Elementum {Tome 5}

By Alice_univers

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Quand le Tournoi des Trois Sorciers sonne la mort de Cedric Diggory, c'est tout l'univers de Mélody qui se bo... More

I
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XVI
XVII
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XXIV
XXVI
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XXIX
XXX
XXXI
XXXII
XXXIII
XXXIV
Annonce et remerciements

XXV

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By Alice_univers

- Dans trois secondes, je suis sûr que tu verras une étoile.

- Tu rigoles ? Généralement c'est toi qui triches pour les voir.

- Ah mais ça c'est parce que je suis attentif.

  Je me souviens l'avoir regardé avec exaspération et ça lui avait déclenché un de ses rires indescriptibles que seul lui avait le secret. Daniel et moi étions en train de regarder les étoiles, comme tous les soirs quand il était là. Tantine arrivait dix minutes plus tard, normalement, juste après avoir fait je-ne-sais-quoi qui concernait le ministère de la Magie.

- Alors, qui a vu la première étoile filante ? demande celle-ci en s'allongeant sur l'herbe.

  Et elle se blottissait tout le temps dans les bras de Daniel avant que ce dernier nous serre toutes les deux contre son torse digne d'un athlète-catcheur. On observait alors le ciel étoilé, emmitouflées pour Éléona et moi dans de chaudes couvertures.

- Personne, répond Daniel. Mais ça ne devrait pas tarder.

  À chaque fois, il marquait un point : il y avait au moins une étoile filante qui arrivait pour nous saluer en traversant le panorama céleste à la vitesse lumière.

- Oh, je n'y crois pas ! pouffai-je. Tu gagnes à chaque fois !

- Sauf quand je suis dans les parages, rétorque Tantine.

  Un rire s'échappe de ma voix quand je me rappelle de ça.
  Je suis soudain tirée de mes rêveries lorsque la voix flûtée de professeur Flitwick entre dans mes oreilles.

- Miss Malefoy !

  Je sursaute en me redressant vivement, faisant basculer ma chaise en arrière. Je tente de me retenir à quelque chose mais ne trouve évidemment que les cheveux de ma meilleure amie. Laquelle, ne s'attendant pas à ça, réagit au quart de tour en levant subitement sa jambe qui se met douloureusement entre son dossier de chaise à elle et le dos de la mienne. Je la regarde avec des yeux écarquillés.

- Il en était moins une, commente-t-elle, le souffle court.

  Elle m'attrape par la cravate en repoussant la chaise en avant, la remettant sur ses quatre pieds autant qu'elle m'aide à me redresser.
  Assurée que je suis bien assise, je détache lentement ma main de ses cheveux en tentant de comprendre ce qu'il vient de se passer. Restant silencieuse quelques secondes, je regarde chacun des élèves qui me regarde avec amusement, les Serpentard, eux, se mettent à me pointer du doigt en ricanant. Mais je ne m'en importe pas. J'échange un long regard avec Amy, puis...

- OH PURÉE ! C'était trop bien !

- Non mais... comment t'as fait ce truc ?

- Bah, j'en sais rien, je l'ai fait, c'est tout ! s'exclame-t-elle, un sourire aux lèvres. Mais tu as vu le réflexe ?

- C'était le feu, comment t'as fait, là ! Youuuuup ! Et yaaaap... et moi j'étais en mode : Aaaahhhh... Et toi, t'as fait shlinnnnng, hop-là, avec ta jambe... 

- C'était dément ! disons-nous en même temps.

  Un raclement de gorge nous fait revenir à la réalité et on tourne en même temps nos têtes vers le professeur Flitwick. Toujours dans un mouvement synchronisé, on se met à cligner des yeux d'un air innocent, un sourire radieux aux lèvres.

- Ça va ? demandons-nous en cœur, en levant un pouce en l'air.

  Il est d'abord pris au dépourvu mais finit par avoir un rictus joyeux au coin des lèvres.

- Bien, comme je le disais, reprend-il, perché comme toujours sur une pile de livres qui lui permet de voir par-dessus son bureau ; il vous faudra plus d'un tour dans votre sac pour travailler plus dur que jamais, afin d'être sûrs de mettre toutes les chances de votre côté !

  Le professeur Flitwick me provoque un rire intérieur. Il n'a de cesse de nous répéter chaque semaine que les B.U.S.E. peuvent influencer notre avenir pour de longues années, et que si nous n'avons pas encore sérieusement pensé à la carrière qu'on choisira, il est temps de le faire. Quelle idée ! Encore une merveilleuse façon de nous prouver que travailler pour des gens corrompus et imbus d'eux-mêmes est là notre seule destinée ! Je ne crois pas ses mots, du moins pas personnellement. Car malgré mes excellentes notes et le fait que j'aime apprendre, il n'en est pas moins que très agaçant ce fait qu'on doit être obligé de faire carrière pour vivre dignement. 
  Ce Système et cette matrice sont exactement les mêmes que celles des Moldues, c'est désespérant. C'est même outragement exaspérant quant on sait que la Vie est faite normalement pour que tout le monde puisse vivre comme elle ou il l'entend, sans se soucier de quoi que ce soit. Et surtout pas de l'argent, qui est autant une mise en servitude qu'une manière aux dirigeants de s'assurer que les gens restent aveugles et obnubilés par l'avarice. Car, comme l'aurait dit un vieux diction familial : la richesse est le Pouvoir de la Liberté... mais en somme, ça n'a pas plus de sens que l'abatage des animaux soit de la bonté.
  Mes pensées divaguent encore pendant un cours, je m'en rends compte maintenant plus que jamais. Mais il malaise est que ce monde dans lequel on vit a de quoi me rendre folle. À croire que notre seul but est l'argent !

- Moi, je te le dis : ils vont s'asseoir là-dessus, je suis du genre chômeuse professionnelle, marmonnai-je avec sarcasme.

- Arrête un peu de bougonner et range tes affaires, on a cours avec la professeure Gobe-Planche, me lance Amy, non sans son éternel sourire doux.

- Ouais, ouais...

  D'un coup d'air sorti de ma main gauche, je range toutes mes affaires de Sortilège dans ma sacoche (cette fois-ci de chez Chanel) et passe la chaine-sangle en métal doré autour de mon buste, en bandoulière.
  Au moment même où l'on sort de la classe, on entend la voix d'Ombrage résonner à travers les murs :

« Ceux qui désirent rejoindre la brigade inquisitoriale pour avoir des droits en plus peuvent s'inscrire dans le bureau de la Grande Inquisitrice. »

  J'échange un regard avec Amy, les sourcils haussés.

- Géniale, on aura des collabos dans Poudlard maintenant, me réjouissai-je ironiquement.

- Exactement comme au temps des juifs... marmonne Amy, désemparée. 

  Elle inspire profondément alors que je fronce les sourcils en détectant son regard désapprobateur.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en la voyant prise d'un frisson.

- C'est juste que...

  Amy s'humecte la lève et commence à marcher, se passant une main dans sa tignasse noire, violette et rouge.

- C'est juste que mon grand-père maternelle - pas celui qui était Shaolin - m'a parlé de cette époque et... et ça m'a rappelé que c'est à cause de ça qu'il a perdu ses deux jambes. Il était militaire japonais et lors d'un vol d'éclairage, une bombe a percuté l'hélicoptère...

  J'ai une grimace même si j'ignore totalement ce qu'est un hélacaptaire. Sûrement un moyen de se déplacer dans les airs, comme les avions.

- Un résidu de cette bombe a atteint sa cuisse, l'autre a été coupée par les hélices, continue Amy. Depuis, il est en condition de fauteuil roulant et n'a plus la possibilité de marcher.

- Oh... fais-je, embarrassée. Je suis désolée, je l'ignorais.

- Non, ce n'est pas de ta faute. Il était volontaire, après tout... C'est juste que le fait de savoir qu'Ombrage ait créé une chose pareille commence à me faire me demander si on part dans la bonne direction.

  Je lui fais un sourire conciliant en passant un bras réconfortant autour de ses épaules.

- Il n'y a aucune bonne direction, Sugar, il n'y a que celles et ceux qui ont assez de tripes pour assumer leurs responsabilités et leurs actes. Et mon frère va devoir l'assumer lui aussi, ajoutai-je alors que mes yeux assombris se perdent au loin sur la silhouette de Drago.

  Il fait son fier en arborant une médaille argentée taguée du logo du ministère de la Magie, alors que son habituel groupe de Serpentard et les groupies s'y attenant l'acclament.

- Voici un lèche-bouse en toutes lettres, dis-je à haute voix en passant à côté de lui sans même lui adresser un regard. Oh fait, tu as la cravate de travers, j'espère que le crétin que tu es le sais !

  Un bras sous celui de Amy, je presse le pas pour ne pas avoir à lui parler. Mais c'est chose impossible quand il me lance :

- J'enlève dix points à Gryffondor pour commentaire indésirable !

  On fait toutes les deux volte-face vers lui alors que Drago nous fait un sourire éclatant.

- Eh oui, c'est le rôle des personnes qui font partie de la B.I.

- De la B.I. ? répètai-je d'un ton moqueur. Tu m'étonnes personnellement, je ne te savais pas bisexuel.

- Je ne vois pas du tout ce que ça vient faire là, commente-t-il avec négligence.

- Bah tu viens d'ouvertement dire que tu étais bi, non ? rétorque à son tour Amy.

  On se met toutes les deux à rire et partons en coup de vent, ne lui laissant pas le temps de comprendre ce qu'on vient de lui exposer.
  Même si les choses ne vont pas en s'améliorant avec Ombrage, il y a d'autres moments que je profite à fond. Tel que le fait d'être ami avec l'esprit frappeur de Poudlard nommé Peeves.

- Salut, Peeves ! lançai-je quand je le croise au détour d'un couloir. Alors, qu'est-ce que tu réserves à Ombrage cette fois-ci ?

  L'esprit frappeur se tourne vers moi, son énorme seau à la peinture gluante vert sapin dans la main.
  En faite, on s'entend même très bien tous les deux, surtout depuis qu'Ombrage fait des siennes. George et Fred sont de mèche également avec Peeves. Amy un peu moins, elle assiste juste au désastre. Ensemble, d'après ce qu'on a entendu de la part de McGonagall, cette dernière nous décrit comme « le quatuor le plus spectaculaire et insupportable de tout Poudlard et de ces dernières décennies ». Et à en croire, on serait même à l'égaliter des Maraudeurs à l'époque, alors c'est pour te dire à quel point je m'en sens fière. Mais même si McGonagall dit ça, je sais que je fais partie de ses étudiants qu'elle préfère le plus, elle me l'a dit au QG de l'Ordre du Phénix.

- Tiens, voilà la Mam'zelle Bad girl ! répond Peeves en me faisant une révérence ridicule, ôtant son chapeau pointu vert à pois. J'ai prévu une surprise cuisante !

- Une surprise cuisante ? Avec un seau gluant ? dis-je, peu convaincue.

- Tut-tut-tut, par n'importe quel seau, Mam'zelle la Bad Girl ! s'indigne-t-il d'un sourire carnassier. C'est de la morve de Troll avec des vésicules de Bubobulbs !

  J'étire une grimace dégoutée et m'aperçois cette fois-ci de l'odeur d'essence en m'approchant. J'ai envie de régurgiter ma pomme mais me retiens.

- Fantastique idée ! assurai-je. C'est prévu pour quand ?

- Demain matin, à dix heures, dit-il fièrement.

- Dommage que ce sera lors de l'inter-classe... soupirai-je. Et tu vas réserver ça seulement à Ombrage ou...

- À Rusard, bien entendu ! Et aussi à ton crétin de frangin.

  J'imagine bien la tête de Drago à ça, mais ne peux m'empêcher de désapprouver.

- Ça, personne n'y touche, tu le sais que c'est moi qui m'en charge.

- Hors de question ! Tu n'as pas le même talent que moi !

- On parie ?

  Il me regarde un instant avant de grommeler et de finalement accepter.
  Je finis par le laisser à ses préoccupations et continue ma marche à travers le dédale des couloirs où il n'y a pas un chat. C'est même assez silencieux pour une fois, sans les jumeaux qui font les pitres. On s'est donnés rendez-vous dans pas moins de dix minutes, le temps pour eux et Amy de sortir de leur retenue que leur a imposé Severus quand ils ont fait explosé une Bombabouse en plein couloir, juste devant la porte du cachot qui nous sert de classe de potions provisoire. J'ai été la seule à en réchapper par l'utilisation de mon pouvoir de l'air, avec lequel je me suis envolée comme un rossignol à la manière de Peter Pan.
  Un rire s'échappe de ma voix à cette pensée, mais il se perd dans ma gorge quand je sens une main enserrée brusquement mon biceps avant de me balancer tout aussi brutalement dans un espace très charmant : le placard à balais. Aussitôt sur la défensive, je me retourne immédiatement, paumes déployées commençant à s'illuminer de lumière, mais m'aperçois que ce n'est que Drago qui vient de fermer à clé la seule porte de ce trou à rats. Et je ne plaisante pas, j'en vois un dormir près d'une grosse caisse de rangement où s'entassent affaires de nettoyage et diverses brosses de récurage.

- Je peux savoir ce que tu fiches ? lançai-je amèrement.

- Bah je veux discuter avec toi, ça ne se voit pas ? me dit Drago avec évidence en se retournant vers moi.

  Mais je lui ai déjà envoyé une volute de fumée bleue indigo en plein dans le torse, le plaquant de force contre la porte alors que je le menace d'une autre volute.

- Je t'ai déjà dit que ça ne servait à rien ! m'emportai-je sous son regard outré.

  Il devient vite assombrit par la colère.

- Ouais, tu me l'as déjà dit. Mais si moi je juge le contraire, tu dois au moins accepter de me parler !

- Dit-il alors qu'il m'a littéralement jeté dans un placard à balais !

- Parce que si je t'aurai interpellé dans le couloir, tu m'aurais répondu, peut-être ? ironise-t-il. Non... Tu aurais fuis comme tu l'as toujours fait dès qu'on veut parler de quelque chose qui, j'en suis certain, te dérange.

  Je ne sais pas ce qui me retiens de le frapper. Aussi, je lâche une exclamation de colère qui ressemble à un grognement et retire mon emprise télépathique de lui en faisant quelques pas en arrière, lui tournant le dos pour me prendre la tête entre les mains, en me tirant presque les cheveux. Heureusement que mes Artefacts sont là, ce placard à balais ne serait plus que cendres et désarrois.

- Je ne fuis jamais, répondis-je sèchement.

- Bien sûr que si, sinon, pourquoi tu refuserais de t'adresser à moi à part par des quolibets et des commentaires complètement absurdes ?

  Je reste interdite, ne trouvant tout simplement pas de chose à revendre. Ma fierté en prend un coup, pour moi qui ai toujours une réplique.

- Très malin de t'assurer que je ne puisse pas ouvrir cette poignée à la con, persifflai-je, faisant référence à la dite poignée en fer à laquelle je ne peux évidement pas toucher.

- Je suis un Serpentard, c'est parfaitement normal.

- Peut-être, mais tu es le pire représentant.

- C'est un bon début.

  Je me tourne vers lui avec un regard assassin.

- Tu sais ce que je t'ai dit la dernière fois qu'on a eu cette discussion ?

- Oui, que tu m'arracherais un bras. Mais que tu me casses tout entier ou que tu me jettes du haut de la tour d'astronomie, ça ne changera pas le fait que tu me dois des explications, réitère Drago sans flancher devant mon air menaçant (une première venant de lui !).

- Quelles explications ? Mes explications ? Un vrai charabia inutile si je puis me permettre, commentai-je sarcastiquement.

  Mon frère semble se faire violence pour ne pas m'hurler dessus à quel point je l'exaspère, têtue comme je suis. Là-dessus, il n'y a pas pire que moi.

- Ah oui, inutile ? C'est inutile de m'expliquer ce pourquoi j'ai souffert tout cet été parce que je ressentais tes douleurs ? C'est inutile de me dire ce que le ministère t'a fait ?? C'est inutile de me donner de VRAIES réponses ?! fulmine-t-il.

  Je détourne les yeux vers le sol en croisant mes bras, sentant la culpabilité me ronger. Lui aussi a souffert alors ? Lui aussi les a senti, toutes ces tortures ? Je crois qu'il n'y a pas pire sentiment au monde que de savoir que mon frère jumeau a reçu le fruit de mes erreurs.

- J'ai le droit de savoir, Mélody ! J'ai le droit de tout savoir... De savoir pourquoi tu ne veux rien me dire, pourquoi tu...

- Pourquoi je ne veux rien t'avouer ?

  Je relève mon regard dans le sien et il semble se briser subitement, comme si me voir aussi défaite l'atteint plus que nécessaire. Mais il le cache parfaitement quelques secondes plus tard en me regardant avec sérieux. Ce sera toujours dingue ça... Devant les autres, c'est un petit connard vaniteux, confiant en lui et tout ce que tu voudras du moment que ça reste le roi des Serpentard - mais devant moi, sa sœur jumelle, ce n'est rien d'autre qu'un ado comme les autres. Ou du moins, qui n'arrive jamais à cacher son jeu par un masque de glace.

- Parce que si je te raconterais tout, tu partirais en courant avant même que je t'explique toute l'histoire, achevai-je.

- Ou plutôt parce que ça te rendrait vulnérable devant moi ?

  Mon regard s'assombrit cruellement alors que je reprends la même allure que le ministère m'a laissé en guise de cadeau d'au-revoir : un visage sans émotion, sans expression, sans... humanité. Ce qui a le don de faire frissonner Drago.

- Comment tu le sais ? lui demandai-je.

- Parce qu'on est pareils, toi et moi, et tu le sais.

  Ma mâchoire se contracte seule alors que j'inspire profondément.

- Si on est pareils, comment se fait-il que tu ne m'aies jamais rien dit sur notre père qui a fait carrière dans la magie Noire auprès de Voldemort et, de par son affiliation, Kristine elle-même ? dis-je pour dévier le sujet.

- Parce que tu crois que c'est de ma faute ? Tu n'avais qu'à faire plus attention aux signes qui trainaient.

- Ne mens pas, il n'y avait aucun signe !

- Non, tu as raison.

  Stupéfaite, ma bouche s'ouvre seule.

- Enfin, à moitié, car Père et Mère ont leurs torts là-dedans aussi.

- Comment ça ?

  Drago est mal à l'aise. Il se passe la main dans les cheveux, autant énervé qu'attristé et coupable.

- Réponds, exigeai-je froidement.

- Les parents... Ils... Ils t'ont effacé la mémoire.

  J'ai l'impression de tomber de haut et ma respiration s'accélère.

- Pardon ?

- Ils t'ont effacé la mémoire, zappé, fait oublier ! s'impatiente-t-il. Prends n'importe lequel d'entre eux mais dans tous les cas, ça revient au même.

  J'ai du mal à garder un souffle apaisé et me sens prise de vertige. Ils m'ont effacé la mémoire ? Comment ont-ils pu faire une chose pareille ? Et d'abord...

- Comment tu peux le savoir, toi ? Tu étais là, quand ils le faisaient ?

- Non, je ne l'ai appris qu'il y a quelques mois, lorsque Père a su que tu sortais avec l'autre Weasley. Il a piqué un peu une crise, et je l'ai espionné comme on avait l'habitude de faire tous les deux, derrière le mur. Et ce n'est que là que j'ai entendu que lui et Maman t'avaient déjà fait oublier des souvenirs.

- Quoi, comme souvenirs ?

- Je n'en sais rien, ils n'ont rien voulu me dire quand je leur ai demandé.

  Ma mâchoire tremble mais il m'est impossible de pleurer. C'est à la fois faible qu'inutile. C'était même prévisible, car il y a des trous noirs dans ma tête que je ne saurais expliqué. Maintenant si. C'est à cause de mes parents biologiques, Lucius et Narcissa. Ça a toujours été à cause d'eux. Des idées sombres me viennent à l'esprit à mesure que je sens la rage me monter.

- Je crois que je suis bonne à leur rendre une visite en personne pour clarifier certaines choses... murmurai-je sombrement.

- Si tu penses à ce que je penses, tu perdrais plus ton temps qu'autre chose ! Et maintenant que j'ai répondu à ta question, réponds aux miennes.

- Répondre aux tiennes est le cadet de mes soucis, vois-tu ! Nos parents biologiques m'ont effacé la mémoire, je trouve normal que je veuille me venger pour ça !

- Te venger comment ? En les torturant ?

- Ça ne fait pas partie du plan actuel mais au besoin, je pourrais m'adapter.

  Drago me regarde d'une façon qui signifie : « Arrête tes conneries un peu, sois sérieuse une seconde ».

- Je suis très sérieuse, Dray, continuai-je. Après tout ce que Père nous a fait endurer, et va te faire endurer, il est plus que l'heure de lui donner une bonne leçon !

- Celui a qui tu devrais donner une bonne leçon, c'est ton petit copain, le Weasley qui t'a mis dans la merde jusqu'aux coudes.

  À la simple allusion dont comment il traite George, ma pulsion de Conditionnement revient et je l'attrape à deux mains par le col de sa robe de Sorcier en le plaquant violemment contre le mur.

- Ne parle pas de George comme ça, espèce de bâtard délavé ! m'écriai-je, les yeux flamboyants. Ne-parle-SURTOUT-pas-de-lui-comme-ça, articulai-je lentement. 

- Ou sinon quoi ? Tu sais bien que tu as besoin de moi pour sortir d'ici sans te brûler la main.

  En voyant mes veines devenir aussi rouge que mes paumes, Drago referme la bouche, parcouru d'un frisson terrifié.

- Sinon... ricanai-je d'une voix rauque. Sinon je te jure que les veines de ton fabuleux petit cerveau s'éclateront comme mille éclats de miroir. Tellement que tu me supplieras de t'achever telle la misérable vermine que tu es.

  Les yeux écarquillés par la frayeur, et l'incompréhension, le souffle court, Drago me regarde comme s'il ne me reconnaissait pas. 

- Par Merlin, mais qu'est-ce qu'ils t'ont fait...

  Je me rends compte de ses paroles et le relâche aussitôt avant de reculer vivement de plusieurs pas. Regardant mes mains, je serre les poings pour arrêter leurs tremblements. Je parviens à reprendre contenance en contrôlant ma respiration, faisant disparaitre ces veines noires qui ont commencé à apparaître.
  Les doigts serrés autour de mon poignet, je fais dos à mon frère en effaçant ces larmes ridicules qui ont comblé mes yeux.

- Elly... Mélody, s'il te plait, je t'en supplie, dis-moi ce qu'ils t'ont fait...

  La main de Drago se pose sur mon épaule. Je ne parviens même pas à le regarder dans les yeux tellement je me sens faible. Faible de ne pas savoir me contrôler, faible de ne pas savoir éradiquer ce fléau de Conditionnement de mon esprit.

- Je... Je ne suis pas sûre que... que tu sois prêts à l'entendre, Dray, murmurai-je.

- Si, bien sûr que si ! Alors maintenant...

  Il prend mon visage entre ses mains pour me forcer à le regarder dans les yeux. Je sais qu'il est inquiet rien qu'en plongeant mon regard bleu turquoise dans le sien gris métallique. Aux souvenirs de ce que j'ai vécu là-bas, ma lèvre inférieure se met à trembler alors que je tente par tous les moyens de rester stoïque.

- ... maintenant, dis-le moi, Elly.

  Drago ne m'a jamais paru aussi inquiet de toute sa vie, et pourtant j'ai passé mon enfance avec lui.

- Pour tout te dire, ça n'a pas été reposant. Et encore moins une partie de plaisir... Ils m'ont fait subir d'innombrables tests, émotionnel et physique, ça ne variait pas beaucoup, expliquai-je alors qu'un froid pénétrant passe autour de nous. Ils m'ont fait passer des batteries d'examen, puis torturer à coup de Doloris et compagnie - de sorts tellement atroces que je ne pourrais tous te les décrire. Je perdais la notion du temps, la notion du réel aussi. Ou du moins, Ombrage s'assurait que ce soit le cas.

- Ombrage ? souffle-t-il, horrifié, en ayant un pas de recule par le choc. Elle est dans le coup aussi ?

- À ton avis, pourquoi je la hais tant ? Oh, après il n'y a pas qu'elle non plus. Il y avait Rodriguez, puis tout un tas d'agents là pour m'assurer deux longs mois de torture non stop ! Tu n'imagines pas combien c'est douloureux de se faire fouetter le dos, pendant plus de quinze à vingt fois, parfois trente, puis après de te marquer la peau à coup de fer rouge jusqu'à t'en faire arracher les cordes vocales. Tu n'imagines pas combien c'est horrible de subir des attouchements sans ton consentement. Tu n'imagines pas non plus ce que c'est, de se faire frapper à la moindre occasion, de se faire enchaîner et servir de punching-ball pour « m'endurcir » comme ils l'ont précisé ; car parce que j'ai un don que je n'ai jamais demandé, ils veulent se servir de moi comme une arme, une machine à tuer, pour imposer le Nouvel ordre Mondial de la Magie que même notre grand-père Abraxas approuvait. Et ensuite, évidemment, ce n'est pas suffisant, on t'injecte mille et un produits qui te font hurler, pleurer, t'égosiller jusqu'à évanouissement, alors que tu es enchainé à un fauteuil médical par des cordes en fer. La phase finale a été, je crois, de m'injecter un produit qui conditionne mon cerveau à une suite de mots pouvant me contrôler l'esprit. C'est pour ça qu'il y a des retombées comme il y a un instant, où je t'ai menacé de t'étriper réellement sans m'en rendre compte - parce que leurs produits font encore effets sans que je ne comprenne comment.

  Mes paroles l'ont touché, ça, c'est plus que sûr. Drago ne semble même plus trouver ses mots tellement il est horrifié, enragé, attristé, choqué... Il y a tout un tas de choses qui pourraient le caractériser en ce moment. Les larmes aux yeux qu'il retient difficilement, très difficilement, il commence :

- M-mais père m'a dit que...

- C'est là que tu vois que Fudge a préféré murer dans le silence et mentir à notre père en lui faisant croire que j'étais en sécurité au ministère.

- Ils ont osé te faire ça... crache-t-il avec dégoût en se détournant de moi, semblant essayer de se contrôler en passant ses mains dans ses cheveux. Il-Ils t'ont fait ça... Ils vont me le payer cher, personne n'a le droit de te faire souffrir !

- C'est drôle, pourtant tu ne t'en es pas privé ces dernières années ! - même si c'est largement différent et que ça ressemble plus à un truc de bébé maintenant. Ça et aussi le fait que j'ai enfin découvert jusqu'où allait la lâcheté de Lucius.

  Drago me questionne de son regard orageux, les mains en suspend dans ses cheveux.

- Ce n'est pas à moi de te le dire, mais c'est à lui de t'expliquer, demande lui juste ce qu'il s'est passé au cimetière l'an dernier avec Voldemort, et normalement, il te répondra, ou sinon, il évitera la question en justifiant autre chose.

  Mon frère fait un pas vers moi, arborant son air arrogant qui m'insupporte plus qu'autre chose.

- Tu n'as qu'à me le dire, toi, ça irait plus vite et tu m'en dirais plus.

- Je me suis jurée d'oublier cette fin de soirée assez... délicate, alors seul Lucius pourra...

- Pourquoi ? À cause de Diggory ?

  Mon regard s'assombrit alors que je reprends mon habitude de le détester.

- Ne parle pas comme si que tu connaissais Cedric. Il est mort de la main de Voldemort, ne l'oublies pas ! Ensuite, je préfèrerais que ce soit Lucius qui t'explique son don de lâcheté, continuai-je plus calmement. Il a sûrement voulu éviter de te le dire, à toi ainsi qu'à notre mère, pour dévier du sujet le plus important.

  Drago soupire, désespérer du fait que je sois bornée à ce point.

- En parlant de réponses... dit-il en s'humectant les lèvres. Je voudrais bien savoir ce que vous trafiquez dans la pièce qui se referme à chaque fois.

- Rien qui te concerne ou en tout cas, rien qui te sois utile à toi qui es devenu l'un des sbires d'Ombrage.

  Drago a l'air de se rendre compte de ce que je viens de dire. Il sort un juron.

- Merde, j'avais oublié ce truc.

- Oublié ? relevai-je. C'est tout ce que tu as à me dire ? Non, tu l'as fait uniquement parce que tu es et tu seras toujours un collabo qui fait passer ses besoins avant les autres, un égoïste qui ne se prive pas d'insulter tout ce qu'il y a comme différence dans l'école !

- C'est faux, je ne t'insulte pas, toi.

  Je le foudroie du regard, accablée d'un sentiment de colère qui est toujours mis de côté au cas où je devrais le ressortir.

- Et je suis sensée te remercier ? persifflai-je avec ironie.

- Qu'est-ce que tu pourrais faire d'autre ?

- Te fracasser la gueule pour que tu enregistres que j'apprends à aimer ma différence et que je n'ai rien à te devoir ?

- Très bon programme, mais entre nous, tu l'as déjà fait en lâchant Londubat sur moi.

  Je fais la moue, faisant semblant d'être un poupon qui pleurerait.

- Oh... Bébé bou-hou... La vie n'est qu'un passage de karma évident, petit prince, et pour toi, elle te le rend bien ! achevai-je sèchement. Ou plutôt, je me plais à l'aider.

  Mon sourire lui donne envie de me frapper, j'en suis sûre.

- Ça, je l'ai bien vu que tu aimes l'aider ! tranche-t-il d'un ton accusateur. Même pas, tu l'interrompes pour faire ton petit show de débutante.

- Mon petit show de débutante ? On croirait te voir, lorsque tu te donnes en spectacle en te pavanant avec ton insigne de Mission Ombrage Intersidérale !

- Moi, au moins, je suis dans de bons souliers !

- Si tu parles de souliers sataniques, tu y es bien trempé jusqu'aux coudes !

- Ne retourne pas la chose, toi tu es bien gravée jusqu'à l'os en clamant quiconque te défie que tu es plus puissante que tout le monde !

- Ne prétends pas ce que je n'ai jamais dit !

- Ah ouais ?

- Bien sûr ! Jamais je ne me mettrais en avant à cause d'un don que j'ai depuis ma naissance !

- Ne mens pas, tu es aussi arrogante que moi !

- Que toi ? Je crois que tu mélanges tout et n'importe quoi, car même un miroir ferait la différence entre nous !

  Nos regards à tous les deux s'affrontent, tels deux ouragans en proie à une rotation différente. L'ombre et la lumière se mettent au combat, le bleu circassien s'en prend au gris métallique qui ne se gêne pas d'en faire de même... avant qu'on se mette, en même temps, à sourire, puis à pouffer doucement de rire, continuant quelques secondes plus tard à rigoler à gorge déployée, pour finir par nous calmer.

- C'est dingue, on a autant de répartie l'un que l'autre, souffle Drago avec amusement.

- Je suis plus forte là-dessus que toi, répliquai-je avec un sourire.

- Je ne parierais pas.

- Ce n'est pas mon attention.

  Drago sort une exclamation d'agacement.

- Tu m'énerves ! siffle-t-il en claquant sa langue sur son palet. Tu as toujours une réponse en bouche !

- C'est chiant, hein ?

  Mon frère m'adresse un regard exaspéré alors que je lui fais un sourire radieux, mais irrésistiblement casse-pieds. Mais alors que Drago commence à actionner la poignée en fer de la porte, il se ravise en se retournant vers moi, le regard soudain sombre.

- Ils t'ont vraiment fouetté ? me demande-t-il à mi-voix.

  Sa question m'octroie des frissons désagréables et je secoue négativement la tête.

- Je n'ai pas l'attention de te montrer ce que ces abrutis m'ont fait.

- Justement, ça m'aidrait à comprendre.

- Comprendre quoi ? La seule chose que tu ressentiras, c'est de l'amusement.

- De l'amusement ? répète-t-il, sidéré. De l'amusement ? En quoi ça a quelque chose d'amusant ?

- Je ne sais pas, tu m'as toujours détesté.

- Jamais je ne t'ai détesté, j'ai juste été...

  Les mots s'arrêtent à sa gorge.

- Tu as juste été quoi ? insistai-je.

- Jaloux, achève-t-il, honteux. Mais je ne te jugerais pas, tu en as ma parole.

  Il a l'air très sérieux, très sincère. Tellement que j'inspire profondément avant de lui faire dos.

- Ne sois juste pas choqué, dis-je en baissant les yeux, c'est encore gravé sur mon dos...

  Je retire mon blouson de rebelle, et enlève ma chemise blanche signée Dior, me retrouvant en brassière devant lui. Étant jumeaux, on s'est déjà vus nus mutuellement, l'un comme l'autre, il n'y a donc rien de gênant. Mais je ne peux m'empêcher de me raidir quand je sens les doigts de Drago retracer mes cicatrices qui sont à la fois nombreuses que sensibles, partant dans tous les sens, commençant par mes omoplates et finissant sur mes hanches. Mal à l'aise, honteuse, je m'entoure de mes bras.
  J'ai une puissante sensation de dégoût de moi. Avec ces traces de fouet et ces vingtaines de marques faites au fer rouge, je suis comme un monstre sorti d'un laboratoire d'expérimentations. Et je déteste ça. Je me déteste. Je me dégoûte.
  Drago étouffe une exclamation de rage.

- Putain, ils l'ont vraiment fait, ces enfoirés !

- Tu croyais quoi ? Évidemment, ils sont prêts à tout, dis-je, les larmes aux yeux. Au fond, ça a de quoi renforcer le mental, hein ?

  Je me retourne vers lui et aperçois ce voile insurmontable de tristesse et de culpabilité mélangées. Par-dessus ça, une lueur d'amertume, d'inquiètude et de haine assombrissent son adorable minois de blondinet arrogant. Ce dernier secoue négativement la tête, les sourcils si froncés que je me demande si je ne verrais pas de la fumée sortir de ses oreilles tellement il parait énervé. Il respire bruyamment, comme s'il espère se contrôler, et ses poings se serrent tellement que ses doigts se mettent à craquer.

- Tu n'avais pas à subir ça ! fulmine-t-il. Jamais tu n'aurais du vivre un calvaire pareil !... Ce... C'est...

  Il se retourne et lâche un cri de rage en donnant un violent coup de poing dans le mur.

- PUTAIN !

- Dray... commençai-je, sentant sa crise de colère arriver. Dray, arrête, c'est inutile !

  Il ne m'écoute pas, commençant à attraper divers objets qu'il y a dans le placard à balais (tels des bouteilles en verre renfermant des liquides de nettoyage) pour les fracasser contre le mur. Elles explosent toutes dans des bruits sourds, éclatant dans mille éclats à terre. Je détourne un instant la tête pour me protéger les yeux et me force à intervenir.

- Drago ! m'écriai-je en l'attrapant par les épaules pour le tourner vers moi. Drago, s'il te plait !

  Si son regard est d'abord assassin, il reprend contenance en voyant mes yeux se planter dans les siens. Ce n'est pas difficile de comprendre que tout ce que je lui ai dit l'a brisé d'une certaine manière.

- Quoi ? dit-il, la respiration sifflante. Ces abrutis t'ont fait souffrir et je ne devrais rien dire ? Ils t'ont torturé ! Ils t'ont fait du mal ! Ils...

- Hey ! l'arrêtai-je quand il commence à nouveau à vouloir s'exploser les phalanges contre le mur. Arrête, Drago, ça ne sert à rien ! continuai-je en prenant de force son visage entre mes mains pour l'obliger à me regarder. Ce qu'il s'est passé, s'est passé, c'est tout, et toi et moi on ne pourra rien faire contre.

  Sa mâchoire se contracte sous mes doigts et je relâche précautionneusement son visage en lui adressant un regard insistant. Drago s'humecte la lèvre, résolue mais toujours si enragé.

- De toute façon, je ne retournerais plus jamais là-bas, dis-je d'un ton désinvolte.

- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? m'interroge mon frère sans me lâcher des yeux.

- Bonne question, mais je crois que c'est parce que je n'hésiterais pas cette fois-ci à utiliser la force. Ce qui produira certainement un certain choc chez les autres, vu tous les rebondissements qu'il pourrait y avoir - et de morts ! peut-être, m'enthousiasmai-je. Parce que ça, c'est sûr, je veux la tête de Fudge et d'Ombrage sur un piquet, et celle de Kristine brûler dans un bûcher que j'aurais allumé juste avant.

  J'ai un sourire sadique en disant ça, mais cela se finit vite en grimace. 

- Foutu Conditionnement ! pestai-je à voix basse.

- Moi, je suis entièrement d'accord avec toi, rétorque Drago, s'attirant mon regard perçant. Ils vont tous payer cher. Tellement chers qu'ils seront vidé de monnaie.

  J'ai un rictus et souffle un rire.

- Sauf que la monnaie en question, tu lui as donné un billet en acceptant de collaber pour Ombrage.

- Je n'ai pas dit que c'était inutile.

  J'hausse un sourcil.

- Vraiment ?

- Je suis un Serpentard, Sœurette...

- Je le suis aussi - enfin je l'étais, le Choixpeau a divergé.

- Voilà pourquoi tu ne peux pas totalement comprendre les plans que je ménage.

- Nan, j'suis ta jumelle, on a le même lien qui nous relie, je comprends tout venant de toi.

  Drago pince les lèvres, agacé.

- Tu as fini de m'interrompre ? J'essaie de t'expliquer mon plan super génial d'un Serpentard énervé parce que sa sœur s'est faite torturée ! s'impatiente-t-il.

- Pardon... répondis-je d'un ton détaché en levant les mains en l'air.

- Je disais donc... Avoir été mis dans l'Élite ne veut pas dire que je suis forcément un connard.

- Oui, mais en même temps, tu en es un ?

- Euh... oui.

- Bah voilà.

  Drago se passe la main sur le visage, excédé, exaspéré, irrité, que je ne cesse de le mettre en défauts.

- Tu disais ? lançai-je en me rhabillant de ma chemise, puis de mon blouson.

- Je disais ? Oui, je disais !... Je vais profiter d'être dans l'Élite pour espionner Ombrage, me rapprocher plus d'elle pour savoir ce qu'elle prévoit.

  J'ai l'envie de rire en entendant ça.

- Tu sais ce qui n'est pas croyable dans l'histoire ? demandai-je en enfilant mon blouson.

- Que tu sortes avec un gars dont la famille est l'ennemie de la nôtre ?

- Non... m'exaspérai-je en levant les yeux au ciel. Que tu songes à ce plan de secours seulement maintenant, comme si c'était un moyen pour toi de t'excuser envers moi.

- Je n'ai jamais prétendu être parfait.

  Je le dévisage, un sourire léger s'étalant sur mes lèvres. On a peut-être eu des différences avec toute cette histoire, je regrette de ne pas lui avoir parlé plus tôt, notre complicité m'avait manqué. Une complicité certes exiguë, compliquée, complexe, contradictoire - mais une complicité tout de même que jamais je ne voudrais perdre.

- Malgré toutes nos disputes, toutes nos séparations et nos prises de tête, on reste toujours fraternels, fais-je remarquer.

- C'est le bonheur d'être jumeaux, sourit Drago.

  J'ai un mouvement de recule. N'ai-je pas rêvé ? Mon frère vient de dire ouvertement qu'il ne peut pas se passer de moi ?

- Je connais ce regard, soupire-t-il, et oui, je l'avoue, tu m'as manqué.

  Il se renfrogne, les mains dans les poches, le visage fermé, mais ne peut s'empêcher ce rictus d'apparaître au coin des lèvres.

- Comment tu as fait ça ? me demande-t-il soudain alors qu'un léger silence prenait place.

- Comment j'ai fait quoi ?

- Comment as-tu supporté tout ce qu'ils t'ont fait ?

  Je fixe un point invisible pendant quelques instants, ne savant quoi répondre. Il est vrai que je n'avais jamais réfléchi à ça. Une personne normale serait morte avant l'heure, pas comme moi.

- Il y a eu quelque chose... dis-je à mi-voix. Un truc qui m'a vraiment permi de rester debout et je crois que... je crois que...

- Tu crois ?

  Je plante mon regard dans le sien.

- Je ne crois pas, je le sais.

- Tu sais quoi ? Dis-moi !

  J'ai un sourire amusé.

- Je savais et je sais qui je suis : une guerrière courageuse, qui ne baissent jamais les bras face à un combat. 

- Ça, je l'ai vu, remarque Drago avec effarement, me regardant comme s'il me découvrait pour la première fois. Et... crois-moi, je suis désolé. Pour tout. Le ministère, nos anciennes disputes... Je suis désolé - sauf pour mon avis sur les Weasmoche, Potter et la Sang-de-Bourbe, ça, je reste camper sur mes positions.

  Je ne peux m'empêcher de lever les yeux au ciel en contrôlant mon sentiment d'amertume : décidemment, il ne changera jamais.
  Sans que je m'y attende, mon frère m'attire vers lui et me serre dans ses bras avec force, risquant de me casser une côte ou deux. Mais je n'en ai que faire ; je passe mes bras autour de son buste en le serrant à mon tour contre moi, trop heureuse de ressentir à nouveau cette sensation de chaleur, de bonheur, qu'il n'y a qu'avec lui que je ressens. Mais c'est réconfortant et douloureux à la fois. Il y a tellement de différences qui nous séparent... pourtant, je crois le voir comme un miroir...

- Si seulement j'aurai su plus tôt, dit-il, le menton posé sur le haut de mon crâne ; je t'aurais aidé à sortir de là-bas, je suis tellement désolé, si tu savais...

  Sa voix tremble légèrement, alors que je commence à sentir des larmes salées couler dans ma nuque. Je me retiens de pleurer en me mordant la lèvre, dans l'espoir de ne pas paraître émue.

- Je sais, murmurai-je, la tête contre son torse, les larmes aux yeux. Je sais, et c'est justement parce que je le sais que... (J'inspire profondément.) que je ne t'en veux pas... Tu restes mon frère, Dray. Tu restes mon frère et je ne peux pas t'en vouloir pour toute cette histoire. Ce n'est pas nous qu'il est advenu de connaître ce qui devait arriver...

  Je me détache de lui sans pour autant qu'il me relâche, comme s'il ne veut pas me laisser partir.

- C'est du passé, Drago, déterminai-je. Et la culpabilité ne sert à rien, ça ne réparera pas ce qui a été fait.

- Mais tu as souffert !

- Ouais... soufflai-je. Ouais, j'ai souffert. Mais j'ai vécu pire, du moins il me semble que ça a été le cas. Alors pour la première, et la dernière fois, arrête de pleurer ou on va mourir noyés.

  Il rigole légèrement avec moi.

- Mais promets moi une chose, dis-je.

- Je pourrais dire tout ce que tu voudras mais...

- Non, oublies, ça ferait trop marque déposée, on entend ça trop souvent.

- Je sais.

  On a un rire commun, tandis que je poursuis :

- Ce que je te demande c'est qu'avant de faire le choix de devenir comme notre père, tu réfléchisses réellement. Parce que bientôt, on va tous devoir faire un choix et vivre avec. Entre se battre ou accepter la facilité. Et je sais combien tu veux que Lucius soit fier de toi, de nous deux, mais te comporter comme lui ne fera qu'empirer les choses, tu feras les mêmes erreurs que les siennes...

- C'est mon choix, Sœurette, se braque-t-il d'un ton froid.

- Je ne voulais pas dire ça comme ça ! dis-je précipitamment avant de me racler la gorge. Je... Je veux dire... Ne laisse jamais personne décider à ta place, Dray. Quoiqu'il arrive et qu'il puisse arriver, quoique l'on te dise et que l'on pourrait te dire, il n'y a que toi qui peux choisir qui tu veux être, achevai-je, reprenant les mots que Tantine m'a dit un jour. Reste toujours libre de tes choix... s'il te plait.

  Drago me dévisage un moment, puis finit par acquiescer doucement, l'air pensif. J'hoche la tête dans l'espoir qu'il comprenne le message, et l'embrasse sur la joue.

- Ah, d'ailleurs, fais moi une autre promesse, décidai-je avec un sourire malicieux.

- Quoi encore ?

  L'exaspération s'entend dans sa voix.

- Quand tu le verras à Noël... bottes-lui le cul de ma part.

  Mon frère ne peut s'empêcher de pouffer de rire et après plusieurs longues autres minutes d'échange, il part ouvrir la porte en m'invitant à sortir dans le couloir. Je passe devant lui. Mais si d'abord j'arbore un grand sourire, je le perds lorsqu'on se sépare tous les deux pour rejoindre nos salles communes respectives.
  Si j'ai autant insisté à ce qu'il reste lui-même, c'est parce que pour la première fois je ressens un soupçon d'inquiétude pour lui.
  Lucius est un Mangemort. Un partisan de Voldemort. Un allié de Kristine qui, pourtant, m'a fait atrocement souffrir plus que personne ne l'a jamais fait. Mais il est avant tout le modèle que Drago a décidé de suivre. Or, je m'en voudrais terriblement s'il adviendrait qu'il devienne exactement comme lui, un Mage Noir. Je sais que ça ne doit pas être simple tous les jours, on a baigné là-dedans depuis tout petits, mon frère n'est pas Éveillé, c'est un pigeon... mais j'espère sincèrement qu'il réfléchira deux fois mieux maintenant. 
  Je veux lui sauver son Âme, et je le ferais.
  Quoiqu'il m'en coûte.

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