Elementum {Tome 5}

By Alice_univers

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Quand le Tournoi des Trois Sorciers sonne la mort de Cedric Diggory, c'est tout l'univers de Mélody qui se bo... More

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XXXIII
XXXIV
Annonce et remerciements

XXX

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By Alice_univers

  Je passe la plus grande partie du lendemain à être dans mes pensées. Le double cours de potions du matin est probablement le pire que j'ai pu passer à cause de ma déconcentration. Severus s'y montre peut-être aussi désagréable qu'à l'ordinaire, il s'aperçoit bien de mon air absent.

- Miss Malefoy, inutile de ranger vos affaires, j'ai à vous parler, me dit-il à la fin du cours.

  Du coin de l'œil, j'aperçois le trio et Amy s'échanger un regard.

- Et il n'est pas nécessaire d'ajouter que la présence de vos insupportables camarades n'est pas souhaitée.

  Croyant qu'il est assez plongé dans ses copies pour ne pas la voir, Amy lui tire vivement la langue en gesticulant à la manière d'un poulpe.

- Cinq point en moins pour votre immaturité, Miyamoto, siffle Severus.

  Le trio se met à pouffer de rire silencieusement alors qu'Amy s'immobilise soudain en se raclant la gorge.

- Pardon.

  Elle s'éclipse aussitôt, et Hermione, Ron et Harry ne tardent pas à la suivre. Non sans que Harry me jette un dernier regard aux sourcils froncés. Il a l'air de se rendre compte de mon état.
  Une fois la porte fermée, le léger silence me plonge dans une léthargie de songes inéluctables, à la manière de vagues déferlantes sur une rive. Je ne cesse de me demander pourquoi les cauchemars reviennent me hanter. Et ce, depuis plus de deux semaines. Plus particulièrement depuis que Mr Weasley est revenu de Sainte Mangouste. Serait-ce la faute de Kristine, que je vois de plus en plus dans ces Visions ? Ou alors, n'est-ce là que la preuve d'une peur irrationnelle que mes proches souffrent ? Car, évidemment, ça ne s'arrête pas qu'aux souvenirs du ministère.

- J'aimerai que tu m'expliques pourquoi tu es si déconcentrée. 

  Je sursaute légèrement en tournant aussitôt mon attention sur Severus, qui s'est rapproché de moi en m'observant d'un air... inquiet ? Je suis stupéfaite de voir ça. Chez lui, d'habitude, c'est plutôt une attitude impassible.

- Qu'est-ce qui te dit que je suis déconcentrée ?

- Il n'est pas nécessaire que j'y réfléchisse : tu as raté ta potion d'Aiguise-Méninges que tu avais pourtant très bien réussi l'année dernière en remportant la meilleure note, et tu n'as répondu à aucune question théorique auxquelles tu as l'habitude d'apporter l'une de tes légendaires conclusions farfelues... Et est-il utile de rappeler que ton regard, durant tout le cours, était perdu dans le néant au lieu de briller d'intelligence ?

  Je m'apprête à rétorquer quelque chose mais ne trouve évidemment aucun mensonge à déverser. Le plus étonnant est qu'il ait noté autant de choses à mon sujet, surtout pour le regard. Ce qui signifie qu'il garde malheureusement son objectif de me surveiller comme le lui ont demandé Éléona et Daniel en troisième année.

- Alors, je te le demande pour la dernière fois : que se passe-t-il dans ton petit cerveau surdoué pour être aussi distraite ? achève Severus de sa voix cassante.

- Oh, euh...

- Et ne me mens pas, je te connais très bien pour savoir que ce n'est pas dans ton habitude de réagir de la sorte.

  Je soupire en baissant la tête, trouvant soudain intéressant cet élastique qui laisse souvent une marque à mon poignet.

- J'ai eu une Vision hier soir... commençai-je en relevant mes yeux dans les siens.

- Et tu ne m'en as pas parlé, dit-il en s'enveloppant dans sa cape. Pourquoi ?

- Bah peut-être parce que ce n'était qu'une remontée de souvenirs ?

  Son regard s'assombrit et je jurerais que c'est la même lueur que celle de Tantine et celle que pouvait avoir Daniel : une lueur que je n'explique pas mais qui me donne l'impression qu'on me cache des choses.

- Une remontée de souvenirs... dit lentement Severus, comme s'il ne me croit pas.

- Oui, ceux qui concernent... euh... eh bien... qui concernent le ministère, répondis-je à mi-voix. Mais le truc dingue, c'est qu'après ça, j'ai entendu plusieurs voix. Elles disaient en même temps que tout allait bientôt changer, exactement la même chose que m'a dite Éléona juste avant qu'on parte pour le Magicobus qui nous a amené jusqu'à Poudlard.

  Severus me dévisage longuement, interdit.

- Lui en as-tu parlé ?

- C'est le premier jour du trimestre, je ne veux pas qu'elle s'inquiète déjà.

- Et tu as eu d'autres... hum... Visions, ou cela s'arrête à celle d'hier ?

  J'hausse les épaules dans un soupir.

- J'ai... j'ai encore fait les mêmes cauchemars que depuis que Mr Weasley est revenu de l'hôpital. Des cauchemars où je vois les étoiles tombées, puis Poudlard en feu et Voldemort tuer Harry dans la forêt Interdite. Il y a aussi Drago qui est sur le point d'assassiner Dumbledore et... et... et je vois aussi Tantine mourir sous mes yeux, achevai-je d'une voix tremblante, les larmes commençant déjà à monter, des frissons d'effroi me parcourant le corps. Je ne sais pas pourquoi je fais autant de cauchemars, mais j'ai l'impression que tout a un rapport, que tout mène à celle que je vois le plus parce qu'elle apparait sans cesse juste avant que je me réveille.

- Astor, comprend Severus. 

- C'est ça.

  Je déteste parler de cette garce. Cette garce qui trouve toujours un moyen de me pourrir la vie.

- Et je me demandais si... par hasard... tu pourrais... je ne sais pas, moi, hum...

- Te renseigner sur elle ? Je suis navré, si j'aurais des informations à vous donner, à toi et à Éléona, je vous les offrirais volontiers.

- Tu dis vrai ou tu ne veux seulement pas au risque que Voldemort le sache ?

  Il m'adresse un regard glacé.

- Kristine Astor a assassiné mon frère, Mélody, il me semble que le meilleur placé pour vouloir sa mort, c'est moi !

- Pas que, mais ça se tient.

- Si tu aurais confiance en moi, tu me croirais.

- Ce n'est pas en toi que je n'ai pas confiance, mais au Mangemort qui a adopté la magie Noire dès sa première scolarité.

  Ce que je viens de lui dire le rend furieux car il se détourne de moi pour retourner à ses copies qui l'attendent à son bureau.

- J'en ai fini, tu peux y aller, dit-il sèchement en se rasseyant.

  Je secoue négativement la tête et marche jusqu'à lui alors qu'il m'observe d'un œil assassin.

- Ce n'était pas pour des informations sur Kristine, ça, j'en ai suffisamment pour en nourrir une famille entière de draconiens, dis-je avec évidence.

- Alors que veux-tu ?

- Savoir si tu pourrais utiliser ta Legilimencie sur moi.

  Il fronce les sourcils, perplexe.

- Réfléchie, Oncle Sev ! Si tu uses de ta Legilimencie pour voir mes pensées, peut-être que tu réussiras à trouver une réponse qui se cache dans mon Inconscient et là, je saurais enfin où me mène tous ces cauchemars !

- La Legilimencie n'a pas ce pouvoir, Mélody, et tu le sais très bien.

- Il me semble que si. Souviens-toi ! appuyai-je quand il recommence à refuser. En seconde année, tu es parvenu à voir dans mon esprit d'anciens souvenirs que j'avais complètement oublié !

- Ce n'était qu'un coup du hasard.

- Non, tu y es vraiment parvenu. Alors ce ne sera pas différent de cette fois-ci. S'il te plait, s'il te plait, accepte ! Je n'en peux plus de ne jamais avoir de réponses...

  Severus m'observe un instant, en pleine réflexion.

- Tu pourrais très bien réussir à faire ça toute seule, répond-il finalement après une minute de silence.

  Il se lève brusquement en rangeant les parchemins d'un coup de baguette et se dirige vers la réserve de la classe. Je fronce les sourcils, lui emboitant le pas.

- Oncle Sev... menaçai-je.

- Ne cherche pas, Mélody, je viens de te donner la réponse, répond-il en montant sur l'échelle pour reclasser divers ingrédients mis en désordre.

- Une réponse sans réponse.

- Non, une simple réponse pour te dire d'être un peu indépendante !

- Mais je SUIS indépendante ! Je te demande simplement un coup de main parce que tu es le plus qualifié !

- J'ai autre chose à faire, Mélody. Car au cas où tu l'aurais oublié, je ne suis pas une élève qui se débrouille toujours pour perdre son temps à des sottises.

- Des sottises ? répètai-je, ahurie. Il s'agit des autres, pas de moi !

- C'est pourtant toi qui as des Visions, persiffle Severus en vérifiant le contenu du bocal à queues de serpent.

- Oui... des Visions qui sont sensés me prévenir qu'il faut que j'aide les autres, appuyai-je avec évidence.

- Voilà pourquoi tu dois te débrouiller seule.

- Non, voilà pourquoi TU dois m'aider pour que JE puisse, par ton intermédiaire, sauver la vie de Drago, de Tantine, de Harry et sûrement de l'école toute entière que j'ai vu - je te rappelle - brûler devant mes yeux, comme si qu'une guerre y avait éclaté ! 

  Sans prendre en compte ma répartie, il redescend de l'échelle et marche à pas vifs jusqu'au milieu de la classe pour la nettoyer d'un coup de baguette magique, comme il le fait à chaque fin de cours.

- Tu ne comprends donc pas que tout se joue à ces Visions ? m'exaspérai-je. Pourquoi tu refuses de m'aider ? Pourquoi, Oncle Sev !?

  Il se tourne subitement vers moi, maintenant assez excédé pour lâcher :

- Tout simplement parce que JE NE PEUX PAS !

  Je croise les bras sur ma poitrine en le toisant des yeux, l'air revêche.
  Severus soupire en s'asseyant sur un pupitre. Même comme ça, il me dépasse d'une tête et demie.

- Je ne peux pas utiliser ma Legilimancie sur toi.

- Pour quelle raison ? Tu l'utilises bien sur Harry pour qu'il sache la bloquer...

- Parce que Harry et toi êtes complètement différents.

- Ah non, ne recommence pas à le prendre pour James ! m'écriai-je aussitôt.

- Ce n'est pas de ça dont je te parle, voyons ! Ce que je veux dire par-là est que la personne dont je dois vous protéger l'un et l'autre est on ne peut plus différente.

- Kristine est la Boss de Voldemort, et alors ?

- Ne prononce pas son nom !

  Je lève les mains (et les yeux) en l'air.

- La différence est que Kristine et toi êtes plus connectées que le sont le Seigneur des Ténèbres et Potter.

- Je sais, c'est mon... je ne sais déjà même pas ce qu'elle peut bien représenter vis à vis de moi. Je dirais que... ouais... je dirais que c'est un peu comme un « Double-Maléfique ».

- Ce n'est pas comme, elle est ton Double-Maléfique. Tu peux te trouver face à un miroir et elle apparaît de l'autre côté la seconde près.

- Je me suis déjà regardée dans un miroir, pouffai-je, et crois-moi, je n'y ai vu qu'une Albinos aux yeux bleus.

  Severus secoue négativement la tête.

- Tu ne t'aies jamais regardé dans un véritable miroir, mais dans ceux que tu créais à chaque fois par la pensée, il y a une grande différence.

- Et c'est pour ça que tu ne veux pas utiliser ta Legilimencie sur moi ? Parce que tu as peur de Kristine ? dis-je d'un ton plus calme, comprenant pourquoi.

- Non. Je crains ce qu'elle peut te faire à toi, car elle voit à travers tes pensées. 

  Une sueur froide me coule dans le dos. Mon regard s'assombrit et mes sourcils se froncent.

- Elle peut faire ça ? murmurai-je.

- Oui. Éléona m'en a parlé depuis longtemps. Et il faut avouer que cela est surprenant, en vue de comment tu te comportes quelques fois.

- Attends, attends, attends... Tu veux me dire que si tu utilises ta Legilimencie sur moi, elle pourrait très bien...

- En effet, confirme-t-il en hochant positivement la tête. Elle pourrait avoir le moyen de devancer à l'avance si tu trouves toi-même les réponses.

  Je l'observe un moment, ne savant comment ou quoi ressentir. De l'angoisse ? De la peur ? De la terreur ? De la colère ? Je suis premièrement stupéfaite, étonnée et un peu chamboulée. Alors Kristine est bien mon Double... Ça me fait froid dans le dos rien que de penser qu'elle sache ce à quoi je pense en permanence. Mais, en fin de compte, ça ne m'étonne pas. Je sais dorénavant pourquoi elle savait et sait tout ce que je compte faire ; parce qu'elle lit en moi comme dans un livre ouvert.

- Dans ce cas-là, pourquoi je ne parviens pas à faire de même envers elle ? le questionnai-je.

- Peut-être n'as-tu jamais essayé, tout simplement, s'agace Severus, probablement exaspéré de ma question qui a pourtant une réponse évidente.

- C'est vrai que là-dessus, ça ne m'était jamais venu à l'idée... marmonnai-je. Je ne sais d'ailleurs même pas comment faire. Et je suis prête à parier que toi non plus ?

  Son seul regard me répond.

- Alors comment faire pour la devancer sur ce qu'elle pourrait devancer ?

- À toi de me répondre, je n'ai pas de Double-Maléfique auquel me confronter, raille Severus avec sarcasme.

  Je fais la moue sans pour autant lui en tenir tort.

- Mais peut-être devrais-tu penser à devenir plus im-prévisible, articule-t-il.

  Je fronce mes sourcils en le questionnant du regard.

- C'est ça que je vais devoir faire : être imprévisible ?... D-déjà, co-comment on arrive à être imprévisible alors qu'un de nos Doubles-Maléfiques est dans la nature et voit l'avenir autant que notre passé, en prévoyant ses plans comme une psychopathe pour prévoir le futur ?

  Severus se masse le front, sûrement en proie à un mal de crâne.

- Je n'en sais rien, soupire-t-il, excédé. C'est à toi de trouver la réponse, Mélody.

  Je soupire à mon tour.
  Sur le chemin pour aller à la tour de Gryffondor, je me mets à réfléchir à la meilleure manière de piéger une sociopathe en série. L'ennui est que je ne sais déjà pas comment créer un lien télépathique avec elle tellement je crains que par ce moyen-là, elle puisse trouver une faille et entrer à Poudlard pour mettre tous mes proches en danger. Et pour en rajouter à mon inquiétude sur la situation, Fudge met une double-couche par l'intermédiaire d'un article dans La Gazette du Sorcier :

« EVASION MASSIVE D'AZKABAN, LE MINISTERE CRAINT QUE BLACK SOIT LE « POINT DE RALLIEMENT » D'ANCIENS MANGEMORTS.

Nous avons confirmation que dix prisonniers de la prison d''Azkaban se sont évadés en début de soirée, hier. Et bien entendu, le Ministre des Moldus a été avertit du danger, déclare Cornelius Fudge, Ministre de la Magie. Nous soupçonnons fortement que cette évasion a été crée par un homme, jouissant d'une expérience personnelle de sa propre évasion d'Azkaban, le célèbre et meurtrier en série, Sirius Black, cousin de l'évadée Bellatrix Lestrange. »

  Harry et moi avons été révoltés de lire une telle idiotie. Fudge s'en prend encore à Sirius ! Non mais sérieusement... ça fait quand même deux ans qu'il a disparu des radars, il serait temps de lâcher l'affaire. Pour ça, néanmoins, on peut compter sur les élèves à Poudlard : la chance a vu le jour car ils semblent tous commencer petit à petit à voir clair au jeu que joue le Ministre.
  Pourtant, ça n'augure rien de bon.
  Car si Bellatrix Lestrange est en liberté, ça veut dire que Kristine commence à monter une armée de super-vilains complètement cinglés du ciboulot. Ce qui veut dire aussi qu'il va y avoir beaucoup de dégâts et mes proches en font partie.

- Je suis persuadée que c'est elle qui se cache derrière tout ça, marmonnai-je sombrement, les mains autour d'une tasse de thé brûlante.

- Tu es encore en train de te faire des nœuds au cerveau ? me dit George, passablement exaspéré.

- Que veux-tu que je fasse d'autre ?

- Ma Belle, ça fait deux jours.

- Oui et normalement, je devrais-

- Calmer ton cerveau sinon il va exploser, commente Fred avant de fourrer dans sa bouche une grosse cuillère de céréales.

  Je lui adresse un regard exaspéré.

- Je ne peux pas faire autrement que de réfléchir à un moyen de devancer Kristine. 

- Parce que tu crois qu'elle a forcément à voir avec cette histoire d'évadés de prison ? m'interroge Amy en fronçant les sourcils après avoir pris une gorgée de sa soupe miso.

- Évidemment que oui. Kristine parvient toujours à changer le cours de l'histoire du tout au tout ; elle peut démanteler un Gouvernement entier en une nuit, corrompre une élection de manière si imperceptible que tout le monde croit que les votes ont été à un tyran... Elle et toute sa clique de dégénérés utilisent les humains à leur insu pour tuer, kidnapper ou séquestrer des gens à la centaine en l'espace d'un seul jour. Ils réussissent même à faire passer des meurtres pour des accidents - oups, cette star est morte d'un arrêt cardiaque, ce sportif est décédé « prématurément » - surtout quand ça vient à toucher à tous leurs trafiques parce que les dites personnes comptent dévoiler des informations confidentielles. Ah ça, ils sont très forts pour faire disparaitre des preuves ou les innocenter ! Alors... sincèrement... Oui, c'est elle qui est derrière tout ça, achevai-je, le souffle court. Je suis même prête à parier qu'elle a déjà prévu mille et un plan au cas où que les choses ne se passent pas comme elle le souhaite ; et comme Voldemort et elle sont comme cul et chemise, je ne serais pas étonnée qu'elle lui offre sur un plateau en or les possibilités de monter au pouvoir.

  Amy, George et Fred me regardent longuement, pris de frissons, les yeux un peu écarquillés.

- Elle est vraiment tordue, ta cousine, lâche Fred, effaré.

- Techniquement, ce n'est pas vraiment ma cousine, dis-je en grimaçant. Un de ses ancêtres a simplement un lien de parenté avec les miens.

- Quel ancêtre ? s'étonne Amy.

- Guillaume-le-Conquérant qui est la vingt-huitième générations avant Elizabeth II, qui est la Reine d'Angleterre Moldue. C'est sa descendante en raison des mariages et remariages. Ça sème un peu le trouble mais on s'y retrouve.

- Et Kristine est donc... une parente de la Reine, marmonne Amy, les sourcils davantage froncés par la concentration.

- C'est ça.

  Les jumeaux s'échangent un regard que je peine à expliquer tellement d'émotions les traversent.

- Alors attends... Si Kristine est une parente de Elizabeth II, qui est la descendante de Guillaume-le-Conquérant... ça veut dire que toi aussi, tu es sa descendante ? s'exclame George, étonné.

- Pas directement.

- Explique parce que c'est vraiment incompréhensible, ton arbre généalogique, rétorque Fred, totalement perdu.

- Pour faire court, le manoir et beaucoup de terres du Wiltshire de mes parents biologiques ont été offert à mes ancêtres par Guillaume-le-Conquérant lui-même, par services qu'ils lui ont rendu.

- Pfiouuu... Eh ben, c'est le bordel chez ta famille, pouffe nerveusement George.

- S'il te plait, ne pars pas en courant, dis-je avec sarcasme.

- Aucune chance.

  On s'échange un sourire au même moment où Fred regarde Amy avec embarra.

- Jure-moi que ton histoire de famille n'est pas aussi compliquée que celle de Blondinette !

- Tu as juste à savoir que mes ancêtres sont des Samouraï et que j'adore les sushis.

  S'il semble d'abord soulagé, Fred ne peut s'empêcher de rire avec elle. Pourtant, il lâche à George en me pointant d'un coup de menton :

- Elle a une famille de cinglés, je ferais gaffe si j'étais toi.

- Est-ce que t'es sérieux, là ? s'exaspère Amy. Mélody n'est pas comme ça, on le sait tous. 

- Je plaisante, Chouchou, lui dit Fred en l'embrassant sur la tempe. Si on ne peut plus rigoler, où va le monde ?

- Droit au précipice avec des tarés en liberté, récapitulai-je.

  C'est là qu'en profitent Hermione, Ron et Harry pour arriver vers nous. 

- On peut s'assoir avec vous ? nous demande Harry.

- Évidemment, répondons-nous tous en même temps. 

  Ils prennent donc place à nos côtés et commencent à se servir à manger. Ron rempli son assiette à ras-bord et se met à manger comme si sa vie en dépend, avant de me fixer avec des yeux ronds.

- Quoi ?

  Il avale sa bouchée dans un déglutissement qui me dégoûte et me demande :

- Tu manges pas ?

- Bah... non ?

- Je croyais que tu avais recouvert l'appétit depuis, me dit George d'un ton lourd, le regard inquiet.

  J'hésite entre lui dire que je me force à chaque fois ou tout simplement que tous mes cauchemars et le fait de savoir Kristine dans la nature me coupent l'envie de manger.

- Euh... Oui ! dis-je d'un ton positivement exagéré. Mais... disons que ce matin, je... n'ai juste pas faim, achevai-je piteusement.

- Est-ce que ça à voir avec La Gazette du Sorcier ? me questionne Harry.

  Je n'ai pas le temps de répondre que Hermione s'enquit :

- Cette histoire avec Fudge, c'est du grand n'importe quoi. Ils vont finir par nous tuer avec toutes leurs bêtises !

- Ça, c'est sûr, leurs conneries ont de quoi te déprimer, dis-je avec sarcasme. 

  On entend soudain un cri mélodieux dans les airs et tout le monde lève sa tête vers l'immense porte à double-battant de la Grande Salle. Des exclamations ébahies résonnent de par et d'autre quand un magnifique oiseau tout de blanc plumage émerge du couloir. Ses ailes majestueuses battent l'air dans une grâce digne d'un cygne et j'écarquille des yeux comme des balles de tennis en reconnaissant la forme Animagus de Tantine. 
  Le faucon pèlerin Albinos fond sur moi avant de ralentir sa vitesse pour se poser délicatement sur mon épaule. Tandis que ses ailes se replient dignement, les élèves s'émerveillent de l'oiseau dans des chuchotements audibles. D'autres tendent leur cou pour mieux voir. Et mes meilleurs amis et George sont tout simplement stupéfaits. Ron a même arrêté de mâcher et fixe le rapace la bouche ouverte.

- Il est à toi, cet oiseau ? s'épate Amy.

- Non, on va dire qu'il n'est pas sensé être ici à la vue de tous, dis-je en jetant une œillade lourde de sous-entendus au faucon.

  Je reconnaîtrais ses yeux perçants entre mille. Harry aussi. Il ouvre grand les yeux quand il se rend compte que c'est le même oiseau de la dernière fois, quand je lui ai rendu visite à Privet Drive. Tantine avait repris forme humaine devant nous. Et plus j'y pense, plus je trouve ça en réalité évident : ses yeux ont toujours eu la même forme que ceux du faucon.

- Qu'est-ce qui me vaut ce plaisir, l'Oiseau ? demandai-je avec un rictus.

  Pour toute réponse, le faucon frotte sa tête contre ma tempe d'une manière affectueuse.

- Je sais que je n'ai pas à être là, mais je devais te transmettre un message.

  Ma télépathie animale est, je crois, ce que j'ai de plus précieux avec ce don des cinq Éléments.
  Mes yeux et mes veines rayonnent de vert vif, de quoi épater davantage les autres quand je demande à haute voix :

- Quel message ?

- Tu comprendras mieux dans cette lettre.

  Le faucon pèlerin émet un dernier cri perçant signifiant : « Je t'aime, ma Chérie ». Puis il ouvre grand ses ailes et dans un envol aussi spectaculaire que son entrée, il repart d'où il est venu. J'ignore les exclamations d'émerveillement des élèves et ouvre hâtivement le parchemin.

- Comment cha che fait que chon coukier arrive à chette heur'là ? me questionne Ron, la bouche à nouveau pleine d'haricots rouges et de saucisses fumées. 

- Fini d'abord ta bouche ! s'exaspère Hermione avant de se tourner vers moi ; c'est vrai ça, comment ça se fait ? Et qui est cet oiseau ?

- Éléona en Animagus, répondis-je simplement, concentrée à lire la lettre.

- Ça dit quoi ? me demande George.

  Mais à peine ai-je fini de lire le message qu'il se consume sous mes yeux étonnés.

- Euh... Okay...

  Je fronce puis hausse les sourcils. Éléona et sa magie.

- C'est l'Ordre, chuchotai-je. Apparemment, ils en ont appris un peu plus sur Kristine. Ce qui, par ailleurs, confirme mes soupçons.

- Donc c'est bien elle qui a fait s'échapper Bellatrix Lestrange, acquiesce Amy.

- C'est exact. Et il semblerait que l'Ordre craint également qu'elle puisse user de ses talents de Double-Maléfique pour me transmettre des messages craignos via mes cauchemars.

- Des messages craignos ? répète Harry.

- De quel sorte ? s'angoisse Hermione.

- Oh, avec Kristine, on ne prévoit jamais à l'avance.

  Mon ton sarcastique n'a pas l'air de la rassurer.

- Et quoi d'autre ? questionne Fred.

- Bah... De ce que j'ai compris, Sirius dit qu'on va devoir être plus prudents qu'avant et Remus et Tonks essaient de leur côté de rallier des gens à notre cause, prévenir le plus de monde possible, surveiller les potentiels Mangemorts... Le genre de choses habituels, quoi. Ah ! Et Fol Œil insiste à propos de notre œil surveillant - au cas où on nous espionnerait ou qu'il y aurait une taupe dans l'A.D. Mais vous le connaissez, il est de plus en plus paranoïaque.

  Ils semblent tous réfléchir à ce que je viens de dire, quand on entend une voix nous appeler.

- Mélody ! Harry ! 

  On se tourne vers Seamus Finnigan dont le regard est aussi fuyant que honteux.

- Je... Je voudrais m'excuser... Aujourd'hui, même ma mère dit que les articles de La Gazette n'ont pas de sens, alors ce que j'aimerais vraiment vous dire c'est que... euh... je vous crois maintenant...

  Son demi-sourire fait étirer un rictus à Harry, mais ce n'est pas mon cas. J'ai une exclamation méprisante d'amertume.

- Si tu le dis.

  Je sors de la Grande Salle dans l'espoir de remettre un peu mes esprits au clair face à la lettre de Tante Éléona et ne peux m'empêcher de penser qu'elle avait raison : tout est en train de changer.
  Même si ce n'est pas le cas à Poudlard, pour qui les choses empirent de jour en jour. Entre les nouveaux décrets que peut sortir Ombrage, les mises à l'épreuve consécutives qu'elle impose à Hagrid et bien sûr toutes les règles qu'elle met en place face aux autres professeurs... Je peux dire que seule l'A.D a quelque chose de positif en matière de cours.
  Car tout le monde, même Zacharias Smith, est décidé à travailler plus que jamais depuis la fuite des dix Mangemorts. Mais celui qui a fait les plus gros progrès est sans nul doute Neville. L'évasion de ceux qui se sont attaqués à ses parents semble avoir provoqué en lui un changement étrange et même un peu alarmant. Et même s'il ne mentionne aucunement sa rencontre avec Harry, Ron et Hermione à Sainte Mangouste, et qu'inversement eux non plus n'en pipent pas un mot, il y a de quoi m'intérroger légèrement car Neville ne parle pratiquement plus pendant les réunions de l'A.D. Il pratique sans relâche chaque mauvais sorts ou contre-maléfice que Harry et moi leur enseignons, son visage lunaire tendu par la concentration. Apparemment indifférent aux blessures ou aux accidents, il travaille avec plus d'acharnement que tous les autres. Ses progrès sont tels qu'ils en deviennent troublants. Sauf en ce qui concerne les arts martiaux ; sa gentillesse le trompe bien trop souvent, il hésite constamment à donner un coup.
  Du côté de Harry, si travailler son Occlumancie lui est assez difficile, il ne fait que de se questionner sur sa cicatrice qui ne cesse de le brûler. Je lui ai proposé d'en parler à Tantine, il n'en a rien voulu. Par surcroît, pour ma part, mes cauchemars se démultiplient si bien que je ne parviens pas à passer une nuit sans réveiller Amy et Hermione. Ces dernières semblent s'inquièter de mon état ; je deviens froide, distante, dans mes pensées, mes cernes commencent à virer à des poches sous mes yeux... Et le fait que je compense tout ça dans des entraînements plus intensifs les uns que les autres angoissent George et les autres. Ce qui, soi-disant passant, est assez étonnant car ils n'avaient pas l'air de remarquer ça quelques semaines plus tôt. Je parie même que c'est Amy qui s'en est rendue compte la première et qui les a tous alarmé !

- Tu sais, tu devrais penser à te reposer, ma Belle, ce n'est pas bon pour toi de travailler autant, me fait remarquer George.

- Si, justement. Il faut que j'arrive à être plus forte que Kristine, il n'y a que comme ça que je serais assurée de vous protéger, répondis-je, le souffle court, en continuant de frapper sur un des sacs de boxe de la Salle sur Demande.

- Blondinette, tu exagères, il est quand même plus de une heure du matin ! dit Fred en baillant.

- Je ne vous ai pas demandé de rester avec moi, alors allez dormir, vous allez tous être crevés demain !

  Mon coup de pied retourné provoque un champ de force dans le sac de frappe qui est aussitôt éjecté à plus de cinq mètres. Les jumeaux, Amy et Hermione écarquillent des yeux et cela achève de réveiller complètement Ron.
  Essoufflée, j'attrape ma bouteille de thé noir au citron gingembre et bois plusieurs gorgées de suite. Avant de m'y remettre mais cette fois-ci en enfilant mes pointes de danse. Systématiquement, avec les mêmes gestes calculés,  je ferme les rubans. Je ne prends même plus en compte les douleurs de mes pieds, trop accaparée par une seule chose : être plus forte, plus précise, plus aguerrie. Je ne dois pas prendre en compte les souffrances de mon corps, ça me ralentirait plus qu'autre chose.

- Non, Mélody, tu ne rends pas compte de ce que tu es en train de faire ! s'exclame Amy, perdant soudain son sang froid par l'angoisse.

- Si, je m'entraîne !

  La musique à fond dans les oreilles, j'enchaine pointe par pointe, pirouette sur pirouette, forçant sur mes orteils et mes jambes pour qu'aucun d'eux ne cèdent. La danse est mon seul moyen pour oublier tout ça. Tous ces cauchemars qui plombent mes nuits et mon morale. C'est mon seul remède à ce sentiment d'impuissance que je ressens face à Kristine. L'ennui est que j'ai de plus en plus l'impression de ne pas parvenir à de plus amples résultats, comme si que mes entrainements répétés ne riment plus à rien. Et c'est pour ça que je ne perds pas de temps à continuer. Encore et encore. Tous les jours qui suivent, à vrai dire. Mêlant ça à la quantité stupéfiantes de devoirs qui obligent la plupart des cinquième année à travailler jusqu'à minuit, ainsi qu'aux séances secrètes de l'A.D., on obtient un assez beau cocktail molotov de stress.

- Mélody... commence Harry en me croisant à la bibliothèque.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a encore ? dis-je, exaspérée qu'on me dérange pour la troisième fois consécutive, alors que je m'acharne à terminer tous mes devoirs de la semaine.

- Tu es sûre que tu ne veux pas te reposer un peu ?

- Ce que je vais plutôt finir par faire c'est de vous envoyer à tous une baffe laser !

  L'ennui est que... pour ça... il faudrait déjà que j'en ai la préoccupation. Or, mes pensées sont plus tirées à ce rêve que je fais chaque nuit après mes cauchemars. Je me vois marcher dans le couloir menant au Département des mystères et me retrouve devant la porte noire avec l'envie immonde de la franchir. Je sais que c'est la Salle des Prophéties. Le problème est qu'à chaque fois, c'est comme si qu'on refusait que je découvre la dite prophétie qui se trouve être à mon nom. Bien évidemment, je garde ça pour moi ; je refuse que les autres s'en fassent, quand bien même de ce côté-là, ce n'est pas gagné.

- Et tu comptes continuer comme ça encore longtemps ? se lasse George après la deuxième semaine de Février.

- Je dois m'entraîner, d'accord ? Si je ne le fais pas, c'est Kristine qui vous fera du mal. Et ça, tu vois, je ne le veux pas ! répondis-je en me frottant les yeux.

  Ces derniers me lancent de plus en plus, de la même façon que si une abeille me piquerait la peau.

- Mais tu ne vois pas à quel point tout ça t'épuise !? Tu es en train de tombée de fatigue, Love !

- Je ne tombe pas de fatigue, j'en ai justement en réserve.

- Attends, Blanche-Neige... Tu dors quoi ? Une trentaine de minutes par nuit ? ironise Fred au bord de l'exaspération.

- C'est largement suffisant, persifflai-je sèchement.

  Je lance ma dague qui se plante au milieu de la cible sans même flancher, et de l'autre main, je termine mes devoirs en alchimie magique donnée par le professeur René Talaum. Tandis que les jumeaux me regardent avec une angoisse qui commence à virer à l'habitude...
  Mais heureusement, ma passion d'acharnement ne les gêne pas pour continuer leur projet de leur côté (de toute façon, j'ai insisté pour qu'ils reprennent les démonstrations de leurs farces et attrapes, sinon ils allaient laissé ça en plan pour essayer de me sortir les vers du nez). 

- Le Chapeau-sans-Tête ! annonce George tandis que Fred agite devant les élèves un chapeau haut-de-forme couleur mousse d'arbre orné de trois plumes extravagantes et d'un foulard vert foncé noué autour. Deux Gallions pièce. Regardez bien ce que va faire Fred. Vas-y !

  Avec un grand sourire, Fred enfonce le chapeau sur sa tête. Pendant un instant, il a l'air simplement stupide puis tout à coup le chapeau et sa tête disparaissent en même temps.
  Tout le monde hurle de rire, à part quelques filles qui se sont mises à crier de terreur, et, alors distraite de mes devoirs, je ne peux m'empêcher d'hocher la tête de manière impressionnée. George m'offre un clin d'œil avant de s'exclamer :

- Et hop, on l'enlève !

  Pendant un moment, la main de Fred tâtonne dans ce qui semble être le vide, au-dessus de son épaule, puis sa tête réapparait lorsqu'il enlève d'un grand geste le chapeau haut-de-forme. Amy a alors un grand sourire amusé.

- Vous vous êtes inspirés du chapeau du chapelier fou dans Alice au pays des Merveilles ou...

- Ouais ! chantonne Fred. On a tiré cette idée de Blondinette !

- Je croyais que vous trouviez le monde des Merveilles un peu trop loufoque ? dis-je.

- On a dit que c'était loufoque, pas que les idées à récolter dedans étaient bizarres, pouffe George. Tiens, d'ailleurs, j'y pense... Tu sais qu'on est le 14 demain, ma Belle ?

- Oui, et ?

- Bah... je me disais que tu pourrais peut-être laisser tomber une journée ton emploi du temps d'insomniaque pour sortir à Pré-au-Lard avec moi.

  Son immense sourire enjoué me tord le ventre par la culpabilité et je remets mon attention sur mes devoirs.

- Je ne sais pas trop, j'ai encore beaucoup de choses à faire..

  Je retiens un bâillement, parcourue de plusieurs frissons glacés et d'une migraine de plus en plus forte. Les garçons ont probablement raison, je suis épuisée. Mais je ne peux pas abandonner mes entrainements juste pour une question de fatigue.
  C'est pour cela que je dis aux jumeaux et à Amy :

- Je suis dans la Salle sur Demande si vous me cherchez.

  Je sens leurs regards me suivre alors que je sors de la salle commune.
  À mesure que je marche dans les couloirs, je ressens cet élan de fatigue enveloppé mon corps comme une couverture glacée. Frissonnant, le front barré d'un mal de crâne, j'essaie de faire apparaitre un gros pull par la pensée. Mais n'arrive à rien qu'une migraine infernale. Soupirant, je plonge les mains dans mes poches et le nez dans mon foulard molletonné. J'ai l'impression d'avoir mille degré en tête et moins cinq dans le reste du corps, c'est agaçant.
  Trop occupée à affairer mes pensées, je ne vois pas ce croche-pied me balayer la cheville ; je trébuche tête la première par terre dans un grognement de douleur. Je me redresse aussitôt qu'un ricanement gras résonne au-dessus de moi.

- Alors, on ne tient pas sur ses deux pieds, princesse ?

  Je foudroie Smith du regard. En un instant, ma jambe fauche son mollet et il tombe à son tour dans une exclamation de surprise. Sans attendre plus longtemps, je me remets sur mes deux pieds en le dévisageant d'un air méprisant.

- Celui à qui je devrais dire ça est plutôt à l'énergumène allongé au sol.

  Il me fusille du regard et commence à se lever. Or, je ne lui en laisse pas le temps : j'ai déjà appuyé mon pied sur son torse d'une force qui le fait écarquiller des yeux.

- Tiens... C'est bien la première fois que je te vois autant déstabilisée, persifflai-je, le coude appuyé sur mon genou, penchée au-dessus de lui.

  Il tente de se dégager de mon pied mais je ne bouge pas d'un pouce.

- Dis moi... Tu as de la bouillie à la place des bras ou tu es juste un Humain assez stupide pour essayer de me chercher alors que tu sais très bien ce qui risque de t'arriver dans un peu près cinq minutes ?

  Mon regard obscure le fait sourire de manière ironique.

- Alors tu comptes vraiment te venger ?

- Me venger est un faible verbe pour ce que je te réserve si jamais tu t'en prends à moi ou à mes proches, répondis-je d'une voix rauque.

  Je lui adresse un rictus maléfique qui se finit par un coup de pied dans la figure si violent qu'il en lâche un petit cri de douleur ; son nez se met à saigner et je ne serais pas déçue de savoir que je le lui ai cassé.

- Simple avertissement. Maintenant... tu vas oublier toute cette histoire et rentrer à ta salle commune, dis-je, la baguette pointée à deux doigts de son visage.

  Je le laisse à même le sol et continue ma progression dans le couloir. D'accord ! techniquement, j'avais dit que je ne m'abaisserais pas à son niveau mais... c'était trop tentant. Après tout ce qu'il m'a fait, lui casser le nez est une ébauche que je crois être possible d'accentuer. Car oui : je compte bien véritablement me venger. Mais pas maintenant. Pour le moment, je fais apparaître mon arc aux fils d'or et lâche une flèche à énergie froide dans une des cibles les plus lointaines de la Salle sur Demande. Malheureusement, le tremblement de mes mains glacées fait dériver le résultat au cercle numéro 8.
  Je grogne de frustration et souffle un bon coup pour retenir mes yeux de se fermer de leur propre chef. Plus le temps avance, plus ma fatigue est omniprésente. Cela n'a rien d'étonnant mais c'est très énervant.
  Cette colère me sert à frapper avec davantage de force mon punchingball, auquel j'apporte un fort sentiment d'empathie : si c'était Kristine (sans ses pouvoirs évidemment), elle mourrait sous mes coups.

- Quand est-ce que tu vas entendre raison ? me demande George alors que lui et son frère entrent dans la Salle sur Demande.

- Quand je m'aurais suffisamment entraîné, répondis-je.

  J'enchaine trois poings consécutifs et combine le tout avec deux uppercuts.

- Et tu fais ça sans gants ? dit George, inquiet.

- Je ne les ai pas trouvé, je fais avec !

- Bon bah en attendant que tu nous donnes raison, je vais rejoindre Amy à la Grande Salle. Vous nous rejoignez ? demande Fred.

- Ça marche, on arrive dans cinq minutes, répond George.

- Ou plutôt tu arrives dans cinq minutes, rétorquai-je.

  Ils se lancent tous deux un regard impuissant et Fred sort de la salle, nous laissant George et moi. George qui ne cesse de me fixer. Ce qui, soi-disant passant, commence à me piquer à vif.

- Quoi ? lâchai-je sèchement.

- Tu devrais penser à te-

- Si tu me dis que je dois me reposer, je t'enfonce mon poing dans l'œil !

  La force de mon coup achève d'éjecter le sac de boxe à une dizaine de mètres. Le souffle court, je décontracte mes bras en lâchant un soupir exaspéré. Ça ne tient jamais, ces trucs. À peine l'ai-je pensé qu'un grand poteau de bois, épais et haut de trois mètres, apparait à ma droite. J'ai un rictus satisfait.

- Love, s'il te plait, arrête-toi au moins deux minutes pour souffler ! s'exclame aussitôt George.

- Pas le temps, grognai-je avant de jeter un coup d'œil à mes phalanges qui ont déjà commencé à saigner.

  J'hausse vite les épaules. J'ai eu pire, allons-y direct.
  En commençant à déverser mes techniques de frappe qui seraient meurtrières sur une personne, je me mets à réfléchir à une solution pour devancer Kristine. Severus m'a dit que je devais être imprévisible pour la duper... mais comment faire ? Peut-être en n'étant plus moi-même ? En jouant une double-couverture, comme lui ? Une affliction intense à mon poignet me fait siffler de douleur, mais je me force à ne pas y prêter attention. Je me mets à voir le visage de Kristine juste en face de moi, imaginant cette garce sous tous les angles, et mes coups deviennent plus précis. Mais la douleur et la fatigue aussi.

- Love, arrête, commence George.

- Non, murmurai-je avec essoufflement, non, je ne m'arrêterais pas... Pas avant de réussir à être plus forte !

  Pourtant, je grimace davantage, les larmes aux yeux en remarquant que malgré ce que je crois, je reste toujours impuissante à cause de mon corps qui ne demande que du repos. Mais ce n'est que superficielle. Ça ne doit que l'être.

- Love, ça suffit !

  Je le sens s'approcher de moi pour m'arrêter mais je le repousse en continuant de frapper. Je veux me surpasser et j'y arriverai ! Quitte à me déchirer les muscles ou à tomber dans les pommes !

- Ma Belle, arrête, tu te fais du mal !

  Je devrais l'écouter. Pourtant, quelque chose en moi le refuse. Ce sentiment de guerrière est trop fort comparé à ma force affaiblie et mes poumons en feux, comparé à ma migraine omniprésente et mon énergie lamentable.

- Non, je dois continuer... Au moins jusqu'à la centaine !

  Au même moment où une douleur lancinante fait craquer mon poignet, d'horribles crampes surviennent brusquement à mes mollets. Mes jambes cèdent sous mon corps alors que je lâche un cri, sitôt rattrapée par les bras de George.

- Love !

  Essoufflée, la respiration saccadée, je le laisse me serrer contre lui, les forces musculaires me lâchant pour de bon.

- Je t'avais dit que ce n'était pas bon ! On te l'a tous dit ! Pourquoi tu ne nous as pas écouté ?

- Je... Je ne sais pas... murmurai-je. C'est le seul moyen...

- Le seul moyen de quoi ? Tu es épuisée et brûlante de fièvre ! Tu dois te reposer ! Et frapper contre un poteau de bois sans même enfiler de protections... Tu es complètement cinglée !

  Je me renfrogne en baissant la tête et les yeux, inspirant profondément.

- D'accord... Okay, je vais tout t'avouer...

  Il s'asseoit en face de moi et prend mon visage entre ses mains pour que je le regarde dans les yeux mais je le vois à peine à cause de ma vue floutée par l'épuisement.

- Je... je suis complètement larguée.. murmurai-je en baissant la tête, fixant mes mains aux doigts entourés de givre (à cette vision, je serre les poings). Ça fait un moment que ça dure, j'ai préféré n'en parler à personne.

- Ouais, ça, on l'a bien remarqué que tu refusais de nous dire cet acharnement soudain.

  Je soupire difficilement sans réussir à le regarder dans les yeux.

- Dis-moi ce qu'il se passe.

- Joy, je veux pas t'inquièter...

- Ah mais ça, c'est déjà fait ! dit-il, une pointe d'exaspération et de colère dans la voix.

  Il est autant énervé à cause de moi que lui.

- Rien n'est vraiment pareil depuis que ton père est revenue de l'hôpital, dis-je à mi-voix. Voldemort, Kristine, mes cauchemars, les Mangemorts qui s'évadent... Je ne suis qu'une fille avec un don incontrôlable qui a besoin de se défouler pour oublier. Enfin... je pense que si je ne suis pas devenue cinglée, ce... c'est parce que je sais que je dois vous protéger, toi et les autres.

  Je relève mon regard dans le sien. Pourquoi a-t-il cette lueur de culpabilité ?

- Et je ne peux pas oublier qu-que la pire des garces sur Terre et son chien-chien prêt à tout représentent une seule et même menace pour vous. Oui, je t'aime, j'ai énormément de chances de t'avoir et d'avoir l'amitié des autres mais... Joy, je n'arrive pas à dormir. Amy dort, moi je viens ici pour perfectionner mes techniques et continuer à m'entraîner pour être sûre de pouvoir respecter ma promesse sans que personne ne soit touché. La menace est... constamment là. Et je dois protéger les seules personnes qui me sont essentielles... 

  Je tapote de ma main sa poitrine.

- C'est toi, Fred, Amy, David, Éléona... Vous tous, vous êtes ce que j'ai de plus précieux. Et le combat, c'est...

- Temporaire, réplique George en secouant négativement la tête.

- Mais ça fait partie de moi.

- C'est qu'une distraction, ma Belle...

- Possible, avouai-je. Mais j'en ai besoin.

- Plus pour le moment, tu en as fait assez.

- Non... Ce ne sera jamais assez avec Kristine dans les parages.

- Peut-être mais tu es épuisée, Love, épuisée, réitère-t-il, ma tête entre ses mains, le regard toujours si inquiet. Tu ne t'en rends peut-être pas compte mais tu t'endors en cours, tu es tout le temps sur les nerfs et on n'a même plus passé un seul moment rien que tous les deux tellement tu es à cheval sur tes entraînements beaucoup trop intensifs ! Et le pire, c'est que tu crois qu'on ne s'en rend pas compte !

  Je le dévisage honteusement, figée par l'évidence : mon comportement a fragilisé notre couple. Cette simple allusion me fait baisser les yeux.

- Ça marchait pourtant très bien il y a deux semaines, marmonnai-je dans un soupir coupable.

  Un silence plane pendant lequel George a les sourcils froncés en me regardant comme si qu'il n'y croit pas ses yeux.

- Tu te rends compte de ce que tu dis, là, au moins ? persiffle-t-il. Ça dure depuis plus de deux semaines et tu ne m'en as pas parlé une seule fois !?

  Je sais ce qui va s'en suivre. Il va vouloir mettre les choses au clair, faire une mise au point sur la situation. C'est pour ça que, les jambes tremblantes, le poignet et les muscles douloureux, je me lève sans lui jeter un regard.

- Parce que tu as d'autre chose à faire que de t'inquièter pour moi ! répondis-je en partant vers l'étagère à soins.

  Avec les entrainements de l'A.D., j'ai préféré en mettre une afin de se soigner si jamais un accident arrive. C'est mieux qu'aller à l'infirmerie et subir les questions de Mrs Pomfresh - surtout si je suis dans les parages.

- Tu es sérieuse !? hallucine George. Tu crois que garder des secrets pour toi m'inquiètera moins ?

- C'est mieux que de te plomber l'esprit avec mes problèmes sans importance, crois-moi.

  J'attrape une bouteille d'alcool à 90 degrés et commence à me la verser sur les phalanges dont le poignet du même côté me semble fouler. Mais évidemment, George m'arrête en plein mouvement en me l'arrachant des mains ! Je tente de la reprendre, sans résultat car il l'éloigne au plus loin de moi, le regard flamboyant.

- Je vais devoir te le dire en combien de langues, au juste ?!

- Rends-moi cette bouteille, s'il te plait...

- Pas tant que tu ne te mettras pas dans le crâne que tes problèmes SONT mes problèmes !

- Et moi je te dis que tu ne dois pas t'inquièter de quoique ce soit, je gère la situation.

  Je tends le bras pour reprendre le désinfectant. Au même instant, je me retrouve en incapacité à bouger et m'aperçois qu'il m'a lancé un sort de Blocage. De quoi le fusiller du regard.

- Libères-moi tout de suite

- Hm-hmm, pas question.

- Tu sais pourtant qu'un sortilège aussi simple ne me retient pas !

- Une chance pour moi que tu n'aies plus ta baguette, alors.

  D'un air vainqueur, il brandit ma baguette magique juste sous mes yeux et mon regard s'assombrit.

- Bien joué, commentai-je sèchement.

- Merci. Et maintenant, j'ai tout mon temps pour t'écouter.

  Je soupire, exaspérée.

- M'écouter de quoi ? Je t'ai déjà dit pourquoi je faisais tout ça : à cause de mes cauchemars.

- Peut-être, mais tu as omis d'expliquer ce pourquoi tu refuses à chaque fois de tout nous dire.

- C'est inutile, tu perdrais ton temps.

  George semble sur le point de péter un câble ; il a entre un cri et un grognement de colère, en se prenant la tête entre ses mains pour tirer ses cheveux.

- Raah ! Mais combien de fois je vais devoir te dire que je prendrais volontiers cinq mille ans à perdre mon temps, pour que tu comprennes que c'est ça d'être en couple, d'être avec moi !

- Ce n'est pas toi, George, c'est moi, je...

- Tu, quoi ? Tu ne veux pas nous inquiéter, alors tu mûres dans le silence en t'enfermant sur toi-même ?

- Je préfère ça que faire porter l'attention sur mes petits problèmes personnels qui vous mettent dans tous vos états !

- Mais tu nous mets justement dans tous nos états en gardant tout pour toi ! En refusant de me dire ce qui ne va pas alors que je suis toujours là, à vouloir t'écouter ! Et ne me dis que j'ai autre chose à faire, je serais prêts à tout abandonner pour toi, pour notre Amour !

- Justement ! Je ne veux pas que tu aies à sacrifier tes rêves ou tes ambitions pour de simples Visions sans importances, dis-je d'une voix rendue un peu plus aiguë par les émotions.

- Ça n'est pas « sans importances » vu toute l'énergie que tu mets à vouloir nous les éviter ! dit-il avec évidence.

  Il a raison. Je le sais. Et c'est parce que je le sais que les larmes me montent aux yeux sans le vouloir.
  En me voyant rester interdite, George se passe une main dans les cheveux, le regard luisant d'une douleur que je peine à déchiffrer.

- J'ai l'impression des fois que tu fais comme si que tout ça n'a pas d'importance, lâche-t-il avec amertume.

- De quoi tu parles ?

- De nous deux.

  Mon cœur se serre soudain alors que ces trois seuls mots me percutent comme si qu'il s'apprête à me dire quelque chose que je redoute. Mes sourcils se froncent par l'appréhension et je sens mon pouls s'accélérer.

- D-de nous deux ? bégayai-je à mi-voix.

- Oui, de nous deux, dit-il en faisant un pas vers moi. Tu me dis que tu ferais n'importe quoi pour nous, pour moi. Mais il n'y a pas que la sécurité dans tout ça, il y a le fait de parler quand ça ne va pas, de dire ce qu'on a sur le cœur ! Quand on est aime quelqu'un, on ne se tourne pas le dos parce qu'on n'est pas bien, on communique

- Je sais mais...

- Mais tu me caches tout le temps des choses, tranche-t-il. Tu passes ton temps à-à tout garder, à... à me cacher la vérité, sur tes ressentis ou même sur ton enfance.

  Je reste muette, contractant ma mâchoire pour éviter que les souvenirs me reviennent en mémoire.

- Je veux bien qu'elle ait été très difficile mais il faut bien que je sache qui tu es pour savoir ce qu'on est nous, pour savoir ce que je suis à tes yeux, pour savoir si... si ce que je dis c'est n'importe quoi ou pour... 

  Sa phrase se trouve en suspend. Il s'est rapproché de moi à chaque parole. Ces dernières m'ont atteintes plus que de nécessaire car j'ai l'immonde envie de fondre en larmes.

- Je t'aime, Mélody, je suis fou amoureux de toi ! Et c'est parce que je t'aime que je te dis tout ! Mais si pour toi être avec quelqu'un rime à... à le laisser dans l'angoisse à chaque instant, à le laisser poirauter comme un abruti parce qu'il ignore ce que tu peux ressentir ou ce qui t'a fait devenir celle que tu es aujourd'hui...

  Je comprends où il veut en venir et la question se bloque dans ma gorge, telle une boule de pétanque coincée dans un trou.

- Tu crois qu'on ferait mieux d'en arrêter là, c'est ça ? réussis-je à dire.

- J'en sais rien, je...

  Les larmes lui montent aux yeux alors que je continue à le fixer, me sentant plus tremblante que jamais.

- Je ne veux pas en arriver là, je veux juste savoir la vérité.

  À peine ses mots sont-ils sortis que je me sens de nouveau libre de tous mouvements. Soulagée pour ça, je suis vite prise de panique face à tous les propos qu'il a tenu. J'ignorais que l'Amour pouvait faire si mal. Et c'est pour ça que je reste silencieuse pendant un moment. Mais c'est le moment de trop car George a une exclamation aussi amer que chagrinée.

- Je vois.

  En le voyant commencer à partir, mon cœur semble se broyer de toute son enveloppe. Je secoue vivement la tête. Je ne suis pas prête à laisser quelqu'un d'autre qui m'est cher partir... Pas de cette façon en tout cas... Pas maintenant. Pas après tout ce qu'on a vécu lui et moi.

- Moi ce que je vois c'est que j'ai fait une erreur monumentale, dis-je, la voix brisée.

  George fait aussitôt volte-face, la respiration précipitée.

- Alors tu comptes tout me dire ? demande-t-il avec espoir, semblant soulagé.

- Je vais essayer ! Je... je ne te garantie rien, mais... mais, s'il te plait, ne m'abandonne pas.

  Il semble rassuré de ma décision car il revient vers moi en ne me lâchant pas du regard. Je me laisse glisser contre la bibliothèque, recroquevillée sur moi-même. Il s'assoit à côté de moi alors que je fixe un point invisible, me préparant mentalement.
  J'inspire profondément.

- Je ne suis pas douée pour exprimer mes ressentis, commençai-je, la voix tremblante. Je ne l'ai jamais été. Du moins, je ne l'ai plus été depuis l'apparition de Kristine dans ma vie.

- On ne parle pas de Kristine, là...

- Si. C'est justement à cause d'elle que tout a commencé. Que je suis celle que je suis. Si tu ne veux pas qu'on en parle, alors ça n'en vaut pas la peine, dis-je sèchement par toutes les douleurs que je ressens juste à son énonciation.

  George est soudain muet, se rendant compte de mes mots.

- Non, dit-il aussitôt. Je... je ne veux pas te forcer, je ne suis pas comme ça...

- Après tout ce que tu m'as dit, il me semble quand même nécessaire à ce que tu saches tout ça. Et là, peut-être que tu verras pourquoi je sais n'en valoir pas la peine.

  Je pose ma main sur son avant-bras et ferme les yeux par la concentration. Tantine m'a dit qu'avec mon don, je pouvais revivre mes souvenirs tout en les partageant aux autres. Et si personne n'a jamais su la vérité, aujourd'hui, je vais en déverser une partie à George. J'espère toutefois qu'il saura garder sa langue... et qu'il ne sera pas choqué.
  Seulement, la projection mémorielle achevée, une fois être revenue au temps présent, je sais rien qu'à son visage que mon passé l'a brisé de l'intérieur.

- Tu as vu ce que tu voulais savoir maintenant ? murmurai-je, la voix tremblante.

  J'inspire profondément, me sentant prise d'un violent dégoût de moi-même, mais il m'est impossible de ne pas pleurer quand il me serre dans ses bras avec force.
  J'éclate en sanglots. Des sanglots emplis de douleurs du passé. Des sanglots par la honte et la haine. Car m'être moi-même projetée dans mes souvenirs me rappelle la fillette apeurée et tétanisée que j'ai été. Mais que je ne suis plus. J'ai simplement besoin... de lâcher mon sac, de le déverser. Et pour ça, je crois que j'ai réussi. Du moins... George m'a aidé à faire confiance en quelqu'un pour la première fois.

- Je suis désolé, je ne savais pas... murmure-t-il en commençant à sangloter à son tour. Je... je ne savais pas, je t'en supplie, pardonne-moi, ma Belle... J'ignorai que... Je...

  Je secoue négativement la tête pour seule réponse. Son étreinte est autant brisante que réconfortante. Et je ne veux pas entendre ses excuses. Je veux simplement... sa présence. Ça me suffit amplement. Le silence est mieux que des mots.
  Et il le comprend parfaitement.
  C'est pourquoi on reste tous les deux serrés l'un contre l'autre. Mais à la différence des autres fois, j'accepte de pleurer. Car c'est là mon seul moyen d'expliquer mes souffrances passées.

- Alors... commençai-je une fois m'être calmée.

- Alors quoi ?

  Il a arrêté le premier de pleurer et a continué à me soutenir en me caressant doucement les cheveux. Mais là, je viens de me décaler de lui sans l'inciter à me relâcher, uniquement dans le seul but de le regarder dans les yeux.

- Alors si tu veux partir, je ne te retiendrais pas.

- Pourquoi je partirais ? s'étonne-t-il, le souffle soudain coupé par mon annonce.

  Je me détache de lui et m'appuie sur l'une des bibliothèques pour me relever, les jambes tremblantes, mon crâne me filant une migraine odieuse.

- Tu... tu vas forcément me laisser maintenant que tu as vu... tout ça, achevai-je. Alors si tu veux partir - et tu le feras certainement - je ne te retiendrais pas.

  Il se lève à son tour, le regard assombri d'effroi.

- Mais pourquoi veux-tu que je parte ?

- Personne ne veut d'une fille faible comme petite amie... et personne ne mérite d'avoir quelqu'un toxique à ses côtés.

- Tu n'es pas toxique... murmure-t-il, totalement perdu.

- Ouais, t'as raison, je dirais plutôt maudite. Ou qui porte la poisse, le malheur. Choisi ce que tu veux mais tu m'abandonneras comme ils l'ont fait à leur tour, comme Amy, Fred et les autres devront le faire un jour ou l'autre. De toute façon, il fallait bien que ça arrive avant que tu sois tué toi aussi.

  J'ai l'impression que mon cœur va exploser tellement je le sens se serrer dans ma poitrine. J'aime George, je suis folle amoureuse de lui. Et malgré ce qu'il dit, je sais pertinemment que le mieux pour lui, c'est qu'il s'éloigne de moi pendant qu'il est encore temps.
  En le voyant secouer négativement la tête, je continue :

- Tu sais très bien que tous les gens qui me portent de l'affection et que j'aime en retour finissent par mourir dans d'atroces souffrances. Zoé, Diane, Jack, Diggory, Daniel... Vous êtes tous en danger de mort à chaque instant à mes côtés.

- Tu crois sincèrement que ça me donne une bonne raison de t'abandonner ?

  J'hausse les épaules.

- Tout le monde fini par nous tourner le dos au bout d'un moment ! Ce que je regrette... c'est que toi tu finiras aussi par le faire à un moment donné. C'est juste arrivé plus rapidement à cause de ce que je t'ai montré.

  J'attrape la bouteille à 90 degrés, cette fois-ci bien décidé à me l'appliquer sans qu'il... Je souffle d'impuissance quand il me la prend des mains pour la deuxième fois. Je lève ma tête pour le regarder dans les yeux.

- Mais rien au monde ne pourra me tenir à l'écart de toi, Mélody, rien du tout ! Et quitte à ce que la mort m'attende, je ne peux pas croire que ce sera de ta faute. Parce que je compte bien mourir vieux et ridée... mais à tes côtés ! Et je suis certain que même avec la peau fripée, tu seras toujours aussi belle. Intérieurement comme extérieurement.

- Même avec ce que tu as vu ? le soupçonnai-je quand même.

- Même avec ce que j'ai vu.

  Il prend mon visage entre ses mains et pose son front contre le mien, le dos courbé et les genoux pliés. Mais ça, ce n'est qu'un détail insignifiant.

- Je ne t'abandonnerais jamais, ma Belle, tu m'entends ? Jamais ! Je t'aime trop pour te laisser, surtout avec ce que tu m'as fait voir. Et même si ça me rend fou de rage, que ça m'a fait flipper sur un certain point...

- Les Reptiliens ?

  Il hoche de la tête, me faisant doucement pouffer de rire. Il va falloir qu'il s'y habitue avec Kristine dans les parages...

- Même avec tout ce que j'ai vu, je vais continuer à t'aimer comme un fou. Parce que je crois que si je ne le fais pas... je crois que si je n'ai plus ton amour... je serais capable d'en crever.

  Ses lèvres se posent sur les miennes dans un baisé délicat. Me rendant compte de ses paroles, je passe aussitôt mes mains autour de sa nuque mais retire immédiatement la paume droite - dont la douleur me fait grimacer - et m'accroche presque à lui en fermant les yeux pour éloigner ces nouvelles larmes qui sont apparues. Mais pas de tristesse, de bonheur. À l'idée qu'il restera à mes côtés malgré d'autres secrets que - il doit sûrement s'en douter - je garde encore en moi, dans un coffre bien plus enfouie que ce que je lui ai montré.

- À quoi tu penses ? lui demandai-je alors qu'il panse mes phalanges d'une bande blanche - il a insisté.

- À... à ce que tu m'as montré.

  Je devine une certaine nervosité dans son timbre de voix et me sens rougir dès que j'entends sa pensée.

- Quoi ? dit-il en remarquant mon teint rouge.

- Pour répondre à ta supposition mentale : oui, ce qu'elle m'a fait enduré ce jour-là... c'est encore frais malgré que ça fait... hum... neuf ans.

  George fronce les sourcils avant de soupirer d'exaspération.

- Arrête de lire dans les pensées, s'agace-t-il.

- C'est plus fort que moi.

- Donc... par rapport au fait que tu détestes qu'on plaisante sur le sexe... ça vient de...

  Mon regard s'assombrit et je frissonne de dégoût en faisant un effort incommensurable pour ne pas retirer mes doigts de sa main.

- Euh... É-Écoute, Joy... Je t'ai montré une partie de mon passé parce que tu me l'as demandé mais ne va pas prendre ça pour une invitation à faire des déductions, euh...

- Oui ! Nan ! Ce... C'est pas ce que je voulais dire ! s'excuse-t-il aussitôt, le regard coupable. Je... Je ne me servirais pas de ton passé, ma Belle, c'était juste pour comprendre pourquoi tu détestais qu'on parle de ça... Mais j'ai eu ma réponse, pas la peine de chercher plus loin.

  Il m'attire à lui par la nuque et m'embrasse sur le front, me rassurant d'une certaine façon.

- C'est difficile et bizarre, soufflai-je, d'avoir raconté ses blessures à quelqu'un qui ne prend pas la fuite...

- Dans ce cas, tu vas devoir en avoir l'habitude parce que je suis le pire des pots de colle !

  J'ai un sourire amusé quand l'on entend la double-porte de la Salle sur Demande s'ouvrir. Harry y rentre avant d'écarquiller les yeux en nous voyant. Son regard va sur George qui finit tout juste de panser mon poignet - dont je reconnaîtrais par mille expériences qu'il est bien foulé - en attendant d'aller voir Mrs Pomfresh. Puis Harry me regarde moi en fronçant les sourcils.

- Est-ce que ça va ? demande-t-il d'une voix mal engagée.

- Beaucoup mieux, répondis-je en hochant la tête. Et toi et les autres devrez être ravie : je vais me poser pour le moment. Enfin... je veux dire... je vais réduire mes entrainements de combat à deux heures par jour dorénavant.

- Ah, qu'est-ce qui t'a fait prendre conscience ? s'exclame-t-il, ravi et rassuré.

- Un petit ami pot de colle.

- Et je remercie Merlin de l'être ! réplique George en m'ébouriffant les cheveux.

  Je souris. Le jour suivant (après que les autres aient tous soufflés de soulagement et Mrs Pomfresh d'exaspération à ma capacité à venir la voir au moins tous les trois jours), je me fais réveiller par un oreiller donut en pleine poire.

- Raah ! grognai-je de fureur. Celle qui m'a fait ça va mourir écharpée en chaussons fumés ! 

  Amy se cache aussitôt derrière un baldaquin, prise d'un fou rire silencieux.

- Je te donne cinquante secondes pour m'expliquer ton acte abominable, persifflai-je, maintenant assise sur mon lit, la nuque contre le dossier.

- Abominable ? À ce point ? dit-elle en sortant de sa cachette.

  J'hausse les sourcils de surprise en la voyant. Si ses cheveux avaient retrouvé leur couleur naturelle depuis son retour du Japon, ils sont soudain redevenus divisés par deux couleurs ; rose clair à gauche, violet foncé à droite. Lâchés, mais avec un chignon au sommet de la tête, ça se rajoute à son sweat à capuche extra-large pastel, son collant blanc et ses hautes bottines de couleur arc-en-ciel. Elle s'est même maquillée légèrement pour se donner un air enfantin, alors c'est vrai que le choc est là.

- Mais qu'est-ce que...

- Fred m'a invité à sortir avec lui pour la Saint Valentin.

- La Saint Valentin ? dis-je en fronçant les sourcils.

- Oui ! La Saint Valentin ! Et il m'a avoué dernièrement - indirectement - que mon style Kawaii lui manquait. Je me suis donc levée à cinq heures du matin pour me préparer comme il le faut. Surtout pour...

  Elle soupire de nostalgie en prenant quelques mèches entre ses doigts.

- Heureusement que c'est du semi-permanent.

- Parce que tu ne comptes pas les garder comme ça ?

  Amy secoue négativement la tête :

- Du tout. Je ne fais ça que pour l'occasion. Oh, d'ailleurs ! George te le demande aussi, sourit-elle.

- De me teindre les cheveux !? Hors de question ! répliquai-je aussitôt, prise d'effroi.

- Mais non ! Comme il ne peut pas accéder à nos dortoirs, il m'a demandé de te réveiller pour que tu le retrouves devant les portes du château dans trente minutes !

  Je me mets à bailler fortement avant de me rendre compte de ce qu'elle vient de dire.

- Dans trente minutes !?

  Je saute de mon lit mais m'y rassoie immédiatement en sifflant de douleur par les courbatures de mes muscles. Je me masse principalement les mollets avec une grimace sur le visage.

- Tiens, me dit Amy en me tendant un flacon. J'ai préparé ça pour toi hier, quand tu nous as dit que tu calmerais tes entrainements. Je me doutais que tu allais être courbaturée...

- Merci, Cookie, tu n'étais pas obligée...

  Sous son œil bienveillant, j'applique l'huile essentielle sur mes muscles endoloris. Elle s'assoit en tailleur sur mon lit, juste devant moi, et sourit.

- Tu m'as vraiment angoissé ces deux derniers mois, je veux prendre soin de toi cette fois-ci.

- Peut-être mais c'est de ma faute. Tu devrais même m'en vouloir à l'heure qu'il est, soupirai-je.

- Est-ce que tu m'en as voulu le jour où je t'ai coloré les cheveux en jaune à cause d'une potion ratée ?

  Je la regarde avec évidence.

- J'ai failli te trucider, surtout en voyant que ça les avait rendu cassant.

- C'est un détail.

  Je pouffe de rire et me lève plus doucement de mon lit. En l'espace de dix minutes, j'ai déjà pris ma douche, séchée mes cheveux et me retrouve devant ma valise en ne sachant pas quoi mettre.

- En plus, cet abruti me prend au dépourvu ! pestai-je en voyant l'heure passée.

- Tu n'as qu'à mettre du rose ! me propose Amy en m'analysant de haut en bas.

- Du rose ? Du rose !? Amy, j'ai horreur de cette couleur et tu le sais très bien !

- Pourtant, ça changerait un peu de d'habitude.

- Pas question ! dis-je précipitamment. Et puis... il t'a dit où il voulait aller ? À Pré-au-Lard ?

- Non... Il a dit qu'il y aurait trop de monde. Mais il a bien précisé que ce serait en extérieur.

- Et avec le froid qu'il fait en plus... soupirai-je.

  Une ampoule s'allume soudain dans ma tête. Je trouve la force d'utiliser ma pensée pour créer ma tenue au complet.
  En un instant, je me retrouve chaudement vêtue d'un grand manteau-châle molletonné, aux bords de la capuche et des poignets recouverts d'une épaisse fourrure grise. Avec un jeans en denim et un tee-shirt polaire en-dessous, accompagnés de mes bottines militaires compensées aux talons épais, il n'y a rien de tels pour me tenir au chaud.

- Class, mignon... C'est parfait ! approuve Amy en levant son pouce. Il ne reste plus qu'à te maquiller légèrement pour être coquette et à te coiffer d'une coupe romantique - et le tour sera joué !

  Je soupire. La fête de la Saint Valentin m'a toujours paru comme étant quelque chose de commercial ; pour moi, l'Amour ne se célèbre pas qu'un jour, mais tout au long de l'année. Le 14 Février n'est donc qu'un moyen aux commerçants - surtout Moldus - de pouiller le maximum de gens, comme à Pâques et à Halloween (user de masques effrayants et d'horribles autres trucs qui plaisent aux sataniques, où en est le sens à part contribuer davantage aux rites sans le savoir ?). C'est pour ça que la Saint Valentin se résulte au jour que je déteste le plus.

- Ou alors, tu peux seulement tirer la tête alors que George te réserve une belle surprise, à toi de voir.

- Quelle surprise ?

- Si je te le dirais, il n'y aurait plus de surprise !

  Elle jubile joyeusement en me forçant à m'asseoir et se met à me coiffer avec un immense sourire.

- Tu peux m'expliquer pourquoi tu aimes la Saint Valentin ? lui demandai-je. Non pas que je n'aime pas l'Amour mais... c'est sur-fait, ridicule, ça n'a aucun sens.

- Ce n'est pas la fête que j'aime, c'est le fait que Fred m'invite pour la première fois - véritablement - à sortir avec lui à l'extérieur.

- Aaah... En fait, c'est parce que tu veux juste prouver au reste du monde que toi et lui, vous êtes ensemble, c'est ça ?

- Non... râle-t-elle, exaspérée. C'est simplement que... (Ses joues virent au rouge.) disons... on va enfin passer un véritable rendez-vous galant rien que tous les deux.

  Elle a un sourire gêné que j'aperçois dans la glace du miroir que j'ai fait apparaître moi-même - depuis que j'ai discuté avec Severus, je préfère soigneusement éviter toutes véritables surfaces réfléchissantes qui pourraient faire un portail pour Kristine.
  Amy termine vite de me préparer, me faisant admirer le fait que je ne sois pas vraiment naturelle. J'ai toujours détesté le maquillage. Je trouve que c'est vraiment une perte de temps mais... d'un autre côté... ça peut peut-être permettre de montrer à George que je veux lui plaire.

- C'est vraiment niait, marmonnai-je, lassée de mes réflexions.

- De quoi ? De se faire belle pour l'homme qu'on aime ?

- George m'a aimé sans tous ces artifices, je te signale. Au contraire de Fred, qui t'a toujours vu excessive au niveau des vêtements.

- Il n'y a pas que ça. Il y a principalement le fait que j'ai été tellement insupportable qu'il a fini par adorer mon sale caractère.

- C'est vrai que tu es une chieuse.

  Elle m'offre une tape dans la nuque qui me fait grimacer.

- Aïe !

- Ça t'apprendra à te moquer de moi !

  Je me mets à pouffer de rire mais en vrai : elle a gagné en force, c'est stupéfiant.
  Après dix minutes, elle a fini de faire une couronne de tresses tout autour de mon crâne et la couleur de mes yeux est joliment accentué par quelques couleurs cuivrés aux teintes naturelles, soulignés d'un trait d'eye-lyner léger. Simple, sobre, je dirais qu'elle s'est bien débrouillée et que je ne ressemble pas à un clown.
  Une fois chaussée de mes bottines compensées à talons épais, je descends de la tour de Gryffondor en sa compagnie et nous arrivons très vite au hall d'entrée. Les jumeaux nous attendent là, tout sourires, à rigoler entre eux. En me voyant arriver, George se recoiffe légèrement et me tend son bras :

- Mi lady...

  Je ne peux m'empêcher de rigoler un peu en m'accrochant à lui.

- Tu n'en fais pas un peu trop ?

- Non... Je devrais ? dit-il en me mettant une rose rouge devant les yeux.

  Je rougis doucement et la prends entre mes doigts en la reniflant.

- J'adorerais toujours ce parfum, merci, mon beau roux.

  George fait la grimace, Fred et Amy... bah... se foutent de sa gueule.

- À retenir sur la liste ! rigole Amy.

- Au crayon de bois surtout, se plaint George.

- Qu'est-ce que je devrais dire, moi ? Face à tous les surnoms que vous me donnez, j'aurai de quoi m'en faire une couverture !

- Toi, c'est différent, Blanche-Neige.

- En quoi c'est différent ?

- Bon, on y va, Pierre Castor ? le presse Amy, savant bien que Fred est sur le point de tomber d'un pic glissant.

- Avec plaisir, ma Crousti-pâte !

  Ils rejoignent tous les deux la file d'élèves dont Rusard coche le nom sur la liste, me faisant sourire d'amusement : eux et leurs surnoms, c'est une grande histoire d'amour...
  Je lève mon regard vers George et lui demande, la rose rouge près de mon cœur :

- Alors, c'est quoi le programme ?

  Pour seule réponse, il m'attrape par la main et me tire vers l'extérieur du château. Je suis rassurée, ce n'est qu'une journée fraîche avec une petite brise qui souffle régulièrement malgré la neige dégringolante du ciel.

- Où est-ce que tu m'emmènes, Joy ? dis-je avec un éclat de rire quand on commence à entrer dans la Forêt Interdite.

- Tu verras !

  Après quinze bonnes minutes de marche, on arrive face à un gigantesque arbre que je n'avais jamais vu jusque là.

- Tu comptes m'offrir un petit déjeuner aux écorces ? plaisantai-je en le voyant tâtonner le tronc avec son poing.

  Mon rire s'estompe et mes yeux s'écarquillent soudain : le tronc se divise en deux dans un grincement de branches et de feuillage, laissant s'ouvrir un passage d'où rayonne une lueur verdâtre.

- Ikari a découvert ce passage il y a une semaine et Amy me l'a aussitôt montré. Je me suis dit que ça pourrait te plaire de voir ça !

  Je continue de fixer l'arbre, ébahie, intriguée. 

- Aller viens, suis-moi.

  George entre en premier dans le passage. Je le suis de près, ses doigts serrant les miens dans une délicatesse dont lui seul à le secret. De ma main longeant la paroi de l'arbre, je sens quelques secondes plus tard de la mousse apparaître et aperçois la fin du passage. George saute hors de la paroi et m'aide à m'y extirper en me soulevant par la taille, me laissant poser mes mains sur ses épaules. Une fois sur la terre ferme, ma bouche s'ouvre seule par l'immensité de la nouvelle forêt qui nous fait face : verdoyante, luxuriante, elle est bercée par des gazouillis d'oiseaux et regorge de vie et d'odeurs enivrantes. Baignés de lumière ondoyante d'un vert pur, la mousse recouvrant leurs racines, chêne, orme, hêtre, bouleau argenté, mélèze et saules se réunissent pour nous offrir un magnifique spectacle visuel.

- Wahoo... soufflai-je.

- Et attends, ce n'est que le début ! chantonne joyeusement George.

  Il m'attire sur un chemin délimité par une allée de fleurs scintillantes d'où l'on entend des petits tintements de fées. De par et d'autres, cachés derrière les troncs des arbres, des Dryades - ces Nymphes des bois se matérialisant sous l'aide de pétales de rose - nous regardent passées en chuchotant gaiement. Et pour harmoniser davantage, d'étranges poussières dorés s'élèvent du sol pour flotter à mi-mollet et la température régnant autour de nous est douce, chaude...

- J'ignorai qu'une forêt comme celle-ci se cachait dans les bois de Poudlard, dis-je, émerveillée.

- Nous aussi, répond George. Mais une des Dryades nous a parlé. Elle a dit que l'école se trouvait en réalité sur une ligne de dimensions parallèles depuis sa toute première conception - les Fondateurs de Poudlard l'auraient choisi pour ça, parce qu'ils savaient qu'on pourrait emprunter cette passerelle pour aller dans un autre monde. Mais seulement pour un temps donné.

  Stupéfaite, je demande :

- Alors on est où ici ?

  Un petit ricanement mystique résonne à côté de moi et je sursaute en m'arrêtant nette pour me tourner vers cette Nymphe des Bois, dont le sourire est gigantesque.

- Vous êtes dans le Royaume de Narnia, répond-elle d'une voix claire.

- Le Royaume de Narnia ?

  La Nymphe hoche de la tête puis se volatilise en laissant ses pétales de rose voltiger comme un drapeau.

- Narnia... répètai-je en me tournant vers George, les sourcils froncés. Ça existe, ça ?

  Il hausse les sourcils.

- J'en sais rien, en tout cas, il vaut mieux se dépêcher ; on n'a qu'une journée avant que le passage se referme pour dix ans.

- Dix ans ? Comment tu sais tout ça ?

- Les Dryades m'ont tout expliqué quand on est venus avec Fred, Lee et Amy.

  On reprend notre escapade à travers bois et je sens tout autour de nous une certaine magie ancestrale, sans arriver à mettre un doigt dessus.

- Oh fait ! Tu sais qu'Angelina n'a plus le morale depuis Noël ? me lance George.

- Angelina ? Elle ne s'est toujours pas remise de notre dispute ?

- Elle s'en veut. C'est pour ça que je lui ai dit que tu accepterais de clarifier les choses avec elle.

  Je me mets à soupirer et voulant changer de sujet, je fais remarquer :

- En tout cas, tu sais choisir tes endroits pour me surprendre.

- C'était le but, ma Belle.

  On arrive à un long pont en bois suspendu où il me laisse passer en première. Je m'y balance joyeusement, respirant cet air plus pur qu'à Poudlard. Si cette contrée s'appelle Narnia, et qu'on a réussi à passer une barrière d'Entre-les-Mondes, en passant d'une Dimension à une autre, c'est que Poudlard regorge plus de mystères que je le pensais.

- Dis-moi quelque chose que tu n'as jamais révélé à personne, me dit George.

- Hum... Je déteste les champignons et je hais le céleri.

- Sérieux ?

- Oui. Drago aussi, en fait, mais on fait toujours semblant pour ne pas paraître compliqué.

- Pour une végétarienne, tu ne l'es pas à cent pour cent, rigole-t-il.

  Je souris et regarde cette belle rivière qui passe sous nos pieds à soixante-dix mètres. De là où on est, je parviens à voir des Naïades qui utilisent leur élément comme leurs corps pour guider les poissons à aller dans la bonne direction. C'est magnifique...

- Moi, je déteste la betterave.

  Je regarde George en pouffant :

- C'est vrai que je n'aime pas trop ça non plus.

  On a tous les deux un éclat de rire et je lui adresse un immense sourire, marchant à reculons. À mon tour de lui poser une question !

- Dis-moi quelque chose que tu n'as jamais osé me dire.

- J'ai souvent peur de te casser en deux.

  J'hausse un sourcil alors qu'il confirme en hochant de la tête.

- T'es tellement maigre que j'hésite à trop te serrer fort des fois.

- Dois-je comprendre que mÔsieur a peur de me faire mal ?

- Toujours.

- C'est trop mignon.

- Je suis sérieux, sourit-il.

- Ah mais moi aussi ! répondis-je en me retournant.

  Une fois le pont traversé, et quelques rochets escaladés qui ont plusieurs fois failli me faire glisser, on arrive sur un sentier de fleurs. 

- Ferme les yeux, Love, me dit soudain George.

- Quoi ?

- Ferme les yeux, je veux te réserver la surprise.

  Son regard me fait sourire et je clos mes paupières, le laissant me guider en prenant mes mains avec les siennes. Je resserre instinctivement mes doigts aux siens dès qu'il se met à marcher.

- T'inquiète pas, Love, je suis là, juste devant toi.

- Oh ce n'est pas toi qui m'inquiète, c'est plutôt mes pieds qui risquent de se prendre dans une branche...

- Dis plutôt que c'est parce que tu n'as plus le contrôle !

  Je me pince les lèvres, ne trouvant aucune réplique. Mon silence le fait rire et il continu à me guider en me signalant à chaque pas des obstacles qu'il y a.

- Attention où tu mets les pieds...

  Je sens qu'on descend une légère côte semée de petites branches.

- Ça va ?

- Pour le mieux.

- Y a une marche... et voilà.

  Je m'arrête en le sentant s'immobiliser et lâcher mes mains pour entourer ma taille avec ses longs doigts, en collant délicatement mon dos à son torse. Je frissonne à son contact, un peu perturbé à cause de ce noir qui m'entoure. Son souffle glisse contre mon oreille alors que je m'appuie un peu contre lui, le visage levée vers son cou. Il est la seule chose qui m'assure d'être en sécurité.

- T'es prête, ma Belle ? (J'hoche de la tête.) Ouvre les yeux, me murmure-t-il.

  Lentement, mes paupière s'ouvrent d'elles-mêmes.
  Mon regard vient d'abord, au loin, un peu plus en bas, à ces colonnes de pierre formant un kiosque en architecture romaine détruit pour les trois quarts, mais il n'y a aucun gravas. À la place, une grande couverture à carreaux rectangulaire où sont posés divers objets de pique-nique avec des oreillers et quelques lanternes. La touche qui accentue ce romantisme est cette rivière qui passe tout autour du kiosque auquel on accède par des pierres dépassant de l'eau. La forêt luxuriante est encore plus belle vue d'ici.
  Je lève aussitôt ma tête vers George, dont le sourire est aussi immense que le mien.

- Tu as fait tout ça pour moi ? dis-je d'une petite voix, mon cœur se réchauffant par une telle intention.

- Je ferais tout pour toi, Love.

  Il m'embrasse sur le bout du nez et m'invite à avancer. Tout en faisant attention où je marche, je descends les quelques mètres qui me séparent du kiosque et mes joues se mettent à chauffer.

- Tu n'y es pas allé dans la simplicité, souriai-je en regardant les pétales de rose qui nous entoure.

- Tu me connais ? J'aime faire les choses bien. 

  Il m'invite à m'asseoir, puis ouvre un panier en osier pour y sortir deux assiettes en verre et tout un tas de plats que je ne l'aurais jamais imaginé préparer.

- J'avoue, les Elfes m'ont aidé, pouffe George.

- Je me disais aussi, souriai-je avec amusement avant de m'épater de tout ce qu'il a fait. C'est incroyable... comment as-tu fait ?

- La magie, j'imagine. Fred et les autres aussi.

- Tu veux dire que tout le monde t'a aidé ?

- Bien sûr, pourquoi tu crois que Harry t'a demandé hier soir les fruits que tu préférais ?

- Je croyais qu'il voulait simplement tenir un pari.

- Et Hermione, qui s'est assurée de te donner un somnifère si puissant qu'il t'a permis de dormir une nuit entière sans cauchemar ? Ah ! Et il y a aussi Ginny et Amy qui m'ont dressé toute une liste de ce que tu pourrais adoré comme plat ?

  J'ai un éclat de rire impressionné.

- Vous avez vraiment fait tout ça...

- Ça te fait plaisir ?

- Évidemment ! Je veux dire... Même si j'ai toujours trouvé la Saint Valentin farfelue et inutile parce qu'on aime quelqu'un toute l'année, voir tout ça c'est...

  Je ne finis par ma phrase, seul mon sourire lui répond. George sourit de toutes ses dents, ravie, et se penche pour me caresser la joue avec sa main, d'un geste délicat. Sa paume est assez grande pour encadrer tout le bord de ma mâchoire. Ses yeux semblent analyser chaque parcelle de mon visage de manière ébahie et je ne me prive pas de faire de même, le trouvant toujours si beau, si séduisant...

- Il y a des fois où je me demande comment tu fais pour supporter mon caractère de merde, murmurai-je avec un petit rictus.

  Il a un léger mouvement de recule avec sa tête, l'air de réfléchir un instant, avant de sourire.

- Peut-être parce que j'aime les défis.

  Ses yeux lorgnent sur mes lèvres tandis que je continue de le fixer. J'ignore pourquoi, mais j'aime bien entendre ça de sa part. Mes joues se mettent à chauffer à cette pensée et pour m'épargner son rire goguenard, je passe ma main dans sa nuque et l'attire vers moi dans un baiser rempli de remerciements. Il m'entoure de ses bras avant qu'on soit vivement ramenés à la réalité à cause de...

- Ah bah je crois que pour le whisky, c'est mort, lâche-t-il dans une grimace.

  Puis il sort du sac la bouteille en verre qui vient de casser.

- Tu avais vraiment pensé à ça ? dis-je, les sourcils froncés. Et comment ça se fait qu'elle s'est cassée ?

- On va dire que c'était une mauvaise idée de la mettre tout au fond du sac.

  La mine embarrassée, j'ai une soudaine idée en tête.

- T'inquiète pas, Joy, c'est réparable !

- Au cas où tu l'aurais oublié : whisky brisé, whisky raté.

  Je ne réponds rien qu'en prenant le goulot de la bouteille pour le remettre à l'emplacement de la casse. Les mains tendues au-dessus, je ferme les yeux par la concentration en faisant le vide de mes pensées, recherchant un point du néant qui fait partie du Tout. J'imagine chaque particule, chaque atome, ne pensant qu'à une chose : refaire revenir le whisky à son état normal. Je sens des volutes de fumée sortir de mes paumes mais ne m'arrête pas et reste fixée à mon objectif.
  J'entends un bruit de succion, comme un déboucheur qui aspirerait un évier, puis l'exclamation d'effarement de George.

- Oh putain !

  J'ouvre un œil et assurée que la bouteille vient bien de se reconstituer, ouvre l'autre avec un grand sourire en remarquant les yeux écarquillés de George.

- Non ! m'écriai-je quand il commence à la prendre. Attends, minute papillon... Je me souviens de la dernière fois... Je crois me rappeler que la lumière était tombée en poussière juste après alors...

  Il fronce les sourcils et approche doucement son pouce de la bouteille. Lentement... très lentement... Il pose son pouce sur le verre et en voyant qu'elle résiste, il la prend totalement en mains. On a tous les deux un éclat de joie en remarquant que...

- Elle est saine et sauve !

- Toute neuve ! me réjouis-je. J'hallucine, j'ai réussi ! J'ai réussi ! Je suis trop fière de moi !

- Tu peux ! Non mais regarde-moi ça... Il n'y a plus aucune goutte de whisky, ni de verre brisé, dans le panier... Oh, ma Belle, tu es formidable, c'est incroyable !

  Il plaque joyeusement ses lèvres aux miennes et on se détache bien vite tous les deux pour commencer à manger. Il se sert du whisky, puis m'en propose mais je refuse d'un signe de tête.

- Tu n'aurais pas du jus de citron, plutôt, s'il te plait ? Non parce qu'au cas où tu l'aurais oublié : je n'ai même pas encore pris mon p'tit-déjeuner.

- Ah oui, c'est vrai ! La flemmarde...

  Je lui tire la langue comme une gamine et il me tend une petite bouteille de cinquante centilitres.

- Meeeerci !

   Après avoir mangé quelques bouts de mangue, George me dit :

- J'ai une question. Elle me reste en tête depuis déjà très longtemps.

- Laquelle ?

- Tu as déjà fait confiance en quelqu'un avant ça ?

- Euh... oui... j'ai confiance en Amy, Fred, Harry... toi...

- Non, je veux dire... vraiment

  J'ai un rire nerveux.

- C'est une question piège, c'est ça ?

  Je continue de rire nerveusement en préférant détourner la tête, trouvant très intéressant cet escargot qui rampe le long de la colonne romaine. Des frissons se dégagent sur tout mon corps quand je sens les doigts chauds de George caresser une mèche de mes cheveux. Quand je le regarde, il semble d'abord plongé dans une contemplation. Or, son regard trouve sitôt refuge dans le mien. C'est peut-être cela qui me convainc de lui dire la vérité.

- Non, répondis-je sincèrement. À part toi, jusqu'à ce jour... ça... ça ne m'était jamais arrivé.

- Pas même à Drago ? s'étonne-t-il.

  Je soupire difficilement.

- J'en sais rien... En fait, notre relation à tous les deux a souvent été très compliquée.

- Et ta tante et ton oncle ?

- Non plus. On va dire que... je leur fais confiance - faisais pour Daniel - mais... comme Sirius, Remus et-et la plupart des adultes, d'ailleurs... j'ai l'impression qu'on me cache des choses alors... Non, même à eux, ma confiance a des limites.

  J'ai un vague sourire nostalgique aux lèvres. D'un certain côté, ça soulage un peu... de savoir qu'on peut compter sur quelqu'un pour de vrai.

- Tu es la toute première personne à qui je fais entièrement confiance, George. Et j'espère vraiment que rien ne viendra gâcher ça.

- Je te le promets, ma Belle, je suis digne de confiance. La preuve... avec ces croissants ! dit-il en levant l'un des dits croissants devant mes yeux.

- Ça, c'est une façon de m'acheter et ça fonctionne à merveille, pouffai-je en prenant la viennoiserie pour y croquer un bout.

  Je soupire de bien-être, provoquant chez lui un éclat de rire auquel il en rajoute un geste de me recoiffer légèrement. Après un bisou sur le front, il s'asseoit plus confortablement et commence à manger à son tour. Résultat final : l'un des petits déjeuners les plus inoubliables (et les plus insolites) que j'ai jamais fait.

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