DE SANG ET D'ARGENT T7.5 Wher...

By Shirayukitaki

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DE SANG ET D'ARGENT T7.5. Aleksey sait enfin qui il est, mais bien plus encore ce qu'il est. Après de longues... More

- Wherever you are -
Inspiration WYA
Meute
1 | Aleksey
2 | Mitsuha
3 | Aleksey
4 | Mitsuha
5 | Aleksey
6 | Mitsuha
7 | Aleksey
9 | Aleksey
10 | Mitsuha
11 | Aleksey
12 | Mitsuha
13 | Aleksey
14 | Mitsuha
15 | Aleksey (1)
15 | Aleksey (2)
16 | Mitsuha
17 | Aleksey
ÉPILOGUE
Note de fin WYA

8 | Mitsuha

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By Shirayukitaki

Nous nous faisions face, nous tournant plus ou moins autour. C'était un jeu de jambes, mais avant tout, un jeu de concentration qui demandait une maîtrise de soi très poussée. Aodh était très bon à ça et j'aimais l'avoir pour adversaire. Lui apprendre jōdō n'avait pas été très compliqué, surtout pas pour lui. Aodh était le genre de personne qui adorait élargir ses connaissances et qui avait une facilité d'apprentissage déconcertante. Ce qui n'était pas pour me déplaire. Je pratiquai bon nombre d'arts martiaux depuis mon plus jeune âge et pouvoir le pratiquer chez moi était un avantage. Je n'étais pas fan des dojos. Et Aodh était l'adversaire parfait, parce qu'il était à la fois à l'aise dans la défense et dans l'attaque.

Depuis quelques années j'étais beaucoup plus assidue dans ma pratique du jōdō. Ce n'était pas aussi épuisant qu'un autre art martial, mais j'aimais la rigueur que ça demandait.

Un pas en avant. Aodh attaqua avec son bokken et je parais. La puissance de frappe de la Main de la meute se répercuta dans mes bras et me fis grincer des dents. Aodh ne se retenait pas avec moi. Il savait que ça ne me rendait que plus hargneuse dans mon désir de lui mettre la pattée. Et monsieur adorait ça.

— Tu n'es pas très concentrée aujourd'hui, louve, grogna Aodh avec un sourire.

Je ne cherchai pas à nier. Aodh vivait avec moi. Il me connaissait. Il savait très bien reconnaître mes humeurs, mes démons. Tout comme moi-même je savais pour lui. Notre rôle n'était pas de nous juger. Aodh était mon ami. Mon confident et j'avais appris à compter sur lui à n'importe quelle situation.

— Ça ne m'empêchera pas de te battre, petit loup.

Mon corps bougea avec toute la grâce qu'Obaasan avait mis tant de décennies à nous inculquer. Elle avait été inflexible, même alors que je n'étais qu'une enfant et bien souvent, j'avais tenu si longtemps le bâton que j'en avais saignée. Mais cela ne l'avait pas arrêté. Jusqu'à ce que ce soit parfait. Jusqu'à ce que mon corps ne sache plus ce que voulait dire « limite ». Parce qu'il n'y en avait aucune.

Pas d'ordre physique. Le mental, c'était autre chose.

Avoir revu Alek m'avait complètement retournée.

Le nier n'était pas envisageable.

Devinant sûrement le fil de mes pensées, Aodh m'accula, frappant de plus en plus fort. Nos bâtons claquèrent l'un contre l'autre, emplissant l'espace.

Je reculai, cherchant à me soustraire à l'assaut de mon adversaire. Mes bras vibraient et une fine pellicule de transpiration recouvrait mon front et le dessus de ma poitrine. Tout avait beau être ouvert, offrant une vue parfaite sur mon nihonteien, je mourrais de chaud. Nous nous entraînions depuis plus de quarante minutes et mon corps commençait seulement à entrer dans la bonne phase.

Le sourire d'Aodh se fit plus grand encore et il jeta le bokken par terre avant de se jeter sur moi. On passait aux choses sérieuses. Mon jō roula au sol et je réussis à mettre à terre Aodh au bout de quelques minutes sans aucun mal. Il avait beau être une masse de muscles impressionnante, mon honneur était en jeu et il était hors de question que je le laisse me battre à un art qui venait de chez moi.

J'étais très têtue quand c'était nécessaire. Obaasan aurait été fière de moi. Et elle m'aurait reprise sur mes appuis. Mais ça.

Aodh roula sur le dos et éclata de rire. Son rôle au sein de la meute était limité par ma faute depuis l'ordre de Blake. J'en avais parfaitement conscience et c'est en partie pour ça que j'instaurai autant de séances d'entraînement entre nous. Un très bon moyen d'être en bonne santé et de ne faire qu'un avec soi.

Je me redressai, restant assise sur mes jambes et écartai les pans de mon keikogi. La matière de la veste était rugueuse et pas très agréable, mais j'affectionnai ces vêtements. L'air froid mordit ma peau et je passai une main sur ma nuque. J'étais trempée. Il était temps pour une bonne douche. Je relevai la tête au moment où la paroi coulissait, dévoilant Blake. Il était habillé avec classe et je pouvais même humer les effluves de son parfum. Monsieur avait un rendez-vous ? Ou Ylesia était passée par là ?

Il nous avisa et nous pointa du doigt à tour de rôle :

— Si l'un de vous tombe malade, qu'il ne vienne pas se plaindre. Il fait moins quinze et vous êtes là, comme si de rien n'était.

Un coup d'œil à Aodh qui secoua la tête. Blake le papa poule le retour. Je crois que parfois, le manque de ses enfants se faisait sentir. Ces derniers étaient tous partis depuis pas mal d'années, hormis Nayel, le petit dernier, mais il était très indépendant et même s'il se trouvait toujours à Toronto, il détestait que son père vienne mettre le nez dans ses affaires. Nayel était comme ça. Inflexible et têtu, comme sa mère. Il avait pris un peu de Blake, mais vraiment un tout petit peu. Tous les enfants de la meute étaient des adultes maintenant et je crois que parfois, ça pesait un peu à notre Alpha. Mais ce n'était pas pour autant qu'il voudrait être de nouveau père. Il avait donné d'après lui. Seulement, un peu de reconnaissance de la part de ses mioches n'aurait pas été de trop, comme il le disait si bien.

— Qu'est-ce que tu veux ? demandai-je.

Ma voix n'avait pas d'inflexion particulière. J'étais en colère après Blake et je voulais qu'il le sache, qu'il soit mon Alpha ou pas. Ces ingérences m'épuisaient. Surtout la dernière en date. À trop vouloir contrôler la situation, il m'étouffait et il était hors de question que je le laisse faire. Même s'il pensait le faire pour mon bien, ça ne changeait rien. Je l'avais laissé agir comme il le voulait pendant ces dernières années, mais j'étais capable de prendre les bonnes décisions, moi aussi.

Alek dans la balance y compris. Enfin, c'est ce que j'aimais à penser.

Blake grommela dans sa barbe et se frotta l'arrière du crâne. Il savait qu'il avait merdé, merci Ylesia. Aodh non plus n'en menait pas très large, même si lui n'avait fait qu'essayer d'obéir aux ordres depuis le début. Je ne lui facilitai pas la tâche, c'est tout. Mais ce n'était pas contre lui et il le savait très bien.

— M'excuser ? souffla-t-il.

— Vraiment ?

Je le regardai :

— J'attends.

Il fit la moue.

— Tu es dure en affaires, Mitsuha. Yamada-sama est plus gentille que toi en ce qui me concerne.

Je retins mon rire. Il fallait dire que Blake avait su se mettre Obaasan dans la poche et en un temps record. Je soupçonnai ma grand-mère d'avoir un petit béguin pour lui. Du style : « il me rappelle ton grand-père lors de notre rencontre ». Je frissonnai à cette pensée. Je divaguai un peu. Rien de grave.

— C'est parce que tu lui as fait ton numéro de charme, ce qui ne marche absolument pas sur moi. Tu as été infecte avec moi, Blake. Sans raison. Ani est sous ma responsabilité et tant que ce sera le cas, j'irais voir ses matchs, qu'importe qu'Aleksey soit l'entraîneur.

J'avais débité ma tirade d'une seule traite, essayant de ne pas m'arrêter sur le souvenir de ma dernière entrevue avec Alek.

Sur les mots qu'il avait prononcés devant Mylan.

— C'est mon joueur. Ma femme. Ce sont mes affaires.

Blake leva les deux mains en l'air.

— Je sais. Je me suis laissé emporter. Quand ça vous concerne Alek et toi, je perds un peu pieds. Et à raison, tu me le concéderas.

Je me contentai de hausser les épaules.

Lorsqu'il parlait de moi, est-ce qu'il se référait encore au fait que j'étais sa femme ? Je ne portais plus son nom depuis quelques années et si ce n'était par la meute, plus aucun lien ne nous liait, lui et moi.

Pas même celui de compagnon.

— Je ne vais pas t'empêcher de faire ton boulot. Le petit Ani gagnerait à être connu si seulement il était moins... lui.

Ah ça, je ne lui faisais pas dire. Ce gosse aurait la peau de bien d'entre nous s'il continuait sur sa lancée.

— Je ne t'empêcherai pas non plus d'aller aux matchs. Tant qu'Aodh t'accompagne.

Je gonflai mes joues.

— Il va mieux, non ?

Les yeux de Blake brillèrent légèrement, preuve de la présence de son loup. Ce dernier n'était jamais très loin. La cohésion entre eux deux était impressionnante. Tous les Alphas étaient-ils ainsi ?

Je me souvenais d'Hayate. Lui en tout cas, il était comme Blake, même si à l'époque, il n'était pas encore à la tête d'une meute. Aujourd'hui c'était le cas et d'après Yotsuha, il était entouré de loups puissants.

— Qu'il ait repris pieds ou pas ne change rien, Mitsuha. Les démons restent les mêmes. Et à ce que je sache, toi, tu t'englues encore dans tes crises d'angoisses.

Je fusillai Aodh des yeux. Il l'avait vraiment dit à Blake ? À Blake, bon sang !

— Et alors ?

— Alek n'aurait pas dû te parler.

— Ça fait partie du processus, Blake, lâchai-je, étrangement hors de moi. Tu peux comprendre ça, non ?

— Quel processus ? J'ai déjà vu ça des centaines de fois avec Alek. Il revient parmi nous pour mieux rechuter.

Je secouai la tête.

— Tu n'as pas confiance en ton propre Second.

— Tout comme tu avais perdu foi en ton compagnon et en ton mari, Mitsu. Et à raison.

Je ne l'avais vu que quelques minutes, mais je savais. Je... j'avais vu qu'il était vraiment différent. Qu'il était totalement lui-même.

— Laisse-moi gérer, Alek, d'accord ?

La conversation était terminée. J'étais encore plus en colère après Blake et il le sentit sans mal.

— Qu'est-ce que tu veux ? répétai-je.

Blake soupira et sembla prendre quelques secondes pour apaiser la tension que lui-même devait ressentir.

— J'ai reçu un coup de fil intéressant ce matin, dit-il. L'agent d'Adonis Bellew semblait très intéressé par quelques infos te concernant. Il parlait de vouloir te prendre au sein de leur staff, ce qui pouvait s'avérer compliqué si sur les papiers, tu étais toujours avec les Maples Leafs.

Et voilà que j'étais agacée maintenant. Adonis ne m'avait pas écoutée. Je n'avais aucune intention de quitter Toronto pour le suivre. Et puis quoi encore ?

Je me relevai complètement et retirai l'élastique de mes cheveux.

— Qu'est-ce que tu lui as dit ?

— Que je n'avais aucune idée que ma préparatrice physique visait un autre job, rétorqua-t-il.

— Foutaises, grognai-je. Tu sais très bien que je ne vais nulle part. C'est chez moi ici. Et j'y suis bien.

L'étais-je totalement ? J'avais le mal du pays depuis quelques jours. Avant... avant Alek aurait soufflé cette idée de ma tête en un rien de temps, mais maintenant... J'avais eu Yotsuha au téléphone la veille et Hanabusa ne semblait rien lâcher là-bas. Temee.

— Vraiment ? Ton copain ne semble pas très au courant.

Blake était possessif avec ses loups. Ce n'était plus un secret. Et il pouvait vite devenir mauvais.

— Je vais m'en occuper, d'accord ?

— Je compte sur toi, oui. Et sérieux, Mitsu, un boxeur ? Tu connais la réputation que se traîne ce type ?

Aodh se redressa légèrement, plus attentif soudain.

— Je ne t'ai pas demandé de mettre le nez dans ma vie privée, Blake.

— Je le fais depuis toute cette merde avec Alek, Mitsuha, alors franchement.

Qu'est-ce qu'il m'énervait ! Je traversai la pièce, mais il m'arrêta en attrapant mon bras une fois à sa hauteur. Je levai la tête vers lui :

— Tu es ma louve. Que ce type soit ton nouveau jouet, ton sex friend ou je ne sais quoi, ça me regarde, on est d'accord ?

— Pas du tout, mais est-ce que j'ai le choix ?

Je le plantai là, rageant.

Maudit Alpha.





— Tu as trop forcé, grognai-je.

Mylan eut l'intelligence de ne pas l'ouvrir. Il détourna la tête et fit mine d'être très intéressé parce ce qui se passait plus loin.

Je palpai son genou et sa mâchoire se crispa. Lors d'un match, il y avait maintenant quatre ans, Mylan avait été gravement blessé. Il n'avait pas ouvert sa bouche devant Blake et les autres et m'avait demandé de ne rien dire. Ce que j'avais fait jusqu'à présent, mais s'il continuait comme ça, j'allais devoir le mettre sur la touche pour une durée plus qu'indéterminée.

— Tu ne peux pas continuer à jouer, Mylan. Ton genou est bousillé et ce que tu prends ne changera rien.

Il carburait à je ne sais quel médoc et ce n'était pas bon.

— On en a déjà parlé, Mitsu. Je ne veux pas arrêter.

Je me redressai :

— Vous me faites tous chier avec votre maudit égo ! Défonce-toi le genou encore plus, vas-y !

J'étais dans un tel état d'énervement que je ne savais même pas comment c'était possible.

— Mit...

— Tais-toi, crachai-je. Je ne veux plus t'entendre. Change-toi et dégage.

Je lui tournai le dos et l'entendis choper ses affaires. Son bras se retrouva en travers de mes épaules et il déposa un baiser sur ma tempe :

— Merci de t'inquiéter. Mais ça ira, okay ?

Qu'est-ce qu'il en savait, lui ? Il n'y connaissait rien ! Lorsque la douleur aurait raison de lui, on verrait s'il continuerait à tenir un tel discours. Ne comprenait-il pas qu'il pouvait foutre toute sa carrière en l'air en agissant ainsi ? Mais non, pour lui, tout ce qui comptait, c'était de jouer.

La glace, la glace, toujours la glace !

Stupide loup. Ils étaient tous comme leur Alpha, ah ça, ça ne faisait aucun doute !

— Tu veux que je te dépose ?

Je secouai la tête :

— Aodh vient me chercher. Il est au foyer.

Mylan hocha la tête et disparu du vestiaire. J'éteignis la lumière et rejoignis les gradins et le terrain. Le silence qui régnait était toujours surprenant quand on avait connu l'effervescence durant un match. Je m'installai sur un siège et jetai un coup d'œil à mon téléphone. La réponse d'Adonis m'attendait, ainsi qu'un appel en absence d'Ani. Je demanderai à Aodh de me déposer le voir avant de rentrer à la maison. Je n'aimais pas savoir ce petit tout seul, même s'il semblait se débrouiller. Sembler et le faire réellement était deux réalités bien différentes.

Ma louve remua en moi lorsqu'une présence me parvint.

Aleksey.

Mon cœur cogna plus fort dans ma cage thoracique, se répercutant jusque dans mes oreilles. Si je restais là alors qu'il était ici, Aodh allait m'en vouloir. Mais je fus incapable de bouger. Il ne semblait pas m'avoir vue, ni même sentie. Il enfila ses patins, les laça et chopa sa crosse et le palet.

Il fut sur la glace la minute suivante, évoluant parfaitement.

C'était toujours incroyable à regarder, et pas seulement parce qu'il s'agissait d'Aleksey. Voir un joueur évolué était fascinant, même pour moi qui n'aimais pas la glace. Alek s'amusa avec le palet et l'envoya dans l'un des buts prévus à cet effet après avoir joué de sa crosse. Il s'arrêta plus ou moins au milieu du terrain et se tourna à demi. Son visage se leva vers moi.

Il m'avait sentie, finalement.

Une boule se forma dans ma gorge et je me levai en mode pilotage automatique.

— Mon joueur. Ma femme. Ce sont mes affaires.

Je me retrouvai au niveau du plexiglas et je regardai Alek venir lentement vers moi, glissant sur ses patins.

Il avait une carrure aussi imposante que celle de Mylan. Tout en muscles et en finesse. Un savant mélange.

— Hey, soufflai-je.

C'était drôle de se dire que nous ne nous étions pas vus pendant des années et que là, en l'espace de quelques jours, on se croisait sans vraiment le vouloir. Comme si on défiait le destin lui-même, bien avant de défier les ordres de notre Alpha.

— Hey, répondit-il.

Un silence étrange. De la gêne. C'était aussi dur pour lui que pour moi. Il s'était excusé. Et j'avais été incapable de lui répondre. Idiote que j'étais.

— Tu... hum, étais là depuis longtemps ?

Je rougis, consciente que ça faisait très voyeurisme, non ?

— Un peu. J'aurais dû y aller, mais... tu sais, on perd vite la notion du temps. Parfois...

Est-ce que ce que je disais avait du sens ? Alek se frotta la joue, détournant un instant les yeux.

— Je ne veux pas te mettre dans l'embarras. Vis-à-vis de Blake et Aodh, je veux dire.

— Oh, je... oui, bien sûr. Je...

Nos yeux se croisèrent. Et nous sourîmes en même temps. Un poids en moins sur mes épaules.

— C'est pitoyable, soufflai-je.

Il hocha la tête :

— Niveau collégial je dirais même.

Mon léger rire. D'un point de vue moral, après tout ce qui était arrivé, je n'aurais pas dû me sentir si... à l'aise en présence d'Alek. Bon, je ne l'étais pas à cent pour cent, mais je n'éprouvai aucune peur. C'était irrationnel.

Je cachai mes mains derrière moi et triturai mes doigts.

— Tu as recommencé à jouer ?

— Pas encore. Je ne suis sûr d'être totalement... prêt pour ça. M'occuper des gosses me va plutôt bien. Et c'est un bon début.

Parfois, nos yeux se croisaient et on les détournait le plus vite possible. Lui comme moi. J'ignorai si c'était par faiblesse ou par tout autre chose. Une sécurité ?

— Tu as repris les entraînements ?

Il hocha la tête.

— Et Olivia fait du bon boulot. Je pense que c'est juste dans... ma tête que je ne suis pas prêt.

La franchise d'Alek n'avait pas changé. Il n'avait pas peur de dire les choses, pas peur d'exposer ses faiblesses.

— Ça prend du temps, tu sais, pour... passer à autre chose. Et avancer.

J'ignorai si en prononçant ses paroles, je voulais qu'elle ait un double sens. Mais le fait est qu'elles en avaient. Notre passif à Alek et moi était ce qu'il était. Et ni lui ni moi ne pourrions changer cela, même à grand coup de volonté.

Mon téléphone choisit de sonner à ce moment-là. Aodh avait dû arriver. Déjà ?

Je relevai mes yeux sur le visage d'Alek et me figeai, souffle y compris. Sa main glissa sur ma joue. Je ne sursautai face à l'assaut d'émotions que cela provoqua chez moi.

Je ne bougeai pas.

Il avait la paume calleuse. Chaude. Ses pupilles étaient dilatées. Son visage était tiraillé.

— Je ne crois pas avoir envie de passer à autre chose, dit-il.

Mes deux mains sur sa peau, agrippant son poignet, son bras. Est-ce que je respirai encore ?

Même si j'avais laissé Adonis me toucher, ne serait-ce qu'un peu, je n'avais rien éprouvé de... réel. Pas comme... maintenant.

— Alek, gémis-je presque.

Ne pas le craindre ne voulait pas dire que j'avais confiance en lui. Alek, il était... il était trop fissuré à l'intérieur pour être complètement lui-même.

Il ne me retint pas lorsque je fis un pas en arrière. Rester ici une minute de plus était une très, très mauvaise idée.

Alors, lâchement, je m'enfuis. Le laissant là, tout seul.

* * *

— C'est la loose, m'dame, grogna Ani suffisamment fort pour que je l'entende malgré la cohue ambiante.

— La faute à qui, hein ?

Il leva les yeux au ciel et observa Alek donner les derniers ordres à l'équipe avant le coup d'envoi. Je sentais le petit un peu triste de ne pas pouvoir être sur la glace, mais il était encore en convalescence et jusqu'à ce que je juge qu'il soit prêt, il resterait sur la touche. C'était comme ça et pas autrement. Au moins, pour une fois, Ani semblait le comprendre. Tant mieux, ça m'évitait de devoir livrer une nouvelle bataille. Comme si je n'en avais pas assez.

— Pas ma faute si l'autre crétin savait pas jouer, putain !

Mon coup parti et Ani courba l'échine. Je tournai la tête pour voir Aodh, en retrait, qui surveillait. Qui veillait à ce qu'Alek ne s'approche pas trop. Il tirait la gueule parce que j'avais choisi de venir m'installer là et j'attendais la venue de Blake qui n'allait pas tarder, à n'en pas douter. Je connaissais ces deux-là comme si je les avais faits. Qu'est-ce que ça devait être pour Ylesia !

— Surveille ton langage, soupirai-je, lasse.

Ani me sourit :

— Si je suis gentil, vous m'apprendrez à jurer en japonais, dites ?

Je secouai la tête pour voir Alek revenir par ici. Mon corps se tendit légèrement et je repoussai les images d'il y a quelques jours.

Je fis tout pour ne pas croiser son regard. Mieux valait que ce soit ainsi. J'étais d'une faiblesse alarmante.

— On verra, répondis-je distraitement à Ani qui prit cela pour un oui.

Il ricana et s'installa un peu mieux pour observer le début de la rencontre. J'étais droite comme un i sur le banc, incapable de me détendre. L'arbitre siffla au bout de dix minutes de jeu et Alek hurla après les jeunes.

Il y mettait une telle ferveur que c'était presque comme si tout cela était vital. Pour les joueurs, ça l'était et par extension, pour le coach aussi.

J'avais vu les hockeyeurs après une victoire, leur joie, leur euphorie. Et puis je les avais vus après une défaite, et là... Il n'y avait pas de juste milieu en fait ; c'était soit ils gagnaient, soit ils perdaient. Le reste ne comptait pas. Être fairplay ? Encore moins.

Anibal continua de jacasser, se fichant bien d'être entendu ou non. Aleksey était debout au niveau de plexiglas, tendu, les bras croisés. Même de derrière, je devinais facilement son expression. Concentré, un peu agacé même. Cela me fit sourire et Alek eut la bonne idée de se tourner à ce moment-là. Le rouge éclata sur mes joues et je me raclais la gorge avant de fixer mon regard ailleurs.

Je fronçai les sourcils en voyant quelqu'un dans la foule plus loin.

Que...

— Ne bouge pas, je reviens, dis-je à Ani.

Je ne suis pas sûre qu'il m'entendit, mais déjà je me dirigeai vers Adonis. Parce que c'était bel et bien lui. Il détonait un peu, avec sa stature et son air un peu dangereux. Il ne me vit que lorsque je me retrouvai vers lui. Son lent sourire, même après notre conversation au téléphone après la visite de Blake :

— Qu'est-ce que tu fais là ?

— Je suis venu te voir, beauté vu que tu passes ton temps à m'esquiver depuis cette histoire avec mon agent.

Comment avait-il pu savoir que j'étais ici ? Je n'avais vu Adonis que quelques fois dans le cadre de nos rendez-vous et j'étais sûre de ne jamais lui avoir parlé des matchs. Mais si son agent avait appelé Blake, ils savaient que dans les faits, j'étais encore censée être la préparatrice physique de l'équipe.

— Ce n'est pas le moment, lâchai-je. Je suis occupée et tu n'as vraiment rien à faire ici.

— Oh aller, Suha, j'ai le droit de venir voir un match, non ? Et puis toi et moi on...

J'explosai, tendue :

— Que dalle, Adonis.

J'allais partir de là, mais ses doigts s'enroulèrent autour de mon bras et il serra pour me faire comprendre que je ne lui tournai pas le dos. La douleur engourdit un instant mon bras.

— Fais attention, Mitsuha, je ne suis pas...

Les cris de la foule n'étouffèrent en rien la voix d'Alek lorsque celle-ci s'éleva, juste derrière moi :

— Lâche-la.

Adonis le regarda, serrant plus fort :

— C'est qui lui ? cracha-t-il.

Alek fit un pas et je sentis sa puissance dégouliner de lui, ramper au sol, grimper le long de mes jambes :

— Lâche. Ma. Femme. T'as compris ?

La mâchoire d'Adonis se crispa. Son regard glissa sur moi et ce que j'y lu se passait de mots. Aodh choisit cet instant précis pour apparaître. Il repoussa Alek qui, trop surpris, se laissa faire. Aodh, pensant sûrement que le problème venait d'Alek nous jeta un coup d'œil :

— Filez, dit-il.

J'ouvris la bouche, mais déjà Adonis me tirait à sa suite, sans me laisser ne serait-ce que la possibilité de lutter.

Il n'eut aucun mal à franchir la marée humaine avec sa stature. Il remonta le couloir menant à la sortie réservée au staff et aux joueurs et la porte claque derrière nous.

— Bon sang, Adonis, tu me fais mal, lâche-moi !

Je freinai des quatre fers, mais il n'y avait rien à faire. Il me traîna jusqu'au niveau des voitures, un peu plus loin et alors, il me projeta carrément contre l'une d'entre elle.

— Tu es mariée ?! cracha-t-il.

Il me saisit par le menton et me força à le regarder :

— On ne me prend pas pour un con, salope. Tu entends ?

J'étais trop abasourdie pour réagir. Il était... il était sérieux, là ?

Mauvaise, je réussis à le faire me lâcher et mes deux mains sur son torse, je le repoussai violemment.

— Je t'interdis de me traiter de la sorte ! Pour qui est-ce que tu te prends, sale...

La gifle claqua dans l'air et la puissance qu'il y instilla m'envoya par terre, à moitié sonnée.

Il...

Ma joue pulsa et les larmes montèrent.

— Je vais te dresser, moi, espèce de traînée !

Il s'avança, prêt à frapper plus fort, mais n'en n'eût pas le temps. Alek surgit de je ne sais où et envoya son poing en plein sur le visage d'Adonis qui vacilla à peine.

— C'était la dernière fois que tu la touchais.

La voix d'Alek n'était pas totalement humaine. C'était son loup. Adonis se frotta la mâchoire et éclata de rire :

— Tu tapes comme une fillette.

Tous les deux se jetèrent l'un sur l'autre et mon cri résonna :

— Alek !

Les coups plurent. Alek chancela en arrière, l'arcade éclatée, mais le regard pas moins déterminé. La peur explosa dans mon ventre.

Adonis était un champion de boxe, Alek ne pouvait... il ne pouvait pas...

À chaque coup qu'il prenait, je n'arrivais pas à regarder. C'était trop... dur. Trop douloureux.

Et pour la première fois depuis longtemps, ma louve prit le contrôle et se jeta sur Adonis qui nous tournait le dos. Elle le laboura de coups, mais déjà, il nous attrapait par les cheveux et nous fit passer par-dessus lui pour nous balancer contre un parebrise.

Le choc fut rude. Un gémissement m'échappa et j'aperçus Alek éclater ses poings sur Adonis, encore et encore, comme s'il était possédé.

Deux autres ombres.

Blake et Aodh.

Alek faillit tomber en arrière. Aodh frappa durement Adonis et Blake y mit du sien. Je ne perçus plus que le bruit de la chair et des os.

L'odeur du sang.

Lorsqu'Adonis tomba au sol, ils ne cessèrent pas de le frapper.

Bon Dieu, ils allaient...

VOUS ALLEZ LE TUER ! ARRÊTEZ ! hurlai-je, terrorisée.

Tout se figea. 



🏒 🍡 🏒


Un chapitre presque tout doux au début avec l'interaction Alek/Suha et puis cette fin ! Je sais, on malmène pas mal nos personnages depuis Priam & Honor, mais c'est fait exprès et pour le coup, ça nous changeait un peu de tout ce qu'on avait écrit avant/pendant/après 🙄😇

On se dit à la semaine prochaine pour la suite 😉👍

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