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Tout à coup, elle se fige, se cognant à ses amis. Ils sont contre un mur. Il y a une porte, mais celle-ci semble verrouillée. Haletante, Erine a l'impression qu'elle va vomir tous ses organes. Elle crache, tant pis pour les bonnes convenances. Le vent se dissipe et le rire diabolique d'Ubert et ses hommes lui parvient. Cette fois, elle n'hésite pas et fait appel aux éléments. Une flamme dans chaque main, elle espère fortement que cela dissuadera leurs assaillants de se rapprocher. L'un d'eux esquisse un mouvement dans sa direction, un rictus moqueur collé aux lèvres. Elle sent le feu vriller dans sa main, il essaye de lui piquer ses flammes, mais ravale assez vite son sourire lorsqu'il constate qu'il n'y arrive pas. Finalement, ce sont les pommettes d'Erine qui se soulève en même temps qu'elle affiche une moue narquoise. Bien naïf celui qui a cru pouvoir la démettre de son feu. La jeune femme a peur de leurs armes, mais a toute confiance en ses pouvoirs. Elle sait qu'ils sont au-dessus des leurs. À moins d'un ancien soldat expérimenté qui aurait mal tourné et terminé dans les bas-fonds, les racailles qui trainent par-là n'ont pas son niveau.
Cependant, Erine ne garde pas sa confiance bien longtemps et ses membres se mettent à trembler quand Ubert pointe sur elle le fusil qu'il a utilisé contre l'un de leur guide un peuplus tôt. Les trois jeunes Contrôleurs savent parfaitement bien manier leurs dons, les éléments leurs obéissent toujours au doigt et à l'œil, mais la situation est si nouvelle et périlleuse pour eux, qu'Erine et ses amis en perdent une partie de leurs moyens. Ainsi, les flammes brûlent dans ses paumes, mais ne les quittent jamais. Tétanisée, elle n'ose pas lancer l'assaut.
— Alors, c'est tout ce qu'on vous apprend à Lorelon ? ricane Ubert.
— Laorelon, le corrige Sehan avec mépris.
Ubert arque un sourcil et Erine a presque envie de reprocher son trait d'esprit à son ami. Est-ce vraiment une bonne idée de reprendre une brute épaisse sur sa prononciation ?
— Je vais peut-être garder que les filles, finalement, lâche Ubert.
Erine écarquille les yeux et si ses mains n'étaient pas prises par les boules de feu, elle aurait agrippé le bras de son ami. Ils sont tous les trois, mais elle se sent seule, sans défense à merci de ces bandits. Il les disputerait plus que jamais, mais elle rêve de voir Loan surgir. Elle a voulu agir en grande fille et mener sa quête peu importe les risques, mais là, plus que jamais, elle aimerait sentir ses bras l'envelopper, la protéger, pendant que d'une pensée, il balayerait Uberts et ses hommes.
Les yeux des gaillards surveillent leurs gestes, les éléments dans leurs mains, prêts à tirer au moindre mouvement.
— Déjà, vos mentaux me rapporteront le double de ce que me doit Treeza, reprend Ubert.
Il s'approche et se permet de toucher le duvet qui entoure la capuche de la veste de Sehan.
— De quel animal provient cette fourrure ?
— D'un cerf de Luminae à poils, répond Sehan, toujours insolent.
— Pauvre bête, ricane Ubert. Finir ainsi, en manteau pour gosses de riches...
— Les cerfs de Luminae sont tondus chaque été afin que leur fourrure ne les étouffe pas et cette dernière est ensuite transformée pour nous tenir chaud, explique le jeune homme sous les yeux ébahis d'Erine et Miolaine.
— Je le garderai peut-être, alors, lâche Ubert.
Erine a du mal à comprendre l'intérêt de cette conversation, jusqu'à ce qu'elle sente les doigts de son ami s'agiter tout doucement. Pendant qu'il parle de vêtements, Sehan retient l'attention d'Ubert et ses hommes qui en oublient ses gestes. Erine cherche des sources d'approvisionnement autour d'eux. Il a dû repérer des éléments à agiter non loin, sans avoir besoin de les créer avant de les diriger sur les assaillants. Et enfin, elle repère une citerne d'eau sur l'un des toits. Les flammes brûlent toujours entre ses mains et elle redoute que leur disparition attire l'attention. C'est le moment pour elle de mettre en pratique ses heures de leçon avec le Capitaine Malcombe. Elle fixe la citerne et imagine l'eau s'extraire et se déverser.
Pendant que Sehan continue de papoter vêtements avec Ubert, le provoquant toujours plus, Erine voit l'amas aqueux sortir doucement de sa cuve. Des litres et des litres d'eau qu'ils s'apprêtent à relâcher et qui vont assurément les tremper. Et alors qu'une partie de l'eau, encore contenue en bloc, tel un glaçon géant, dépasse du bidon, un craquement se fait entendre. Ce dernier capte l'attention d'Ubert qu'Erine voit se tourner vers la source du bruit. La peur lui fait relâcher la pression, ses flammes s'éteignent et toute l'eau qu'elle retenait retombe, provoquant des éclaboussures. La jeune femme voit sa fin venir. Les pupilles dilatées, le cœur au bord des lèvres, elle observe Ubert apposer un doigt sur la gâchette de son fusil.
Un nouveau craquement raisonne, puis Erine voit l'immense cuve s'ouvrir. Les sangles métalliques la maintenant close se desserrent et libèrent toute l'eau. Les yeux exorbités, Erine regarde le torrent se déverser dans la ruelle, emportant tout sur son passage. Les installations de fortune, les balcons bancals sur les maisons cèdent sur le passage de l'eau. Mettant ses mains devant elle, Erine arrive à dévier l'eau juste avant qu'elle ne l'atteigne, et cette fois, elle ne se laisse pas déconcentrer par la satisfaction qu'elle a de voir Ubert et ses gars se faire emporter. Si l'un d'eau à la maîtrise de l'eau, il n'a pas le temps de faire la moindre démonstration. Tous les cinq sont balayés, malmenés, projetés contre des murs pour le plus grand plaisir d'Erine. Des rires et des acclamations résonnent. Des gamins et leurs parents perchés sur des toits, assistent, apparemment ravis, au malmenage de celui qui les tyrannise depuis trop longtemps.
Quelques gouttes passent le rempart invisible créé par Erine, Miolaine et Sehan, mais la vague est en train de passer. L'eau a emporté Ubert suffisament loin pour laisser respirer la jeune femme. Elle entend tousser au loin, les cinq brutes n'ont sûrement pas été les seules à se faire balayer.
— Si on s'en allait, suggère Sehan.
Erine secoue la tête et part à la suite de son ami. Elle n'a aucune idée d'où se trouve la gare, mais fait confiance à Sehan pour les guider. Le sol est désormais détrempé et Erine patauge. L'humidité pénètre ses bottes et frigorifie ses orteils. L'eau échappée de la cuve a également mouillé ses cheveux et des gouttes glaciales coulent dans son cou, se faufile sous ses vêtements, la faisant frissonner. Elle ignore si c'est de froid, de peur ou de fatigue, mais elle n'arrive plus à maîtriser les claquements de ses dents. Elle en arrive à presque pleurer de joie quand la gare aussi délabrée que le reste se dessine au coin d'une rue.
Erine tourne la tête de tous les côtés à chaque pas. Elle redoute de voir débouler d'autres bandits ou pire, Ubert avec son fusil en main, tirant à la volée. Jamais elle n'a autant couru et cette sortie lui a permis de se rendre compte de l'extrême facilité des exercices des simulateurs de Laorelon. Et ce n'est pas fini. Plus que quelques mètres. Un train entre en gare, Erine entend le bruit des roulettes qui grincent sur les railles rouillées.
— Courez ! entend-elle Sehan les encourager elle et Miolaine. On a pas le droit de le rater.
Au prix d'un effort dont elle ne se savait pas capable, Erine pousse sur ses jambes. Elle agrippe la main de Miolaine qui peine quelques centimètres derrière elle. Le train est en gare, elle aperçoit le gros serpent métallique arrêté. Combien de temps va-t-il rester à l'arrêt ? Elle atteint les marches pour rejoindre le quai. Le signal sonore annonçant la fermeture des portes retentit.
— Poussez-vous ! Sehan hurle-t-il aux quelques personnes encombrant le passage.
Erine n'aurait jamais cru qu'autant de monde puisse aller et venir dans cette gare. Au même moment, elle discerne Ubert, dégoulinant, dans sa vision périphérique. Un coup de feu retentit. Erine voit la foule se baisser. La jeune femme ralentit, courbe le dos, mais court toujours.
Un nouveau de coup de feu, des hurlements, des interpellations.
Les portes du train s'enclenche et Erine hésite à s'arrêter net. Les joues et la gorge en feu, elle est prête à s'écrouler. Elle gémit et les larmes brouillent sa vue. Mais, les portes s'arrêtent à mi-chemin et se rouvrent.
Erine ne sait trop comment, mais elle atteint le wagon. Sans prêter attention aux autres passagers, elle hurle, un cri mélangeant l'horreur et le soulagement. Les portes claquent et les roux se mettent en marche pour emporter la jeune femme et ses amis loin de cet enfer.
Par la fenêtre, Erine observe plusieurs bandes se battre sur la petite esplanade en contrebas de la gare. Elle reconnaît Treeza et les deux garçons encore valides qui l'ont escorté un peu plus tôt. Ils échangent coups de poing et coup de matraque avec des gangs rivaux dont Ubert. L'homme dont la rage se lit sur le visage rougi, tire sur le train. Les balles ricochent sur la carlingue jusqu'à ce que le véhicule file sous un tunnel. De l'autre côté du passage, les teints lumineuses des quartiers résidentielles de la classe moyenne Orféiyenne contrastent immédiatement.
Erine respire doucement, expulse tout l'air malsain qu'elle a inspiré dans les bas-fonds. Tremblante, elle rejoint une banquette où elle se laisse tomber. Sehan et Miolaine la rejoignent et tous les trois se blottissent les uns contre les autres. Les larmes coulent à flot sur les joues d'Erine et à plusieurs reprises elle entend Sehan renifler.
— Je n'arrive pas à croire que la Ligue laisse des telles atrocités se produire sur son sol... bredouille Miolaine.
Erine mêle ses doigts à ceux de son amie. Elle aussi a du mal à croire à tout ce qu'elle vient de voir. Comment le cœur d'Orfey peut-il être aussi pauvre ? Elle a déjà entendu parler des bas-fonds, mais elle ne se les imaginait pas si délabrés et abandonnés.
— Comment peut-on prétendre secourir les populations au travers de la galaxie si on ne vient même pas en aider à la notre ? reprend Miolaine.
— Ces gens ne veulent pas être aidés, rétorque Sehan.
Erine est surprise de cette réponse, mais il s'agit peut-être d'un moyen pour lui de se déculpabiliser de vivre dans le luxe et la sécurité alors que des gens souffrent à quelques pas de chez lui.
— Pas tous, certains ne demandent que ça, au contraire, formule Erine, se remémorant le doux visage de Nila.
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Un coup de chance, ou une excellente maitrise des pouvoirs pour ouvrir la citerne ? Ce chapitre était totalement différents avant la réécriture et nos jeunes se faisaient capturer. Cependant, je trouvais que cela donnait une image un peu dégradante d'eux. Ils sont supposées etre l'élite de Laorelon et même à 18 ans, ils doivent etre capables se sortir de ce genre de mauvaises situations ! Que pensez-vous de cette réécriture, du coup ?