NOVA
Les rideaux étaient tirés, la lumière bien présente et les talons de ma mère ont résonné quelques secondes avant de s'arrêter devant mon lit.
- MADEMOISELLE NOVA MENIER, SI TU N'ES PAS EN BAS DANS SEPT MINUTES, JE TE JURE QUE TU VAS FINIR TA VIE ENFERMÉE DANS LA TOUR DE RAIPONCE.
Ma mère. Ne criait. Jamais.
Alors là, je n'avais qu'une solution si je voulais survivre : faire ce qu'elle me disait.
C'est avec une grande difficulté et un mal de tête déchirant que j'ai ouvert les yeux. Je me suis rapidement habillée d'un pantalon à carreaux noirs et blancs, d'un débardeur court blanc et d'un petite veste en jean également noire tout en me dépêchant de me brosser les dents et de me laver le visage. Pas de maquillage pour aujourd'hui si je souhaitais rester en vie.
Je me suis hâtée jusqu'à la cuisine où un chocolat chaud et des fruits m'attendaient. Mme MENIER était redevenue calme. Mais cela ne voulait pas dire que c'était bon signe.
Bordel, qu'est-ce que j'avais encore pu faire comme connerie ?
Elle s'est approchée de moi dans sa tenue de travail parfaitement repassée et m'a montré, de sa main gauche, son téléphone.
Bla bla bla bla demande de stage bla bla bla bla JYP entertainment bla bla bla bla accompagnement d'un groupe bla bla bla bla acceptée bla bla bla bla.
Minute, pourquoi ce message était-il écrit en anglais ?
- J'attends tes explications.
- Ah ah, j'aimerais bien en avoir aussi.
- Est-ce que tu te moques de moi ?
- Je t'assure que je ne me souviens de rien.
Je devais avouer que, la veille, j'étais peut-être allée à la fête d'une fréquentation de fréquentation peut-être pas très fréquentable et que, avec un peu d'alcool dans le sang et l'odeur de l'herbe autour de nous, nous n'étions peut-être plus très lucides et, il était possible que, peut-être, possiblement, nous ayons joué à des jeux pas très raisonnables avec des gages qui l'étaient encore moins.
- Nova, j'ai tout mon temps alors donne moi une explication rationnelle là, maintenant, tout de suite.
- Euh... Là ? Maintenant ? Tout de suite ?
-...
Quand ma mère vous regardait comme ça, vous la fermiez et vous exécutiez ses ordres. Non seulement parce qu'elle faisait peur, mais également car c'était une personne qui imposait le respect.
Nous ne manquions de rien et c'était grâce à elle. Elle s'était toujours bien occupée de moi et m'avait toujours encouragée peu importe mes rêves. Alors, allez savoir pourquoi, j'avais décidé d'être une mauvaise fille. Pas pour me donner un genre ou parce que j'étais encore dans l'adolescence. À vrai dire, je ne savais pas pourquoi non plus et je m'en voulais de décevoir ma mère, mon modèle, celle à l'origine de mon admiration envers les femmes. Mais elle, n'avait jamais eu honte de moi.
Alors je m'en voulais encore plus.
- Ok, maman, la soirée d'hier était un peu bizarre, je te l'avoue et j'ai, peut-être, potentiellement, fait des choses que tu vas me faire regretter.
- Je le savais, je voulais juste t'entendre le dire. Regarde dans ta boîte mail, tu devrais avoir reçu le message aussi. Note les informations, je vais au boulot.
Elle m'a embrassée la tempe et s'est dirigée vers la porte.
- Hein ? Maman !
- Bonne journée ma chérie !
- Maman, c'est quoi cette histoire ? Comment tu peux être aussi détendue !?
Elle m'a ignorée et a commencé à partir.
- Maman ?
Elle s'est arrêtée.
J'aurais aimé lui dire que j'étais désolée mais cette idiote de fierté m'en empêchait.
- Rien, bonne journée.
- Bonne journée aussi ma chérie.
J'ai déjeuné rapidement, ai enfilé mes boots noires et suis montée dans le bus qui venait juste de s'arrêter de l'autre côté de la rue.
Timing parfait.
Je me suis assise à côté d'un garçon tout maigrichon et avec un casque sur les oreilles. Mes écouteurs branchés et ma musique lancée, je me suis décidée à lire le fameux mail.
JYP Entertainment ? Ça me disait quelque chose, mais quoi, je n'en savais rien.
Plus je lisais les documents qu'on m'avait envoyé moins je comprenais. J'avais vraiment demandé un stage d'un mois en Corée du Sud ? Ma mère avait de quoi être déçue. Je sentais peu à peu la culpabilité m'envahir et me pincer le cœur.
C'est décidé, j'arrête l'alcool pour un long moment.
***
Et c'est comme ça que je me suis retrouvée dans l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, à dire au revoir à ma mère.
J'ai présenté mes papiers, déposé ma valise, ré-présenté mes papiers, puis traîné dans le duty-free en attendant de pouvoir embarquer.
En deux mois, j'avais pu me renseigner sur cette agence de divertissement située à l'autre bout du monde et sur ses artistes. Mathilde avait été à la fête avec moi et elle me parlait souvent de k-pop, j'étais sûre que c'était de sa faute... D'ailleurs, maintenant que j'y pensais, elle aussi était dans un sale état après la soirée.
Mais... Une réponse aussi rapide de la part de l'agence, c'était quand même assez étrange. Et puis le lycée avait accepté sans rien dire... C'était louche...
J'ai acheté une tablette de chocolat noir et ai croqué directement dedans tout en me posant sur un banc proche et en étant sur mon portable.
Tititii !
Mathilde : Tu m'enverras des photos, hein ? 👉👈
Moi : T'inquiète poulette ! 😎 Je vais te harceler, c'est à cause de toi si je dois y aller 😒
Mathilde : Mais j'y suis pour rien si tu as succombé au charme de J. Y. Park 😏😏
Moi : Tsss...
J'ai croqué un nouveau carré de chocolat.
J'avais beaucoup de préjugés sur la k-pop. M'intéresser à cette agence m'avait un peu décoincée et je devais avouer qu'ils avaient quand même la classe, ces gens.
Je connaissais maintenant très bien neuf groupes et six solistes qui en faisaient partie et je pouvais tous les différencier et donner au moins cinq chansons de chacun d'entre eux.
Cette fois-ci, je voulais faire les choses bien. Cette fois-ci, je voulais que ma mère soit fière de moi.
Une voix a annoncé que les passagers de mon vol devaient se présenter aux portes avec leurs papiers (encore).
J'ai finalement embarqué et trouvé ma place, juste à côté d'un hublot à droite. L'engin était gigantesque et tout le monde s'affairait. Certains avaient l'air plus perdus que d'autres, plus angoissés, plus heureux.
Pour ma part, et étonnamment, d'ailleurs, je me suis sentie à ma place et ça, ça faisait sacrément plaisir. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie aussi légère.
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