- Je te taquine. Non plus sérieusement, c'est tout à fait normal que tu lui en veuilles. Après quand on est petit, on ne se rend pas vraiment compte de la gravité de nos actes. Je pense qu'aujourd'hui, si elle avait su à quel point ça t'as fait du mal, crois-moi elle n'aurait jamais fait ça. Maintenant tu es libre de faire tes propres choix. Tu peux soit aller de l'avant et accepter ses excuses, soit rester fixée sur le passé et vivre avec cette rancœur que tu portes dans ton cœur.
- C'est une très jolie phrase de fin.
- N'est-ce pas ?
On rit puis on finit par passer la soirée à discuter. C'était agréable. Ça faisait longtemps que je n'avais pas rit comme ça. Pour le remercier, j'ai commandé chinois. Au départ il a catégoriquement refusé mais j'ai tellement insisté qu'il a fini par céder. Ilan m'a raconté sa vie et son enfance. Apparement il faisait beaucoup de bêtises quand il était plus jeune. Il était considéré comme le cancre de la classe qui ne faisait que dessiner. Ça n'a pas été facile pour lui non plus mais une fois à la fac, il a pu choisir ce qu'il voulait et il a décidé de faire des études en art. Heureusement, ses parents l'ont toujours soutenu.
- J'ai vraiment eu de la chance d'avoir des parents comme les miens.
- Tu n'as même pas idées.
- Et toi tes parents ?
- Bof, -je hausse les épaules- rien d'intéressant.
Je n'ai pas trop envie de lui parler de moi. Il n'insiste pas et nous continuer de parler. Vers 22h00, je décide de rentrer car il commence à se faire tard. Nous nous disons au revoir après que j'ai appelé Julio pour venir me chercher. Je sors de chez Ilan et marche vers la voiture. J'aperçois un Julio, confus. Il reconnaît l'endroit. Je lui avais demandé de m'emmener pour récupérer le cadeau de Bart, pourtant il ne fait aucun commentaire. Je ne sais pas si je dois être rassuré ou inquiète. Je ne suis pas à l'aise. J'ai l'impression d'avoir été prise en flagrant délit ou d'avoir fait une énorme bêtise.
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Une fois à la maison, je m'attendais à voir Bart mais c'est le silence qui m'accueille, comme d'habitude depuis un petit moment. Mes pas retentissent dans l'appartement vide. Je fais le tour mais il n'y a en effet personne. Je décide de monter dans la salle de cinéma pour regarder un film tout en mangeant mes cookies. Après une dizaine de minutes à réfléchir sur quel film je vais choisir, je finis par mettre Kirikou et la sorcière. Ce film me fait passer le temps et je me retrouve à parfaitement réciter les répliques. Quelques souvenirs de ma semaine passer chez Aline me reviennent. Chaque jours, nous rentrions de l'école et nous mangions notre goûter devant Kirikou. Je me surprends à sourire inconsciemment. C'était vraiment de superbes moments. Une fois le film terminé, je redescends à la cuisine, mets mon plat et mon verre de lait dans la lave-vaisselle. C'est à ce moment-là que Bart fait son entrée dans le salon avec un sourire extrêmement faux sur le visage suivi de près par Julio.
- Alors, c'était bien chez Ilan ? Vous vous êtes bien amusés ?
Je lance un regard vers Julio qui baisse instinctivement la tête puis soupire.
- Pas la peine de regarder Julio, j'étais déjà au courant avant qu'il me le dise. Tu connais les réseaux sociaux ?
- C'est un ami, je te l'ai déjà dis.
Il donne un violent coup de pied dans son sac de sport, en colère. Je sursaute sans m'en rendre compte. Il se passe la main sur le visage et fait les cents pas.
- Arrête de te foutre de ma putain de gueule Khlayne. Je vois bien que t'es plus froide qu'avant. Donc si tu veux me quitter dis-le moi toute de suite qu'on en finisse.
- N'importe quoi, arrête de dire des bêtises comme ça.
- Ah parce que je me fais des idées peut-être ?
- Oui !
Je commence à partir mais il me retient par le bras et me plaque contre le mur. Je pars au quart de tour. Il recommence avec sa jalousie inexpliquée et c'est lassant.
- Qu'est-ce que tu vas faire ! Tu vas me refaire le coup de la dernière fois c'est ça ?
Il se calme instantanément et recule d'un pas avant d'inspirer et expirer lentement. Julio est toujours à l'écart mais il s'est rapproché au cas où, même s'il ne devrait pas avoir à le faire.
- Je suis désolé.
- Je t'ai déjà dis qu'il n'y avait rien entre nous Bart ! Pourquoi tu ne me fais pas confiance !
Il soupire et ne répond pas. Il finit par récupérer son sac et monter à l'étage. Julio se rapproche timidement de moi.
-Je suis désolé je devais lui dire.
Je lui souris tristement et pose ma main sur son épaule avant de répondre.
- Ce n'est pas grave Julio, je ne vous en veux pas. Si vous me cherchez, je suis sur la terrasse.
Je prends un des plaids qui se trouve dans la corbeille près de la baie vitrée puis je l'enroule autour de moi avant de sortir sur la terrasse. J'allume les enceintes et je jette ma tête en arrière et inspire longuement en fermant les yeux afin de retenir mes larmes. J'ai envie de lui parler, je sais que ça serait plus simple mais je n'ose pas. Je ne sais pas comment l'aborder. C'est mon premier petit ami, et j'espère que ce soit le dernier, mais je n'ai aucune idée de la manière dont je dois agir avec lui. J'ai toujours tout garder pour moi. Communiquer me semble plutôt compliqué. J'ouvre mes yeux et regarde le ciel sombre. La lune scintille et contraste avec la noirceur du ciel. C'est magnifique. Je m'assois au bord de l'eau et trempe mes pieds dans la piscine. L'eau est chaude, ça fait du bien. Le reflet du ciel dans l'eau est troublé par le mouvement de mes pieds. Je n'arrive toujours pas à comprendre comment ça a pu dégénérer aussi vite. Mes questions me font divaguer vers ma mère. Cette femme immonde et sans cœur est désormais en prison. Et pourtant, j'ai toujours ce poids sur mon cœur, et se vide. Je pensais que je me sentirais plus soulager que ça mais non. C'est peut-être le fait d'avoir essayer de discréditer mes paroles qui m'ont extrêmement blessée. Je sais que c'est le travail d'un avocat mais il m'a tellement dénigrée. Il m'a traitée de menteuse et d'égoïste. D'une fille qui n'a pas su remercier sa mère de l'avoir élever et qui lui a volé son petit ami. Je repense à ses paroles et mon cœur se sert. Il a réussi à plaider la folie. La folie ! Cette femme est saine d'esprit. Elle sait exactement ce qu'elle fait et elle me pourrira la vie jusqu'au bout, je le sais et ce n'est pas fini. Ça ne le sera jamais. Rester ici me rappelle à quel point j'ai échoué. A quel point elle a eu ce qu'elle voulait. Je me lève et jette le plaid derrière moi avant de me laisser tomber dans l'eau.
La musique qui défile me vient jusqu'aux oreilles, les paroles tournent en rond dans ma tête : « Oh take me back to the night we met. I had all and then most of you and now none of you ». C'est exactement ce qui se passe dans ma vie en ce moment. Je l'ai dans la peau, j'en suis certaine. Si seulement on pouvait retourner en arrière. Juste quelques semaines. Au moment où nous étions tous les deux à Bali, à s'aimer et pas à se déchirer. Au tout début quand on se connaissait à peine et qu'on apprenait à se connaître. Quand on se tournait autour comme deux adolescents qui viennent seulement de découvrir ce qu'est le réel amour. Enfin du moins, je découvrais ce qu'était le réel amour. Je ferme les yeux, retournant toujours mon souffle. C'est apaisant d'être sous l'eau, loin de tout. Peut-être que nous sommes allés beaucoup trop vite. Nous vivions dans la même maison, nous étions tout le temps collés et ça pendant presque un an, non-stop. Peut-être que nous aurions dû nous laisser plus d'espace. Will m'avait prévenu et je n'ai pas écouté. Maintenant, je me sens plus seule que jamais. Il est encore temps. On devrait sûrement se quitter pour mieux se retrouver. Je sors de l'eau, les vêtements trempés. Un coup de vent glacé me fait frissonner. Je me précipite de rentrer dans l'appartement et saute dans une des immenses douches de la maison. L'eau tiède réchauffe mon corps meurtris par le temps. Je me surprends à imaginer les doigts de Bart glissés le long de mon corps, caresser chaque recoin de ma peau. Me susurrer à quel point il m'aime au creux de l'oreille. Des paroles que j'aimerais tant entendre sortir de sa bouche... De simples mots voulant dire tant de choses. Juste trois mots. Trois mots qui pourraient mettre fin à tous mes doutes. Il me fait l'amour comme la première fois, avec tendresse et délicatesse. Lorsque je reviens à la réalité, tout disparaît. Je soupire de frustration. Il me manque terriblement malgré que nous vivons dans la même maison. Je sors de la douche et attrape ma serviette qui se trouve sur le sèche serviette électrique avant de m'y enrouler. Je me regarde dans le miroir. Je suis légèrement rouge, je pense que mes pensées paraissaient un peu trop réelles. Je passe un filet d'eau froide sur mon visage avant de faire tous mes soins. Une fois tout finis, je sors dans la salle de bain et vais dans notre chambre, enfin la chambre de Bart, pour récupérer des vêtements. Il n'y est pas. J'espère qu'il n'est pas sortis, même si le fait qu'il soit ici ne change rien puisque nous ne nous parlons plus. J'aime tout de même savoir qu'il n'est pas loin, ça m'évite de m'inquiéter et de douter, me demandant s'il n'est pas avec son ex. Depuis le jour, où je l'ai vu allongé sur ses genoux, la panique qu'il me quitte pour elle, me prend de plus en plus. Je secoue la tête afin d'écarter cette idée là. Il avait tout le temps de retourner vers elle mais il ne l'a jamais fait. Il la rejetait même. Pour moi. Moi Khlayne Enola Loud. Je me change et un met un pull à col roulé avec un jean simple et mes baskets. Je prends un de ses sacs de sport et mets plusieurs de mes affaires dedans. En fait je prends pratiquement tout ce que j'ai amené de mon appartement. J'ai besoin de temps pour moi. Pour réfléchir à comment je peux améliorer les choses pour que tout redeviennent comme avant. Pour ça, il faut que je prenne de recule et que je réfléchisse à tête reposée.
Je ferme mon sac et le porte à mon épaule. Je prends mon téléphone et me retourne pour sortir quand je fais face à Bart qui se trouve à l'encadrement de la porte, les bras croisés et transpirant.