C'était un gueule cassée

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Je sortais des cours, sac sur le dos et sourire aux lèvres. J'attendis ma meilleure amie, puis nous prîmes le chemin du retour. 

Sur le trottoir d'en face, j'aperçus un vieux monsieur, si voûté qu'il semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Il tourna un instant son visage, et ce que je vis me dégoûta. 

On aurait dit que quelqu'un avait essayé d'arracher sa machoire, avant de s'arrêter en cours de route.

-Il s'est fait ça avec son rasoir ou avec sa tondeuse à gazon ? soufflai-je à mon amie d'un ton moqueur.

Elle ricana, je ricanai, et nous finîmes par pouffer de rire ensemble tout en marchant dans la rue. Nous nous séparâmes finalement pour rejoindre nos maisons respectives, et je repensai à ce vieux monsieur. 

Je me posai sérieusement la question : était-ce une malformation ? Une opération bucale qui avait mal tourné ? Quoiqu'il en soit, ça m'intriguait vraiment.

Après un rapide goûter, je m'attablai à mon bureau et pris mon agenda. 

Devoir d'histoire sur la Seconde Guerre mondiale. 

Je soupirai, mais finis par sortir mon cahier et mon manuel pour me mettre au travail. Je feuilletais le manuel à la page indiquée et le posai devant moi pour lire.

Un paragraphe attira mon attention et, au fur et à mesure de ma lecture, mes yeux s'agrandirent. Un sentiment de culpabilité naquit en moi, et je me mordis la lèvre comme une forcenée.

La machoire du vieux monsieur de tout à l'heure... Ce n'était ni une malformation, ni un rasoir qui lui avait donné cette forme.

C'était des éclats d'obus. Des balles, des grenades ou que sais-je encore.

Ce vieux monsieur n'était simplement un papi aux épaules voûtées. 

C'était un ancien soldat. 

Un homme qui s'était battu pour la patrie. 

Un homme qui avait vu ses compagnons mourir les uns après les autres.

Un homme à qui la guerre avait volé la vie, sans pour autant le tuer.

C'était un gueule cassée.

La fleur au fusilWhere stories live. Discover now