La porte de la chambre de l'auberge s'ouvrit brusquement, faisant sursauter Dévlin qui n'avait pas entendu les pas s'approcher.
Leïmy et Negg entrèrent et déposèrent trois énormes sacs sur le sol.
« Que fais-tu encore là ? Demanda Leïmy en voyant le nécromancien. Tu étais censé explorer la rue où le talisman avait réagi.
- Explique-moi comment je fais si tu ne m'indiques pas la manière de m'y rendre. Tu es partie sans un mot !
Leïmy s'apprêtait à répliquer avec véhémence mais Negg la prit de vitesse et déclara en ouvrant le sac contenant les cordes :
- Nous perdrons du temps en dispute lorsque nous aurons tout installé. Dévlin, tu peux nous aider à commencer mais tu nous laisseras finaliser.
- Très bien.
Accepta Dévlin dans un soupir résigné.
Pendant que Leïmy prenait les mesures de la pièce, Negg et Dévlin attachaient les extrémités des cordes aux manches des lames qu'ils avaient rapportées.
Ils jetaient régulièrement des regards anxieux par la fenêtre. La lumière déclinait peu à peu.
Ils avaient entassé les cordes auxquelles étaient liée une arme sur le lit.
Negg se tourna vers son frère et lui demanda :
- Dévlin, peux-tu partir ?
- Je sais que c'est ce que nous avons convenu mais je préfère ne pas vous laisser seuls pour affronter ce Gammon.
- C'est une affaire de mercenaires et elle va donc se régler entre mercenaires, répliqua Leïmy, maintenant pars ou je te fais sortir avec pertes et fracas.
La menace de Leïmy toucha juste et Dévlin se résolut à obéir, même si c'était à contrecœur. Il claqua la porte derrière lui.
- Pressons-nous.
Lança Negg.
Leïmy s'empara d'une poignée de cordes armées. Negg s'accroupit pour permettre à la jeune fille de grimper sur ses épaules puis il se releva.
Les deux mercenaires s'empressèrent d'installer la première partie de leur piège puis Negg se baissa à nouveau pour que Leïmy descende.
Ils s'agenouillèrent chacun d'un côté de la pièce, reliant les cordes aux murs opposés.
Ils progressèrent jusque dans le fond de la chambre à la lumière d'une chandelle qu'ils avaient eu besoin d'allumer.
Ils se relevèrent en proie à des crampes et contemplèrent leur travail :
- A présent, seul le sort décidera de ce qu'il va se produire. Déclara Negg.
- Je ne crois pas au divin. Les hommes choisissent eux-même leur destinée, pas une force supérieure. C'est nous qui allons décider de l'issue de cette soirée.
Negg haussa les épaules. Il refusait de croire que la vie se résumait à cela et que le monde était aussi vide que le pensait Leïmy.
Il regarda par la fenêtre. Une silhouette s'approchait de l'auberge et Negg n'eut pas de difficulté à deviner de qui il s'agissait.
- Il arrive.
Avertit-il Leïmy. Cette dernière hocha la tête avec détermination.
Ils échangèrent un regard entendu puis Leïmy éteignit la flamme de la bougie d'un souffle, plongeant la pièce dans une obscurité à peine percée par la lumière de la lune. Le dos de leurs mains s'effleurèrent lorsqu'ils dégainèrent deux de leurs armes respectives et ils se tinrent prêts.
Le silence n'était rompu que par leur respiration calme et posée.
L'oreille tendue, ils parvinrent à entendre des pas pourtant furtifs sur le parquet. La personne s'arrêta devant la porte et tourna lentement la poignée. Leïmy et Negg s'accroupirent pour éviter que leurs silhouettes ne se découpent à contrejour sur la fenêtre.
Quelqu'un entra et fit plusieurs pas dans la pièce. Sa cheville faucha quelque chose et, avant qu'il ne se rende compte qu'il s'agissait d'une corde, le piège s'enclencha.
Un sifflement se fit entendre et Gammon ne dut sa survie qu'à ses excellents réflexes et en se jetant sur le côté.
Il s'empressa de se relever et de porter la main à sa poche contenant son briquet et un morceau de chandelle qu'il alluma. La lumière lui montra plus d'une vingtaine de cordes tendues au ras du sol en travers de la pièce sur toute sa superficie. L'espace entre elles était trop insuffisant pour y poser le pied. Gammon leva sa chandelle vers les murs où s'alignaient le reste des cordes suspendues aux poutres et auxquelles étaient accrochées des lames de différentes sortes. Le mercenaire regarda celle qui l'avait manqué de peu. Il n'y avait que quelques centimètres bordant le mur où s'ouvrait la fenêtre qui avaient été épargné par le piège et c'était là que se tenaient Leïmy et Negg.
Un sourire carnassier étirait les lèvres de la jeune fille qui salua Gammon en lui lançant :
- Tu pensais qu'on ne t'attendait pas ? Que nous n'aurions pas vent de ta présence au village ?
Gammon devina sans mal qui l'avait dénoncé et il jura :
- Cette sale garce ! Elle va le regretter lorsque j'en aurai fini avec vous !
- Peut-être suis-je idiot mais comment comptes-tu nous atteindre sans te faire transpercer ? Demanda Negg sur le ton de la moquerie. Tu apprécieras sans doute d'apprendre que c'est le piège qui tu as utilisé contre moi qui nous a inspiré celui-ci.
Gammon serra les mâchoires.
Comment allait-il faire ? Il ne voyait pas de solution pour éviter ce système. Il ne pourrait pas sauter suffisamment loin.
Leïmy vit qu'il réfléchissait à un moyen de contourner leur piège. Souhaitant lui éviter des efforts, elle lui expliqua :
- Le seul choix que tu as est de faire demi-tour avant que nous mourrions tous trois d'ennui ou de déshydratation dans cette chambre.
Le mercenaire éclata de rire. Ce n'était pas pour se moquer ou un rire mauvais. Gammon était juste hilare.
- Vous m'avez peut-être empêché de venir jusqu'à vous mais vous vous êtes vous-même enfermés ! Si je sors, je vous attendrai à l'extérieur et vous trancherai la gorge.
Negg et Leïmy échangèrent un regard lourd de sens. Avec l'empressement, ils n'avaient pas vraiment songé à cela mais ils firent comme si de rien n'était, décidant qu'ils s'inquiéteraient le moment venu.
Gammon reprit :
- Il y a une autre chose à laquelle vous n'avez pas pensé. Ce genre de cordes fines, c'est très bien pour ce type de constructions mais le problème est que ça brûle bien plus vite et facilement qu'une corde ordinaire.
En disant cela, Gammon abaissa la flamme de sa chandelle sur la corde la plus proche de lui. Elle s'embrasa en quelques secondes.
Le mercenaire étendit le bras pour toucher les deuxième et troisième cordes. À cause de leurs proximités, le reste des cordes s'enflammèrent. Les flammèches passèrent vers le haut en suivant les cordes mais au moment d'atteindre les poutres, ces dernières prirent feu puis l'armoire s'embrasa à son tour.
Gammon se dit que, finalement, ce n'était pas la meilleure solution. Les flammes gagnaient du terrain.
Leïmy et Negg se plaquèrent contre le mur.
- Mais ce n'est pas possible d'être à ce point stupide !
S'écria Leïmy.
Gammon n'était plus qu'une silhouette dansante entre le feu.
Negg ne se soucia pas de son ancien rival et ouvrit la fenêtre. La hauteur les séparant du sol n'était pas immense. La chute serait dure mais ils s'en remettraient et cela valait bien mieux que de brûler vifs.
Il saisit Leïmy par le bras en ordonnant :
- Sautons !
La jeune fille acquiesça et ils s'élancèrent. Il virent défiler rapidement la façade de l'auberge puis touchèrent le sol.
Si Negg parvint à se réceptionner souplement et sans trop de difficulté, Leïmy s'écrasa durement sur les pavés, ce qui était fort surprenant. Elle gémit face contre terre.
Negg la releva mais elle était inconsciente. Le choc de l'atterrissage n'avait pas pu l'assommer, il n'avait pas été suffisamment violent pour cela. Leïmy fut prise de convulsions et Negg comprit qu'elle était à nouveau victime d'une de ses crises.
- Oh non ! Ce n'est vraiment pas le moment !
Des flammes rougeoyantes s'échappaient déjà par la fenêtre ouverte mais il y avait très peu de chances pour que l'incendie ait emporté Gammon. Ce dernier avait certainement fuit par l'autre côté et ne tarderait pas à les rejoindre.
Negg prit Leïmy dans ses bras malgré les soubresauts de cette dernière et commença à s'éloigner mais il n'alla pas bien loin.
Le jeune homme se prit les pieds dans une corde qui avait été tendue en travers de la rue. Il chuta, lâchant Leïmy.
Il n'eut même pas le temps de se retourner qu'on lui asséna un puissant coup derrière la nuque, l'assommant net.
- Vous n'êtes pas les seuls à savoir prévoir. Rit Gammon. »
***
Malgré l'interdiction formelle de Leïmy, Léyan était restée dans les parages de l'auberge.
Une forte lueur éveilla soudainement son intérêt et sa curiosité. Elle se dirigea vers cette lumière et s'aperçut que ses pas la conduisaient vers l'auberge.
En proie à un mauvais pressentiment, elle souleva sa jupe à deux mains et se mit à courir.
Elle arriva à l'auberge dont une partie du premier étage était dévorée par les flammes. Plusieurs personnes s'agitaient devant le bâtiment, acheminant des seaux d'eau pour tenter de maîtriser le sinistre. Le cœur du brasier était sans aucun doute la chambre où attendaient Leïmy et Negg.
Le rythme cardiaque de Léyan s'emballa alors qu'elle pensait que les deux mercenaires se trouvaient peut-être à l'intérieur, bien qu'elle espérait le contraire.
Très inquiète, elle gagna le point de rendez-vous dont ils avaient convenu avant de se séparer au pas de course. Il s'agissait de la même ferme abandonnée que celle dans laquelle s'était caché Gammon durant plusieurs jours.
L'obscurité était épaisse mais Léyan était sûre de la direction qu'elle prenait. Elle était en vue des bâtiments se détachant en formes encore plus sombres que la nuit.
On la saisit soudainement pour l'entraîner sous le couvert d'un vieux chêne. Elle se débattit et s'apprêtait à crier mais son agresseur lui plaqua une main sur la bouche.
L'homme leva sa lanterne de manière à éclairer son visage. Léyan soupira de soulagement en reconnaissant Dévlin. Le nécromancien plaça un doigt sur sa bouche en une demande à Léyan de garder le silence.
Cette dernière hocha la tête puis elle le questionna à voix basse :
« Que faîte-vous ici ?
- Je présume que vous aussi avez vu le feu. Je crois que nous avons également eu la même idée de venir ici s'assurer que tout allait bien mais il faut rester prudents. Ce ne sont peut-être pas Leïmy et Negg qui sont là.
- Que voulez-vous dire ?
- C'est peut-être le point de rendez-vous que nous nous sommes donné mais c'est l'unique cachette que connait Gammon.
Léyan comprit et elle acquiesça lentement.
Dévlin la prit par la main et, ensemble, ils s'approchèrent de la ferme aussi silencieusement qu'ils le pouvaient. Se servant de l'ombre pour se dissimuler, ils se postèrent derrière une fenêtre brisée sous laquelle ils s'accroupirent.
- Ne bougez pas.
Ordonna Dévlin à Léyan avant de jeter un rapide regard par l'ouverture.
Au juron qu'il lâcha, Léyan devina que ce n'était pas ce qu'ils espéraient.
- C'est Gammon. Dit-elle davantage comme une constatation que comme une question.
- En effet mais pas seulement. Il tient Leïmy et Negg.
Léyan n'en revint pas et elle eut besoin de le voir de ses propres yeux pour croire Dévlin.
Elle regarda par un interstice entre les planches et vit Leïmy et Negg attachés ensemble dos à dos. Leïmy semblait inconsciente et Gammon était assis avec avec désinvolture sur l'une des vieilles chaises.
- Ce n'est pas possible.
Pesta Léyan en se tournant vers Dévlin. Ce dernier réfléchit en se mordant la lèvre inférieure.
Il avait prévu un plan dans l'éventualité où celui de Leïmy et Negg aurait échoué mais, comme il ne s'attendait pas à ce que cela se produise, il ne l'avait pas perfectionné.
- A combien de distance sommes-nous de la forêt d'Yolle ? Demanda t-il à Léyan.
- Quoi ? Mais quel rapport cela a t-il avec ce qu'il se passe ici ?
- Répondez, c'est tout.
- Euh...quelques kilomètres. Elle n'est pas très éloignée mais...
- Bon, j'espère que cela suffira. Écartez-vous un peu, on ne sait jamais.
Léyan obéit, même si elle ne comprenait pas pourquoi de telles précautions ni quelle idée avait Dévlin.
Ce dernier s'installa en tailleur et posa sa lanterne devant lui puis il ferma les yeux en se concentrant. Il tenta de capter la présence d'esprits. Il en sentit mais ils étaient lointains.
Dévlin allait devoir les appeler et, obligé par la discrétion, il devait se passer du rituel approprié.
Léyan vit tous les muscles du nécromancien se crisper sous la concentration intense et l'effort.
Même si la grandes majorité des esprits se trouvait à quelques kilomètres de distance, le nécromancien pouvait ressentir leur énergie, augmentant sa propre puissance mais il avait besoin de quelques esprits autour de lui.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il découvrit quatre fantômes qui le regardaient d'un air interrogateur, tout comme Léyan.
- Est-ce...est-ce que tout vas bien ? Demanda la jeune fille.
- Oui, parfaitement et, à présent, j'ai de quoi libérer Leïmy et Negg.
- En quelques minutes, la solution vous est divinement apparue ?
Dévlin ne put s'empêcher de sourire devant le ton sceptique de Léyan.
Il se contenta d'une réponse énigmatique :
- C'était seulement le temps dont j'avais besoin pour prévenir des renforts.
- Je ne comprend pas ce que cela signifie.
- Ne soyez pas effrayée, même si je suis conscient que ce qu'il va se produire a de quoi faire peur.
- Qu'est-ce que cela veut...
Léyan ne put terminer sa phrase.
Un être dont il était impossible de déterminer le genre se matérialisa à son côté. Sous sa peau, entre le rosé et le violacé, étaient visibles les veines et ses yeux laiteux semblaient aveugles. Léyan bondit dans les bras de Dévlin, terrorisée.
Le nécromancien la rassura :
- Ce n'est rien, juste un esprit à qui j'ai donné un corps momentanément. Il ne vous fera rien puisqu'il m'obéit, comme les autres (à ces mots, trois autres créatures apparurent autour de la première. Léyan sursauta chaque fois que l'une d'entre elles devenait visible). Ce n'est rien, répéta Dévlin avant d'ordonner aux esprits, libérez les deux prisonniers et chargez vous de l'homme qui les retient. »
Les esprits ne donnèrent pas de signe d'assentiment mais se dirigèrent vers la ferme d'un pas lourd.
***
Negg tentait de défaire les liens qui les retenaient Leïmy et lui en se tordant les poignets mais Gammon avait pris soin de faire des nœuds excessivement serrés et Leïmy, inerte dans son dos, ne lui facilitait pas la tâche. Il abandonna mais temporairement, le temps que Leïmy revienne à elle.
Préférant s'instruire plutôt que d'attendre bêtement que son amie soit à nouveau capable d'agir, Negg demanda à Gammon :
« Que vas-tu faire de nous ?
- A ton avis ?
- Je pensais que tu allais avertir Orzan pour qu'il te récompense avec une friandise mais la guilde n'a pas débarqué avec toute la subtilité qu'on lui connait. Tu pourrais me répondre que tu n'as aucun moyen de communiquer mais dans ce cas, nous serions déjà sur le chemin des ruines d'Elkbo alors pourquoi sommes-nous encore ici ?
- Je n'ai pas l'intention de te le révéler.
Un craquement de branche provenant de l'extérieur se fit entendre et les deux mercenaires tournèrent la tête vers la porte.
Gammon se leva de sa chaise, la main sur le pommeau de sa dague en souriant.
Il déclara à l'attention de Negg :
- Ça, c'est ton frère qui vient te chercher. Déjà que vous capturer tous les deux est un exploit qui va me valoir des félicitations, fait fort appréciable, mais, en plus de deux parias, avoir l'ex-Conseiller dont la tête est mise à prix est la prise de la décennies !
- Mon frère est trop malin pour se jeter dans la gueule du loup d'une manière aussi stupide.
- Alors peut-être est-ce Léyan. Tant mieux, j'ai un compte à régler avec elle.
Plutôt qu'une des deux personnes auxquelles s'attendait Gammon presque avec réjouissance, on cogna le mur avec une telle force que les planches volèrent en éclats. Les trois autres murs furent ouvert de la même manière. Negg détourna le visage pour éviter d'être blessé par les échardes.
Quatre êtres asexués et à la peau violacée entrèrent dans la masure par les trous qu'ils avaient percé dans les parois.
Gammon écarquilla les yeux de frayeur en les reconnaissant. C'était les mêmes créatures qui avaient envahi le siège de la guilde lorsque Leïmy y avait été torturée.
Le mercenaire ne se laissa pas submerger par la peur et dégaina sa lame, prêt à combattre. Il chargea sur l'être le plus proche de lui. Une entaille profonde s'ouvrit sur la peau à la couleur étrange mais la chose ne s'en préoccupa pas. Elle saisit Gammon par sa chemise et le jeta à l'autre bout de la pièce où deux autres créatures le désarmèrent.
Negg tenta de secouer Leïmy pour la réveiller tout en l'appelant :
- Leïmy, debout allez !
La seule créature ne s'occupant pas de Gammon s'approcha des deux prisonniers.
Negg lui ordonna :
- Reste à distance ! »
La créature ne l'écouta pas et continua à avancer vers eux mais, à la place de l'attaque que redoutait Negg, elle s'agenouilla et défit les nœuds les retenant. Negg se débarrassa des cordes en dévisageant la créature d'un air surpris.
Cette dernière se releva puis brandit son bras dans une direction. Negg regarda par la fenêtre et remarqua une lumière vacillante sous un arbre.
Le jeune homme ramassa Leïmy, toujours sans connaissance, et la prit dans ses bras avant de sortir sans se soucier de Gammon.
Negg espérait même que son rival succombe sous les coups.
Il monta la petite butte sur laquelle se dressait le chêne sous lequel se tenaient Dévlin et Léyan.
« Vous allez bien ? S'enquit Dévlin.
- Moi oui mais Leïmy est inconsciente depuis un moment déjà. Je croyais qu'on vous avait dit de ne pas vous mêler de cette histoire.
- Au vu de ce qu'il s'est produit, je pensai recevoir des remerciements pour avoir désobéit.
- C'est toi qui as invoqué ces choses ?
- Ce sont simplement des esprits à qui j'ai donné un corps.
- Nous ferions mieux de ne pas traîner dans les environs, intervint Léyan, et puis, Leïmy a besoin de soins.
- Non, seulement de repos.
Sans un mot de plus, ils regagnèrent le village puis le domicile de Léyan. Ils veillèrent à se faire discrets pour ne pas réveiller le père de la jeune fille.
Negg installa Leïmy sur le divan puis Dévlin et lui se placèrent dans le coin opposé de la pièce pour éviter que Léyan n'entende leur conversation :
- Nous devons y retourner. Déclara Dévlin.
- Où ça ? Demanda Negg.
- Tu le sais très bien. Les esprits n'ont peut-être pas fini le travail.
- Je rêve ou tu es en train de suggérer de tuer un homme ? Il est vrai qu'il ne cessera jamais de nous poursuivre mais je ne pensai pas que tu atteindrais une telle extrémité, pour toi.
- Ce n'est pas pour toi ou Leïmy que je le fais mais il pourrait s'en prendre à Léyan et Garoze. Nous nous devons de les protéger, c'est de notre faute si Gammon est ici. Tu ne vas tout de même pas t'opposer à cette idée ? Ne me dis pas qu'avec ton passif, tuer quelqu'un te rebute ?
Negg serra les poings à cette remarque acerbe mais il préféra l'ignorer.
Il revint vers Léyan assise à côté de Leïmy et la pria :
- Veillez sur Leïmy. Nous avons quelque chose à faire mais nous nous dépêcherons.
- Vous allez tuer Gammon ?
- Nous n'avons pas d'autre choix. Il est possible qu'il s'attaque à nouveau à vous ou à votre père.
L'idée ne plaisait pas à Léyan mais elle fut forcée de reconnaître que Negg avait raison. Elle baissa la tête.
- Très bien.
La jeune fille reporta son regard sur Leïmy, toujours inconsciente.
Negg et Dévlin sortirent et s'empressèrent de revenir à la vieille ferme.
- As-tu une idée de la façon dont tu vas t'y prendre pour tuer Gammon ? Demanda Negg à son frère.
- Je pensais te laisser te charger de cela, après tout, c'est toi le spécialiste mais il y a une possibilité pour que nous n'ayons rien à faire. Les esprits l'ont peut-être battu à mort.
- Il ne mérite pas plus.
Ils arrivèrent à la ferme.
Les esprits avaient disparu mais il restait les murs éclatés comme preuve indéniable de leur passage. Les deux frères entrèrent dans l'ancienne bâtisse.
Parmi le débris de planches gisait Gammon, le yeux clos et le visage si ensanglanté qu'il était difficile de le reconnaître.
- Il n'a pas l'air très vif. Constata Negg.
- En effet.
Dévlin préférait tout de même vérifier. Il se pencha vers le mercenaire et posa ses doigts sur son cou.
Il déclara à l'attention de son frère :
- Je ne sens rien.
- Alors tes esprits sont efficaces. Débarrassons nous de la dépouille, c'est plus prudent.
- Nous n'allons tout de même pas le faire flamber !
- Non mais le canal n'est pas loin. Aide-moi. »
Negg saisit Gammon par les épaules. Dévlin soupira en lui prenant les pieds.
En espérant qu'aucun villageois ne sortirait pour une promenade nocturne, ils se dirigèrent vers le canal.
Les eaux de ce dernier semblaient épaisses comme du sang et sombres comme de l'encre. Negg et Dévlin y jetèrent leur macabre fardeau qui sombra dans les flots.