- Ca va, Lucie ?
Je me tournai vers un Sam complètement détendu. Nous avions été installés en première classe et il semblait s'y sentir comme un poisson dans l'eau alors que j'avais l'impression de faire tâche dans le paysage. Autour de moi des gens en costume, semblant aisés, avec des mallettes, des ordinateurs, leur oreiller personnel et déjà leurs jambes étendues dans l'espace prévu à cet effet dans le siège devant eux.
- C'est la première fois que je prends l'avion, admis-je doucement, et je ne m'attendais pas à être en première classe !
- Plains-toi, me sourit Sam. On a un peu plus de 11h de vol, autant les passer dans de bonnes conditions.
Il mit son casque audio autour de son cou et tapota l'écran digital devant lui en parcourant les films disponibles. Je l'imitai, curieuse de savoir comment j'allais pouvoir occuper ces 11h de vol. Plusieurs films très récents que je n'avais jamais vu m'avaient tapés dans l'oeil comme "Bohemian Rapsody", mais aussi de vieux films comme "Orgueils et préjugés" ou même "Le monde de Ralph". En quelques minutes j'avais quelque chose comme 12 films dans ma liste de favoris.
- Hey, m'interpela alors Sam, on n'a QUE 11h de vol.
Je souris timidement.
- Ah, un sourire, sourit-il à son tour. Tu as l'air d'avoir du mal à t'ouvrir non?
- Hm...
Eluder la question était le meilleur moyen de ne pas parler de moi.
- Au fait, continua t-il, tu n'as pas posé beaucoup de questions jusqu'à maintenant... Tu n'en as pas? Tu peux me demander tu sais... Le Curiouscat live est ouvert aujourd'hui !
- En fait, effectivement, j'en ai quelques unes... D'abord, comment tu as su où je travaillais, et où j'habitais ?
- Je te rappelle que je travaille pour une agence qui a le bras long, murmura t-il énigmatiquement.
- Il regarda ses ongles d'un air hautain puis me regarda de nouveau.
- Nan je déconne, reprit-il, tu as gagné un giveaway fait par une connaissance il y a peu, j'ai juste eu à lui demander ton adresse.
- Ah... Et mon travail ?
- L'entreprise m'a demandé de me renseigner sur toi, expliqua t-il. Ils voulaient en savoir d'avantage sur toi à savoir si tu n'étais pas... une "fan extrême" ou quelque chose du genre.
- Hm... murmurai-je, je suppose que c'est compréhensible.
- En vrai, j'ai pu vite faire le tour...niveau famille et amis, je veux dire... chuchota t-il en glissant un regard sur moi.
Je haussai les épaules. Au moins, ça signifiait que j'avais passé le test et qu'ils ne me prenaient pas pour une sasaeng.
- Et, tu as dit qu'ils avaient choisi ma fiction ? demandai-je en détournant le sujet. Ca m'étonne quand même, elle a certes un petit succès mais la version coréenne a eu beaucoup moins de vues et d'étoiles que beaucoup d'autres...
- Plusieurs raisons. Déjà, la plupart des fictions sont des ships, il en était hors de question... expliqua Sam. Ensuite, c'est en fait Dawon, la sœur aînée de J-Hope qui est tombée dessus par hasard et qui en a parlé à son frère.
Je rougis. Les avis positifs sur cette fiction, où j'y avais mis tout mon cœur, me faisait extrêmement plaisir, mais savoir que j'avais réussi à toucher la sœur d'une idole que j'admirais... c'était inespéré.
- D'ailleurs, il faut que je finisse de la lire durant ce voyage, déclara t-il.
- De ?
- "Opportunité" me dit-il en me montrant sa tablette. Je l'ai téléchargée en PDF.
- Mais non... chuchotai-je en cachant le rouge de mes joues.
- Quoi? Il y a des choses que je ne devrais pas lire ? sourit-il.
En fait, j'avais été prise d'une audace particulière lors du chapitre 13 où je décrivais des scènes un peu chaudes, de manière assez soft mais tout de même. Je n'avais jamais regretté d'avoir écrit ces lignes, elles étaient dans la continuité de l'histoire, mais de savoir que Sam les liraient, que le producteur les avait lues, que peut-être même les garçons les avaient lues...Je rougis davantage et enfonçai mes écouteurs dans mes oreilles en lançant mon premier film non sans entendre un léger rire de la part de Sam.
Je décidai de lancer Bohemian Rhapsody et de dormir un peu par la suite. Le film me plut énormément. D'une part, j'adorais les chansons de Queen et, à ma grande surprise, je connaissais toutes celles présentes et en connaissais même la plupart des paroles. Le film en lui même était sympathique mais ce qui me plut particulièrement fut le point de vue des artistes. Dans l'une des scènes, Freddy explique avoir fait un concert à l'étranger pour la première fois, et, alors qu'il s'attendait à ce que personne ne comprenne un traître mot de ses paroles, l'ensemble du public chantait avec lui, vraiment parfaitement. Ça l'avait particulièrement touché. Je me demandai alors si c'était pareil pour les garçons. S'ils avaient été surpris, heureux, réjouis que les fans de tous les pays qu'ils avaient visités aient appris leurs paroles. Je me rappelai qu'au concert de Juin en France, j'avais vu des centaines de fans réviser les fanchants, même dans la queue, en adoptant la meilleure intonation possible pour leur plaire. Oui, au concert, nous avions tous été désireux de leur plaire, de connaître leurs chansons par cœur, de leur faire sentir qu'on les aimait, qu'il y avait même eu une sorte de pression, d'angoisse, à l'idée de se tromper ou de ne pas réussir à faire les projets prévus. La tension était palpable dans plusieurs coins du stade de France et finalement tout avait été super au concert.
Une autre scène du film m'avait donné des frissons, celle où l'on voit Wembley vue du dessus, rempli de monde, de fans attendant sur scène leurs idoles, chantant avec eux. La plupart des ARMY françaises avaient eu la boule au ventre après le concert de BTS à Wembley mais cette image du film m'avait particulièrement touchée dans le sens positif du terme. Le prestige de Wembley était indéniable, il fallait l'avouer et cette scène était simplement incroyable.
A la fin du film, je jetai un œil sur Sam, perdu dans sa lecture sur son iPad. Je préférai ne pas le regarder davantage. Je n'avais jamais ressenti le besoin d'impressionner qui que ce soit, mais concernant "Opportunité", j'avais cette envie irrépressible de reconnaissance. Qu'aurais-je fait si ça ne lui plaisait pas ? Ou si ça ne plaisait pas à l'un des garçons ? Mon cœur se serra. Je préférai lancer un autre film.
Lorsque celui-ci se termina, je jetai un regard vers Sam qui s'était assoupi. Il avait son iPad devant lui et son téléphone à la main. Un bourreau de travail semblait-il. Quelqu'un qui dormait probablement peu à cause d'excès de zèle. Je me plongeai alors dans une lecture, mon livre préféré, que j'avais déjà lu plusieurs fois mais qui me provoquait toujours autant de plaisir à lire: Les Dix Petits Nègres d'Agatha Christie. Une sorte de Cluedo à l'échelle humaine, entre le meurtre à huis clos et une partie de Loup Garou réelle. Les lumières se rallumèrent pour l'arrivée du plateau repas et Sam sortit doucement de son sommeil. Je posai mon livre et lui adressait un léger sourire. Après quelques minutes, il s'adressa à moi.
- Pas mal, dit-il à mon attention.
- Pardon? demandai-je.
- Ta fiction, répondit-il en pointant du menton sa tablette. Un peu trop fleur bleue pour moi mais... ça se lisait assez bien.
Je souris et baissai les yeux. Ce n'était pas des compliments bétons mais venant de quelqu'un comme Sam, cela me suffisait.
- Par contre, ajouta t-il en souriant, ne le prends pas mal mais on ne pourra jamais mettre le chapitre 13 dans le drama.
Je rougis jusqu'aux oreilles.
- Stop stop stop, m'exclamai-je en me bouchant les oreilles.
- On verra ça en arrivant de toute manière, poursuivit-il en sortant son agenda. En arrivant, on rencontre le producteur, le réalisateur, le scénariste et quelques autres membres du staff. On ne rencontrera pas les garçons aujourd'hui, ils sont en studio. Dans les jours qui suivent, on pourra les voir, puis viendra le moment des castings à organiser, des décors... Tu auras un peu de temps de libre...
- Ok... répondis-je timidement.
- Tu sais, dit-il en clapant son agenda, on a quelque chose comme 6 ou 7h de vol restantes. Tu n'as réellement aucune question à me poser?
- Ben... euh... bégayai-je.
Je me triturais les mains. Bien évidemment, j'avais des centaines de questions en tête mais j'avais peur de poser des questions bêtes, ou de donner l'image d'une groupie.
- Tu semblais bien plus téméraire dans ta fiction, murmura t-il.
- C'est une fiction, dis-je quelque peu irritée par cette remarque.
- Ton personnage te ressemble, répondit-il, sur plusieurs points.
- La Lucie de la fiction est tout ce que je ne suis pas, expliquai-je assez sèchement. Elle est drôle, audacieuse, sociable, ouverte. Elle est tout ce que j'aimerais être mais que je ne suis pas. Pourquoi? Moi-même je l'ignore, c'est comme ça, dans la vie je suis coincée, asociale, solitaire...
Je m'arrêtai de parler. Mais pourquoi avais-je balancé tout ça ? Moi qui d'ordinaire ne racontais rien de ma vie. Je soufflai. Mes yeux me brûlaient, j'étais fatiguée. La veille, après le départ de Sam et de son accompagnateur, j'avais discuté longuement avec Ludivine et Seung-ho. Je n'avais jamais peur de m'ouvrir face à eux et je leur faisais part de mes craintes, mes peurs, mes envies. Nous avions parlé jusque tard, de l'organisation de mon départ. Ludivine avait promis de bien s'occuper de ma mère et du chat, et d'expliquer à Audrey et maman que j'allais aux Etats-Unis pour travailler sur un projet dans une autre université, comme une sorte de stage. Même après leur départ, je ne pus fermer l'oeil. Ma fiction allait devenir un drama et j'allais rencontrer Namjoon, Jungkook, Jimin, Jin, Yoongi, Hoseok et Taehyung. Un rêve, une utopie, mon coeur battait à une vitesse folle et la dose d'adrénaline m'empêcha de dormir ne serait-ce que quelques minutes. Je répétais en boucle dans ma tête ce que j'allais leur dire, comment j'allais me présenter. Le manque de sommeil commençait à me peser...
- Tu devrais dormir un peu, murmura t-il un peu plus gentiment.
- Je sais, souriais-je.
- Tu stresses ?
- Evidemment, soufflais-je. Je ne parais peut-être pas être une groupie mais je reste une fan. J'espère juste ne pas fondre en larmes... je suis tellement à fleur de peau quand je n'ai pas dormi.
- Alors dors, sourit-il.
- Je vais essayer...
Je m'installai confortablement, écouteurs dans les oreilles. L'album Mono pour me détendre et me bercer. Mes pensées vagabondaient pour imaginer ma rencontre avec eux, mes possibles réactions. J'espérais vraiment apparaître un peu mature. Je ne voulais pas les "impressionner" mais au moins faire bonne impression. J'essayais d'imaginer le pire, le meilleur, je repassais tous les schémas en tête jusqu'à sombrer dans les bras de morphée.
J'ouvrai les yeux d'un seul coup après avoir fait un horrible cauchemar, une fois de plus. Je me redressai et chercha instinctivement mon précieux talisman autour de mon cou. Accroché à une longue chaine, que je cachais presque toujours dans mes vêtements, je pensais que de la garder près de moi ne me ferait plus de mal que de bien, mais cette bague m'apportait une étrange sensation d'apaisement lors d'éventuels moments de peur intense. Je faisais rouler entre mes doigts l'alliance trop grande de mon père et sourit. Elle était magnifique comme toujours, en or blanc, de légères stris ornaient le tout. Et gravé en son centre, le mensonge le plus romantique de tous : "Plus jamais seul". J'avais détourné cette preuve d'amour à mon compte et pensais qu'une partie de mon père restait éternellement avec moi en la gardant toujours autour de mon cou.
- C'est une bague d'homme ? me demanda Sam doucement.
Je le regardai. Il n'avait pas son éternel air moqueur ou taquin, il semblait sincère. Mais je ne me dévoilais jamais autant, à personne. Je rangeai ma chaine dans mon tshirt et détournai la conversation.
- J'ai dormi longtemps ? demandai-je.
- ... Quelque chose comme 3 ou 4h, répondit-il en comprenant à mon regard qu'il s'était engagé sur un terrain miné. Tu te sens mieux ?
- Un peu... murmurai-je.
- Nous allons atterrir à 9h45 heure locale, dit-il en prenant son agenda. Nous devons avoir une réunion avec le staff à 11h, nous aurons juste le temps de poser nos bagages à l'hôtel, nous ne pouvons pas nous permettre d'être en retard. L'après-midi sera libre, mais j'irai surement avec toi régler les soucis administratifs, te faire acheter une carte de transport, de l'argent, et t'expliquer un peu le planning de ces 10 jours.
- C'est très gentil à toi, lui répondis-je.
- Je sais, dit-il d'un air taquin.
Dix jours. Dix jours pour vivre un rêve éveillé. Dix jours pour profiter de Séoul, de vacances, de calme. Dix jours pendant lesquels je vais rencontrer mes idoles. Je tentais de me motiver afin de ne pas rester trop en retrait pendant ce séjour. Le temps allait passer à une vitesse folle, il ne fallait pas que je me renferme sur moi-même. Tout ce que j'avais imaginé leur dire était futile et banal. Que j'adorais leur travail, qu'ils réchauffaient mon coeur avec leurs rires, que leurs chansons rentraient une à une dans mon coeur. J'avais l'impression que mes éventuels mots seraient du vu et revu et que j'allais totalement passer inaperçu. "Je ne les vois pas aujourd'hui, j'ai encore le temps d'y penser", me dis-je intérieurement.
***
- Les garçons vont arriver ?! m'étranglai-je presque en pressant le bras de Sam.
Nous venions d'arriver dans la grande salle de réunion où une trentaine de personnes en costumes et chemises discutaient. Un membre du staff était alors arrivé vers Sam pour le prévenir que les garçons nous rejoindraient d'ici quelques minutes, car leur enregistrement en studio s'était terminé plus tôt que prévu.
- Ce n'est rien, répondit-il en haussant les épaules, ne stresse pas. Ils sont très naturels et sympas... ça va aller, ne t'inquiète pas.
- Tu ne diras pas ça quand tu me retrouveras en PLS au fond de la pièce, bougonnai-je.
- ... tu sais que tu es plutôt drôle quand tu paniques, rit Sam.
Il posa sur moi un regard moqueur. Il était très calme et détendu. Je soufflai un bon coup et tentai de capter sa zénitude.
Mon coeur sursauta lorsque la porte de la pièce s'ouvrit et que les garçons rentrèrent tour à tour. Namjoon, Yoongi, Jungkook, Taehyung, Hoseok, Jin et Jimin. BTS. Les garçons saluèrent tour à tour les membres du staff près de la porte puis s'alignèrent devant moi. Ils étaient incroyablement grands. J'eus l'impression qu'ils me dominaient de plus d'une tête. Leur aura était forte, je sentais leur puissance rien qu'en les regardant. Il n'étaient que peu maquillés, et Yoongi et Jungkook portaient un masque. Ils étaient bien évidemment tous très beaux, habillés simplement, mais ce sont surtout leurs regards, très profonds, qui me transperçèrent. C'était comme se faire remarquer à un concert, multiplié par 7. Mon coeur battait si fort dans ma poitrine que j'eus l'impression que l'on pourrait distinguer ses contours à l'oeil nu. Ils avaient tous les mains jointes ou derrière leur dos.
- Bonjour Mlle l'auteur, bienvenue, me dit Namjoon en souriant.
- Bonjour, je... Je suis ravie de vous rencontrer, dis-je en baissant maladroitement la tête.
- Bon, on va commencer la réunion, veuillez prendre place, dit alors le producteur.
Une longue discussion commença à propos des changements apportés à la fictions. Bien évidemment, l'histoire n'allait pas se passer en France mais en Corée, tous les acteurs allaient être coréens. Ils étaient encore en train de réfléchir au prénom du personnage principal. Presque tous les acteurs avaient été choisis, les dernières auditions auraient lieu d'ici la fin de la semaine. Ensuite, tout le staff ainsi que les garçons allaient entamer 2 mois de tournage. Une sorte de record pour un drama, mais l'emploi du temps des garçons ne permettaient pas de délai supplémentaire. Tout le monde, staff compris, allaient s'installer à Sokcho, une ville au nord de la Corée du Sud, près de l'aéroport international de Yangyang. Chacun des membres reçut une ébauche de script qu'ils feuilletèrent. Ils prirent des notes minutieusement sur les parties du scénario qui les concernait, pendant que le producteur leur relatait l'histoire, mon histoire. Je les regardai discrètement. Ils étaient en fait exactement comme je l'imaginais mais j'avais encore du mal à croire que je les avais devant les yeux. Ils étaient tellement beaux. Naturels mais vraiment beaux. Chacun d'entre eux avait une réelle beauté, particulière, unique. La manière qu'ils avaient d'agir, de réagir, j'étais comme hypnotisée par leurs simples mouvements, comme si je ne voulais manquer aucune interaction quelle qu'elle soit. En particulier Taehyung. J'eus l'impression d'avoir devant moi un mannequin fraîchement maquillé qui posait pour une publicité, alors qu'il ne faisait qu'écouter et respirer. Il avait une beauté naturelle hypnotisante. Quelqu'un prononça mon prénom ce qui me sortit de mes pensées.
- L'auteur de la fiction originale, Lucie Foster, ici présente, donnera son avis sur les modifications apportées et sur diverses scènes en accord avec notre contrat et avec ses droits.
Je souris maladroitement alors que tous les regards se portèrent sur moi.
Après quelques explications supplémentaires sur le déroulement de la semaine, la réunion se termina et nous fûment tous invités à rejoindre une autre pièce pour un apéritif. Fidèle à mes habitudes, je me terrai dans un coin, un verre à la main, n'osant pas aller voir qui que ce soit. Sam, le seul avec qui j'aurais pu converser était occupé à discuter. Me greffer à une discussion était impossible, j'aurais eu l'impression de déranger, de faire tâche. Je vis deux jeunes femmes magnifiques me dévisager et je sentis le rouge me monter aux joues. Je me postai près de la fenêtre afin de ne pas paraître trop penaude et observai le paysage. Nous étions au 10ième étage, et le building offrait une vue imprenable sur Séoul.
- Séoul est une ville magnifique, n'est-ce pas? dit une voix grave en coréen.
Je me retournai vers cette voix on ne peut plus familière. Jimin et Hoseok se tenaient devant moi, verre à la main et sourire aux lèvres. Je remerciai intérieurement Seung-ho pour toutes ces années à pratiquer le coréen.
- Je n'ai pas encore eu l'occasion de beaucoup visiter, admis-je maladroitement. Mais oui, elle a l'air magnifique.
J'avais réussi à faire une phrase sans bafouiller, un miracle.
- Tu sais, il ne faut pas te sentir mal à l'aise avec nous, me sourit Hoseok.
- Oui, c'est vrai, ajouta Jimin, tu peux venir nous parler, il n'y a pas de soucis.
- C'est gentil, chuchotai-je. Je dois avouer que je ne réalise pas vraiment...
Je pris une gorgée maladroite de mon verre.
- Tu sais, commença Hoseok, je suis très content de faire ce drama.
- Moi aussi, renchérit Jimin, j'adore être l'un des rôles principaux, mais j'espère être à la hauteur.
- Mais que dis-tu, lui rétorqua Hoseok, tu vas être génial, comme d'habitude.
- Facile à dire pour toi, lui dit Jimin, tu n'as pas de romance à avoir.
- Oui, mais je dois pleurer... ajouta Hoseok.
- Tu n'as qu'à penser aux blagues de Jin, répondit Jimin un peu plus doucement.
Je ne pus empêcher un petit rire de sortir et les deux garçons se tournèrent de nouveau vers moi.
- Voilà, on a réussi à détendre notre auteur, dit Jimin en me souriant.
Je souris. Ils étaient donc venus me parler parce que j'avais l'air stressée ?... Des sucres.
- A propos, dit Hoseok, hm... on voulait vraiment te remercier...
- Moi? questionnai-je. Pourquoi?
- Il y a quelques semaines, ma sœur m'a appelé pour me dire qu'elle avait lu une fiction fantastique. Elle avait aimé ta façon d'écrire et les émotions que tu transmettais. Elle m'a dit "L'auteur vous aime tous profondément, et elle a su capter des bouts de vos personnalités très adroitement".
- Je suis flattée, répondis-je doucement.
- J'ai lu aussi la fiction originale, ajouta t-il. Ca se lisait très bien et c'était vraiment très agréable. Il y avait beaucoup de références, de messages subtils... et j'ai aussi beaucoup ri quand tu décrivais les membres.
- Au fait... murmura doucement Jimin avec une moue. C'est vrai que je louche trop avec des lentilles?
Je devins rouge vif à cette dernière déclaration.
- Jimin, je ... balbutiai-je. C'était... en fait...
- Je rigole, sourit-il. Les autres n'arrêtent pas de me taquiner avec ça.
- Je suis vraiment désolée, dis-je en m'inclinant maladroitement.
- Et voilà, s'écria Hoseok en se rangeant de mon coté. Tu l'as mise mal à l'aise, regarde !
Je jetai un regard à ma droite et regardai Hoseok qui était maintenant très près de moi. Il n'était certes pas maquillé mais avait un visage doux et des traits fins. J'admirais la courbe de son menton, si bien dessinée, qui semblait faire écho à son sourire. Ses fossettes adorables étaient visibles sur ses joues, ce qui rendait son attitude encore plus adorable. C'était vrai ce qui se disait, il avait un calme et une aura rassurante. Il était simple, souriant. Malgré mon coeur battant, je me sentis mieux, rassurée.
"Jimin, Hobi, on y va!"
- Désolé Lucie, on doit y aller, on a d'autres rendez-vous, me dit Hoseok.
- Oh je vous en prie, répondis-je. Merci d'être venus me parler.
- Demain, nous sommes occupés, mais on aimerait vraiment discuter avec toi de nos rôles respectifs, ajouta Jimin.
- Demain, il n'y a que la vocal line qui est occupée, bougonna Hoseok.
- Voyez-vous demain alors, répondit Jimin en haussant les épaules, on se verra plus tard, d'accord chère auteur?
- Oui bien sûr, répondis-je, je suis à votre disposition.
- A demain alors, me sourit Hoseok en s'éloignant avec Jimin.
Ce premier contact, même bref, m'avait énormément rassuré. Ils avaient l'air de gens "normaux" . Non pas que j'en doutais réellement mais je ne pensais vraiment bien être si bien accueillie. Je me souvenais des mots de Ludivine avant de me laisser "Vis cette expérience à fond, sans regrets. Ouvre toi, je sais que tu en es capable."
- Mademoiselle Foster... m'interpela le réalisateur.
- Oui, Monsieur Jung ? dis-je en me retournant.
- Tout va bien ? demanda t-il.
- Oui bien sûr, répondis-je en souriant, je réalise la chance que j'ai d'être là et je vous en remercie.
Il sourit gentiment.
- Vous parlez vraiment bien coréen, dit-il doucement.
- Mon oncle est originaire de Suwon, répondis-je, il m'a beaucoup appris, je lui dois beaucoup.
Je souris en pensant à Seung-ho, qui, tel un professeur, me réprimandait lorsque je faisais des erreurs, puis me tapotait gentiment la tête avant de s'asseoir près de moi pour me réexpliquer les choses.
- Nous voudrions que vous veniez au casting pour le rôle principal, expliqua t-il. Nous avons décidé que votre personnage serait joué par une inconnue du grand public. Nous avons organisé des castings, sans pour autant préciser que les garçons joueraient dedans, par crainte qu'une foule de fan ne prenne la peine de se ruer dans nos locaux. Nous pensons que votre avis, votre feeling, pourra faire pencher la balance.
- J'en serais honorée, répondis-je en souriant.
Cette idée me plaisait. Non pas que j'avais quoique ce soit contre des actrices connues, mais laisser sa chance à quelqu'un d'inconnu et en plus que je peux rencontrer, c'était agréable. Je me sentais toute excitée à l'idée de pouvoir participer à cette aventure, et rencontrer les garçons, en était une autre.
- Votre histoire va plaire au plus grand nombre, j'en suis sûr, déclara t-il. J'espère vraiment que mon travail sera à la hauteur de vos espérances.
J'eus un instant de silence. "A la hauteur de mes espérances" ? Avais-je bien compris ? Le réalisateur, M. Jung, avait dans la quarantaine et était grand et fin. Il avait un léger bouc, des lunettes et un air réellement sympathique. Je m'étais un peu renseignée sur chacune des personnes "importantes" pendant notre trajet en taxi pour ne pas paraître cloche. J'avais lu que M. Jung avait été repéré dans le milieu après un court métrage qui lui avait valu un prix. Il avait ensuite réalisé deux dramas, plutôt apprécié du public. J'avais cru comprendre que ce drama allait provoquer un bon fulgurant dans sa carrière. Peut-être avait-il quelques doutes ?
- Je n'en doute pas une seconde, souris-je poliment. Cela va être un plaisir de travailler avec vous.
Je tendis la main et il me la serra sincèrement.
Ces premiers contacts m'avaient rassurés au plus haut point. Le réalisateur semblait réellement être content de travailler avec moi. Je ne pouvais pas en dire autant du producteur, M. Yoo, qui me paraissait assez austère. Je n'aimais pas le regard qu'il m'avait adressé un peu plus tôt. Avec mon attitude solitaire des dernières années, j'avais eu le temps de beaucoup observer le monde qui m'entourait. J'avais appris, un peu comme dans Lie To Me, à décrypter les expressions faciales afin d'y détecter du mépris, de la surprise, d'éventuels tensions. Cela me permettait de fuir les gens que je présumais hypocrite. Et ce sixième sens, malheureusement, allait me donner raison ...