Tant de peur, de découvertes, de rencontres, de courses poursuite et d'épreuves allaient donc arriver à leur terme ici ? Elle était donc là, la fin ? Toutes ces péripéties pour au final être dévorées par les loups, si proche du but.
Le regard d'Haru restait fixé sur Philys encore un moment avant qu'elle ne ferme ses yeux tandis que les loups grognaient et approchaient. Une fois assez proches, ils bondirent subitement vers les deux filles. Au même moment, des coups de fusil résonnèrent plus haut et ce furent cinq loups qui finirent au sol. Malgré cela, les autres ne se découragèrent point et bondirent dans la même direction. Trop tard. Voilà qu'eux aussi se retrouvaient au sol, baignant dans une mare de sang... La jeune femme tremblait de peur. Les grognements avaient été remplacés par des couinements d'agonie tandis que le silence du Bois avait laissé place aux lourdes et fortes détonations des tirs. Le silence revenait le temps de la recharge puis le massacre continuait. Les loups qui arrivèrent tardivement furent à leur tour décimés par quelques balles... Quand Haru releva sa tête, elle découvrit l'horreur de la scène. Une vingtaine de loups étaient couchés sur le sol, morts...
Soudain, une voix familière brisa le calme funèbre qui planait dans le Bois. Haru tourna vivement sa tête vers la provenance de celle-ci, la reconnaissant.
— Toi ici... ? Mais... Comment c'est possible ? dit-elle les larmes aux yeux.
— Haru... Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai eu du mal à te retrouver, sourit-il, son fusil encore fumant. Pour être honnête j'ai souvent imaginé le pire, soupira-t-il avant de remarquer l'état de Philys ce qui l'inquiéta. Elle est... ?
— Non, mais elle risque de mourir si je ne la sors pas rapidement du Bois Willow...
— Faisons vite alors. Je vais la porter d'accord ?
— D'accord. Mais fais attention avec ton arme, Garett...
— Ne t'en fait pas, je la manie parfaitement et je sais également me montrer prudent.
Il mit la sécurité puis passa son fusil dans son dos à l'aide de la lanière. Il sourit à Haru et se baissa pour prendre Philys dans ses bras. La jeune femme se redressa et lui rendit son sourire. Cependant, lorsqu'elle se mit debout, Garett constata qu'elle était blessée. Il s'inquiéta davantage et lui demanda si l'un des loups en était le responsable. Haru secoua la tête et lui dit qu'elle répondra à ses questions une fois que Philys sera mise en sûreté. L'homme compris son choix et acquiesça d'un hochement de tête.
Les deux jeunes gens se mirent donc en route. Ils se rendirent sur l'ancienne voie ferrée afin de ne pas se perdre dans le Bois. Haru marchait devant et Garett la suivait. Elle se posait beaucoup de questions sur ce retour inattendu mais malgré cela, elle restait très heureuse qu'il l'ait retrouvée au bon moment. S'il était arrivé ne serait-ce quelques secondes plus tard, elle et Philys ne serait plus de ce monde à l'heure actuelle... C'était son héros. Il est arrivé de nulle part et ni une ni deux a chargé son fusil et a décimé l'ennemi en répétant machinalement ce geste. Cela avait beau être un acte cruel et barbare, il l'avait sauvée et c'était ce qui importait le plus à ses yeux.
Au bout de longues et lourdes minutes de ligne droite. Garett et Haru virent enfin le grillage au loin. Instinctivement la jeune femme accéléra sa marche à la vue de celui-ci alors Garett fit de même. De ce fait, ils y arrivèrent assez rapidement.
— Passe d'abord avec Philys, je passerai après, dit-elle d'un ton plutôt nerveux.
— Non vas-y avant moi, ne te gêne pas.
— Je veux que ma petite sœur soit au plus vite sortie de cet enfer alors tu m'excuseras mais à toi l'honneur Garett, répondit-elle encore plus nerveuse.
— Très bien, très bien, je passe en premier...
Il poussa légèrement le grillage coupé puis avec précautions, il passa à travers. Une fois de l'autre côté il se retourna pour regarder Haru. Elle n'avait pas bougé.
— Haru ? Ne viens-tu point ? demanda-t-il, perplexe de la voir immobile.
— Écoute... Emmène Philys à la maison d'accord ? Je vous rejoindrai plus tard.
— Mais qu'est-ce que tu racontes Haru. Viens voyons.
— N-Non j'insiste, pars devant, dit-elle d'un triste sourire en baissant son regard.
— Je ne partirai pas sans toi.
— Garett... Je... Je ne peux pas sortir du Bois Willow. J'ai été maudite pour avoir dérangé le sommeil de deux âmes. Je suis bloquée ici et probablement pour toujours...
— Non il doit forcément y avoir une solution, dit-il confiant en déposant Philys au pied d'un arbre. Je ne pourrai pas me résoudre à continuer ma vie si je te sais ici...
— Arrête... On ne peut rien y faire... Va-t'en maintenant, Philys est hors de danger...
— Hors de question Haru. Je vais te faire sortir d'ici.
L'homme passa à travers le grillage pour rejoindre la jeune femme. Il lui sourit tendrement puis prit sa main dans la sienne. Il répliqua calmement : Fais-moi confiance, puis il avança vers le grillage afin de sortir du Bois avec elle. Cependant lorsqu'il passa il fut soudainement stoppé. La main d'Haru n'avait pu dépasser le grillage... Garett n'en baissa pas les bras pour autant et força quelque peu en la tirant. Voyant l'inefficacité de son geste, l'homme souffla et la tira plus fort pour la libérer. Ce fut vain. Le Bois Willow la gardait prisonnière. Garett s'en était bien rendu compte mais il ne pouvait pas abandonner. Haru commençait à avoir mal à la main alors elle lui demanda d'arrêter. Il n'écoutait pas, voulant à tout prix l'extirper de ce cauchemar. Elle se répéta donc puis vu qu'il ne cessait point, elle haussa la voix.
— Garett ça suffit ! C'est inutile ! souffla-t-elle les larmes aux yeux.
— Haru... soupira-t-il, ayant cessé de la tirer. Je suis vraiment navré...
— Tu n'as pas à t'excuser... Maintenant pars, sanglota-t-elle en détournant son regard.
L'homme refusa et rejoignit la jeune femme dans le Bois. Il la prit dans ses bras, et passa délicatement sa main dans sa chevelure verte, la regardant dans les yeux.
— Je partirai le temps de ramener Philys chez vous mais je reviendrai pour toi, Haru.
— Cesse de dire des bêtises Garett... Tu perds ton temps...
— Oh que non ma chère, sourit-il en continuant de la regarder.
Il se baissa légèrement pour l'embrasser. La jeune femme ne s'y attendait absolument pas mais malgré cette stupeur, elle se laissa emporter par la tendresse de ce doux baiser. Il la relâcha quelques secondes après, souriant d'une manière plus timide avant qu'il ne s'excuse maladroitement en lui expliquant qu'il ne savait pas ce qu'il lui avait pris. Haru en rigola et se rapprocha pour l'embrassa à son tour.
— Allez il faut que tu y ailles maintenant. Je t'attendrai ici ne t'en fais pas, sourit-elle.
Il lui rendit son sourire puis après avoir levé son chapeau pour la saluer il se retourna.
Tout à coup, une lumière vive éblouit la vue d'Haru tandis qu'au même moment, Garett poussa un cri de douleur avant de s'effondrer au sol. La jeune femme cria le nom de l'homme puis lorsqu'elle retrouva la vue, elle le découvrit couché sur le ventre, un sabre planté dans son dos. Elle hurla d'effroi à ce moment, accourant rapidement. Elle le redressa en répétant maintes et maintes fois son nom mais il ne réagissait pas... Il était mort. Des larmes ne cessaient de couleur le long des joues de la jeune femme alors qu'elle le maintenait contre elle, criant de rage. Soudain, un rire narquois se fit entendre plus loin lorsque que le sabre qui avait tué Garett disparu de son corps. Haru tourna sa tête en cette direction, abattue.
— C'est regrettable. Vu ses talents en chasse il aurait été parfait en chasseur...
— Vous... grogna Haru. Comment osez-vous ?! Vous allez le regretter !
— Des menaces ? On parle tout de même d'un homme qui a tué la totalité des survivants de l'effondrement du repère de la dévoreuse. Il méritait de mourir et c'est chose faite, dit-elle avant de voir Philys de l'autre côté du grillage. Je constate que tu y es parvenue au final... Quelle importance, elle mourra au pied de cet arbre.
— Je vais vous tuer...
— Plaît-il ? Es-tu ne serait-ce consciente que je suis bien plus puissante que toi ? Ne t'es-tu donc pas rendu compte de l'ampleur de mes pouvoirs ?
— Qu'importe. Vous l'avez dit vous-même, vous ne pouvez pas me tuer...
Soudain, Haru fit apparaître sa faux pour s'élancer sur l'elfe et lui asséner un coup. Malheureusement, son attaque était bien trop prévisible et Dame Heliodore la contra.
— Certes je ne peux t'atteindre à l'aide de mon sabre et mes pouvoirs en raison de ta malédiction qui m'en empêche mais... J'ai bien d'autres solutions pour gagner ce duel.
Elle sourit en coin avant de rapidement donner un coup de pied dans le buste de la jeune femme. Néanmoins là aussi il s'agissait d'une attaque prévisible alors c'est d'emblée qu'Haru projeta l'elfe en arrière et qu'elle brandit sa faux. Au même moment, Dame Heliodore fit se rencontrer son sabre avec l'arme de la jeune femme pour l'empêcher d'attaquer. La lame de l'elfe commençait à s'entourer d'étincelles tandis que la lame d'Haru émanait un brouillard glacial. Les deux femmes se regardaient droit dans les yeux, sourcils froncés. Elles maintenaient cette position, déterminées à faire tomber l'autre jusqu'au moment où Haru prit la décision de se transformer en corbeau blanc pour rompre ce face à face. Elle passa au-dessus de la gardienne et se plaça derrière cette dernière pour la prendre par surprise. C'est ainsi qu'elle dirigea sa faux droit vers la nuque de son ennemi. Malgré la rapidité de l'exécution de ses gestes, Dame Heliodore parvint à esquiver cette attaque mesquine et riposta en lui faisant une balayette. Quand Haru se retrouva au sol elle n'eu pas le temps de se relever que l'elfe avait bloqué sa faux avec son sabre et venait lui écraser le cou à l'aide de son pied. La jeune femme lâcha alors son arme pour tenter de soulever son pied, peinant à respirer.
— Je t'avais prévenue que tu n'étais pas à la hauteur de mes capacités. Accepte ta défaite, Haru. Beaucoup sont morts par ta faute alors il est logique que ce soit à ton tour tu ne crois pas ? D'abord ta sœur, puis Dial, la dévoreuse, ses serviteurs et maintenant ton sauveur... N'as-tu donc aucun respect pour eux ?
— Je... vous retourne la question... gardienne... Voilà déjà... un siècle que des gens disparaissent à Crow Hill... et ça ne fait que 20 ans que l'affaire a été liée au... Bois Willow. Vous avez causé la... la mort d'innocents pendant plus... d'un siècle.
— Tu crois tout savoir hein. Jamais Crow Hill n'aura la preuve concrète qu'avant les sept disparus ces disparitions étaient déjà l'œuvre de Willow, mon œuvre. Puis Dial est arrivé. Bien qu'il n'était qu'un enfant au départ il était parfait pour la chasse.
— C'est vous qui devriez... mourir. Pas moi...
— Qu'elle est mignonne. Tu croyais que j'allais te laisser me tuer ? C'est si naïf.
— Vous vous croyez tellement... supérieure aux autres... À tel point que vous en avez oublié le fait que vous n'être pas la seule ici à bénéficier de dons extraordinaires.
Rapidement, l'aura d'Haru fit son apparition ainsi que son animal totem. Il vola à toute allure vers Dame Heliodore et l'attaqua au visage. Ainsi, la jeune femme pu se défaire de l'emprise de l'elfe et récupérer sa faux. Le corbeau blanc continuait de l'attaquer sauvagement, ressortant toute la rage qu'Haru avait accumulé. La gardienne se débattait avant d'émettre un cri de douleur lorsque que son œil gauche fut crevé. Le volatile disparu dans la seconde alors que l'elfe se tenait la tête, son sang coulant le long de sa joue. C'était le moment. Munie de sa faux, Haru s'avança rapidement vers elle qui était désorienté et elle lui asséna le dernier coup. Son arme atteignit Dame Heliodore mais contre toute attente cette dernière passa au travers sans la blesser. L'elfe se raidit, regardant Haru de son seul œil puis s'effondra lourdement au sol. Un épais brouillard s'échappa se son corps et fut aspiré dans la lame de la faux.
Haru regardait sa faux sans vraiment comprendre ce qu'il venait de se passer... Elle s'approcha de l'elfe pour vérifier son pou : Elle était bel et bien morte. C'était fini. Cependant, en regardant autour d'elle, c'est aussi Garett qu'elle vit au sol... De nouvelles larmes s'échappèrent de ses yeux lorsqu'elle s'en approcha. Elle tomba à genoux, lâchant sa faux, pour le prendre dans ses bras. Il était devenu tellement froid, tellement livide... Haru posa son front contre le sien, tremblotante. Sa main parcourue doucement les cheveux de l'homme jusqu'à se glisser sur sa joue.
— Garett je suis tellement désolée... sanglota-elle avant de crier de rage et de désespoir.