Chapitre 4 | Banquiers et associés

53 7 2
                                    

J'appelai Seb et Franck et leur donnai rendez-vous aux folies. De Belleville, pas de Pigalle. Si vous n'êtes pas du coin, les folies de Pigalle furent un haut lieu de la drogue, de la baise, des travestis, des fêtards de tout poil. A force de descente de police, d'overdose et de voisins procéduriers, l'endroit avait perdu de son brillant mais restait à éviter pour discuter. Les folies de Belleville au contraire, était le lieu idéal pour un apéro : bistrot populaire avec maxi terrasse pour mini prix, tenu par des Kabyles depuis 1852 ou un truc dans le genre.

Je repérai Seb et Franck en terrasse. Visiblement, ils avaient quelques tournées d'avance. Une bise pour Franck, petit mec, sec, aussi nerveux qu'excellent cuistot.

- Salut les mecs. Franck.

- Salut mec.

Une bise pour Seb, petit aussi, mais pas sec et aussi nerveux qu'un chamallow. Serveur nonchalant qui inspirait spontanément la sympathie.

- Seb, ça roule ?

- Ça roule. Trancool. Et toi ?

- Ça roulerait mieux si t'arrêtais ce genre d'expression mais ça roule ouais.

Les hostilités pouvaient commencer.

- Alors t'as eu une permission ? demanda Franck.

Plus les vannes étaient lourdes plus ça le faisait marrer. Quinze ans que je tentais de le raisonner, en vain.

- Laisse tomber les blagues carambar, j'ai mieux que ça. Si je me débrouille bien, c'est la quille.

- Merde raconte !

Ils me prenaient un peu au sérieux, c'était déjà ça. J'ai déballé toute l'idée, trancool et y-a eu un silence là où j'attendais des cris de joie.

- Ça n'a pas l'air de vous mettre en transe.

- Si, moi je suis partant, à fond partant. Sur le principe parce que niveau oseille, j'ai pas une thune.

- Et toi Seb ?

- Moi, je vous suis où vous voulez, vous me connaissez, j'vais pas vous planter. Je suis. Mais j'ai pas une thune non plus.

- Mais vous parlez tout le temps de prendre votre retraite, de partir. Vous dites toujours « avec ce que j'ai de côté ».

- Phrase d'alcoolique mon gars. Pas vrai Seb ?

- On boit, on discute, on refait le monde, c'est normal non ? Reste que j'ai pas d'oseille.

Passer de cent cinquante mille euros de budget à cinquante mille en deux tournées de binouzes, ça faisait cher la bière pour le bar le moins cher de Paris.

- Rien ? Même pas, genre dix ou vingt mille que vous pourriez taper à vos familles ?

Franck, vexé, a démarré au quart de tour.

- De quelles familles tu nous parles ? C'est quand la dernière fois que tu m'as entendu parler de ma famille ?

- Je te demande pas d'habiter avec eux, juste de voir si tu peux récupérer dix ou vingt mille. T'en serais pas capable ?

- En élargissant un peu l'arbre généalogique, y-a peut-être moyen. Mais ça m'emballe pas des masses.

Il a repris une gorgée de bière.

- Et merde ! après tout pourquoi pas. C'est pas tous les jours qu'on me propose d'être à mon compte. Je vais contacter deux, trois personnes. Allez, je gère, je gère.

- Voilà qui est parlé !

Franck avait une grande gueule, énorme même et un égo encore plus démesuré. Le titiller sur sa capacité à faire, c'était l'assurance qu'il allait essayer. Problème, Franck avait aussi peu de mémoire qu'il avait d'orgueil et finissait souvent par passer à autre chose. Rien de garanti, mais au moins on allait dans la bonne direction.

Une tarte dans la gueuleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant