Après ce début de soirée riche en émotions, Sylan fut détourné de ses pensées et de son admiration pour les extraordinaires possibilités de la magie – qui à défaut de créer la vie, pouvait changer celle-ci – par l'arrivée de sa sœur et du duc de Chêne qui les avaient cherchés partout.
— Eh bien, nous avez-vous fui ?
— Tu sais bien que oui, répondit Ashleigh à son cousin.
— Sylan, tu as vu la princesse ?
Aline s'agrippa au bras de son frère, aussi impressionnée que lui par le spectacle auxquels ils avaient assisté.
— Je l'ai vue, oui !
Ils se tournèrent à nouveau vers l'estrade, où la Reine demeurait seule avec la Mage Magdeline, la nouvelle princesse étant sous doute partie se changer.
— Quelle formidable magie, dit Sylan à leurs compagnons.
— N'est-ce pas ?
— Ce n'est pas le genre de chose qui pourrait arriver à Duléthé, se renfrogna sa sœur.
Sylan se tourna franchement vers elle, et posa les mains sur ses frêles épaules.
— Un jour, cela changera.
Elle leva les yeux au ciel.
— Un jour, tu seras une reine aussi impressionnante que la Reine Heresa. Et tu n'auras pas besoin de roi.
— Cesse donc tes sylâneries, le taquina-t-elle en le faisant pivoter sur lui-même pour le pousser vers le buffet.
— Je suis très sérieux.
— Alors comme ça, vous n'avez pas besoin de roi ? demanda le duc en offrant son bras à Aline pour l'accompagner.
— Absolument pas. J'ai besoin d'un danseur.
— Je suis votre homme.
Sylan sourit de cet échange, avant de suivre Ashleigh qui avait repéré un plateau de dégustation de cuisses de crapenouille.
Hélas, ils ne profitèrent que trop peu de ce tête-à-tête, les deux potentiels tourtereaux revenant vers eux après une seule et unique danse, hilares et rouges d'avoir déjà fait les fous.
— Que diriez-vous de rentrer au duché ? La fête au village sera toute aussi amusante, si ce n'est plus !
— Je me demandais combien de temps allais-tu te tenir, taquina Ashleigh.
— Aline connaît toutes les danses ! Allons, il y aura de la musique de quartier, de la nourriture de rue et nous serons à deux pas du manoir si la fatigue se fait sentir.
Aline adressa un regard suppliant à son frère, qui se tourna vers Ashleigh. Ce dernier haussa les épaules, ne rechignant pas à déplacer la fête, et Sylan suivit le mouvement. Il n'avait jamais festoyé en-dehors des grandes propriétés, et il n'était désormais plus à une découverte près.
— Dans ce cas, saluons la reine et la princesse, et allons danser !
L'enthousiasme du duc était contagieux, et Ashleigh et Sylan se frayèrent un chemin jusqu'au trône tandis que Garethy informait ses parents de leur départ prématuré. La princesse Dély venait de se réinstaller aux côtés de sa mère, dans une robe étincelante de rubis.
— Votre Majesté, commença Ashleigh en s'inclinant. Votre Altesse.
— Mes hommages pour cette formidable cérémonie, enchaîna Sylan avec révérence.
— Son Altesse du Royaume de Duléthé a-t-elle changé ses opinions sur notre peuple ?
— Madame, répondit Sylan en s'inclinant. Je ne saurai manquer de respect au peuple d'Austhone, et encore moins émettre un quelconque jugement sur ses coutumes et traditions. Sachez que j'ai le plus profond respect pour vos valeurs, et je vous demande solennellement de ne point m'associer aux calomnies de mon Roi, qui ne reflètent ni ma pensée, ni celle de mon peuple.
Il se redressa, et croisa le regard des deux femmes qui lui faisaient face.
— Vos mots semblent sincères, Prince Sylan. Contrairement à ce que mes confrères se plaisent à conter, je ne suis point une querelleuse. J'espère faire preuve de discernement en vous accordant ma confiance. Nous avons fermé nos frontières en guise d'avertissement, mais votre roi a rompu les accords commerciaux dès lors que nous les avons rouvertes hier.
Un froid glacial s'insinua en Sylan. Rien n'allait plus, à Duléthé.
— Vous ne le regretterez pas, Votre Majesté. Dès mon retour au royaume, je prierai mon père de rétablir les accords qu'il a injustement brisé.
— Fort bien.
— Nous allons nous retirer, Votre Majesté, ajouta Ashleigh. Nous vous souhaitons une agréable soirée, que les festivités soient à la hauteur de votre bonheur, Votre Altesse.
— Je vous remercie, répondit la princesse en leur offrant un sourire étincelant.
Sur ces mots, ils se retirèrent. Nul besoin d'audience, Sylan pouvait se féliciter de son don pour apaiser les tensions. Si seulement cela pouvait également fonctionner avec son père.
Les quatre jeunes fougueux reprirent ainsi la route pour le duché de Chêne, afin de danser, rire et chanter avec le peuple, dans une ambiance bien plus décontractée qu'au palais royal. Le carrosse traversa le village décoré de lampions multicolores et animé de feux de joie dans les rues ; tout le monde célébrait la Renaissance de la Princesse Dély.
Lorsqu'ils sortirent du véhicule dans la cour du manoir, l'urgence de vivre et de s'amuser était devenu trop pressante pour être réprimée, et ils ne laissèrent pas le temps aux gardes de refermer les grilles, courant sous leurs yeux ébahis pour rejoindre la fête.
Pour la première fois, la Princesse Aline pu danser sans ses chaussures sans craindre de remontrances, et pour la première fois, le Prince Sylan accepta de bon cœur d'accorder une danse ou plus au Prince Ashleigh.
Le Prince d'Enlhiver faisait tourbillonner Sylan au rythme de la mandoline du forgeron du quartier, improvisé musicien pour la nuit, et il était à la fois étonné et enchanté de le voir tenir la cadence.
— Tu es aussi doué pour les danses de rue, le flatta-t-il en criant par-dessus la musique.
— C'est ma sœur qui m'a tout appris !
Ashleigh secoua la tête, amusé, et se pencha à son oreille.
— Sans vous offenser, mon prince, ce n'est point votre sœur qui m'intéresse.
Le rire de Sylan résonna en écho sur le son des instrument à cordes, et ils se mirent en ligne pour entamer une nouvelle danse. Face à eux, Aline et Garethy avaient bien du mal à se concentrer sur les pas, trop occupés à se faire les yeux doux.
Sylan passait sans aucun doute une des plus belles soirées de sa vie. Les troubadours jouaient leurs meilleurs morceaux et les enfants du quartier dansant en cercle autour d'eux.
— Je pourrais danser toute la nuit, s'exclama Aline en attrapant le bras de son frère pour giguer avec lui.
— Et moi donc !
Ils jouaient à celui qui ferait les pas les plus rapides, encouragés par la foule qui s'était rassemblée autour d'eux.
— Tu vas perdre, claironna Aline.
— Je ne crois pas, rétorqua Sylan en accélérant encore.
— Ce n'est plus une gigue, c'est un ceili !
Hilare, Sylan poursuivait son petit manège. Il avait cessé de remuer les bras pour se concentrer sur son jeu de jambes.
— Tricheur !
— Tu vas perdre, rétorqua-t-il.
Le rythme de la musique augmentait crescendo, et ils se battirent jusqu'au bout avant de terminer finalement ensemble, en se frappant dans les mains. Rincé, Sylan rejoignit Ashleigh qui l'applaudissait, perché sur une table.
— Quel jeu de jambe !
— N'est-ce pas ? se félicita Sylan en s'essuyant le front.
Son compagnon lui tendit une chope de bière, qu'il vida en quelques gorgées.
— Ashleigh ! Viens danser, appela le duc Garethy qui menait un groupe d'enfants.
Ledit prince interrogea Sylan du regard, qui déclina son invitation. L'ambiance joviale lui donnait des ailes, aussi il se permit quelque badinerie affectueuse.
— Je vais faire une pause, si vous le permettez, très cher.
— À votre guise, répondit Ashleigh en se levant.
Le jeune prince du Sud se percha à sa place sur la table, et le suivit des yeux sur la piste. Ash était rayonnant, dansant au milieu de toute cette foule. Il était si naturel, si détendu. Contrairement à Sylan, il ne se mettait pas de barrières.
Ses doigts trouvèrent alors le cadeau de Magdeline qu'il avait glissé dans sa poche, et il le fit tournoyer entre ses doigts d'un air songeur. En avaient-ils vraiment besoin ?
— En avons-nous vraiment besoin ? lui demanda Ashleigh en se glissant à côté de lui.
— Déjà de retour ? s'étonna Sylan en refermant ses doigts sur la petite fiole.
Son compagnon l'en empêcha, et leva celle-ci entre eux.
— Il m'est difficile de rester loin de vous... Alors ?
Leur petit jeu de vouvoiement se poursuivait, pour le plus grand plaisir de Sylan, car il y retrouvait la courtoisie des débuts. Comme il aimait qu'Ashleigh le courtise.
La réponse s'imposa alors comme une évidence.
— Alors non, conclut Sylan en refermant les doigts de son prince sur l'objet pour le lui confier.
Le sourire d'Ashleigh était lumineux. Rangeant la fiole bien à l'abri dans son veston, il porta une main à la joue de Sylan, et l'effleura d'une douce caresse avant de reculer d'un pas pour retourner danser.
Sylan, ne sachant plus comment museler les envies qui le traversaient, rattrapa sa main avant qu'elle ne lui échappe. Ses yeux se posèrent sur les lèvres d'Ashleigh, mais il était bien incapable de mettre ses projets à exécution.
Il s'empourpra en réalisant qu'Ashleigh n'avait pas manqué une miette de sa petite observation, et lâcha sa main pour saisir sa chope de bière vide.
— Je vais me resservir.
Ashleigh hocha légèrement la tête et se pencha alors à son oreille pour lui murmure quelques mots qui firent frémir Sylan.
— Rendez-vous à minuit derrière la fontaine, beau prince.
Les yeux écarquillés du prince en question et les rougeurs sur ses joues furent apparemment une réponse satisfaisante pour Ashleigh, qui disparut ensuite dans la foule.
Sylan compterait désormais les coups sur le clocher, jusqu'à ce que l'heure approche. Un heureux sourire dansant sur ses lèvres, il abandonna l'idée d'aller se servir à boire pour se joindre à la joyeuse foule qui dansait au rythme de son cœur.
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Je ne sais pas vous, mais moi j'ai envie de danser !
Personne n'a trouvé le titre, en même c'était dur il y a tellement de possibilités 🤭
Rendez-vous mercredi à minuit derrière la fontaine 😏 mardi soir pour les oiseaux de nuit !