Le ciel était bleu

By plume-fauve

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L'année de première s'est finalement terminée et de l'eau a coulé sous les ponts au lycée Jeanne d'Arc. Si c... More

Prologue : Lili
Chapitre 1 : Thylane
Chapitre 2 : Sam
Chapitre 3 : Olenka
Chapitre 4 : Farah
Chapitre 5 : Lili
Chapitre 6 : Léo
Chapitre 7 : Thylane
Chapitre 8 : Farah
Chapitre 9 : Olenka
Chapitre 10 : Sam
Chapitre 11 : Lili
Chapitre 12 : Thylane
Chapitre 13 : Léo
Chapitre 14 : Olenka
Chapitre 15 : Farah
Chapitre 16 : Sam
Chapitre 17 : Lili
Chapitre 18 : Thylane
Chapitre 19 : Olenka
Chapitre 20 : Léo et Farah
Chapitre 21 : Sam
Chapitre 22 : Lili
Chapitre 23 : Léo
Chapitre 24 : Lili
Chapitre 25 : Olenka
Chapitre 27 : Thylane
Chapitre 28 : Farah
Chapitre 29 : Quand tout s'effondre
Chapitre 30 : Quand la tempête passe
Chapitre 31 : Quand le printemps arrive
Épilogue
La fin
Tome 3 - La vie est belle

Chapitre 26 : Sam

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By plume-fauve

Sam se rendait chez Thylane empli d'optimisme. Il aimait de plus en plus la relation qu'il entretenait avec la belle brune. Ils étaient comme un couple, mais sans ce statut emprisonnant. Sam n'était pas amoureux, mais il l'appréciait énormément. Ce n'était pas un amour dévorateur et passionnel ; c'était une relation douce et simple.

Son ultime discussion avec Lili au bar avait enfin enfin renfermé la blessure de leur relation. Avec Lili, Sam ne s'était pas senti à la hauteur, il y avait un réel déséquilibre dans leur relation. Au contraire, avec Thylane, Sam se sentait lui. Ils s'épanouissaient ensemble dans une relation simple et sans prise de tête dont Sam avait toujours rêvé. Il était certain que les sentiments ne tarderaient pas à suivre. Du moins, il essayait de s'en convaincre. L'ombre de Lili planait toujours au-dessus de son cœur.

Le rouquin avait décidé d'aller chez elle lui rendre une visite surprise. Il était allé chercher des viennoiseries à la boulangerie vegan du coin pour lui faire plaisir. Ils adoraient se goinfrer ensemble. Autre point positif, Thylane était vegan et à ses côtés, Sam arrivait enfin à commencer sa transition vers le végétarisme. Sa relation avec Thylane était parfaite. Elle était tout ce qu'il aimait : sarcastique, naturelle, intelligente. Il se sentait avancer à ses côtés. Et avant d'être quoi que ce soit d'autre, Thyalne était avant tout son amie. Sam se jurait de la protéger.

Il toqua à la porte et à sa grande surprise, ce fut une dame qui ouvrit. Merde, je croyais que ses parents travaillaient le samedi. Sam se retrouva comme un con à l'observer les bras ballants.

"Vous êtes ? demanda t-elle d'un air méfiant."

Ce devait être sa mère, elle avait les mêmes traits asiatiques que Thylane. Sam se racla la gorge, son cerveau refusait d'improviser une réponse cohérente.

"Un ami de Thylane, je peux la voir ?

- Un ami, c'est tout ? Elle eut l'air hésitante. Thylane est partie courir. Tu peux aller l'attendre dans sa chambre.

- Merci beaucoup."

Sam entra dans la maison et usa de son hasard pour trouver la chambre de Thylane. Il monta à l'étage. Thylane était fille unique, ce ne pouvait être que cette petite chambre à l'entrée. Un peu hésitant, avec l'impression de violer son intimité, Sam s'assit sur le lit de Thylane.

Il prit le temps d'inspecter les lieux du regard. Sa chambre était dans un bordel monstre. Si Sam était de nature très bordélique, il ne put s'empêcher de penser à sa mère toxique qui avait toujours rabâché que la moindre poussière donnait une mauvaise image. Pourtant, Sam trouvait une certaine poésie au bordel. Cela donnait l'impression que la pièce était vivante, et non pas une chambre d'hôpital où tout était soigné au millimètre près. Il y avait quelque chose d'apaisant dans la chambre de Thylane, mais il y avait aussi quelque chose qu'il ne parvenait pas à identifier. Un mauvais pressentiment, peut-être ?

Sam parvint à se retenir quelques minutes de fouiller. Mais le temps s'allongea et il finit par se convaincre de jeter un petit coup d'œil. Il ne voulait pas être intrusif, il était juste curieux... Thylane avait tellement de secrets, il voulait juste la comprendre davantage.

Il se retint d'ouvrir les tiroirs et se contenta de fouiller des yeux ce qui devait être le bureau de travail. Un objet attira son attention ; un carnet rouge avec écrit "Journal de bord". C'était peut-être une connerie ou le sixième sens, mais Sam ressentit le besoin irrépressible de le lire.

Il tenta de se retenir de l'ouvrir mais ses mains le brûlaient. Ce n'était pas mauvais de sa part. A la dernière soirée qu'ils avaient passée ensemble, Thylane avait quand même fait une crise de panique alors qu'elle tentait de lui avouer quelque chose. Sam voulait la protéger et se sentait donc légitime d'enquêter. Alors il ouvrit le carnet de bord.

Thylane lui avait toujours apparu comme ayant deux façades : celle qu'elle montrait à tous, la Thylane grande gueule et bon délire, et la plus sombre. Celle qu'elle emprisonnait en elle. Celle contre laquelle elle se battait.

Celle que Sam s'apprêtait à découvrir.

Il inspira un bon coup avant d'ouvrir la première page, bien que plus trop certain de vouloir savoir ce qu'elle recelait. Les premières pages racontait simplement la routine de Thylane à sa rentrée en première. C'était la partie qu'elle avait confiée à Sam : lassée d'être l'intello de service, elle avait commencé à changer de fréquentation et à mal tourner. Elle sortait beaucoup, ne faisait pas toujours des trucs raisonnables. Elle "rattrapait les années de perdues", comme elle les qualifiait. Sam apprit avec surprise qu'elle habitait à Lyon avant de venir ici à Toulouse. Elle ne le lui avait jamais dit. Qu'est-ce qui avait bien pu la pousser à déménager avec sa famille ? Pourquoi n'en avait-elle jamais parlé ?

Et soudain, Sam tomba sur une page aux allures bien sombres. Il se figea. Sa tête lui criait de ne pas lire, mais évidemment, ses yeux se posèrent sur les premières lignes. L'écrit datait de l'année dernière.

Février, 21

Je suis vidée. Vidée de tout sens, de toute part. Je n'existe plus, je ne vis plus, je ne survis plus. Je crois que je vais mourir
Si je meurs, est-ce-qu'on me regrettera ?

Je passe mes après-midi à me goinfrer de sucreries en tout genre, de chocolat, de sodas... et je ne sais même pas pourquoi, j'crois que j'en ai besoin,j'ai besoin de quelques chose pour me réfugier, j'ai besoin de ressentir le goût de quelque chose comme j'ai perdu goût à la vie

Parfois, je rêve de tout recommencer. Ingurgitant des saletés à m'en donner envie de vomir, étalée sur mon lit, j'imagine la vie que j'aurais eu si rien ne serait arrivé ; pourquoi je suis pas restée à ma place ? Pourquoi j'ai été si conne, putain de merde ? Dès le début, je savais que c'était une mauvaise idée de traîner avec ces gens, ils ne m'inspiraient rien de bon

Ça fait tellement mal.

Maman voit que mes cauchemars continuent. Je me réveille, la nuit, trempée de sueur, parfois en larmes, ou parfois le visage baigné de larmes séchées. Ils reviennent, la nuit. Toujours plus forts

Elle m'a dit d'écrire ces cauchemars, de les raconter, pour "relativiser". Elle est si  gentille avec moi, c'est marrant, ça. Tout ça, c'est aussi de leur faute. Tout aurait été différent s'ils m'avaient soutenue. 

Je n'en peux plus. Je vais le faire. Je vais le faire.

Mes cauchemars ont cessé depuis que je les raconte ici, aussi stupide que cela puisse paraître. Je n'ai plus qu'à faire pareil avec leur origine... Peut-être qu'un jour, j'arriverai à en parler avec détachement. En attendant, je dois les affronter

Comme tu le sais, petit journal, tout a commencé en première. Je suis entrée en première L. Ma meilleure amie était en S et vivait sa meilleure amie et je la jalousaisPuis des filles de la classe ont commencé à venir vers moi : Leila et Suzanne. Nous sommes vites devenues un trio inséparable. Je me suis mise à apprécier les sales coups qu'elle faisait parce qu'ils me donnaient l'impression d'être importante. J'étais devenue une putain de connasse. Moi, qui, au collège, avait toujours été discrète et ignorée faisait désormais partie du cercle privé des "populaires".

Je ne sais pas si à ce moment là, j'étais heureuse ou profondément malheureuse. J'avais l'impression d'être vivante, mais au détriment de la mort de la personne que j'étais vraiment. Je ne me reconnaissais plus, j'crois qu'au fond, peut-être que je cherchais aussi à attirer l'attention de mes parents, mais ils s'en foutaient. C'est normal, ils ont d'autres problèmes, c'est dur d'être des migrants et de s'insérer ici. Mes caprices n'en valaient pas la peine.

Les choses ont empiré vite. J'ai commencé à accompagner mes nouvelles amies à leur soirées, où j'ai pris l'habitude de me bourrer à mort et même de fumer. 

Mais un jour, tout a changé. Leila m'a invitée à une soirée chez elle ce 31 octobre, qui a changé ma vie à jamais.

Sam était captivé. Il ne fit pas attention à la date. 

Le 31 octobre. 

L'automne dernier.

Je m'étais faite belle, pour cette soirée. J'avais enfin confiance en moi, au moins physiquement. Il y avait beaucoup plus de monde que je n'aurais pu l'imaginer. Les parents de Leila étaient très riches, avaient une grande maison, et étaient absents du week-end. Je dirais que nous étions au moins cinquante. Au début, je restais avec Leila et Suzanne, mais elles ont fini par rejoindre des garçons qui les draguaient. Je me suis retrouvée à danser seule.

J'étais totalement déchirée, j'avais énormément bu et le monde tournait lentement autour de moi. J'étais seule, et un moment, un groupe de mecs aussi saoul que moi a commencé à me tourner autour. Au début, on riait ensemble avec légèreté - j'étais complètement déconnectée de ce qu'il se passait.

Puis un type a commencé à me coller. Au début, à moitié inconsciente, je l'ai laissé faire et on a dansé ensemble. Il me disait des choses mais j'étais tellement pétée que je ne comprenais pas un traître mot.

Et puis il a pris ma main et m'a emmené dans une chambre. Toujours un peu à l'ouest, je l'ai suivi. Je suis même passée devant Leila, qui, au lieu de s'inquiéter de la situation, m'a montrée un pouce en l'air. Je ne comprenais rien à rien et me laissais guider. 

Je me suis retrouvée assise sur un lit et il a commencé à m'embrasser. C'est là que je suis brutalement revenue à la réalité. J'étais en train d'embrasser un inconnu aussi bourré que moi dans une chambre. J'en avais pas envie. Je me suis écartée et il a froncé les sourcils. Je me rappelle de son expression : celle d'un chasseur qui a perdu sa proie.

Alors que je me dirigeais vers la porte sans rien dire, il s'est précipité pour la bloquer et m'a plaquée contre un mur. J'étais bloquée et je me rappelle de son haleine alcoolisée qui me soufflait de ne pas bouger, de rester calme, "parce que j'en avais envie". J'ai complètement paniqué et lui ai donné un énorme coup de genoux là où il faut, avant de me barrer en courant. J'ai cru que c'était bon, que j'étais tirée d'affaire.

Je suis retournée dans le salon où la fête continuait comme si de rien n'était. Je me sentais si mal, si sale. J'avais besoin de mes amies et j'ai rejoins Leila, qui était en train de pécho son crush. Elle s'est énervée quand je l'ai prise à part et m'a tendue un verre en me disant que tout irait mieux avec ça, et que je devais me barrer parce que je la dérangeais. Elle n'a pas cherché à connaître la raison de ma panique, elle n'en avait rien à foutre, ça m'a fait mal.

J'ai été conne, terriblement conne, et j'ai bu ce putain de verre. Je ne sais ne saurais jamais ce qu'il y avait dedans. Une chose est sûre : après son absorption, le monde ne faisait plus que ralentir. Il tanguait autour de moi, j'avais comme des hallucinations terribles. Alors que j'allais m'asseoir sur le canapé pour reprendre contenance, j'ai vu le type sortir de la chambre et fouiller la pièce du regard. Je n'étais pas en bon état mais j'ai compris qu'il me cherchait. Au lieu de rester à l'abri, le cerveau embrouillé, j'ai pris peur et je me suis barrée de la maison.

Il y avait un petit parc abandonné où on allait souvent avec Leila et Suzanne pour raconter nos potins. L'idée d'y aller pour me calmer m'a parue bonne sur le coup. J'étais torchée et je voyais pas le problème d'aller seule, la nuit, dans un parc abandonné. Il devait être deux heures du matin. La maison de Leila était paumée et il n'y avait pas de voisins pour voir ce qu'il se passait. Je me suis assise sur un banc en tentant de reprendre mon calme, et je me suis mise à pleurer. Je me sentais terriblement mal. J'avais l'impression que mon cerveau allait exploser et mon cœur était en vrac. Il y avait un mois, je menais une vie tranquille et sans histoires, et voilà que je me retrouvais seule et saoule dans un parc abandonné à côté d'une grosse soirée. Et surtout, je n'étais pas heureuse, pas épanouie. La réalité de la vie et des personnes que j'avais toujours idéalisées me frappait en pleine gueule. Comment en étais-je arrivée là ?

Je suis peut-être restée une heure assise en me prenant la tête entre les mains pour oublier ce qu'il se passait en ayant hâte d'être demain, où tout serait enfin terminé. Je m'étais jurée de ne plus jamais boire autant, voir de ne plus sortir tout court. Je ne voulais plus jamais que cela se reproduise. J'étais prête à tout recommencer.

Je ne les ai même pas entendus arriver. Pourtant, leurs murmures et rires me parvenaient, mais comme brouillés, indistincts. Je n'ai relevé la tête que lorsque l'un d'eux s'est accroupi à mon niveau et m'a demandé d'une voix narquoise :

"Bah alors, tu es seule ?"

Ils étaient plusieurs, je les ai reconnu aussitôt. C'était les garçons défoncés qui m'avaient tournée autour, dont celui qui m'avait emmenée dans une chambre. Même si je n'avais pas les idées claires, j'ai aussitôt pressenti le danger et me suis relevée brutalement. Mais en vain : à peine ai-je étendu mes jambes qu'elles se sont pliées sous mon poids. Je n'avais plus de forces, je ne contrôlais plus mon corps, à cause de ce foutu verre que m'avait donné Leila. Ils étaient cinq et m'ont encerclée. C'est là que j'ai recommencé à pleurer.

"Relève-toi ! m'a ordonné l'un d'eux."

Et j'ai obéi, parce que je voulais fuir. Je suis parvenue à rester debout et j'ai tenté de partir en me frayant un passage entre deux d'entre eux. Le garçon de la chambre m'a alors attrapée par les épaules et m'a forcée à me retourner vers lui. Il était grand, baraqué et ses yeux verts luisaient d'un éclat mauvais. Mon cœur battait à cent à l'heure et j'ai à nouveau tenté, en vain, de m'échapper. Il a chuchoté.

"Arrête de faire semblant de vouloir partir. On n'a pas eu le temps de terminer ce qu'on a commencé."

Cette fois-ci, j'ai essayé de lui donner un coup de poing mais mes bras ne répondaient plus et il a éclaté de rire.

"Oh, on se calme, détends-toi. Tu m'as allumée toute la soirée. T'inquiète, ça va aller."

Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais je me suis retrouvée allongée sur le sol. Le connard s'est penché vers moi et a commencé à soulever ma robe. J'ai hurlé de toutes mes forces, je le jure. Je n'étais PAS consentante. Mais ils étaient bourrés, n'avaient même plus trop conscience de ce qu'ils faisaient et étaient donc capable du pire. Alors j'ai réagi comme la majorité des personnes qui se font agressées : mon esprit est sorti de mon corps, je me suis obligée à détacher mon cerveau et ma mémoire de cette situation. Je ne voulais plus rien sentir et ne plus jamais me rappeler.

Et puis, un garçon est apparu à l'entrée du parc. Je ne sais pas pourquoi sa présence m'a interpellée, vu mon état. Mais je me rappelle l'avoir vu regarder la scène avec deux grands yeux horrifiés. Il s'est avancé, comme s'il voulait intervenir. Et puis un grand a gueulé :

"Casse-toi, le microbe, sauf si tu veux qu'on t'achève."

J'étais déconnectée, mais je me rappellerai toujours de son regard. Plus que de la peur, une terreur, celle qui te fait commettre les pires choses.

Et il a fait demi tour,

Et je me suis retrouvée seule. Encore.

Incapable de lire la suite, Sam referma précipitamment cet horrible carnet.

31 octobre. 31 octobre. L'année dernière. Il s'efforça d'inspirer pour se calmer, mais c'était impossible. Les images lui revenaient. Son cerveau avait tenté de s'en débarrasser et de détruire cet horrible souvenir. Il s'était forcé à oublier et sa mémoire avait fait une croix sur cet instant. Mais il suffit d'une flamme pour que l'incendie revienne.

Non, non, non...

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