

Je n'étais pas venue par plaisir, mais par opposition. J'avais, la journée même, tenu un discours sur la lâcheté au chef du camp. Que se serait-il passé si je n'étais pas venue ? Si je n'avais pas dit au revoir à ces personnes à qui j'avais pourtant promis la liberté ?

Une nouveau coup de feu retentit. Pinçant les lèvres, je baissais la tête, refoulant de grosses larmes, tandis qu'une troisième fois, une balle vint traverser le crâne d'un autre patient.

Lorsque le quatrième coup de feu retentit, je m'élançais vers la sortie, les jambes flageolantes et le corps soulevé de haut-le-coeurs. Avant de trouver la porte, je fonçais dans un mur, ce qui n'atténuait en rien ma tristesse, ma colère, et ma honte. Personne ne se ria de moi, l'heure n'était pas à la rigolade.

Mes jambes me portèrent jusqu'au dortoir, avant que je ne tombe, sur mon lit de fortune. Je n'avais jamais vu le dortoir, mais il y régnait une odeur nauséabonde et une atmosphère glaciale. Personne ne s'y rendait lorsque ce n'était pas une nécessité. Le chef avait même séparé les filles des garçons, question de principes, disaient-il, mais je doutais qu'avec uniquement dix survivants, il en serait toujours de même.

Petit à petit, le dortoir se remplit. Les lits appartennant aux cadavres, inoccupés, le restèrent. Je comptais au nombre de pas que les sexes étaient toujours séparés.

Cette nuit là, je ne dormis pas, troisième fois depuis la catastrophe qui avait ravagé notre système solaire. Cette nuit là, je pensais, et mes silencieuse pensées étaient bercées par les respirations fluettes et les ronflements sonores.

Le lendemain, le camp fut debout très tôt, en alerte. Et encore plus que d'habitude. La raison ? Un convoi venait d'arriver, apportant avec lui les nouvelles du monde extérieur.

Le dirigeant se pressait pour faire de l'endroit un magnifique lieu débordant de joie et de vie, et surtout pour éliminer l'horrible odeur de moisie à laquelle, je ne saurais dire si heureusement ou non, nous nous étions habitués.

Depuis quelques longues et agaçantes minutes, les neuf survivants chinois étaient réunis dans ce qui était nommé la grande salle, le chef nous faisant face. Les consignes avaient été telles que désormais, il nous était interdit de jacasser, de rire, de geindre, de chuchoter, ne serait-ce de tousser en présence de ces nouveaux invités à qui nous devions faire "honneur et bonne impression". Je me demandais bien pourquoi. Et puis, depuis quand l'absence cruciale de vie faisait bonne impression ? C'est pourquoi il régnait un silence de mort dans l'endroit. Sympathique comme première visite.

Ce fut quelques ennuyeuses minutes passées à torturer mes mains plus tard, que les invités arrivèrent. Au nombre de pas, j'en comptais deux, et je trouvais immédiatement qu'avec le peu de survivants sur la population mondiale, envoyer deux personnes étaient de trop. Si j'avais pu voir, j'aurai juré que le chef avait mis un genou à terre et rampait devant leurs chaussures faîtes en je ne sais quels matériaux.

"Capitaine, commandante, c'est un honneur, déclara-t-il d'une voix beaucoup plus mielleuse qu'à l'ordinaire. Laissez-moi vous présenter -je supposais qu'il nous parlait étant donné le ton sec et antipathique qu'il empruntait- le capitaine Katanov et la commandante Aslanov."

Leur nom laissait imaginer leur nationalité russe.

"Nice to meet you, commença Aslanov dans un parfait anglais imprégné d'un fort accent russe et d'une pointe de chaleur. Do you speak english Tran ?"

IncandescenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant