Les loups ne se mangent pas e...

By VLepage

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Eden a eu une enfance compliquée, baladé de foyer en foyer, jusqu'à ce qu'il rencontre Seth, un sigma, un sei... More

1. Comme chien et chat
2. Le loup dans la bergerie
3. Petit homme
4. Retrouvailles
5. Nouvelle vie
6. Précisions
7. Le jardin d'Eden
8. Retour mouvementé
9. Dylan
11. Réunion de chantier
12. Conseil de famille
13. Un nouveau venu
14. Vacances et déménagement

10. Discussions

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By VLepage

Domaine de La Hêtraie
La Fontelaye
Samedi 29 août 2020, 18h30

Seth et Emma n'avaient pas vu passer l'après-midi. C'était la première fois depuis longtemps qu'ils avaient du temps rien que pour eux, puisqu'Eden avait pris en charge Dylan et son inépuisable trop-plein d'énergie. Confortablement installés l'un contre l'autre dans le canapé du salon, ils en avaient profité pour discuter. De tout et de rien, mais aussi et surtout de leur couple, qui ne se portait pas au mieux ces derniers temps.

Toutefois, le retour d'Eden semblait avoir apaisé toutes les tensions, aplani toutes les difficultés. Coincée entre les deux hommes de sa vie, entre son compagnon et son fils, Emma avait beaucoup souffert au cours des onze dernières années. Mais l'arrivée du petit coupé noir dans la cour de la maison avait effacé, dans un discret crissement du gravier, toutes les rancœurs et toutes les peines. Avec lui, Eden avait ramené la vie à La Hêtraie.

– Tu crois que tu pourrais trouver à Dylan un truc à faire après le repas ? demanda Seth.

– Pourquoi ? Tu veux parler à Eden ?

– J'aimerais bien, oui. Plus exactement, je voudrais qu'il sache que je suis là s'il veut parler.

– Il le sait, ne t'en fais pas. Même si vous ne vous êtes pas adressé la parole pendant plus de dix ans, et peu importe ce que tu en penses, il t'aime, et il sait que tu es là s'il a besoin de toi. Tout comme il a su nous prouver aujourd'hui qu'il était là si on avait besoin de lui. N'oublie pas que nous sommes ses parents, quoi qu'il puisse arriver, et que contrairement aux autres enfants il a eu la chance de pouvoir choisir, lui, de devenir notre fils.

– Je n'oublie rien. Pas même que tu as joué les agents doubles pendant toutes ces années...

Emma sourit piteusement :

– Tu n'imagines pas à quel point elles ont pu me paraître longues, ces années !

– Je suis vraiment désolé, ma douce. Si je n'étais pas aussi borné...

– Tu n'es pas le seul responsable : tel père, tel fils ! Ah ça, on peut dire qu'il a hérité de ton mauvais caractère et de ton entêtement... C'est à désespérer !

– Faisons comme si je n'avais rien entendu...

– En parlant de ne rien entendre, fit Emma, pas mécontente de pouvoir changer de sujet, c'est moi ou on n'a ni vu ni entendu Dylan de tout l'après-midi ?

Seth tendit l'oreille : pas un seul cri ne venait perturber la douce tranquillité de cette soirée d'été.

– D'habitude, quand il est aussi discret, c'est qu'il est en train de faire des conneries. Mais là, étant donné qu'Eden s'occupe de lui...

– Tu crois qu'il l'a déjà enterré quelque part dans le jardin ? demanda Emma.

– On l'aurait vu passer soit avec une pelle, soit avec une brouette, répondit Seth en rigolant.

Emma se mit à rire elle aussi. Puis, plus sérieusement :

– Est-ce que, par miracle, Eden aurait trouvé le moyen de faire taire Dylan ?

– Tu as vu comment il l'a calmé, tout à l'heure ? Ça lui a pris dix secondes. Quand je pense que nous, on rame depuis des mois...

– Seth chéri, je crois que notre fils est encore plus doué que ce que nous pensions.

Le silence retomba dans la pièce, à peine perturbé par le chant des oiseaux et le bruissement du vent dans les arbres, qui entraient par les fenêtres ouvertes. Au bout de quelques secondes, Seth reprit, d'un ton grave :

– Tu crois qu'il va être d'accord ?

– D'accord avec quoi ?

– Avec ce qu'on a prévu de lui demander. Je te rappelle que c'est aussi pour ça que j'ai décidé d'enterrer la hache de guerre : la famille avant l'individu.

Emma réfléchit un court instant avant de répondre.

– Ma foi, je ne vois aucune raison qui le pousserait à répondre « non » à la première question. En revanche, je t'avoue que pour la seconde, je suis un peu moins affirmative.

– Et si jamais il dit « non », on fait quoi ? Pour la seconde question.

– Écoute, ça doit bien faire six mois que je lui parle de Dylan. Même s'il ne l'a rencontré qu'aujourd'hui, il sait déjà à peu près tout ce qu'il y a à savoir sur lui. Alors si sa réponse est « non », je me charge de le faire changer d'avis. Et toi, pendant ce temps-là, tu te trouveras autre chose à faire : je ne veux surtout pas que tu t'en mêles ! Il m'a fallu plus de dix ans pour vous réconcilier après votre dernière dispute, je n'ai pas envie de devoir tout reprendre à zéro ! Sommes-nous d'accord ? demanda Emma sur un ton qui n'autorisait qu'une seule réponse.

Seth déposa les armes sans même chercher à combattre :

– Oui, ma douce. Bien sûr que nous sommes d'accord.

Des bruits de pas précipités sur le gravier, suivis de cris, vinrent interrompre la conversation.

– Tu ne m'attraperas pas !

– On parie ?

Seth et Emma se tournèrent vers la fenêtre, pour voir ce qu'il se passait : Dylan traversa la cour comme une flèche, suivi de près par Eden. Avant qu'il ait pu atteindre la grille qui menait aux vergers, Eden lui fit un superbe placage dans le gazon, et le louveteau se retrouva le nez dans la pelouse, coincé sous le poids de son aîné.

– Je me rends !

– Désolé, mais c'est trop tard...

Lorsqu'Eden se mit à chatouiller Dylan, celui-ci se mit à hurler de rire.

– Arrête ! Arrête ! C'est pas juste ! T'es même pas chatouilleux !

– Tu n'aurais jamais dû chercher à le savoir, jeune padawan.

Dans le salon, les adultes, rassurés, s'amusaient beaucoup du spectacle.

– Tu crois qu'il faut que je les sépare ? demanda Seth.

– Pas tant qu'il n'y a pas de sang qui coule sur mon gazon anglais, ou que l'un des deux ne crie pas « au secours ».

– Tu es dure, là.

– Moi ? Pour la tranquillité des familles, je les laisse saboter mon gazon anglais, et tu trouves que je suis dure ? Ne t'en fais pas : Eden saura s'arrêter avant que ça dégénère, sans compter que c'est une bonne façon pour lui de poser ses limites. Et puis franchement, c'est la première fois depuis un sacré bail que je les vois aussi heureux, l'un comme l'autre. Ça vaut bien deux mètres carrés de gazon.

– Ça, pour ce qui est d'être heureux... J'espère seulement qu'ils ne le seront pas trop.

– Comment voudrais-tu qu'ils soient « trop » heureux ?

– Ça m'ennuierait que leur relation...

Seth ne poursuivit pas : il savait très bien qu'Emma avait saisi. Même si elle fit mine de ne pas comprendre :

– Et peut-on savoir ce qui t'ennuierait, avec leur relation ? demanda-t-elle froidement.

– Ce qui m'ennuierait, c'est qu'Eden remplace... Comment est-ce qu'il s'appelait, déjà... ? Tu sais, son colocataire, quand il était à la fac ?

– Tu veux parler de Hari ? Hari Avasarala ?

– Oui, c'est ça ! Imagine que Dylan et Eden...

Emma ne s'était pas trompée.

– Tu as peur qu'ils tombent amoureux.

– Non, non, je n'ai pas « peur », comme tu dis. Je m'interroge, c'est tout. Je sais qu'Eden préfère les garçons, et ça ne m'a jamais posé le moindre problème. Tu devrais le savoir.

– Je le sais.

– Quant à Dylan... C'est un mystère, et je ne pense pas que ce soient nos affaires.

– D'après mes informations, Dylan a lui aussi un penchant pour les jolis garçons. Mais tu as parfaitement raison : ce ne sont pas nos affaires. C'est pourquoi j'aimerais assez que tu n'abordes pas le sujet avec notre louveteau tant que lui ne nous en aura pas parlé.

Seth soupira :

– Pourquoi est-ce que je suis toujours le dernier au courant, dans cette maison ? En théorie, un sigma est censé être au courant de tout ce qu'il se passe sous son toit.

– Oh, arrête : je ne l'ai appris que récemment ! Et encore, c'était un pur hasard !

– Et comment... ?

– J'avais quelque chose à lui demander, je ne sais plus très bien quoi. On s'en fiche, d'ailleurs. Quand je suis arrivée devant sa chambre, il était au téléphone. Il était remonté comme une pendule, et il criait presque. La première chose que j'ai entendue, c'était un truc du genre : « C'est Martin qui m'a largué comme une merde. C'est pas moi qui suis parti. Alors maintenant, j'aimerais bien qu'il arrête de vous envoyer l'un après l'autre pour me supplier de le reprendre, et que vous soyez assez cons pour accepter de tenir ce rôle-là ! »

– C'était donc ça... murmura Seth, pensif.

– Quoi donc ?

– Rappelle-toi, un peu avant son anniversaire : il nous a fait une grosse déprime...

– Je me souviens, oui. Tu crois que c'est à cause de ce Martin ?

– On voit que tu ne t'es jamais fait jeter... ironisa Seth.

– Je suis beaucoup trop bien pour me faire jeter, répondit Emma en se collant à lui.

– Bon, donc, si jamais... On fait quoi ?

Emma se mit à jouer avec ses cheveux, les entortillant machinalement autour de ses doigts, comme à chaque fois qu'elle réfléchissait. Seth n'était pas sûr qu'elle ait conscience de ce tic, mais en revanche il savait que dans ces moments-là il valait mieux la laisser à ses réflexions.

– Tu sais quoi ? finit par demander Emma.

– Non. Mais mon petit doigt me dit que je ne vais pas tarder à savoir.

– Ton petit doigt est dans le vrai. Ce soir, c'est moi qui vais emmener Eden en balade. Toi, tu t'occupes de Dylan.

– Tu vas lui poser la question ?

– Pas celle à laquelle tu penses. Mais je vais aller à la pêches aux infos : j'ai envie de savoir ce qu'il pense de Dylan. Avant d'entamer les grandes manœuvres, je préfère faire une petite reconnaissance sur le terrain.

Seth se mit à rire : une fois encore, Emma se chargeait de tout. Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Et il devait être honnête : ça l'arrangeait bien, surtout parce qu'il s'agissait d'Eden, et qu'il ne voulait pas mettre en péril leur toute récente réconciliation.

Après avoir fini de chahuter dans le jardin, les garçons rentrèrent à la maison. Dylan, qui avait les yeux rouges à force d'avoir pleuré de rire et un jean tout vert à force d'avoir traîné dans le gazon, monta prendre une douche et se changer pendant qu'Eden allait aider Emma à préparer le repas. Seth, de son côté, était parti jeter un œil au nouveau pressoir à jus, dont le rendement n'était pas à la hauteur du prix qu'il avait coûté.

– Mon chéri ?

– Maman ?

– Est-ce que ça te dirait qu'on aille se promener tous les deux, après le repas ?

Un sourire se dessina sur le visage d'Eden mais Emma, qui était en train d'étaler machinalement sa pâte brisée depuis cinq bonnes minutes, ne le regardait pas.

– Maman ?

– Oui ?

– Arrête de maltraiter ton fond de tarte, et regarde-moi.

Emma leva la tête, et plongea son regard bleu dans le regard vert de son fils :

– Ce n'est pas un fond de tarte, c'est un fond de quiche.

– Soit. Mais si tu veux mon avis, ton fond de quiche, maintenant, il est au fond du trou. Et tu as de la farine sur le bout du nez. Sérieusement, pendant mes stages j'ai croisé des camés avec moins de poudre sur le pif...

– Eden Girard-Blanquaert, je...

– Et sois gentille : pose ce rouleau à pâtisserie, tu veux bien ? Je me sentirai nettement plus en sécurité.

Emma posa le rouleau sur le plan de travail en granit, et éclata de rire.

– Tu n'imagines pas à quel point tout ça m'a manqué !

– À moi aussi, Maman, à moi aussi. Mais revenons à nos moutons...

– Pour un loup, c'est tout un programme !

– Je ne te le fais pas dire ! Bon, ce soir, puisque tu veux qu'on sorte, on prend la voiture et on va se poser sur la plage à Saint-Valery. Et on emmène Papa aussi. Donc, on ne prend pas ma voiture : la banquette arrière est tout juste assez grande pour mettre deux sacs de voyage. Même Roméo voyage à l'avant.

– Mais Dylan...

– Dylan va rester ici. Il a du boulot : on va s'installer dans ton ancienne chambre pour travailler, et il faut tout transbahuter, et tout ranger. Crois-moi, il en a pour un bon moment.

– Il y a un souci avec la mezzanine ?

Eden baissa la voix :

– Mon plus gros souci, c'est qu'elle ne ferme pas à clef, et que tout le monde y a accès. Je n'ai aucune envie que celui qui massacre les nôtres puisse tranquillement mettre son nez dans notre travail. Enfin, pour le moment, c'est surtout le travail de Dylan, mais bon, tu vois ce que je veux dire. Alors que dans ton ancienne chambre... En fait, personne n'a de raison de mettre les pieds à l'étage, puisqu'il n'y a que nous qui y dormons. Avec ta porte qui ferme à clef, je me sentirai un peu plus tranquille. Enfin, si tu es d'accord...

– Oui, oui, bien sûr. Vous pourrez mettre au grenier ce qui ne vous sert pas, et y récupérer ce qu'il vous faut pour vous installer. Je crois qu'il y a une vieille bibliothèque, deux ou trois tables...

– Ne t'en fais pas : Dylan et moi, on va se débrouiller. Quant à Papa, toi et moi, on va enfin pouvoir avoir cette conversation que vous voulez tant.

Le visage d'Emma était en train de se fermer, mais Eden décida de continuer sur sa lancée.

– Et, cerise sur le gâteau, on pourra même parler de Dylan sans l'avoir dans les pattes. Cela dit, on essaiera de ne pas trop traîner : en rentrant, je voudrais lui filer un coup de main. Ça te va ?

Ça ne semblait pas lui aller tant que ça, à voir sa mine sombre.

– Maman ?

– Je croyais qu'on était d'accord : le profilage, c'est pour les criminels. Pas pour la famille.

– Maman, avec vous, il n'y a pas besoin d'être profiler : que ce soit Papa ou toi, vous êtes incapables de me cacher quoi que ce soit. Et puis en famille, pas besoin de profilage : l'instinct suffit largement !

Emma se détendit, et consentit même à sourire :

– Bon, d'accord. Ton père va faire une de ces têtes... Et je ne te parle même pas de celle de Dylan ! On n'a pas fini d'en entendre parler !

– Je lui ai déjà dit qu'on sortait tous les trois ce soir, je lui ai promis que demain on irait se faire une balade tous les deux, et il a déjà reçu son ordre de mission concernant notre déménagement.

– Et il est d'accord ? demanda la louve, stupéfaite.

– Il n'a même pas cherché à négocier ! Tu sais, je crois que si je le lui demandais, il danserait pieds nus sur des braises.

– Alors là, tu peux me croire : il n'hésiterait pas une seconde !

Eden se pencha pour embrasser sa mère. Il en profita pour lui chuchoter dans l'oreille :

– Et si ça peut vous rassurer Papa et toi : non, je ne risque pas de tomber amoureux de Dylan, même si je dois bien reconnaître qu'il est très mignon et tout à fait adorable. Surtout quand il se tait...

– Eden ?

– Oui ?

– Sors de ma tête tout de suite ! fit Emma en riant.

– Rassurée ?

– Rassurée.

– Parfait. Alors laisse-moi essayer de ranimer ton fond de tarte. Je me demande si ce que tu lui as fait subir n'est pas contraire à la convention de Genève...

– La convention de Genève ? Rien que ça ? Et puis, pour la dernière fois, c'est un fond de quiche ! Allez, au lieu de m'embêter, va donc plutôt aider Dylan : j'aimerais assez qu'il n'ait pas l'impression d'être taillable et corvéable à merci. Et puis je pense tu m'as assez psychanalysée pour ce soir.

– Tu dis ça parce que tu ne veux pas qu'on sache ce que tu mets dans ta quiche ? Si ça se trouve, tu vas nous coller dedans la poudre bizarre que tu as sur le nez, et après on sera obligés de faire tout ce que tu nous demandes !

– File, je te dis ! lança Emma, un sourire aux lèvres, après avoir récupéré son rouleau à pâtisserie. Je n'ai jamais eu besoin d'empoisonner personne pour être obéie dans cette maison ! Ouste, sors de ma cuisine !

Eden s'éclipsa avec un clin d'œil amusé, et alla prêter main-forte au louveteau. Il ne pouvait jamais rien ressortir de bon d'une discussion avec un rouleau à pâtisserie.

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