Les autres de la compagnie montèrent, même si les trois elfes de la Lorién regardèrent Gimli avec suspicion.
Bien vite, les hobbits, le nain et les hommes s'endormirent. Même Aragorn qui ne dormait plus paisiblement depuis plusieurs jours put se reposer.
Legolas engagea une discussion avec Rùmil, Haldir et Oraphïn.
Alors qu'ils discutaient joyeusement, Elenwë s'éloigna pour aller s'accouder à la balustrade, à plusieurs mètres du joyeux groupe.
Elle contempla les cieux étoilés, son regard se perdant entre les étoiles à la beauté si délicate.
Haldir finit par la rejoindre et la plaisanta un peu sur les escapades nocturnes de son enfance.
Elenwë finit par rire à ces souvenirs et elle surprit du coin de l'œil que Legolas semblait épier leur conversation.
— J'étais si terrible que cela ? Demanda t-elle dubitative.
Haldir soupira et Rùmil intervint :
— Oh oui ! Tu n'imagines même pas à quel point !
Elle rougit et Orophaïn ajouta :
— Le problème principal était que tu étais adorable. Un petit ange.
— Une mignonne elfine, interrompit Rùmil.
Haldir sourit en remettant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.
— Par conséquent, nous baissions notre garde et tu savais toujours profiter de ce moment là..
Sur son visage passait régulièrement une lueur amusée.
— Ce pauvre Haldir.. Murmura Rùmil. Il a bien failli s'arracher les cheveux !
Elenwë sourit et regarda au loin.
— Pardonnez-moi de vous avoir fait subir tout cela..
Les trois elfes sentaient bien qu'elle avait besoin d'être seule un moment et s'éloignèrent.
Legolas vit l'elleth sauter sur une branche et grimper plus haut encore. S'asseyant les pieds dans le vide, elle respira lentement et ferma momentanément les yeux.
Alors qu'elle pensait que Legolas ne regardait pas, elle tenta d'activer son pouvoir, avec succès. Ses pupilles prirent une couleur scintillante dorée et au bout de ses doigts, de fines gouttelettes d'eau s'accumulèrent. Elle se concentra et relâcha son aptitude.
Tout bas, elle chuchota :
— D'où vient ce pouvoir ? D'où est-ce que je suis ?
Elle ne parviendrait pas à dormir cette nuit non plus.
Quand au petit jour, le soleil se leva, il éclairait avec timidité les feuillages des Mellyrns. Aragorn se rapprocha d'Elenwë pour lui dire :
— Le sommeil vous fuit-il ?
Elle sourit.
— En quelque sorte.
Le rôdeur parut soucieux.
— Tout va bien ?
— Oui, Aragorn. Tout va bien. J'avais juste besoin de réfléchir.
— Ne réfléchissez pas trop, cela peut vous handicaper en situation de danger..
L'elleth acquiesça.
— Vous avez tout à fait raison.
Les hobbits étaient déjà prêts à partir. La matinée était à peine débutée et il faisait encore frais quand la Compagnie se remit en route, guidée par Haldir et Rùmil.
À leur gauche, le Cours d'Argent miroitait au soleil comme une mer d'or fauve dont les scintillement enchantaient les voyageurs.
Boromir marchait avec Elenwë, à l'arrière.
Cette dernière lui parlait de la culture des elfes de la Lorién, de leurs habitations aériennes aux sculptures élancées. Peu à peu, il se rassura et déclara même :
— Cet endroit a l'air merveilleux, Elenwë ! Grâce à vous, j'éprouve une grande envie de découvrir ce joyau de notre Terre.
L'elleth avait souri à l'homme du Gondor.
— Saurez-vous aussi me faire visiter Minas Tirith, la blanche cité ? Une fois au moins, je voudrais y aller !
Boromir avait sourit à son tour et ses yeux s'étaient illuminés d'une chaleur accueillante.
— Avec immense plaisir ! Mon père, Denethor vous accueillera avec chaleur et vous rencontrez mon jeune frère qui est un homme admirable.
C'est souriante que la fille adoptive d'Elrond devisait avec le Gondorien.
Aragorn était heureux de voir Boromir détendu, se rappelant sa réticence passée à entrer dans ce domaine.
Cependant, l'heure vint de quitter les rives de la Nimrodel et Legolas s'écria avec peine :
— Adieu, douce Nimrodel !
Boromir se tut, méditatif alors qu'Elenwë murmurait en son cœur :
"Je reviendrai"
Frodon, regardant en arrière, vit encore une fois le soleil faire miroiter d'écume cristalline qui brillait entre les troncs gris. Lui aussi, il regarda disparaître avec nostalgie ce calme cours d'eau.
— Adieu, dit-il.
En son cœur, il pressentait que plus jamais il ne verrait une eau si belle ni si claire. Jamais il n'entendrait une si belle harmonie.
Ils suivirent un longs moment le sentier tracé dans la forêt. Ils évitèrent un endroit qui empestait l'orc et arrivèrent bientôt au bord d'une rivière. De chaque côté, un vaste fossé se tenait. À pic, une distance d'au moins dix mètres les séparaient de la surface tumultueuse de l'eau. La rivière, large d'une vingtaine de mètres, ne pouvait être traversée à la nage.
Elenwë perçut un murmure monter de l'eau. Il lui semblait être attirée par le liquide à ses pieds. Elle s'y serait jetée bien volontiers, pressentant qu'elle y trouverait une source de force inépuisable.
Heureusement, elle n'eut pas le temps de mettre à exécution cette impulsion car Haldir interrompit son chemin de pensée en disant :
— Là, voyez de l'autre côté de la rivière, voici un de ceux de mon peuple.
— Où cela ? Demanda Pippin avec intérêt.
Haldir sourit au hobbit et ajouta :
— Je ne pense pas que vous puissiez le voir..
Alors, il siffla et son sifflement ressembla au chant d'un oiseau joyeux que le printemps revienne. Un elfe en face sortit des buissons et sa longue chevelure couleur de blé brillait au soleil. Il paraissait jeune. Alors, il saisit un arc solide et encocha une flèche où bout de laquelle était attachée une corde semblable à celle qui composait l'échelle de la veille.
Il encocha la flèche et la tira adroitement. La flèche s'enfonça dans le sol juste à côté d'Haldir qui la saisit, en détacha la flèche et attacha la corde à un arbre voisin.
— Ici, continua t-il, le Célébrant est toujours fort. Il trop profond et son cours est trop long. Son eau est également extrêmement froide. Et puis, notre peuple n'aime guère nager. En ces temps troubles, nous préférons ne pas bâtir de ponts.. Voici comment nous traversons.
Il vérifia le nœud et s'élança en courant sur la corde avec rapidité et légèreté.
Elenwë sourit en voyant les yeux écarquillés des non-Elfes et dit :
— Seuls Legolas et moi pouvons suivre cette route mais comment vont traverser nos amis ? Ils ne peuvent pas traverser à la nage.
Haldir rit légèrement.
— Cela ne sera pas nécessaire. Nous allons fixer deux autres cordes. L'une sera au niveau des épaules des hommes et la deuxième sera plus basse pour le Nain et les hobbits. Ils pourront traverser sur ce pont improvisé sans danger.
Une fois le pont temporaire installé, la Compagnie y passa, les hobbits d'abord, puis Gimli, Aragorn, Boromir, Legolas et enfin Elenwë.
Pippin avait été le plus agile car dans sa contrée, il aimait beaucoup toutes sortes d'escalades. Il était très agile. Sam avait eu plus de mal, apeuré par la profondeur et le tumulte des eaux au dessous de lui. Mais il avait réussi à traverser, en s'agrippant solidement aux cordes et en se forçant à avancer.
Lorsque ses pieds avaient touchés la terre ferme de l'autre côté, il avait soupiré de soulagement, déclarant :
— L'Ancien me disait toujours qu'on apprenait à tout âge ! Seulement, je crois qu'il parlait de jardinage et non d'escalade.. je doute qu'il ait voulu apprendre à jouer à se percher dans les arbres ou à marcher comme un crabe sur une corde au dessus du vide.. Je crois qu'aucun hobbit digne de ce nom ait pris autant de risque ! Enfin, murmura t-il, si.. Sûrement le vieux Bilbon Sacquet.
Frodon sourit tristement, repensant soudainement à son oncle à Imladris. Ah ! Que n'aurait-il pas donné pour ne pas quitter sa Comté chérie ! Mais le mal avançait de jour en jour et leur quête devenait chaque minute plus cruciale pour la Terre du Milieu toute entière.
Les elfes sourirent et attendirent le passage des derniers.
À l'instant où la Compagnie fut réunie sur la rive opposée, après qu'Elenwë ait prestement sauté du pont pour rejoindre le sol, les Elfes se dirigèrent vers les cordes. Ils en détachèrent deux qu'ils roulèrent tandis que Rùmil leur renvoyait la troisième depuis la rive opposée. Cela fait, il leur souhaita bonne route et partit rejoindre son poste de garde au bord de la Nimrodel.
— À partir de cet instant, déclara Haldir avec solennité, vous vous trouvez dans le Naith que l'on appelle aussi l'Enclave. Cet endroit est protégé de chaque côté par l'eau. De ce côté-ci, le Cours d'Argent et de l'autre, L'Anduin la Grande. Nous ne permettons à aucun étranger d'espionner les secrets de notre terre sacrée. Très peu d'étrangers sont autorisés à y entrer. C'est ici que vais bander les yeux de Gimli le Nain. Vous autres pourrez marcher librement.
Evidemment, l'idée ne plut pas à Gimli qui récria :
— Cet arrangement a été pris contre mon gré. Je refuse de me plier à cette règle absurde. Qui suis-je pour que l'on me masque la vue ? Je ne suis ni un mendiant, ni un prisonnier et encore moins un prisonnier. Je suis d'une famille qui a des valeurs et nous n'avons jamais pactisé avec l'Ennemi. Je n'ai jamais, d'une quelconque manière, fait le moindre mal aux Elfes. J'ai autant de chance de vous trahir que Legolas ou Elenwë de vous attaquer.
Haldir soupira longuement.
— Croyez bien que j'en suis navré, Maître Nain. Je n'ai pas choisi de vous infliger cela, je me dois seulement de respecter la loi qui m'a été transmise. Considérez vous déjà chanceux d'avoir pu passer le Célébrant.
Mais Gimli se fâcha, serrant les dents et saisissant avec force le manche de sa hache. Les pieds plantés dans le sol, il fronça ces sourcils broussailleux et déclara sèchement :
— C'est librement que je marcherai ou je ferai demi-tour pour aller retrouver les miens qui me respectent et savent qu'ils peuvent compter sur ma parole. J'irai en arrière, seul et privé d'assistance, quitte à périr seul dans le désert. Tout vaux mieux que ce déshonneur.
— Vous ne pouvez plus revenir en arrière, déclara sévèrement l'elfe de la Lorién. Puisque vous êtes parvenu jusqu'à ce point, il nous faut vous mener au Seigneur et la Dame de Lorién. Là seulement, ils vous jugeront et décideront de votre sort. ils décideront si vous pourrez continuer votre route ou si vous resterez. Il est impossible maintenant de retraverser les rivières et les sentinelles postées sur le chemin derrière nous vous prendraient pour cible de leurs flèches. Vous n'avez pas le choix, Gimli.
Le nain, se sentant menacé, tira sa hache de sa ceinture et Elenwë se précipita entre lui et les arcs des Elfes qu'ils venaient d'encocher.
— L'orgueil des Nains, déclara Legolas, quelle peste !
Elenwë lui jeta un regard noir qui lui fit ravaler sa réplique.
— Gimli.. N'ayez pas un geste que vous regretterez ! Dit-elle avec autorité.
— Elenwë, écartez-vous ! Si je dois mourir tué par des Elfes, je ne désire pas que mon amie soit blessée par ma faute !
L'elleth soupira.
— Gimli. Tant que vous serez dans cette contrée, mon sort sera lié au vôtre. je me suis portée volontaire pour être votre garante et si vous deviez être jugé, je le serai aussi et sûrement plus sévèrement puisque j'appartiens à leur race.
Le nain entrouvrit les lèvres, surpris.
— Vous.. vous vous êtes désignée comme ma garante ?
— Oui. Murmura t-elle.
Gimli baissa sa hache, la remettant à sa ceinture en disant :
— Je ne pourrai supporter de vous voir condamnée, Elenwë.
Les Elfes autour se détendirent très légèrement.
Aragorn reprit les choses en main en disant :
— Puisque je dois diriger cette Compagnie, je me dois de respecter les règles imposées. Il n'est pas juste pour Gimli le Nain d'être ainsi discriminé. Nous ferons ainsi. Haldir, bandez-nous tous les yeux, même Elenwë et Legolas. Cela sera plus juste, même si le voyage en sera allongé.
le rire grave de Gimli résonna.
— De quoi aurons-nous l'air ? Neuf voyageurs errant à l'aveuglette, guidé par un seul elfe au moyen d'une laisse ? Comme à des mendiants aveugles derrière un chien ? Je serai amplement satisfait si seul Legolas partage mon handicap.
Legolas s'emporta à son tour.
— Pourquoi donc ? Je suis elfe et il y a également Elenwë !
Elenwë eut un rire discret en entendant Aragorn débiter :
— Et maintenant, crions à la ronde que l'orgueil des Elfes est une peste !
Puis il ajouta :
— La meilleure solution est que nous soyons tous aveugles. Allons, Haldir, bandez-nous les yeux.
— J'espère, grommela Gimli, que vous veillerez à notre marche. Que vous nous conduirez convenablement.
Haldir sourit cette fois et dit :
— N'ayez crainte, je guiderai vos pieds sur des sentiers sûrs et droits. Vous n'aurez aucun mal à avancer.
Legolas se lança alors dans une lamentation sincère.
— Hélas ! Hélas ! Quelle folie est-ce que cela ? Nous sommes tous ici unis pour la même lutte, contre le même Ennemi et il faut encore nous méfier les uns des autres ! Hélas, hélas ! Dire que mes yeux ne verront pas la splendeur des ces bois sous le soleil joyeux ! Que je contemplerai l'obscurité alors que les oiseaux volent librement dans les arbres aux feuilles d'or !
— Peut-être est-ce une folie, répondit Haldir. Mais les Temps sont sombres et nos mains parcourent aujourd'hui davantage les cordes des arcs que celles des harpes. Que j'aimerai que des temps de paix reviennent !