Les Forces

46 5 0
                                    

L'outil principal de l'écrivain n'est pas l'épée magique plantée dans un rocher, ce n'est pas la tour noire au sommet de laquelle réside un œil flamboyant et ce n'est pas non plus le sabre laser. Notre outil principal ce sont les "forces", des fils invisibles qui font bouger les personnages et réagir les environnements. Nous devons construire notre théâtre de marionnettes correctement si nous ne voulons pas que les fils se voient et que l'audience perde l'intérêt de la découverte. Il est d'ailleurs assez courant que les personnes qui consomment beaucoup de médias narratifs interrompent une histoire en plein milieu car ils savent ce qu'il va se produire : l'histoire n'a plus de surprises, ils s'ennuient.

Nous devons donc convaincre Arthur d'aller essayer de déplanter l'épée, donner l'anneau de pouvoir à Frodon et avertir les Jedis du retour des Siths. C'est par l'action (ou l'inaction) des personnages que l'on rend l'histoire intéressante. Ils doivent êtres plongés dans une situation dans laquelle une force invisible les pousse à agir. Mais cette force invisible doit venir de quelque part de crédible. Comme dans la vie réelle, personne ne devient justicier parce qu'il s'ennuie, il faut une bonne raison pour expliquer ses motivations. La raison n'as pas forcément besoin d'être expliquée au lecteur, mais le personnage doit être suffisamment cohérent intérieurement pour que le lecteur puisse supposer de ses motivations. Donc tout compte fait, nous devrions plutôt créer les conditions qui inciterait Arthur à déplanter l'épée, donner l'anneau à Bilebon pour qu'il en fasse don à Frondon et déposer les indices qui vont mener les Jedis à la cachette des Siths.

Un des exercices les plus compliqués dans la conception d'une histoire est de montrer les forces dans la bonne mesure. Pas assez, et le lecteur ne comprends pas les personnages, trop, et le lecteur devine ce que les personnages vont faire. Il est difficile de décrire une chose que l'on ne peux pas voir, c'est comme décrire une forme géométrique en ne décrivant que la forme de l'espace laissé blanc dans la page. On doit donc se contenter de décrire l'effet de ces forces sur les autres objets, sur les personnages et les lieux. On pourrait même dire que c'est l'un des jeux les plus intéressants dans la lecture, comprendre pourquoi tel personne a fait telle chose.

Malgré le fait que les forces soient des éléments abstraits, il est extrêmement important de les construire en accord avec les thèmes et le ton de l'histoire. Elles doivent recevoir autant de soin que la description des personnages principaux et l'ambiance des environnements. C'est en quelque sorte l'âme de l'univers que l'on a crée. Sans compter que l'on peux rendre une histoire intéressante en ajoutant des forces de manière totalement arbitraires, notamment en rendant des objets inhabituellement sensibles aux forces, c'est toute l'idée derrière les objets enchantés ou magiques.

Les forces ne sont pas seulement les fils qui font bouger les personnages, mais aussi ceux qui font bouger tous les systèmes qui se trouvent autours d'eux. Je considère en général que les systèmes font partie de l'environnement, mais ils sont composées d'agents sensibles aux forces, de personnages secondaires ou même de figurants. Tous ceux-ci peuvent, et doivent, réagir aux forces pour instaurer une cohérence dans l'univers. Si notre héros brûles les granges d'un village, les villageois doivent démontrer leur colère face à lui, sa tête doit être mise à prix dans tous les villages alentours. Le système, qu'il soit organique ou logique, doit régir à la force qu'il lui a été appliquée, c'est une sorte de physique du récit. E = m x c^2, intensité de la situation =  poids narratif x intensité de la force ^ nombre d'acteurs affectés par la force. En termes plus compréhensibles, n'importe quel acteur ou système doit réagir à une force qui lui est appliqué, sous peine de perdre en cohérence.

Comment écrire une histoire cohérenteWhere stories live. Discover now