« Lidonna... »
Comme elle le présumait, devant elle se trouvait Dæxor.
« Alors tu as réussi à suivre ma voix. » murmura-t-il admiratif.
Elle ne répondit pas. Elle voulait le voir uniquement pour comprendre ce qu'il lui voulait. Mais elle n'avait aucune envie de lui adresser la parole. Si l'on pouvait appeler ça comme ça.
Où était-elle ? Elle était presque sûre qu'elle n'était pas dans un rêve banal. Mais tout était étrange. Elle n'était pas dans un lieu comme elle avait pu l'être avec la salle bleue, la salle du bal ou même la rue où elle avait été enlevée. Ici, tout était d'un noir sans fond. Il n'y avait ni haut ni bas, ni droite ni gauche. Et pourtant Lidonna ne tombait pas. Il y avait également, un bourdonnement audible en permanence mais Lidonna n'arrivait pas à distinguer ce que ce son pourrait être. Mais il lui donnait mal à la tête. Ce bruit associé à l'impossibilité de repères donnait des nausées à la rouquine qui se sentait très mal à l'aise. Il émanait de l'endroit une certaine froideur mais également quelque chose de malsain. La rouquine n'avait aucune envie de rester ici. Mais elle semblait bloquée.
Cet endroit était vraiment spécial et déstabilisant.
« Je suis heureux de t'accueillir ici.
— Je te manquais déjà, répliqua-t-elle acerbe.
— Tu me manques à chaque minute. »
Quand Dæxor prononça cette phrase, Lidonna eut l'impression de littéralement être entourée par un nuage d'un sentiment amoureux qui disparut aussi tôt.
« Je ne pourrais jamais te détester Lidonna, bien que ce ressentiment que tu éprouves envers moi je le comprends parfaitement. »
Cette fois ce fut la bienveillance et la compréhension qui passèrent comme un souffle sur Lidonna. Mais ces sentiments positifs ne restaient que quelques secondes. Ils ne faisaient pas le poids face à toute l'atmosphère abject qui émanait de partout.
« Je sais, ce n'est pas très accueillant d'être dans mon esprit. Mais je...
— Attends, le coupa Lidonna. Ton esprit ? C-comment je peux... »
Elle laissa sa phrase en suspend. Elle était à la fois étonnée et sceptique. Elle était certaine de rêver. Comment pouvait-elle être dans l'esprit de Dæxor. Et en même temps, elle trouvait que cela expliquerait pas mal de chose sur la situation.
« Laisse-moi t'expliquer. Tu es ici parce que tu es une Rêveuse.
— On est bien dans un rêve.
— Tout à fait.
— Mais dans ton esprit.
— Exactement. »
Lidonna était perplexe.
« J'ai utilisé une yazi, pour créer un lien onirique de toi à moi. Et une autre pour que pendant mon sommeil nous nous retrouvions ici. Tu as remonté le fil de mes rêves et tu y es entrée. »
En même temps qu'il parlait, des images s'affichaient autour de Lidonna pour illustrer l'histoire de Dæxor. Des souvenirs... Etait-elle réellement en train de visionner les souvenirs de l'Ombrage ? Elle le voyait, depuis son point de vue lui, en train de dessiner les deux runes de l'Ancienne magie puis s'allonger et fermer les yeux. Une vague de sommeil entourait les images et fit bailler la jeune femme.
Malgré elle, elle commençait à être fascinée par l'endroit. Être dans la tête de quelqu'un d'autre était subjuguant, même si cette autre personne était Dæxor. Mais elle fut vite rattraper par l'esprit dans lequel elle était. Dæxor n'est pas sain d'esprit. Il était sadique, méchant, machiavélique et tout ceci elle le ressentait comme si elle l'était elle-même... Tous ces problèmes l'attaquaient directement. Elle se sentait à la limite de la douleur physique. Lidonna était définitivement malaise et dans un profond désarroi.
« Tu dois te demander pourquoi je t'ai amené ici...
— Je t'arrête tout de suite. Je suis venue. »
La rouquine n'en était pas si sûre, mais elle refusait qu'il puisse penser qu'elle obéisse à ses moindres faits et gestes, ses moindres requêtes, qu'il puisse se croire supérieur ou qu'il pense qu'elle puisse partager le moindre de ses sentiments. Elle lui vouait désormais une haine sans nom et il était hors de question qu'il oublie, ne serait-ce qu'un instant, que ce n'était le cas.
Petit à petit, le bon qu'elle arrivait à voir en lui quand il l'avait enlevée quelques mois auparavant avait totalement disparu. Dæxor n'était pas foncièrement un monstre comme Leeham pouvait l'être, mais il n'empêchait qu'il n'était pas une bonne personne. Non seulement parce qu'il était gentil seulement quand il était question de Lidonna, mais simplement parce qu'il avait beau émettre des remords, il ne cherchait pas à se soulever contre son père. Directement ou indirectement il était responsable de la mort de Willôde et Keitel, comment pourrait-elle à nouveau voir du bon en lui ?
« Je veux t'aider, essayer de me faire pardonner...
— Qui te dit que je veux de ton aide ?
— Tu es là, c'est que tu es à minima curieuse de savoir ce que je te veux. »
Il n'avait pas tort, ce qui énervait Lidonna. Elle avait continué à suivre sa voix parce que malgré sa colère, la rouquine était particulièrement curieuse, ce qui lui jouerait forcément un tour un de ces quatre.
« Comment tu peux croire que je te fasse confiance ?
— Je vais t'ouvrir complètement mon esprit. Tu auras accès à tout, je ne pourrais rien te cacher.»
Rien lui cacher ? Elle restait sceptique. C'était lui qui lui avait appris qu'on pouvait bloquer son cerveau, pourquoi la situation serait-elle différente dans son rêve dans l'esprit de l'Ombrage ? Mais Lidonna se dit qu'elle pourrait peut-être apprendre des informations qu'il ne voulait pas lui partager. Elle avait espoir que son pouvoir soit assez puissant pour passer les barrières qu'il aurait crée, d'autant plus qu'elle était elle. Aussi vigilant soit Dæxor elle sentait, littéralement, qu'il était psychologiquement plus faible face à elle. Qu'il soit amoureux d'elle aurait peut-être du bon si elle réussissait à découvrir quelque chose.
« Je veux vous permettre de contrer mon père.
— Pourquoi ? Quel serait ton intérêt là dedans ? »
Une image légère d'elle souriant apparut autour d'eux puis disparu immédiatement quand Dæxor répondit :
« Je veux faire payer mon père. »
Lidonna fut assaillie par des sentiments contradictoires, mais elle ne sut reconnaître lesquels. Dæxor ressentait un ressentiment certain pour son père, son excuse de vengeance n'était pas absurde et pouvait totalement être crédible. Mais cette animosité était tachetée de sentiments agréables.
Elle n'avait pas confiance en lui. Mais cette explication lui avait donné une raison d'écouter. Il y avait peut-être un pourcent de chance qu'il cherche réellement à l'aider et à se venger.
« Je veux te donner une image de la planque où se cache actuellement mon père, pour que vous puissiez... Je ne sais pas... peut-être attaquer ? »
Lidonna le fixa, dubitative. Même s'ils connaissaient l'emplacement de la cachette d'Harrgos, iraient-ils l'attaquer ? Attaquer sur un terrain inconnu où l'ennemi avait l'avantage s'était se jeter dans la gueule du loup.
« Tu veux réellement m'aider ? Donne-nous les plans de ton père au lieu de la position d'un quelconque château ! »
La jeune femme prit de court Dæxor. Il s'attendait à ce que son annonce soit pour la rouquine une aubaine inespérée. Mais visiblement ce n'était pas le cas. Il fut immédiatement mal à l'aise et Lidonna le sentit immédiatement. Alors elle saisit immédiatement l'occasion pour peut-être, le faire craquer.
« Tu es prêt à m'aider mais pas trop hein ? Prêt à trahir ton père mais pas trop ?
— Non, ce n'est... C'est que...
— Arrête de bégayer, le coupa-t-elle. Et choisit ton camp. Jouer sur les deux tableaux parce que tu es amoureux de moi ce n'est pas possible. Pour personne. »
Il commença à se balancer d'un pied à l'autre. Il était gêné à un point inimaginable.
« Je...
— Je ne te fais pas confiance. Alors prouve-moi que j'ai tort.
— Je peux te donner tout ce que tu veux ! Les plans des bâtiments, le nombre d'Ombres présentes, leurs pouvoirs, les habitudes de mon père tout !
— Mais pas ses plans ? Si tu veux vraiment trahir ton père, mais que tu refuse de nous donner tes plans, je ne vois qu'une raison à ça. Tu ne veux pas nous aider, mais que l'on élimine ton père pour que tu prennes sa place. Sinon ça n'a pas de sens.
— Ok ! capitula-t-il. Ok...»
Il soupira mais Lidonna était satisfaite. Et elle avait un peu plus confiance en lui. Soudain il disparut. La jeune femme, surprise fit un tour sur elle-même. Dæxor avait disparu mais Lidonna était toujours dans son cerveau. Peut-être pouvait-elle explorer un peu ?
Comment explorait-on un esprit dans un rêve ? Elle se dit qu'elle pouvait probablement commencer par marcher. Elle tomberait peut-être sur des informations intéressantes. Rapidement le noir ambiant fut envahi par de nombreuses images et plusieurs portes apparurent.
Les images d'ambiance étaient majoritairement des souvenirs d'elle. Elle qui souriait, elle qui dormait, elle qui embrassait Dæxor... Quel sombre souvenir celui-là... Dæxor ne pensait-il vraiment qu'à elle ? Lidonna fut parcourut par un frisson de dégoût. Il n'était pas juste amoureux, il était obsessionnel. Elle le savait déjà, mais en prendre conscience était effrayant.
Elle ouvrit une première porte pour fuir ce malaise. Le noir infini était toujours présent. Il n'y avait pas vraiment de mur pourtant Lidonna sentir qu'elle changea de décor parce qu'elle reçut une vague d'amour fraternel. La jeune femme crut qu'elle allait voir Nick ou même Rivel quand ils étaient jeunes, innocents et heureux tous les trois ensembles, pourtant le prénom qui lui arriva aux oreilles ne fut aucun de ces deux là. Entre deux éclats de rire, Lidonna entendit très distinctement le prénom de Samuel. Quelques souvenirs d'eux à Maguicaé étaient présents dans la pièce. Elle voyait deux jeunes heureux, pas encore détruit par la vie. Ils étaient proches, ça crevait les yeux. La jeune femme se surprit à imaginer un monde où Dæxor était dans leur camp... C'était étrange. Dans un univers parallèle, l'Ombrage s'était rebellé contre son père et luttait activement pour le renverser. Mais pas dans celui là.
Lidonna ressortit étonnée. Elle n'aurait jamais imaginé que Dæxor puisse encore porter un amour aussi fort à Sam. L'Ombrage était toujours plein de surprise. Elle suivit son exploration par une seconde pièce.
Dans ce nouveau coin du cerveau de Dæxor, l'ambiance devint immédiatement froide et douloureuse. Le bruit de fond n'était plus le bourdon des pensées de Dæxor mais le son de coups de fouets mêlé à des pleurs et des gémissements de douleur. Elle reconnut Harrgos dans les différentes images. Le seul changement dans ces centaines d'apparitions était uniquement l'âge du père de Dæxor. A chaque fois, il avait un fouet à la main et il la regardait... Non, il regardait Dæxor. Et il le regardait avec une hargne anormale pour un père.
« Enlève ton t-shirt. »
Le jeune Ombrage s'exécutait à chaque fois sans un mot. Harrgos passait derrière lui et Lidonna sentit soudainement de violentes douleurs dans son dos. Elle hurla tandis que dans les souvenirs de Dæxor ce dernier serrait les dents pour s'éviter de réagir.
Cette torture cessa et laissa place à un Dæxor qui regardait dans un miroir ses cicatrices. Il en avait des blanches, anciennes, et des très rouges. La douleur était lancinante mais il ne pouvait rien dire.
Je le mérite. La pensée de L'Ombrage raisonna et siffla dans les oreilles de la rouquine.
Son souvenir à elle s'imprima sous ses paupières. Elle avait vu les tatouages dans le dos de Dæxor. De longues lignes noires qui devaient être là pour cacher ses cicatrices et la torture qu'il avait vécue.
« Sors de cette salle s'il te plaît. »
Elle se retourna, surprise par Dæxor qui était réapparu. Elle se sentit un peu honteuse d'être entrée dans son intimité de cette matière, alors elle s'exécuta immédiatement.
Dès son plus jeune âge, Harrgos avait lavé le cerveau de Dæxor. Dès son plus jeune âge il pensait que le traitement de son père était normal et mérité. Lidonna était particulièrement perturbée par ce qu'elle venait de voir...
Elle baissa la tête et se laissa guider par l'Ombrage.
« Il y a tout ici pour un attaque réussie. »
Le plan complet des bâtiments, la façade pour pouvoir se téléporter, le nombre d'Ombres présentes, les pouvoirs dont il fallait se méfier. Mais pour Lidonna il manquait une chose essentielle : le but d'Harrgos et ses plans. Elle ne pourrait lui faire confiance que s'il lui confiait cette information.
Une fois qu'elle eut emmagasiné toutes les informations qui étaient à sa disposition, elle fixa Dæxor avec insistance. Il savait ce qu'elle attendait alors il soupira et lui offrit un souvenir.
Dæxor était avec son père et Leeham.
« C'est nécessaire. Les Papillons font de plus en plus parler d'eux et le peuple les voient comme les gentils et nous comme les monstres. Il faut inverser la balance. Nous devons montrer aux Kayoliens que les Papillons ne sont pas leur sauveur. Bien au contraire. »
Un sourire sadique s'afficha sur le visage d'Harrgos et Lidonna sentit que ce souvenir était tronqué. Il manquait une information importante. Alors elle se concentra en cherchant à ouvrir l'esprit de Dæxor et à accéder à ce souvenir complet. Quand elle releva ses paupières elle était seule face à ce souvenir sur grand écran.
Leeham arrivait et s'asseyait nonchalamment sur une chaise. Il soupira sans adresser un regard à Dæxor. Il ne le respectait plus et c'était visible dans son attitude.
« Alors on se contente d'enlèvements, encore ? Mes hommes en ont plus qu'assez. Ils veulent se battre, ils veulent tuer et se venger d'avoir été traité comme de la merde toute leur vie.
— «mes hommes» ? Ce ne sont pas tes hommes Leeham ! répliqua l'Ombrage.
— Ferme-là Dæxor, le rabroua son père.
— Mais père je... »
Face au regard noir d'Harrgos, Dæxor se tut. Il n'avait plus aucune confiance en son fils lui non plus.
« Je sais Leeham pour l'envie de tes hommes. Ce que vous aimeriez faire je le comprends parfaite. Mais c'est nécessaire. Les Papillons font de plus en plus parler d'eux et le peuple les voient comme les gentils et nous comme les monstres. Il faut inverser la balance. Nous devons montrer aux Kayoliens que les Papillons ne sont pas leur sauveur. Bien au contraire. »
Lidonna vit une nouvelle fois ce sourire qui faisait froid dans le dos.
« On va te regarder longtemps ou tu vas nous expliquer comment on va pouvoir faire ça avec des enlèvements ? bougonna Dæxor.
— Les Papillons ne pourront pas ramener sains et saufs les pauvres victimes... Bien au contraire.
— Et qu'est-ce qu'il va se passer ?
— Eh bien, c'est très simple. Nous allons tout simplement...»
Lidonna se réveilla en sursaut. Elle était en sueur et son cœur battait trop vite. Le souvenir n'était pas fini. Elle avait eu l'impression d'avoir été éjectée de son propre rêve. Ses pensées tournaient à mille à l'heure....
Elle devait tout noter, tout dessiner pour être sûre qu'au réveil des autres elle n'ait rien oublié.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Fin de chapitre 🥰
Et donc c'était Daexor qui l'appelait 😇 Ahah qui s'en doutait ? 😊
Et concernant cette petite visite onirique :
- Pensez vous que Lidonna puisse faire confiance à Daexor ?
- Et que pensez vous de lui après avoir été témoin de quelqu'un de ses souvenirs ?
- Et ce dernier souvenir tronqué ? Mauvaise augure ?
Et voilà fin de mes questions :3
J'espère que ça vous aura plu, et on se retrouve la semaine prochaine 🥰
Bisouilles 😘🦋