Les Héritiers de Sheyton

By Apo-logie

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En quête de vengeance, Lana veut intégrer une école de magie renommée pour se libérer de son douloureux passé... More

Introduction
Prologue (Corrigé)
Chapitre 2 (Corrigé)
Chapitre 3 (Corrigé)
Chapitre 4 (Corrigé)
Chapitre 5 (Corrigé)
Chapitre 6 (Corrigé)
Chapitre 7 (Corrigé)
Chapitre 8 (Corrigé)
Chapitre 9 (Corrigé)
Chapitre 10 (Corrigé)
Chapitre 11 (Corrigé)
Chapitre 12 (Corrigé)
Chapitre 13 (Corrigé)
Chapitre 14 (Corrigé)
Chapitre 15 (Corrigé)
Chapitre 16 (Corrigé)
Chapitre 17 (Corrigé)
Chapitre 18 (Corrigé)
Chapitre 19 (Corrigé)
Chapitre 20 (Corrigé)
Chapitre 21 (Corrigé)
Chapitre 22 (Corrigé)
Chapitre 23 (Corrigé)
Chapitre 24 (Corrigé)
Chapitre 25 (Corrigé)
Chapitre 26 (Corrigé)
Chapitre 27 (Corrigé)
Chapitre 28 (Corrigé)
Chapitre 29 (Corrigé)
Chapitre 30 (Corrigé)
Chapitre 31 (Corrigé)
Chapitre 32 (Corrigé)
Chapitre 33 (Corrigé)
Chapitre 34 (Corrigé)
Chapitre 35 (Corrigé)
Chapitre 36 (Corrigé)
Chapitre 37 (Corrigé)
Chapitre 38 (Corrigé)
Chapitre 39 (Corrigé)
Chapitre 40 (Corrigé)
Chapitre 41 (Corrigé)
Chapitre 42 (Corrigé)
Chapitre 43 (Corrigé)
Chapitre 44 (Corrigé)
Chapitre 45 (Corrigé)
Chapitre 46 (Corrigé)
Chapitre 47 (Corrigé)
Chapitre 48 (Corrigé)
Chapitre 49 (Corrigé)
Chapitre 50 (Corrigé)
Chapitre 51 (Corrigé)
Chapitre 52 (Corrigé)
Chapitre 53 (Corrigé)
Chapitre 54 (Corrigé)
Chapitre 55 (Corrigé)
Chapitre 56 (Corrigé)
Chapitre 57 (Corrigé)
Chapitre 58 (Corrigé)
Chapitre 59 (Corrigé)
Chapitre 60 (Corrigé)
Chapitre 61 (Corrigé)
Chapitre 62 (Corrigé)
Chapitre 63 (Corrigé)
Chapitre 64 (Corrigé)
Chapitre 65 (Corrigé)
Chapitre 66 (Corrigé)
Chapitre 67 (Corrigé)
Chapitre 68 (Corrigé)
Chapitre 69 (Corrigé)
Chapitre 70 (Corrigé)
Chapitre 71 (Corrigé)
Chapitre 72 (Corrigé)
Chapitre 73 (Corrigé)
Chapitre 74 (Corrigé)
Chapitre 75 (Corrigé)
Chapitre 76 (Corrigé)
Chapitre 77 (Corrigé)
Chapitre 78 (Corrigé)
Chapitre 79 (Corrigé)
Chapitre 80 (Corrigé)
Epilogue (Corrigé)

Chapitre 1 (Corrigé)

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By Apo-logie

Putain !

Pourquoi les administrations ne sont-elles pas fichues d'indiquer correctement leurs bâtiments ?

Je déambule dans les couloirs du prestigieux Institut Sheyton Élite Magie, à la recherche du bureau 974.

Vous vous demandez sûrement en quoi cet institut vaut la peine que je m'emporte pour lui ? L'ISEM est une école. Pas n'importe laquelle. Elle forme en son sein l'Armée de Sheyton, en offrant à ses étudiants les meilleurs enseignements de tout le pays.

Il n'est donc pas facile de l'intégrer. Au vu du nombre de candidatures qui lui sont adressées, peu y sont admis après le recrutement. Votre dossier y est scrupuleusement étudié, puis, si vous êtes sélectionné, vous passez tout un tas d'épreuves écrites et sportives afin d'écarter de nouveau une bonne partie des candidats. À son issue, vous êtes convoquée pour un entretien d'admission.

Apparemment, c'est la pire étape de cette infernale sélection. Vous êtes scrupuleusement analysé, et on vous pousse dans vos retranchements pour vous tester. Les examinateurs ne sont pas réputés pour être bienveillants. On m'a plusieurs fois mise en garde.

Mais intégrer l'Armée de Sheyton est l'un de mes rêves les plus chers. Pour le moment, mon dossier n'a pas encore été écarté. Cela signifie que j'ai toutes mes chances. À condition de réussir l'entretien d'admission...

Ce dernier se déroule ce matin. Malgré le fait que je sois arrivée en avance pour pallier une éventuelle désorientation de ma part, je peine à trouver la salle indiquée sur ma convocation. Et je dois dire que ma patience, aussi légendaire soit-elle, commence à atteindre ses limites. Jusqu'alors, je déambule dans les interminables couloirs des majestueux locaux de l'ISEM. Ils sont à couper le souffle, d'autant plus quand vous savez que vous marchez à l'endroit même où de véritables légendes ont marché avant vous. C'est assez impressionnant, c'est vrai, mais en même temps terriblement excitant.

Je jette un énième coup d'œil à ma montre et me rends compte que mon entretien doit commencer dans deux minutes. Une montée d'adrénaline me fait frémir. Ne craignant plus d'incarner le ridicule à côté des autres potentiels étudiants calmes et qui patientent sagement devant leur salle d'entretien, je me mets à courir. Sauf que dans ma course effrénée, je bute contre quelqu'un.

Un garçon blond.

Je ne fais pas plus attention à lui, et lâche un « pardon » en faisant tomber ma convocation. Il se baisse et me la ramasse gentiment.

— Y a pas de mal, répond-il en mâchant un chewing-gum.

Je jette un coup d'œil au nouveau venu. Il est vêtu d'un smoking chic et sûrement hors de prix, ses cheveux sont plaqués avec du gel. Il se tient particulièrement droit, arbore un regard plein de malice, à travers deux grands yeux bleus.

— Tu viens aussi pour les entretiens ? demandé-je dans l'espoir qu'il puisse m'aider.

Le garçon hoche la tête, plutôt détendu.

— Je viens de passer.

— Ça s'est bien passé ?

— Je pense. Tu veux un conseil ? Ne leur mens pas, ils ont une faculté impressionnante à déceler tout écartement face à la vérité, chuchote-t-il.

Je hoche alors la tête.

— J'en prends note.

— Tu cherches ta salle ?

— Oui, c'est la 974. Je suis complètement perdue. Si tu as, en plus de tes conseils, des indications GPS à me transmettre, elles ne seront pas de trop, lancé-je alors d'un air un peu cynique.

Le garçon prend ma convocation et la balaie rapidement d'un regard mécanique avant d'esquisser un sourire amusé.

— Forcément, vu que tu n'es pas du tout au bon endroit, rit-il. C'est au neuvième étage. Prends les escaliers au bout du couloir.

Il me tend à nouveau ma convocation que je replie en quatre avant de la glisser dans mon sac à main.

— Je te remercie.

Je commence à tourner les talons quand il m'interpelle.

— Miss ? Attends.

Je me retourne alors succinctement.

— Mmh ?

— Tu es sûre que c'est la salle 974 ? demande-t-il en fronçant légèrement les sourcils.

Je récupère ma convocation que je viens de ranger afin de revérifier le numéro de salle, avant de la lui montrer à nouveau.

— Oui... C'est ce qui est marqué.

— C'est bizarre, lâche-t-il.

Je lève un sourcil.

— Pourquoi ça ?

— Le neuvième étage, c'est celui de la direction.

Je hausse les épaules. À vrai dire, je me moque pas mal de connaître la localisation du personnel de l'école. Ma seule préoccupation reste de trouver le bureau 974.

— Ce ne sont peut-être pas que les professeurs qui font passer les entretiens. Ils doivent manquer d'examinateurs, supposé-je.

— Peut-être.

— Bon, merci pour les indications.

— Y a pas de quoi, répond-il en continuant de mâcher nonchalamment son chewing-gum.

Alors qu'il commence à tourner les talons pour s'en aller, je lui demande son prénom.

— Adam. Adam Pears. Et toi ?

— Lana Sokova.

Adam me lance un dernier regard.

— Eh bien bon courage, Lana. Tu veux un dernier conseil ? Démarque-toi. Ils reçoivent tellement de candidats qu'ils méprisent le manque de personnalité.

Je hoche la tête en silence et sur ces mots, le blondinet au visage angélique mais légèrement prétentieux disparaît dans les couloirs.

Je me rue alors sur les escaliers et les gravis jusqu'au neuvième étage, ne trouvant pas d'ascenseur à portée de main.

Le prénom que je viens de lui donner résonne toujours dans mon esprit et fait remonter en moi de nombreux et douloureux souvenirs. Lana Sokova n'existe que depuis mes dix ans. Il n'est que le remplacement d'un nom qui m'a apporté bien des problèmes dans ma tendre enfance.

Aléna Sahn.

Bien après l'attaque préméditée dans le village de mon enfance et la mort de mes parents, ma grand-mère maternelle m'a récupérée, s'est occupée de moi, et s'est débrouillée pour changer mon identité, afin que les Sorciers Noirs ne me retrouvent jamais. Lana Sokova est donc le nom que je suis contrainte d'utiliser pour le restant de mes jours. Il n'est pas facile de devoir incarner une nouvelle identité quand on a dix ans. Mais aussi impensable soit-il, on s'y habitue. Votre ancien nom ne devient plus qu'un vieux souvenir amer de la vie que vous avez perdue.

Comment vous faire un bref descriptif des habitants de mon pays, Sheyton, où la magie occupe une place prépondérante ?

On distingue deux catégories : les Élémentaristes et les Sorciers. Les Élémentaristes concernent la majorité des habitants. Ils ont le pouvoir de contrôler les éléments, et cela leur permet une capacité de protection ou d'affrontement léger. Les Sorciers Blancs possèdent quant à eux des pouvoirs encore plus puissants et une capacité inédite d'invocations des forces surnaturelles. Et enfin, on y oppose les Sorciers Noirs. Ce sont des Élémentaristes ayant, par des rites dangereux et interdits par le Gouvernement, obtenu des pouvoirs semblables à ceux des Sorciers Blancs. Les Sorciers Noirs sont réprimés par le Gouvernement, car pour la plupart, leurs motivations sombres menacent l'équilibre du pays.

Tanway était un Sorcier Noir très puissant, dont l'objectif était de prendre le contrôle de Sheyton et de tuer les Sorciers Blancs. Et j'en suis une. Une prophétesse de mon village avait prédit qu'une sorcière blanche aurait le pouvoir de le vaincre. Je ne sais par quel moyen mon existence a fini par arriver aux oreilles de Tanway. Dans un élan incontrôlé de paranoïa, il a décidé de raser mon village pour me trouver et m'exécuter. Chose qu'il n'a réussi que partiellement à faire. Il a été emprisonné quelques années plus tard par le Gouvernement, et on n'a plus jamais entendu parler de lui. Actuellement, il doit croupir dans une prison sous haute surveillance, tombant peu à peu dans l'oubli.

Mais comme mes parents ont été tués sous ses ordres, je me suis jurée que je le tuerai à mon tour et de mes mains. Mais pour cela, il faut que je bénéficie d'un bon entraînement, et c'est donc pour cela que je postule pour intégrer la meilleure école de magie du pays. Sauf qu'aujourd'hui, les Sorciers Blancs ont quasiment tous été assassinés par Tanway et ses hommes. Et donc, si quelqu'un apprend ma véritable nature, je risque de mettre ma vie en péril. Je sais que même si Tanway n'est plus vraiment là, ses partisans n'ont pas été tous arrêtés. Certains ne désirent qu'une chose, finir ce qu'il a commencé. Tuer tous les Sorciers Blancs qui ont survécu.

Mon objectif n'est pas simple. Je sais que je ne dois pas faillir. Mon examinateur ne doit pas se rendre compte de ma véritable identité. Je dois de ce fait me faire passer pour une simple élémentariste. Si je suis sur mes gardes, je reste tout de même confiante. Je me suis entraînée pour cela depuis des années. Ma nouvelle identité est dorénavant intégralement la mienne.

Aléna Sahn n'existe plus depuis longtemps.



***



J'arrive enfin devant le fameux bureau 974.

Je m'assois sur une chaise mise à disposition pour les candidats, et remarque que je suis la seule personne dans le couloir, contrairement à l'étage duquel je viens. Nerveuse, je tripote le talisman qui trône au creux de ma poitrine. C'est un héritage de mes parents, qui ont souvent évoqué une légende indiquant que cet objet aurait le pouvoir de sauver le monde. Étant quelqu'un de rationnel, je n'ai jamais cru à cette légende, mais je n'en chéris pas moins ce bijou du plus profond de mon cœur, puisqu'il est mon principal souvenir d'eux.

Je commence à stresser un peu, mais j'essaie de garder mon sang-froid. Je ne suis pas de nature à paniquer. Je sais gérer les fluctuations d'émotion et le stress. Je me suis entraînée pour. Dans le monde dans lequel je vis, on n'a pas le droit de se laisser aller. L'extérieur est impitoyable.

La porte s'ouvre enfin et un homme apparaît sur le pas de celle-ci. Il est grand, cheveux noirs un peu ébouriffés, les yeux verts. Au niveau de son âge, il est assez jeune, je pense, mais la manière dont il se tient, parfaitement droit, et les vêtements élégants qu'il porte le vieillissent considérablement de plusieurs années. Il ne sourit pas, mais sa froideur ne me déstabilise pas pour autant. On m'avait prévenue.

Je me lève et lui tend la main, en esquissant mon plus beau sourire.

... sauf qu'il ne la saisit pas.

Le malaise. Il me jette un regard autoritaire, et lève un sourcil, à la limite de la condescendance. Je ne sais pas qui c'est, mais visiblement, ce n'est pas un simple surveillant.

— Lana Sokova ?

— Bonjour. C'est moi.

— La ponctualité est un point essentiel de notre formation. Nous recherchons des étudiants qui puissent respecter à la lettre les convenances que nous imposons, articule-t-il froidement en faisant implicitement référence à mon retard.

Je pince mes lèvres.

Calme-toi, mec, je n'ai que cinq minutes de retard.

— Excusez-moi, je ne trouvais pas ma salle.

— Je ne vous ai pas demandé d'explications, rétorque-t-il avant même que j'ai pu finir ma phrase.

Il ne me laisse pas l'occasion de répondre et referme bruyamment la porte derrière moi après m'avoir fait rentrer. Je ne sais pas dans quelle mesure ce début catastrophique est rattrapable par la suite de l'entretien, mais je sais déjà que je ne suis pas très bien partie.

Il indique d'un geste de la main une chaise en face de son bureau.

— Après vous.

Je m'assois silencieusement, et porte attention à l'intérieur de la pièce. Je sais que l'ISEM a en sa possession de gros moyens financiers, et ça se voit rien qu'au mobilier et à la décoration. Tout un tas de diplômes sont accrochés sur le mur à ma droite. À ma gauche sont exposés plusieurs trophées sur de grandes étagères qui parcourent tout le pan de mur. Piquée par la curiosité de découvrir qui il est, je ne parviens malheureusement pas à lire son nom sur les diplômes exposés. D'habitude, les examinateurs se présentent un minimum au début de l'entretien, mais celui-là tient visiblement à garder une part de mystère.

Il sort un dossier avec mon nom écrit dessus et commence à le feuilleter.

— Bon, Mademoiselle Sokova, nous avons étudié votre dossier, il est très bon, c'est évident. Vos notes à l'examen d'entrée sont plus que satisfaisantes, mais un élément vous rend douteuse à notre égard.

Je me redresse alors, attentive, en restant sur mes gardes.

— C'est-à-dire ?

— Vous nous avez transmis vos relevés de notes du secondaire, mais pour ce qui concerne l'école élémentaire, vous n'avez rien renseigné. Et je dois vous préciser que nous accordons une grande importance à la transparence de nos élèves. Je vous laisse éclaircir cette interrogation.

Je déglutis discrètement.

Il me fixe attentivement, d'une manière assez déstabilisante, qui me pousse à me demander s'il peut lire dans mes pensées.

Rester naturelle. Je dois rester naturelle. La meilleure façon de cacher quelque chose, c'est de se comporter comme si on n'avait rien à cacher.

— C'est normal. Ma grand-mère me faisait les cours à la maison.

Il lève un sourcil et hoche la tête doucement. Il prend un stylo et griffonne quelque chose sur l'une des feuilles de mon dossier.

— Vous n'avez pas été élevée par vos parents ?

Je reste quelques secondes silencieuse, un peu surprise par cette interrogation inattendue. Je trouve sa question un peu déplacée. J'ignore dans quelle mesure il a le droit de la poser.

— Non, finis-je par articuler, essayant de rester impassible.

— Pour quelle raison ?

Je fronce alors les sourcils et adopte alors une position légère de défense. Je ne trouve pas ses questions déontologiques.

— Pardonnez-moi, mais je ne vois pas ce que ces questions peuvent avoir comme signification sur mes capacités à intégrer l'ISEM, rétorqué-je.

Mon examinateur avance alors son buste et pose ses coudes sur le bureau en joignant ses mains, tout en plongeant son regard analysant et déstabilisant dans mes yeux, comme pour y déceler quelque chose. Il n'a pas l'air d'apprécier ma prise d'audace.

— Quelles sont les raisons qui vous poussent à ne pas répondre à la question que je viens de vous poser, Mademoiselle Sokova ? Êtes-vous trop fragile quand on vous parle de votre passé ? Ou dissimulez-vous volontairement certaines informations ?

Je blêmis.

— Non... Bien sûr que non ! m'exclamé-je, le cœur battant.

Il hausse un sourcil, ne détachant toujours pas ses yeux de moi.

— Alors, dans ce cas, je vous écoute.

Ce type a quelque chose de très agaçant. Le ton qu'il emploie, sa posture à la limite de la condescendance... Il est évident qu'il cherche à me déstabiliser. Je n'aurais pas cru que ce serait autant poussé, malgré toutes les mises en garde contre les professeurs de l'ISEM que j'ai entendues. Mais je sais que si je ne réponds pas à ses questions, il rangera de toute évidence mon dossier sur la pile de ceux qu'il prévoit de jeter.

— Mes parents sont décédés quand j'étais toute petite, déclaré-je.

Mon interlocuteur continue de griffonner sur sa feuille, à chaque mot que je sors, alternant son regard entre moi et ce qu'il écrit. C'est un peu perturbant. J'ai comme l'impression d'être psychanalysée.

— Les raisons de leur décès ?

Je laisse ma bouche s'entrouvrir, surprise de cette question plus encore plus intrusive que les autres. Tout cela est très curieux. Je pensais qu'il me questionnerait plutôt sur ma motivation à intégrer l'ISEM, sur le parcours qui m'a amenée ici, sur mes ambitions futures. Le genre d'informations qu'on demande généralement lors d'un entretien d'admission. De toute évidence, s'il pose ces questions-là, c'est qu'il doit y trouver un intérêt. Mais lequel ?

J'essaie de rester impassible. Plus je montre mes émotions, plus il peut en déduire quelque chose, et ce n'est pas ce que je souhaite.

— Dans un accident de voiture.

Il me fixe silencieusement pendant de longues secondes et referme mon dossier, le faisant claquer.

— Donc on peut dire que vous avez un rapport sensible à la mort. Je ne pense pas que ce soit compatible avec les étudiants que nous recherchons.

Je commence à frissonner. Je comprends subitement qu'il me teste sur ma fragilité, mais je dois paraître insensible. C'est ce qu'ils recherchent, de toute évidence.

— Pas sensible. Différent, lancé-je droit dans les yeux en lui transmettant par le regard une onde de conviction.

Cet entretien reste décidément le plus déconcertant que j'ai fait.

— Je vous rappelle que vous vous apprêtez à intégrer l'Armée de Sheyton. Nous vous apprenons ici à tuer. Vous ne pourrez pas suivre correctement la formation si vous êtes encore fragilisée par votre passé.

Je commence à sentir la colère monter en moi. Comment ose-il me juger aussi rapidement ? J'ai l'impression que l'entretien est déjà plié, qu'il a déjà pris sa décision. Je n'ai même pas pu défendre ma motivation et c'est très frustrant. De toute évidence, je comprends que je n'aurai pas ma place dans cette école. Il sait déjà qu'il ne me gardera pas, je le vois dans ses yeux.

— Cet évènement dramatique me rend au contraire plus forte. Je n'ai pas peur de la mort, comme je n'ai pas peur de tuer. Je me suis entraînée dur à combattre pour un jour avoir l'étoffe nécessaire pour intégrer cette école. Mon but ultime est de servir mon pays en éliminant ceux qui menacent sa sécurité. Alors, je ne suis peut-être pas comme tous les autres élèves privilégiés que vous acceptez dans cette école, mais c'est cette différence qui fait ma force. J'aurais apprécié que vous ne me stigmatisiez pas.

Une lueur sombre brille alors dans la profondeur de ses yeux.

— Silence ! Cette école recherche des élèves disciplinés, et ne tolère pas ce genre d'attitude, rétorque-t-il sèchement pour me remettre à ma place.

De toute façon, je sais que c'est déjà plié. Je ne serai pas admise, et je n'ai plus rien à perdre.

Je me lève alors brusquement.

— La seule chose que ne tolère pas votre école, c'est la différence ! Peut-être que vous, vous n'avez pas connu la mort de proches dans votre vie, mais si c'était le cas et que vous étiez à ma place, vous aimeriez sûrement qu'on vous laisse une chance. Parce que mon dossier mérite d'être retenu au vu du travail que j'ai fourni pour intégrer cet établissement. Mais de toute évidence, vous n'êtes pas disposé à m'écouter. Alors, je vous remercie pour votre attention, et vous souhaite une bonne journée.

Sur ces mots, je récupère mes affaires et quitte le bureau le cœur battant, refermant un peu trop fort la porte dans un élan d'impulsivité.

***

Les jours ont passé, et je me suis faite à l'idée que je n'intègrerai pas l'ISEM. C'est sûrement un mal pour un bien. Je n'aurais pas réussi à me faire à ce manque de tolérance. Je trouverai un autre moyen d'apprendre à me battre, pour faire honneur à la mémoire de mes parents. Je me fais confiance pour ça.

Je suis alors passée à autre chose. J'ai postulé pour un nouveau job, en attente de reconstituer un autre dossier pour d'autres formations, et j'ai repris le cours de ma vie. Je n'avais pas le choix de toute façon. Je ne me laisserai pas abattre par un échec. J'aurai sûrement d'autres opportunités à saisir.

Un samedi matin, alors que je récupérais le courrier, je suis tombée sur une certaine enveloppe cachetée par le logo de l'ISEM. Je me suis tout de suite demandée pourquoi l'ISEM m'avait recontactée. Je suis rentrée alors à l'intérieur, et le cœur battant, j'ai attrapé un couteau de cuisine pour l'ouvrir. J'ai récupéré la lettre qui y avait été glissée, l'ai dépliée et ai entrouvert la bouche, sans voix et incrédule, quand j'y ai lu ce fameux mot que je n'espérais plus.

« Admise ».

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