Nuance Arc-en-Ciel ©

TamarSaborido tarafından

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Depuis toujours, on a appris à Theo à être lui-même et à ne jamais se soucier de ce que les autres peuvent pe... Daha Fazla

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TEASER
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21 juillet (3/3)
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25 juillet (2/2)
29 juillet (1/2)
29 juillet (2/2)
1er Août (1/2)
1er Août (2/2)
8 Août (1/2)
8 Août (2/2)
10 Août
Épilogue
Mot de l'auteure

14 juillet (2/2)

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TamarSaborido tarafından

Après avoir passé la soirée autour d'un feu de camp qui a fini par s'éteindre avant qu'on mange nos smores, je me suis porté volontaire pour aller chercher un peu plus de bois dans la forêt qui environne le camping.

Lily a voulu m'accompagner, tout comme Rory, mais j'avais besoin de me retrouver seul pendant quelques instants. Alors c'est Donatello qui me tient compagnie, ça lui permet par la même occasion de se dégourdir les pattes et de se promener un peu avant d'aller dormir. Il court déjà partout, et même s'il fait sombre, je ne le perds pas de vue une seule seconde.

Je trouve des brindilles, des morceaux de bois un peu plus gros, je les prends dans mes bras et en fais une pile. Mon esprit me transporte à quelques heures plus tôt, ainsi qu'à la discussion que Rory et moi avons eu. Elle ne semble pas avoir plus de remords que ça, quant à moi, ma culpabilité s'amoindrit de plus en plus. Est-ce que ce que River lui a dit est vrai ? C'est désormais la question qui me turlupine le plus.

Soudain, des bruits de feuillages me ramènent à la réalité et en me retournant, je découvre River Park écarter la branche d'un arbre. Mais qu'est-ce qu'il fait là ?

— Besoin d'aide ? me demande-t-il en s'approchant.

Je retiens mon souffle pendant quelques secondes tandis que mon cœur se sent extrêmement lourd. Depuis Las Vegas, on ne s'est plus du tout adressés la parole, c'est la première fois en quatre jours qu'il me dit directement quelque chose. On a échangé quelques regards, mais j'ai toujours été celui qui me détournait lorsque nous yeux se croisaient. J'ai l'impression d'être un gros lâche quand il s'agit de lui, le pire, c'est que j'ignore s'il me plait ou si c'est juste le doute qu'il a semé en moi avec ses baisers et sa déclaration. Puis... est-ce que ça a vraiment une certaine importance ? Lui et moi, ça ne le fera jamais, pour tout un tas de raisons, mais une principale et sans doute la plus importante : Rory.

— Ça va, réponds-je en me reprenant et en me baissant pour attraper un autre morceau de bois.

Cependant, il continue d'avancer dans ma direction tandis que je lui tourne le dos. Je n'ai pas besoin de le voir, je l'entends et tout mon corps le sent. Ce dernier se tend à son approche et mon cœur s'emballe affreusement, j'ai vraiment honte de moi. Je suis vraiment une personne horrible.

Rapidement, sa chaleur corporelle envahit la mienne et je dois faire tous les efforts du monde pour que ça ne m'atteigne pas. Il est tellement proche que c'en est complètement déroutant. Non mais regardez-moi ! Je perds mes moyens simplement parce qu'on est seuls et qu'il est juste à quelques millimètres de moi... mais quel abruti fini je suis !

— Theo, soupire-t-il, il faut qu'on parle.

— Je ne vois pas de quoi.

En vrai si, je vois parfaitement, mais j'ai la frousse, je ne veux pas le confronter et savoir vraiment ce qui se passe dans sa tête. Je suis très curieux à son propos, mais je n'ai pas envie d'assouvir cette curiosité.

La meilleure chose que je peux faire, c'est m'éloigner de lui et ne pas lui parler. Oui, plus que quelques semaines à tenir et on ne sera plus obligés de se fréquenter. Dès qu'on sera de retour à Corvallis, nous reprendrons nos vies respectives et je suis certain qu'il retournera à la chasse aux gonzesses sur le campus. D'ailleurs, y sera-t-il seulement ? Il a terminé sa licence, tout comme Jack et Tyrone, alors... continuera-t-il ses études à l'OSU ? Changera-t-il de faculté ? De ville ?

Je secoue la tête afin de me remettre les idées en place. Qu'est-ce que ça peut bien me foutre ce qu'il va faire de sa vie ?

Je marche entre les cailloux et différents buissons toujours à la recherche de bois, en gardant un œil sur le chien, qui désormais, semble être occupé à renifler partout. Il n'a pas intérêt à me ramener un écureuil mort ! La semaine dernière, il a apporté un lézard qu'il a pourchassé comme un dingue. Il a des comportements félins ce canin.

— Tu sais très bien de quoi, renchérit River après quelques minutes de silence et sans avoir cessé de me suivre. Je sais que tu as une piètre opinion de moi...

Je grimace et m'en veux d'avoir été un vrai con avec lui depuis le début de ce roadtrip. D'accord, sa façon d'être et de me taquiner me sort de mes gonds, mais je ne l'ai pas très bien traité non plus. Voilà l'une des raisons pour lesquelles je ne comprends pas ce qu'il m'a dit quelques soirs plus tôt. Il est maso ou ça se passe comment ?

— J'ai également couché avec ta meilleure amie, ce qui n'arrange en rien mon cas...

En effet. Ça ne fait que l'empirer et me faire sentir comme un sale misérable d'avoir apprécié chaque baisé qu'on a échangé. Mais finalement, que puis-je y faire ? Je ne suis qu'un humain, avec des sentiments et des désirs, je suis loin d'être fait de marbre, comme Sarah et Rory ont tendance à croire. C'est juste... que je cogite trop.

— Mais ce que je t'ai dit l'autre jour, je le pensais vraiment. Ce qui s'est passé sous la jetée, je ne l'ai pas fait parce que j'étais sous l'influence de l'alcool, mais parce que j'en crevais d'envie, me confie-t-il, me paralysant dans mes mouvements.

Je ne sais pas quoi lui répondre. Je mentirais si je disais que je ne l'ai pas mâté, bien entendu que si, je ne suis pas aveugle et même s'il me sort beaucoup de mes gonds, il y a quelque chose en lui qui m'intrigue et qui me pousse à vouloir en savoir plus à son propos, alors que je ne devrais pas. Alors face à ses aveux, comment est-ce que je dois réagir ? Qu'est-ce que je suis censé faire ?

D'un côté, il y a mon amitié avec Rory qui se dégrade depuis que ce voyage a commencé, qui craque pour lui et qui n'en démordra pas même s'il lui a dit être amoureux de quelqu'un. Et de l'autre, il y a lui, un mec que je n'arrive pas à cerner – dont j'ignore les véritables intentions –, qui m'énerve et m'étonne presque autant à la fois. Il est pour ainsi dire le fruit interdit, il est ma pomme du jardin d'Eden. Je peux l'admirer de loin, mais surtout pas la cueillir sous peine de détruire une amitié qui dure depuis le jardin d'enfants. Ça ferait de moi un sale enfoiré qui vole le crush de sa meilleure amie.

Et si je suis aussi tiraillé, c'est sans aucun doute parce que oui, il me plait. Ça y est, je l'admets. River Park – à mon plus grand étonnement – me fait plus d'effet qu'aucune autre personne avant lui.

— Je comprends que tu te méfies de moi, on va dire que ma réputation me précède...

— Non, tu crois ? ne puis-je m'empêcher de marmonner.

C'est même pire que ça. Même sans que Rory mente à son sujet, j'ai entendu tellement d'histoires à son propos que je pourrais tenir un blog en ne racontant rien d'autre que ses exploits sexuels. J'ai beau être « l'exception » comme dit si bien Lily, il s'est tapé tout le campus féminin. Bon, d'accord, peut-être pas toutes les filles, mais du moins une bonne partie. Je doute même qu'il sache le nombre exact avec lesquelles il a passé une nuit... ou une pause déjeuner.

— Mais je veux que tu saches qu'à chaque fois, j'ai été sincère. Je le suis toujours.

Je m'arrête de marcher et ferme les paupières. Si on suit sa logique des choses, en effet, il n'est pas quelqu'un de malhonnête. Il dit toujours aux femmes ce qu'il veut, alors avec moi, c'est sans aucun doute pareil. Alors pourquoi ? Pourquoi moi ? Est-ce qu'il est paumé et je suis la personne parfaite selon lui pour essayer des choses nouvelles ? Ou est-ce qu'il sait vraiment ce qu'il désire ? Parce que franchement, j'en doute.

— Écoute, River...

Mais je suis interrompu par les aboiements de Donatello alors qu'il fixe un buisson. Voilà qu'il a déniché une autre bête, j'en suis certain. Il grogne encore et encore, tout en montrant ses crocs. Mais qu'est-ce qu'il a bien pu trouver pour se mettre dans cet état ?

— C'est quoi son problème ? demande River en fronçant les sourcils et en s'avançant vers le chien.

Tout à coup, mon instinct me dit que ce n'est pas forcément l'idée du siècle. Il y a des crotales dans la région et s'approcher du buisson sans savoir ce qui peut se cacher entre ses feuillages peut s'avérer dangereux, voire mortel. Au moment où il s'apprête à écarter les différentes branches, je débarque à ses côtés, tendu tel un arc et ce qu'on trouve, ce n'est pas un serpent et il est déjà trop tard.

Donatello essaye d'attraper l'espèce de boule de poiles noir et blanc qui se retourne pour soulever sa queue à l'approche de ce satané chien. On n'a pratiquement pas le temps de réagir avant de se retrouver tous les trois aspergés par un liquide puant qui me donne des nausées. Le chien pousse une complainte et se barre à toutes jambes jusqu'au campement, tandis que River et moi restons debout après avoir reculé précipitamment en réalisant que l'animal en question n'était autre qu'une foutue mouffette. Bon sang ! On pue les œufs pourris, c'est immonde !

J'ai un haut le cœur et m'appuie contre un arbre pour vomir ce que j'ai dans l'estomac. River m'imite, mais va s'appuyer contre l'arbre qui se trouve à côté. Bon sang, il ne pouvait pas laisser le chien aboyer tout simplement ? Il a un sacré don pour attirer les problèmes ce type !

— Tu ne pouvais pas rester tranquille pour une fois ? me plains-je. On vient de se faire asperger par une putain moufette !

— Désolé, se lamente-t-il.

Mon dieu, mais quelle odeur !

C'est la sentir et j'ai à nouveau des hauts le cœur. Comment vais-je faire ? Il est près de minuit et même si je prenais un bain, ça ne suffirait pas à se débarrasser de cette puanteur. Quant aux vêtements, je vais devoir les brûler pour sûr. Saleté de Donatello ! Ce sale lâche a pris la fuite en plus !

Je peux déjà imaginer la réaction des autres, et elle ne me déçoit nullement lorsque nous retournons tous les deux au campement et qu'ils se tiennent à cinq mètres de distance de nous, tout en nous interdisant l'accès aux tentes. Apparemment, nous laissons notre puanteur partout. Je suis en plein dedans, alors je ne peux pas faire la différence.

— Vous allez devoir dormir à la belle étoile, dit Sarah en se pinçant le nez, comme tous les autres.

— Hors de question que tu dormes dans la tente, poursuit Rory d'une voix de canard.

Lily essaye également de maintenir éloigné le chien, car lui aussi trimballe les sécrétions de la moufette partout. Sale cabot ! Ce voyage en tout cas aura mis à rude épreuve mes nerfs, de cela, je peux en être certain.

Ils nous donnent nos sacs de couchage et les déposent par terre, sans même s'approcher de nous. À croire que nous avons la peste, le choléra et la fièvre jaune. Ils exagèrent, d'accord, ça schlingue, je ne vais pas dire le contraire, mais là, ils en font des caisses !

— Emmenez Donnie avec vous, s'il vous plait, nous demande sa maîtresse. Demain je vous préparerai un mélange d'eau oxygénée, bicarbonate de sodium et de savon liquide à vaisselle.

— Il ne faut pas enlever la puanteur avec du jus de tomate ? questionne Tyrone, le nez bouché.

— Ce n'est pas très efficace.

— Ouais, marmonne Jack en perdant patience, partez avant que votre pestilence ne s'imprègne dans les roches !

Je le foudroie du regard, mais au lieu de faire une remarque, je décide de prendre mes cliques et me claques puis de m'engouffrer à nouveau dans les bois, vraiment très en pétards, alors que le chien me colle aux basques. Tout ça à cause de sa maudite curiosité !

J'entends des bruits de feuillages derrière moi et je sais parfaitement que River me suit. J'ai envie de me retourner et de lui dire d'aller se trouver son propre coin, mais au lieu de ça, je trouve une espèce de clair en plein milieu des arbres et y installe mon sac de couchage. Je vais sans doute devoir le brûler aussi, parce qu'il va puer après cette nuit.

Je me couche, mets mes mains sous ma tête et contemple l'astre lunaire tout en comptant les secondes, car je dois me calmer, sinon, je vais me mettre à gueuler.

Donatello se couche à côté de moi et me regarde de ses petits yeux de chien battu, comme s'il cherchait à me demander pardon. Alors que je pense en un premier temps que cette foutue boule de poile peut aller voir ailleurs si j'y suis, il arrive à m'amadouer et je me retrouve à lui faire des câlins au-dessus de la tête. Je ne suis qu'un faible.

Du coin de l'œil, je vois River s'installer et emprunter la même position que moi.

Les secondes de silence se succèdent et je ne me rappelle même plus ce que je voulais lui dire avant qu'on ne soit aspergés par les sécrétions anales de cette horrible bête à l'apparence aussi mignonne. Parce qu'il faut le dire, hormis la puanteur, l'aspect des moufettes est plutôt chou.

Je fais mémoire et me souviens de ses dernières paroles : « Je veux que tu saches qu'à chaque fois, j'ai été sincère. Je le suis toujours. » Et je me rappelle alors que j'ai été sur le point de lui dire que je ne voulais rien savoir de tout ceci, pourtant, au lieu de reprendre la conversation, je préfère garder la réponse dans un recoin de ma tête, car en vérité, même si c'est ce que je devrais vouloir, ce n'est pas ce que je désire en vérité.

— Je suis désolé que tu doives dormir à la belle étoile à cause de moi, Theo, rompt-il le silence de la nuit.

Je tourne doucement le regard vers lui et le retrouve couché sur son flanc droit, un bras sous la tête, en train de m'observer.

Je devrais être super énervé, mais plus les minutes s'écoulent, plus je sens une sorte de paix intérieure. Au fond, ça me plait de me retrouver à l'écart des autres, avec lui. Et ce genre de pensées me donnent l'impression d'être une personne horrible, mais je ne peux rien contrôler.

— Techniquement, c'est la faute du bouffeur de pizza, l'excusé-je en faisant porter le chapeau au chien, car à la base, c'est bel et bien lui le fautif.

S'il n'avait pas mis la truffe là où il ne fallait pas, on se serait bien évité des emmerdes.

— Ce n'est pas faux, ricane-t-il légèrement.

— Au moins, on pourra dire qu'on a pu passer la nuit à la belle étoile près du Grand Canyon, soupiré-je.

Il acquiesce sans pour autant cesser de me fixer. Dans d'autres circonstances, je me sentirais mal à l'aise, voire même épié, mais là, la seule chose que j'éprouve, c'est de l'excitation. Mon cœur bat tellement vite que j'ai l'impression qu'il va se barrer de ma poitrine. Le yeux de River sur ma peau sont comme une brûlure au niveau de mon épiderme, une chaleur qui envahi chaque parcelle de mon anatomie. Je détourne le regard, afin de me calmer et prends une grande inspiration, pour ensuite, expirer l'air jusqu'à ce qu'il n'en reste plus dans mes poumons.

— Parle-moi de toi, continue-t-il.

Ce n'est pas une question, mais une exigence. De quoi peut-il bien être curieux ? Ma vie n'a rien d'extraordinaire, elle est plus que banale, rien de bien passionnant ne m'arrive jamais. Je suis un mec normal qui vit une vie normale, pas de quoi s'étaler pendant des heures. C'est sa vie à lui qui m'intrigue, car mis à part le fait de savoir que c'est le fils du doyen de l'OSU et que c'est un coureur de jupons, je ne sais strictement rien à son propos.

— J'ai cru comprendre que tu as deux mères. Ça fait quoi d'avoir deux mères poules ?

Sa question me déride et je suis incapable de ne pas rire.

— Il y a des jours avec et des jours sans, mais en règle générale, c'est super.

— Tu es adopté ou...

— Non, l'interromps-je avant qu'il ne poursuive, c'est assez complexe. Enfin, non, ma naissance n'est pas complexe, mais disons que la situation du tout début l'a été.

Il se redresse et s'assoit en tailleur sur sa couche, avant d'attraper un morceau d'herbe et de l'arracher par terre pour commencer à jouer avec.

— J'ai tout mon temps.

J'esquisse un léger sourire, en même temps que je me rends compte que je n'en ai vraiment jamais parlé à personne. Sarah et Rory connaissent les grandes lignes, mais mis à part elles, pas grand monde est au courant de ma situation familiale.

— Ma mère biologique, Susan, est tombée enceinte lorsqu'elle était relativement jeune. Elle est tombée amoureuse de mon père, mais ce dernier n'était pas sincère dans ses intentions. Lorsqu'elle lui a annoncé la grossesse, il lui a donné de l'argent pour qu'elle avorte et il a mis un terme à leur relation. Vu que je suis ici aujourd'hui, tu peux te douter que ma mère n'a pas fait ce qu'il voulait. Pendant sa grossesse, elle a rencontré mon autre mère, Annie, elles sont devenues amies et leur amitié s'est transformé en quelque chose de plus. Elles sont ensemble depuis et elles se sont mariées dès que le mariage homosexuel a été légal en Oregon.

— Donc, tu ne connais pas ton père, certifie-t-il.

— Malheureusement, si. Lorsque j'ai eu quatorze ans, il a eu vent qu'une de ses nombreuses conquêtes ne s'était pas débarrassé de son rejeton et il a voulu qu'on entame une relation père/fils... enfin, relation est un bien grand mot.

— Tu ne l'aimes pas.

— C'est si évident ? ironisé-je. Je passe du temps avec lui pour faire plaisir à ma mère, si ça ne tenait qu'à moi, il ne poserait même pas un pied chez nous. Je le tolère, mais ça ne veut pas dire pour autant que je l'accepte.

— Je me doute que ce ne doit pas être simple pour toi de lui faire face alors que tu sais ce qu'il a demandé à ta mère.

Il ne peut pas s'imaginer à quel point, mais surtout, c'est le fait qu'il l'ait abandonnée, qu'il n'ait pas assumé sa part de responsabilité. Ma mère l'a fait, lui, il s'en est lavé les mains pendant quatorze ans et le fait de se pointer une fois par mois pour partager un repas avec moi ne fait pas de lui un père.

— Si ça ne tenait qu'à moi, je lui éclaterais sa face, mais je ne veux pas peiner ma mère, alors, je le supporte. Lorsqu'il a su que j'étais gay, il a fait une remarque qui m'a vraiment fait tiquer.

Je ne sais pas trop pourquoi je parle de ça, c'est un peu hors sujet, mais c'est sorti tout seul.

— Il a remis en doute l'éducation de mes mères, parce que je n'étais pas hétérosexuel.

— L'orientation sexuelle n'a rien à voir avec l'éducation, répond River. Si tu avais été élevé par lui et par ta mère, le résultat aurait été le même.

— Je pense que je serais resté dans l'armoire jusqu'à ma majorité, certifié-je.

— Sans doute, soupire-t-il. Je suis né dans une famille recomposée, d'une mère américaine et d'un père coréen, assez traditionnel. C'est mon paternel qui commande à la maison et il a tenté de m'élever à la coréenne, même si, il s'est avéré que j'ai toujours été du genre difficile et que je ne me suis jamais laissé faire. Il a toujours voulu m'inculquer ses valeurs, ainsi que ses traditions. La chose la plus essentielle pour lui, je crois que c'est que son héritage familiale ne parte pas en fumée parce qu'il s'est marié à une occidentale, alors il a toujours cherché à me la transmettre.

Je me souviens de l'avoir entendu parler coréen avec son père, lors de leur confrontation sur le parking. Je ne suis pas du tout familiarisé avec cette langue, mais j'ai pu remarquer qu'elle est très belle.

— Il a rempli ma tête depuis que j'ai l'usage de la raison de traditions, d'Histoire du pays de mes ancêtres et j'ai appris le coréen en même temps que l'anglais. Pour lui, c'était essentiel que mon premier mot soit dans sa langue natale, ricane-t-il. Bref, il a beau avoir épousé une américaine, les idées de mon père restent très orientales.

— C'est bien d'avoir plusieurs cultures.

— Oui, c'est intéressant, mais disons, que je suis loin d'être le fils parfait. Je déteste les études, me confie-t-il, je sais que je perds mon temps à l'université, ce n'est pas fait pour moi, mais pour les orientaux, les études universitaires sont essentielles. Si tu n'en as pas, tu n'es qu'un moins que rien. Pire qu'un déchet.

— Peut-être que c'est ta filière qui ne te plait pas.

Il renâcle et lève le regard vers les étoiles.

— Il y a tellement de choses dans ma vie qui ne me plaisent pas mais que je fais pour faire plaisir à mon père et qu'il n'ait pas honte de moi. Je me suis un jour promis de vivre la vie sans aucun regret, de m'amuser et de faire que ce que je voulais, sans jamais me sentir forcé à quoi que ce soit.

— La vie n'est pas que frivolité, le reprends-je, il y a également des responsabilités. On ne peut pas faire toujours ce que l'on veut, il faut se dire que nos choix ont des conséquences.

— Je sais, répond-il en fermant les paupières. Je peux être impulsif, mais je réfléchis assez à ce que je fais, contrairement à ce que beaucoup croient. Je ne suis pas le mec sûr de lui qu'on dépeint. Par exemple, il m'a fallu des mois pour t'aborder.

Sa révélation me laisse de marbre et je crois pendant un instant avoir mal compris. Qu'a-t-il donc dit ?

— Je t'ai aperçu pour la première fois en mars, tu étais avec Sarah. Je t'ai vu et mon cœur a fait un looping dans ma poitrine, ça faisait des années que je n'avais pas ressenti une telle chose. On ne s'était jamais parlé, je ne connaissais même pas ton nom, ni même dans quelle année tu étais, mais quelque chose en toi m'a plu. Je ne saurais te dire si ça a été ton rire mélodieux, ton regard sincère, ta passion pour la littérature ou si toutes ces choses à la fois. Je sais simplement qu'à partir de ce jour-là, je t'ai observé aussi souvent que je le pouvais. Puis au bout de quelque semaines, lorsque Jack a commencé à fréquenter Sarah, j'ai appris comment tu t'appelais, alors j'ai pu mettre un nom sur ton visage, ainsi qu'un âge.

Mon cœur bat lentement, mais à la fois, très violemment. Il se gonfle à l'extrême et frappe tellement fort contre ma cage thoracique, que j'en ai mal, mais c'est une douleur agréable. Exquise. Jamais je n'aurais imaginé que River Park aurait fait attention à moi, ça ne m'aurait jamais traversé l'esprit.

— Pendant les mois suivants, j'ai continué à t'observer de loin, que ce soit à la bibliothèque, dans les jardins de l'université, ou même dans les cafétérias étudiantes, je tombais souvent sur toi, mais toi, tu ne faisais jamais attention à moi. Je ne savais pas que tu étais gay, m'avoue-t-il, alors quand Jack a placé cette information dans une conversation, ça a vraiment attiré mon attention.

Ma gorge est aussi sèche que la Death Valley, et j'ai la sensation que quelque chose va exploser à l'intérieur de moi. Jamais je n'aurais imaginé qu'il m'observait, mais surtout, depuis aussi longtemps.

— En sachant que tu faisais partie du roadtrip, j'ai sauté sur l'occasion. Je voulais me rapprocher de toi, tu attisais ma curiosité depuis ce premier jour où je t'ai aperçu et tu l'as d'autant fait lorsque nous nous sommes officiellement rencontrés sur le parking de l'OSU.

Le fait que je lui dise qu'il n'était pas mon genre a dû le titiller plus que je ne l'aurais imaginé.

— Mais quand j'ai vu que Rory était ta meilleure amie et qu'elle faisait aussi partie du voyage, j'ai immédiatement su que ce ne serait pas simple.

— De quoi ? Me séduire ? plaisanté-je.

Il ne répond pas, au lieu de ça, il détourne le regard, se mord la lèvre inférieure et finit par hocher la tête. Mon palpitant a le droit à plusieurs ratés d'affilé, ma respiration devient erratique et je ne pense plus cohéremment. Je suis pris de frayeur, mais également d'excitation. Personne auparavant ne s'est montré aussi franc avec moi, il s'ouvre de toutes les manières possibles. Il me donne le pouvoir de le bousiller avec mes paroles, mais aussi avec mes actes. Je ne saurais dire s'il est courageux ou inconscient de s'exposer, de se mettre à nu ainsi devant moi.

J'opte pour le courage.

— Tu es... bisexuel ? ne puis-je m'empêcher de lui demander.

J'ai vraiment besoin de savoir, je n'en peux plus de rester dans le flou. Je ne me suis pas protégé toute ma vie pour envoyer désormais tout se faire foutre pour ses beaux yeux brun-miel, je ne le laisserai pas se jouer de moi et je ne veux pas être une expérience.

Mais au lieu de me répondre à cette simple question, il enchaîne avec une autre histoire.

— Avant mes seize ans, je ne suis jamais tombé amoureux. Je me suis toujours senti attiré par les filles et c'est toujours le cas aujourd'hui, mais à l'époque, la personne dont je suis tombé amoureux pour la première fois de ma vie s'est avéré être totalement à l'opposé de ce que j'avais toujours imaginé, mais surtout, de ce qu'on m'avait inculqué.

Je hoche la tête, comprenant parfaitement de quoi il veut parler. Son premier amour a été un homme.

— J'ai essayé de refouler mes sentiments, de me dire que c'étaient simplement mes hormones et que ça finirait par s'en aller, car de toute façon, je n'étais attiré par aucun autre garçon. Mais plus le temps passait, plus je me rendais compte que mes sentiments à l'égard de cette personne ne faisaient qu'accroitre. Plus je passais de temps avec elle et moins j'avais envie de la quitter. Finalement, n'en pouvant plus, je lui ai avoué ce que je ressentais et je l'ai embrassé.

Je m'imagine très bien la scène. Un River plus jeune, complètement à côté de ses pompes, tiraillé entre ses sentiments et ce que son traditionnaliste de père a toujours cherché à lui enseigner. Des doutes et encore des doutes plein la tête, ne sachant pas vraiment comment exprimer ce qu'il ressentait.

— J'ai d'abord cru qu'il allait me repousser, mais au contraire, il m'a rendu mon baiser. Tu n'imagines pas à quel point je me suis senti bien à ce moment-là, mais ça n'a pas duré. Il m'a dit qu'il ne pouvait pas faire ça et qu'il valait mieux pour nous deux qu'on arrête de se voir.

Je fronce les sourcils, submergé par son histoire et surpris par le retournement de situation. Pourquoi ne plus vouloir le voir ? Ça n'avait aucun sens.

— Alors tu peux t'imaginer que j'étais encore plus paumé qu'avant et qu'en prime, j'avais le cœur brisé.

— Oui, je vois très bien, murmuré-je.

— Après quelques semaines, apathique, j'ai repris ma vie d'avant et ai commencé à oublier Jordan.

Ainsi, son premier amour s'appelait comme ça.

— Puis je me suis rendu compte que je n'étais attiré par aucune autre personne de mon sexe, alors j'ai vraiment cru qu'il ne s'agissait que d'une phase. Je ne me suis jamais considéré comme bisexuel à part entière, tout simplement parce que cette attirance m'est simplement arrivé une fois... jusqu'à ce que je te rencontre.

Alors Lily a raison ? Je suis son « exception » ?

— Alors oui, je suis sans aucun doute bisexuel, même si je n'aime pas forcément entrer dans les cases. Je me laisse guider par ce que je ressens et je n'ai pas peur de le dire, de le faire savoir à la personne à qui je porte un certain intérêt. Voilà pourquoi je ne joue pas avec toi, Theo.

J'avale ma salive, me racle la gorge et baisse le regard, gêné. Je crois que je n'ai jamais eu aussi chaud de toute ma vie.

— Et que s'est-il passé avec Jordan ? Tu l'as revu ?

River serre les dents et se contente de fixer un point invisible derrière moi pendant quelques secondes, avant de lâcher un très long soupir et de poursuivre.

— Jordan est décédé quelques mois plus tard d'une leucémie.

Cette révélation me fait l'effet d'une claque et mon cœur se serre tellement que j'ai pendant un instant peur qu'il ne se brise. Jamais je n'aurais imaginé une chose pareille, tout comme jamais je n'aurais pu croire que j'intéresserais d'une quelconque manière River Park.

— Il m'a fait parvenir une vidéo où il m'expliquait pourquoi il m'avait repoussé. Je l'avais enfin ma raison : il ne voulait pas me faire souffrir, voilà pourquoi il a coupé les ponts. C'est également à partir de là que j'ai décidé de vivre ma vie à fond, sans aucun regret.

Ça explique en effet beaucoup de choses de sa personnalité, dont par exemple le fait de vouloir profiter sans chercher à s'engager.

— Ta famille sait pour lui ?

— Je n'ai parlé à personne de lui, tu es la première à qui je me confie. J'ai vécu son deuil en silence, j'aurais pu en parler à ma demi-sœur, mais je ne voulais pas l'inquiéter. Quant à mes parents, ma mère aurait flippé et mon père se serait mis en colère, alors j'ai simplement limité les frais.

Je trouve cela tout simplement horrible. Dans ma famille, on peut parler de tout, quoi qu'il advienne, je sais que mes mères seront là pour me soutenir. J'ai vraiment de la peine pour River, il a vraiment dû souffrir en affrontant cette terrible situation tout seul. Toutefois, le fait qu'il m'en parle de son jardin secret me flatte, plus que ça ne devrait, j'en conviens. Mais je n'y peux rien.

— Je ne veux vraiment pas que tu penses du mal de moi, Theo. Je sais que je peux être chiant, un vrai gamin et que je t'en ai fait voir de toutes les couleurs depuis le début de ce voyage, mais que faire ? J'aime bien t'enquiquiner et te voir démarrer au quart de tout.

Je ricane, sans pouvoir m'en empêcher. Il faut bien avouer que certaines de mes réactions sont épiques et qu'il a un sens de l'humour qui peut me mettre hors de moi mais qui à la fois me fait rire. Mes sentiments envers lui sont une véritable contradiction, je le sais.

— Et pour ce qui est de Rory, poursuit-il, si je le pouvais, je ferai machine arrière. Cependant, je suis désolé si je lui ai fait du mal, j'ai tout fait pour que ce ne soit pas le cas.

— Je sais, tu n'as pas à t'excuser, c'est elle qui a complètement déconné. Elle est ma meilleure amie et je me suis laissé aveugler par ce qu'elle m'a raconté, en la croyant sur parole. Je suis désolé de t'avoir mal jugé, River.

Il esquisse un sourire et se recouche sur le dos, les bras derrière la tête et le regard rivé vers les étoiles. Je l'imite et au bout d'un moment, mes paupières commencent à se fermer toutes seules, ma respiration devient de plus en plus lourde et je l'entends murmurer :

— Merci de m'avoir permis de te connaître davantage, Theodore.

— Tu vas t'en manger une si tu continues à m'appeler comme ça, marmonné-je à moitié endormi.

Il pouffe, mais je ne m'arrête pas en si bon chemin.

— Merci de m'avoir parlé de Jordan...

Ça m'a donné l'occasion de pouvoir mieux le cerner, même si je sens que River Park est encore plus compliqué que je ne peux l'imaginer.

— Dors bien, Theo.

— Toi aussi, Riv.

Puis je tombe dans les bras de Morphée comme une vraie masse, arborant cependant un sourire sur mes lèvres. 

🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈 🏳‍🌈

Hey ! Alors ce chapitre était bourré de révélations ! 

D'abord la situation familiale de Theo, la relation entre son père et sa mère, mais surtout, des révélations à propos de River et de comment il a jeté son dévolu sur Theo, mais aussi, sur son premier amour. 

J'espère vraiment que ce chapitre vous a plu et j'aimerais vraiment beaucoup avoir vos réactions par rapport à ce dernier. Vos avis comptent pour moi comme vous le savez désormais, surtout que c'était un chapitre de plus de 5000 mots, alors, un minum de réactions s'imposent je trouve. N'oubliez pas que ce sont aussi les commentaires des lecteurs qui font vivre l'histoire, merci ! En plus de ça, vos petits mots encouragent l'auteur à poursuivre et à ne pas se démoraliser en voyant que le chapitre n'a pratiquement aucun commentaire/avis. 

Je vous souhaite une bonne fin de semaine ! 

Bye !

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