Chapitre 3 : Dark Paradise

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                Ellie laissa ses pieds frotter le long des dalles du carrelage, se fichant éperdument du bruit que ses haut-talons faisait contre le sol. Son ivresse était désormais redescendue et il ne lui restait plus que ce mal de tête insupportable. Il était sept heures du matin et elle rentrait de sa longue nuit à errer dans les rues parisiennes. Hier soir, Lucas l'avait plaqué définitivement et la jeune fille n'avait rien trouvé d'autre à faire que de boire pour soulager sa peine, comme d'habitude. Un rot bruyant sortit de ses lèvres et le goût amer de vodka, gin et tequila mélangés lui fit un haut-le-cœur. Elle s'arrêta près de l'évier de sa cuisine, se cramponnant au bord de sa table en bois, et attendit que la nausée s'en aille.

Soudainement, elle entendit des bruits de pas venir à elle et la lumière s'alluma brutalement dans la pièce, lui brulant les yeux au passage.

— Ah non pas ça, grimaça-t-elle en se tenant la tête de douleur.

— Ellie, souffla Daniel, affligé par l'image qu'il avait sous les yeux, Dis-moi que c'est une plaisanterie.

— Elle a l'air de ressembler à une blague ? Grinça Helen sur les pas de son mari, Notre fille est un déchet humain. Moi, ça ne me fait pas rire, darling.

Ellie non plus, ça ne la faisait pas rire.

— Tu viens seulement de rentrer ? Enchaina son père en croisant ses bras sur sa poitrine.

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Siffla la jeune fille en attrapant un verre d'eau pour le remplir au robinet.

— Tu comprends quand même qu'on aimerait voir autre chose que toi complètement ivre dans notre cuisine quand on se lève le dimanche matin, renchérit Daniel, excédé, Et puis ta mère et moi allions nous rendre à la messe pour rendre hommage à Betty. On aurait aimé que tu viennes avec nous.

— Plutôt crevée que d'aller jouer la catho avec tous ces fascistes.

— Ellie ! S'exclama Helen, choquée, Comment oses-tu ? C'est offensant.

— Offensant ? Répéta sa fille, Tu veux que je te dise ce qui est offensant ? C'est d'aller à la messe une fois tous les trois ans pour se donner bonne conscience ! Tu sais, pour aller saluer le Dieu dans lequel tu fais semblant de croire quand ça t'arrange, ça, c'est offensant pour ceux qui y croient vraiment.

— Autrement dit, pas toi, compléta Daniel avec ironie, Alors ne fais pas semblant d'être offensée... Et puis, tu pourrais quand même être reconnaissante. Je sais que tu n'y crois pas, mais certaines personnes en ont besoin. Paul et Noah ont prié pour ta grand-mère, tu les as remerciés, au moins ?

— Je devrais ? Hallucina la jeune fille, Tu crois que ça m'aide à avancer de savoir ça ? Parce que s'ils ont prié pour elle, j'espère qu'ils ont demandé à leur Dieu où il était passé, quand mamie est morte d'une crise cardiaque toute seule dans son appartement !

— Elle n'aurait peut-être pas été toute seule si tu ne sortais pas tous les soirs, commenta son père.

Ellie Lefevre s'arrêta, abasourdie, devant lui. Avait-il vraiment osé insinuer que c'était sa faute ? Venait-il vraiment de lui faire cet affront ? Lui, qui avait abandonné sa propre mère et sa fille pendant des mois pour son putain de boulot à la con ? Non, ce n'était pas possible. Il ne pouvait pas lui avoir dit ça.

— Ellie, murmura-t-il, réalisant probablement sa connerie, Ce n'est pas ce que je voulais dire, excuse-moi.

— Casse-toi, grinça sa fille avant de se retourner pour rejoindre sa chambre.

NantisWhere stories live. Discover now