Nouvelles des ruelles

By Chetiflo

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Couverture par LeaaaMgt : https://my.w.tt/Tr1RxKwby5 Un employé de bureau. Une femme de maison immonde. Un c... More

Une (en)quête de fortune
La cavalcade
Le commerce triangulaire

Le réceptionniste

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By Chetiflo

Un homme vit dans une immense ville. De neuf heures du matin à neuf heures du soir, six jours sur sept, il travaille au titre d'employé à la réception dans une banque d'affaires. Une gigantesque tour de verre, surplombant le centre-ville.

Il ne mesure pas grand-chose derrière sa vitre, parfois on l'oublie, où on le confond avec un autre dans la rue. Son quintal et ses frêles épaules, voilà tout ce qu'il supporte. Attablées sur comptoir, elles s'échinent à compter, recompter et décompter billets, chèques et sociétaires. Aux coups de midi, il ingurgite un sandwich à la viande fade et au pain farineux, durant un temps imparti de trente minutes et exactement zéro seconde de plus.

Ensuite, il reprend ses activités de fourmi.

Après sa journée de labeur, l'employé rentre chez lui, accompagné par un mal de crâne sur son chemin pédestre. Le brouhaha permanent de la foule n'aide pas. Il enfile des Boules Quies ainsi qu'un masque à oxygène, contre cette pollution qui a emporté son père d'un cancer des poumons vers cinquante-huit ans. Toute sa vie, il avait bossé à la campagne et ensuite à l'usine. Toute sa vie, il avait cotisé, économisé, mis de côté pour une retraite dont il a profité six mois. On s'extirpe d'un trou pour finir dans un autre, on s'échine, on crève. Telle est la voie pour l'Humanité. Pas de repos pour les braves, pas de répit pour les petits.

Le réceptionniste vivote dans un minuscule appartement, niché parmi deux mille cinq cents autres où chacun partage ses moments intimes. Il retrouve sa femme,avachie dans le canapé, qui change elles différentes chaînes d'informations en tenant mollement sa télécommande aux touches graisseuses et salées.

Son autre main s'accapare des chips aux crevettes et de calamar.

Naturellement, elle ne bosse pas, contrairement à son estomac et son foie.

L'homme demande comment elle va.

« Hm » souffle-t-elle, sans détourner les yeux de l'écran plat en résolution ULTRA HD, diagonale de cent-cinquante centimètres.

- Qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui ?

- Les courses.

- Je vois.

- Quoi ? Je suis fatiguée.

- Et moi je suis en pleine forme après neuf heures de travail...

- Ça n'a rien de compliqué. Moi aussi je sais compter.

- Alors dans ce cas,tu as avalé combien de chips ?

La femme balance un geste grossier avec son majeur.

L'homme part dans la salle de bains, en compagnie d'un léger sourire sur ses fines lèvres.

Il prépare une serviette et entre dans sa douche aux parois teintées de calcaire.

L'eau chaude lui procure une sensation délicieuse,revigorante. Elle lui fournit une bonne excuse pour prendre du plaisir.

Sous le cliquetis des gouttes qui couvrent ses frémissements de palpation.

Il fantasmait sur des jeunettes, aux petits seins durs, aux jambes galbées et à leur postérieur cambré.

Il avait maté tellement de vidéos pornographiques que sa mémoire possédait assez d'images pour rassasier mille pervers du siècle dernier qui se paluchaient avec leur imagination.

Son couple n'avait plus baisé depuis deux ans. Évidemment, la poule réclamait son coq.

Mais, le cœur n'y était plus. Le pénis et les couilles non plus.

Et même s'il s'y mettait sérieusement encore fallait-il parvenir au soulèvement de sa vénus éléphantesque. L'autre jour, l'employé a vu un reportage sur la pêche pour les baleines à bosse. L'alpaguer avec un filet, la harponner et enfin la hisser jusqu'aux entrepôts pour la découper. Malgré la grue, dix hommes s'avéraient nécessaires pour la rouler d'un mètre au point de tractage. Par mégarde, le salarié n'a guère retenu le nom du port où ceux des marins. Il aurait dû, car au rythme alimentaire de sa femme... Bientôt, il faudra contacter la NASA pour qu'ils ne la confondent pas avec une nouvelle lune derrière leurs télescopes. Sans parler du trou, il valait mieux détenir un excellent GPS avant de s'y embrayer.

En sortant de la salle de bains, la maigrichonne avait laissé des miettes partout sur le canapé et la table basse avant d'aller s'échouer dans le lit conjugal.

L'homme s'emploie au nettoyage avec son aspirateur.

Ensuite, il se pare d'un pyjama en fausse soie d'Orient. Il rejoint sa femme dans la chambre, et s'endort. Enfin, avant il s'est demandé s'il n'aurait pas obtenu meilleur compte de roupiller sur un tapis, plutôt que d'essayer de trouver les bras de Morphée une fesse sous la couette et sa sœurette à l'air.

Le smartphone sonne et affiche huit heures pile. L'homme grogne et tape l'écran bleuté. « Putain » mugit-il.

Du côté de la table à manger, la mégère l'attend. Elle s'empiffre de tartines, beurrées de cacahuètes et de Nutella. Sous la table en plastique premier prix, la princesse arbore ses arpions nus.

Autrefois, ses chevilles gorgées d'eau se tenaient gracieuses et non graisseuses. Autrefois, elle pratiquait de la danse classique. Depuis son enfance, sa silhouette était forgée par ses mouvements d'équilibriste. L'homme est tombé amoureux lors d'un de ses spectacles sur scène présentant une myriade de costumes somptueux et de chorégraphies exigeantes. À la fin de la représentation dans son quartier, il est parti tenter sa chance avec peu d'espoir dans le cœur. Elle représentait la reine, la tête d'affiche,l'élite de sa troupe. Tandis que l'homme n'était qu'un maigrelet sans aucun talent artistique.Mais bon, depuis la nuit des temps les fesses des femmes hypnotisent l'entre-jambes des mâles et les poussent à commettre une pléthore de démarches maladroites.

Surprise, elle a refusé. « Qui t'es ? Vire des coulisses », a-t-elle lâché.

Une rupture des ligaments croisés au spectacle suivant, et sa fin de carrière furent annoncées par plusieurs médecins.

Elle avait tout misé en elle.

L'homme n'est revenu que plus tard dans sa vie, lorsqu'elle l'a servi dans un Mac Donald's.

Il occupait un emploi stable, elle détestait le sien. Son minois se présentait itou pas trop mal, malgré les volutes des friteuses sa peau ingérait chaque jour, et lui restait encore un peu subjugué par le souvenir de sa prestation.

Que fallait-il plus ?

- T'as faim ? demande-t-elle les miettes aux lèvres. Mange quelque chose avant d'aller bosser, sardine sans huile.

- Deux tartines, un jus d'orange et je m'arrête là, acquiesça l'employé.

- Comme nos relations sexuelles, une branlette sous la douche... et ça s'arrête là.

- Pourquoi tu dis ça ?

- Parce que t'es un cochon qui oublie que toutes les parois dans la douche ne sont pas rincées.

- Oui, ça va. Tu t'en doutais un peu non, après cette longue période d'abstinence ?

- C'est parce que je suis grosse, c'est ça ?

- Mais non ,voyons.

- Tu ne m'aimes plus. Tu regrettes mon corps d'athlète de jadis.

Avoue-le. En prime, je chôme à cause de ma lenteur aux tâches manuelles, et bientôt il faudra me remorquer pour passer de la chambre vers la salle à manger. Alors, avoue-le, bordel de merde, que je ne t'attire plus. Tu étais le dernier mec qui avait cette lueur dans le regard quand je lui parlais. Mais tu vas t'enfuir,comme tous les autres.

Elle pleure, en usant son poignet pour maintenir sa tête effondrée.

- Voyons, chérie, j'admets que notre vie sexuelle n'est pas palpitante. Mais je t'aime toujours.

Elle essuie ses larmes et répond :

- Vrai ?

- Bien sûr ! Ton poids n'écrase pas les sentiments que j'éprouve pour ta personne. Tu es charmante, attentionnée, odieus... au demeurant admirable face à la vie.

- Prouve-le.

Cette dernière sentence résonne dans la cavité crânienne de l'employé. Appliqué et dynamique ou déconcentré et flegmatique selon les heures d'affluence, rien ne parvient à stopper cette phrase qui se répand dans son cerveau tel un virus. Pis encore, les conséquences liées à cette phrase. Le néo-puceau n'avait jamais tiré son coup avant sa compagne actuelle qui certes, valait ce qu'elle valait, néanmoins, elle accompagnait son homme. Jusqu'où irait-on pour éviter la solitude ? Il s'est toujours comporté en manche avec la gent féminine. Mais là, il ne pouvait pas y couper, il fallait qu'il s'y colle. Comment bander quand votre conjointe s'inscrit plutôt dans une autre espèce animale ?

La queue en face du guichet s'agrandit.

Son chef le recadre : « Bosse, crétin, tu compteras les mouches chez toi ! »

L'employé se remit au boulot jusqu'à vingt-et-une heures.

Plus cinq minutes pour inadvertance.

Enfin sorti du turbin, il marche dans les rues de la ville tout fixant le bitume et ses pompes. Il relève la tête au niveau du caniveau, un marché nocturne est dressé sur la place d'en face. L'employé décide de s'y aventurer dans l'idée d'y trouver du viagra de contrebande.

Derrière d'autres étals bondés de monde. Un marchand accoste les passants depuis une estrade : « Venez goûtes à nos remèdes aphrodisiaques, messieurs-dames ! Attention, produits rares, il n'y en aura pas pour tout le monde ! »

-Voyons ça, s'avance l'employé.

- Ah monsieur est intéressé par la médecine douce ! Tout est garanti bio, cent pour cent naturels ! De quoi souffrez-vous ?

- Ben heu, souffla l'homme, intimidé.

- Des problèmes de plumard ? Faut pas avoir honte bonhomme, ça arrive à tout le monde !

- Taisez-vous, c'est pour un ami !

- Hm. Alors je vends toutes sortes de remontants ici et là ! Mais celui que je vous conseille c'est celui-là !

Le marchand empoigne une fiole verte, avec de la poudre noire à l'intérieur. Sans aucune étiquette.

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

- De la poudre magique pour hisser le chapiteau.

- C'est illégal ?

- Non ! Pour qui me prenez-vous ? Jamais je ne risquerai la confrontation avec nos admirables autorités !

- Et combien elle coûte votre soupe ?

- Trois fois rien !

- Oui, mais combien ?

- Trois fois rien !

- Donnez-la alors.

Le marchand se rapproche de l'homme et lui souffle un prix.

« Hein ? S'offusqua-t-il. Il y a de quoi me nourrir pendant une semaine ! »

- C'est le prix de la virilité cher monsieur. Vous ne trouverez pas plus efficace ou moins cher ailleurs. À moins bien sûr, d'aller voir un médecin qui classera le dossier chez les « impuissants ». En prime, ça soigne aussi les maux de tête !

- Bon, c'est d'accord.

- Buvez ça dès maintenant, ça fera effet pour ce soir

- C'est pour un ami.

- Pardon, j'avais oublié.

L'employé repart avec son médicament et boit l'intégralité de la fiole sur le chemin vers l'éternel devoir du mâle.

Et si ça ne fonctionne pas, alors la pitance s'amenuisera.

Sur le plateau de tournage,une présentatrice de télévision aux cheveux noirs,lisses, descendant sur son cou blanc, démarre son émission :

« Il semble qu'un nouveau virus soit découvert dans la ville de Wuhan, province d'Hubei. Un employé de banque vient de décéder ainsi que sa compagne, et les soignants l'ayant côtoyé. Le pangolin africain, dont la vente est interdite depuis deux-mille-dix-sept, serait le responsable de cette transmission envers l'homme, car il apporterait des vertus aphrodisiaques. L'ensemble de la ville est confinée jusqu'à nouvel ordre du gouvernement. »

Bref, si vous, cher lecteur, choppez cette merde, voire que vous en creviez, n'oubliez pas, sur votre lit d'hôpital, qu'un impuissant vous l'a mise bien profond.

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