Une princesse dans la tourmen...

By Medelyne_d

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Mia est tout simplement désespérée ! Michael, le seul et unique amour de sa vie, lui annonce qu'il part un an... More

MOI, UNE PRINCESSE ? A D'AUTRES !

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By Medelyne_d

INT/JOUR

Le Palm Court - le salon de thé du Plaza Hôtel - à New York. Une adolescente plate comme une limande, aux cheveux ni bouclés ni raides mais formant plutôt un triangle, comme un panneau de la circulation (MIA THERMOPOLIS, quatorze ans), est assise à une table en face d'un homme chauve (son père, le PRINCE PHILIPPE). A l'expression de Mia, on comprend que son père est en train de lui annoncer une terrible nouvelle.

PRINCE PHILIPPE Tu n'es plus Mia Thermopolis, chérie.

MIA, en clignant des yeux Je ne suis plus Mia Thermopolis ? Qui suis-je alors ?

PRINCE PHILIPPE Tu es Amelia Mignonette Thermopolis Renaldo, la princesse de Genovia.

Mardi 7 Septembre, pendant le cour sur l'Intro à la création littéraire.

Elle plaisante ou quoi ? Décrivez une chambre ? C'est ça notre premier sujet d'écriture ? DECRIRE UNE CHAMBRE ? Est-ce qu'elle sait depuis combien de temps je décris des chambres dans mes créations littéraires ? J'en ai même décrit dans l'ESPACE intergalactique, comme dans mon texte sur Battlestar Gallactica qui raconte les amours de Starbucks et d'Apollo. Vous avez ce qui me met hors de moi ? Ce qui me met hors de moi, c'est qu'elle m'ait inscrite au cours sur l'Intro à la création littéraire, c'est-à-dire en junior. Je devrais au moins être dans le niveau au-dessus. Vu mes notes l'an dernier - O.K., je reconnais qu'en maths, elles étaient catastrophiques, mais pas en expression écrite -, elle aurait dû me mettre avec les seniors.
Bon d'accord, les notes à un examen ne veulent rien dire en ce qui concerne le talent (à moins de croire que les correcteurs nous lisent), mais ma note en expression écrite prouvait, justement, que je suis capable de décrire une CHAMBRE. Qu'est-ce qu'elle croit ? Je suis passée aux romans et aux scénarios !!! Car Lilly a raison : la seule façon pour qu'on produise un film réaliste sur ma vie, c'est que j'en écrive le scénario. Elle, elle se chargerait de le tourner. Je sais que ce n'est pas facile de trouver des financiers et tout ça, mais J-P à promis de m'aider. Il connaît des TAS de gens à Hollywood. L'autre jour, ses parents ont reçu le cousin de Steven Spielberg à dîner. Pourquoi Mrs. Martinez ne comprend-elle pas qu'en me mettant en junior au lieu de senior, elle brise mon élan artistique ? Comment la fleur de ma créativité va-t-elle s'épanouir si je ne peux pas l'arroser ? Décrivez une chambre. O.K., je vais vous en décrire une, Mrs. Martinez : "Les quatre murs de pierre se pressent étroitement les uns contre les autres, brillants des gouttelettes d'eau qui tombent du plafond. Une faible lumière filtre à travers une minuscule fenêtre à barreaux, placée en hauteur. Le mobilier consiste en un lit de camp sur lequel repose un simple matelas, et un seau, dont le contenu dégage une odeur infecte. Est-ce elle qui attire les rats, tapis dans les coins, leurs museaux roses frémissant ?" Mia, quand je vous ai demandé de décrire une chambre, je pensais à une chambre que vous connaissiez bien. Si je ne doute pas que pareil cachot existe dans votre palais à Genovia, j'ai du mal à croire que vous y ayez passé beaucoup de temps. Par ailleurs, je sais, grâce à mon adhésion à Amnesty International, que Genovia ne figure pas sur la liste des pays à surveiller en ce qui concerne les mauvais traitements exercés sur les prisonniers, ce qui m'amène à vous poser la question suivante : quand le cachot de votre palais a-t-il servi pour la dernière fois ? Je pense également qu'un homme aussi prévoyant que votre père a dû faire installer depuis longtemps dans son palais un système d'évacuation des vidanges, rendant obsolète l'utilité des seaux pour les excréments humains.

C. MARTINEZ

Mardi 7 septembre, en anglais.

Mia !!!! C'est génial, non ? On commence une nouvelle année ! Et on est en terminale !!!!! Encore un an ici et à nous l'université !!!!!! Au fait, j'adore ta nouvelle coiffure. Tu parles sérieusement ? Pour mes cheveux, je veux dire. On a amené Rocky chez Astor Place Hairstylists hier, ma mère et moi. C'était la première fois qu'il allait chez le coiffeur, et comme il n'arrêtait pas de hurler, j'ai accepté de me faire couper les cheveux pour lui montrer que ça ne faisait pas mal. Je dois t'avouer que j'étais assez surprise quand le coiffeur m'a annoncé qu'il avait fini ! Non, je te promets, c'est super. Tu ressembles à Audrey Hepburn dans "Vacances romaines" ! Qu'est- ce que Michael a dit ? Je ne l'ai pas encore vu depuis mon retour de Genovia. J'ai rendez-vous avec lui ce soir aux Baguettes d'Or. Je compte les heures, tu t'en doutes bien !!! Il m'a dit qu'il avait quelque chose de TRES IMPORTANT à m'annoncer et qu'il ne pouvait pas m'en parler au téléphone. Qu'est-ce que tu crois que c'est ?? Les Baguettes d'Or ? Ce n'est pas vraiment dans son quartier, non ? Il n'est pas encore retourné sur le campus ? Non, pas encore. A mon avis, il va m'annoncer qu'il n'y retourne pas cette année. Qui sait ? Peut-être va-t-il avoir son propre appartement. Tu crois ??? Tu imagines ? Plus de Doo Pak qui débarque sans prévenir ! Et puis, s'il a sa propre cuisine, ça veut dire des dîners en tête à tête !!!!! On verra. En même temps, il avait l'air assez vague au téléphone. Il ferait mieux d'avoir son appartement ! C'est vrai ! A quoi il pense ? Que vous allez vous retrouver éternellement chez ses parents, en présence de Lilly Sans parler de sa MERE ??? Ha, ha. En même temps, la mère de Michael ne se rendrait compte de rien. Elle passe la majeure partie de son temps dans l'appartement de son mari. Les Drs. Moscovitz se sont réconciliés ??? J'espère. Michael dit qu'ils ressortent ensemble !!! Ils feraient mieux de revivre sous le même toit, histoire d'économiser un loyer. Qu'est-ce que je suis contente que mes parents s'ignorent, comme n'importe quel couple normal. Tu as bien raison. Au fait, en parlant de cheveux, qu'est-ce que tu penses des mèches de Lilly ? Il paraît que J-P préfère les blondes. Je ne sais pas. Jamais je n'aurais pensé que LILLY était le genre de fille à toucher à son physique pour plaire à un garçon. J-P doit être un super coup ! Tina ! Ils ne l'ont même pas fait ! Ah bon, je croyais. Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Eh bien, elle l'a invité à la campagne, ce Week-end, non ? Seulement parce que les parents de J-P étaient absents. Mais s'ils l'avaient fait, elle nous l'aurait dit. Tu ne crois pas ? Elle te l'aurait peut-être dit à toi, mais pas à moi Lilly pense que je suis une fille coincée qui ne sort jamais des jupes de sa mère. Ce n'est pas vrai ! Bien sûr que si, mais ça ne me gêne pas. Je SUIS une fille coincée qui ne sort jamais des jupes de sa mère. De toute façon, je ne tiens même pas à LE voir. Alors, le toucher ? Tu imagines ? Je préfèrerais mourir. Tu crois que Lilly a touché celui de J-P ? Certainement pas ! Et puis, elle me l'aurait dit. Je ne l'ai pas revue depuis la rentrée, mais quand même. Elle me l'aurait dit si tu vois à quoi je pense. Enfin, je crois qu'elle me l'aurait dit Elle a touché celui de Boris. QUOI ??? POURQUOI TU ME RACONTES CA ? C'EST DEGOUTANT ! Moi aussi, j'aurais préféré ne pas le savoir ! C'est Boris qui me l'a dit ! MAIS POURQUOI IL T'A RACONTE CA ? A cause du livre que ma tante m'a offert. Tu sais, "Ton petit capital". Ah oui, comme quoi la virginité est un capital que tu dois préserver pour la personne avec qui tu veux te marier, car tu ne peux l'offrir qu'une fois et qu'il ne vaut mieux pas le gâcher avec quelqu'un que tu n'aimes pas vraiment. Exactement. Sauf que le livre ne dit pas ce que tu es censée faire si, après t'être marié, tu découvres que ton mari ou ta femme est homosexuel. C'est vrai que si l'on n'attend pas, c'est le genre de choses qu'on peut savoir avant de se lancer dans les frais d'un mariage, mais bon. Boris a vu le livre dans ma bibliothèque et il avait peur que je prenne mal le fait que Lilly l'ait touché avant moi. Même s'il est toujours vierge. Après tout, elle n'a fait que le toucher. Elle l'a touché PAR-DESSUS son pantalon ou PAR-DESSOUS Par-dessous Je suis désolée, Tina. Je sais que Boris est ton petit ami, mais je crois que je vais aller vomir. Je te comprends, mais regardons les choses en face, Mia. Toi et moi, on va finir par être les deux dernières pucelles d'Albert-Einstein. On dirait le titre d'un livre. Que tu pourrais écrire en plus !!!! Les Deux Dernières Pucelles. Deux filles chaperonnées par leurs gardes du corps payés par leurs pères pour protéger leur petit capital ! Aucun homme ne les connaîtrait avant le soir du bal clôturant la fin de leurs études secondaires !!!! Attention, la prof nous regarde. Tu sais de quoi elle parle ? Qu'est-ce qu'on en a à faire ? Ce qu'on se raconte est bien plus intéressant. Tu as raison, après tout. Alors, tu crois qu'elle a touché celui de J-P, aussi ? S'ils l'ont fait, oui !!! Non, ce n'est pas possible. Elle me l'aurait dit. Tu ne crois pas qu'elle me l'aurait dit ? Peut-être. Tu la connais depuis la maternelle, tu es mieux placée que moi pour le savoir. En même temps, elle est BLONDE maintenant. Hé ! Je suis blonde, moi aussi. Et je ne me suis toujours pas séparée de mon petit capital. Pardon, j'avais oublié.

Mardi 7 Septembre, pendant le cours de français

Comment Tina peut-elle penser que Lilly et J-P l'ont fait cet été ? Je n'arrive pas à y croire. C'est ridicule. Lilly me l'aurait DIT si elle avait offert son petit capital à J-P. Non ? En plus, J-P n'a même pas dit à Lilly qu'il l'aimait d'AMOUR. Est-ce que Lilly coucherait avec un garçon qui ne lui a pas avoué sa flamme ? Elle, elle lui a dit des milliards de fois qu'elle l'aimait, et tout ce qu'il a trouvé à répondre, c'est Merci. Ou Je sais. D'après Lilly, c'est sa façon de rendre hommage à Han Solo. Personnellement, je trouve que J-P n'est pas très clair. C'est vrai, quoi. Lilly et lui sortent ensemble depuis six mois et il ne la présente même pas comme sa petite amie. Quand il parle d'elle, il dit Moscovitz. Michael aussi m'appelait par mon nom de famille. Mais c'était AVANT qu'on sorte ensemble. Encore une fois, est-ce que Lilly coucherait avec un garçon qui l'appelle Moscovitz et la présente à ses copains en disant "une amie" et non "ma petite amie" ? Non, ce n'est pas possible. Elle ne peut pas l'avoir fait. Même si elle est blonde maintenant. Elle m'a raconté qu'elle s'était fait teindre les cheveux parce que l'un des producteurs qui a mis une option sur Lilly ne mâche pas ses mots lui a expliqué que si elle avait les cheveux blonds, son visage paraîtrait moins irrégulier. En même temps, ce n'est un secret pour personne que J-P aime les blondes. Keira Knightley est la fille de ses rêves, et J-P est le seul garçon à ma connaissance à avoir vu Orgueil et Préjugés aussi souvent que Tina, Lilly et moi. Au début, je pensais que ce qu'il appréciait, c'était l'adaptation du roman à l'écran, mais il m'a avoué que c'était parce qu'il admirait une certaine jeune fille mince, élancée et blonde (ce qui est curieux car Keira n'est même pas blonde dans le film). Pauvre Lilly. Elle peut perdre tous les kilos qu'elle veut et se teindre en blonde, elle ne sera jamais ELANCEE. Du moins, elle ne fera jamais 1,70m comme Keira. Au fait, je me demande si c'est de ça dont veut me parler Michael ce soir qu'il sait au sujet de Lilly et de J-P ! J'espère pas. Parce que si Lilly l'a fait et si elle l'a dit à Michael, je ne saurai jamais le fin mot de l'histoire. Au secours ! Mlle Klein nous demande d'écrire un texte de 200 mots. Voici le sujet : Raconter une soirée palpitante avec des amis.

Par une palpitante soirée, mes amis et moi-même, nous nous sommes installés devant la télévision. Les choix nous ont paru illimités. Avec le câble, n'importe quel programme est possible. Et qu'avons-nous regardé ? La chaîne de l'information ? La chaîne du sport ? Celle des clips vidéo ? Non ! La chaîne 12, la chaîne de la religion !

Ce qui me fait 58 mots. C'est-à-dire encore 142 à écrire. J'ai croisé Lana dans le couloir tout à l'heure. Elle n'a pas changé d'un iota au cours de l'été, si ce n'est qu'elle a l'air encore plus garce qu'avant. Elle s'est trouvé par ailleurs une Lana 2, qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau mais en plus jeune et moins grande. Bref, alors que je passais devant elle, elle m'a jeté un coup d'il, a fait signe à son clone et a commencé à rire. "Regarde ! Voilà Peter Pan !" a-t-elle lancé bien fort pour que tout le monde l'entende. C'est rassurant de savoir que, quoi qu'ait fait Lana cet été, elle a réussi à garder le charme et l'intelligence pour lesquels elle est si connue à Albert-Einstein. Est-ce que je ressemble vraiment à Peter Pan avec ma nouvelle coupe de cheveux ?

Mardi 7 Septembre, à la cafétéria

J'ai coincé Lilly pendant qu'elle faisait la queue et je lui ai demandé si J-P et elle l'avaient fait au cours de l'été. Vous savez ce qu'elle m'a répondu ? Elle m'a répondu : "Est-ce que tu penses vraiment que je le dirais à la plus grande pipelette qui soit si je l'avais fait ?" Je dois admettre que ça m'a blessée. Je n'ai jamais répété le moindre secret qu'elle m'a confié. Par exemple, est-ce que j'ai raconté qu'elle avait pris un jour en douce l'exemplaire d'Une femme épanouie dans la chambre de sa mère et qu'elle l'avait apporté à l'école et nous en avait lu des passages - en particulier des passages très cochons - dans la cour de récré ? Et la fois ou elle avait dit à Norman, le psychopathe qui la suivait tout le temps, que s'il lui obtenait des billets pour aller voir Avenue Q à Broadway, elle lui donnerait ses sandales de chez Steve Madden. Sauf que quand Norman lui a offert les billets de théâtre, elle ne lui a rien donné du tout simplement parce qu'elle n'a pas de sandales de chez Steve Madden. Et je n'ai jamais raconté à personne non plus la fois ou elle a lancé ma poupée Strawberry Shortcake sur le toit de la maison de campagne des ses parents et que je ne l'ai retrouvée que l'été suivant quand Michael nettoyait les gouttières et qu'il l'a lancée dans le jardin. Ma pauvre poupée, quand j'y pense. Des écureuils avaient grignoté ses yeux, ses cheveux étaient couverts de moisi et elle avait la tête toute fondue à cause du soleil. Eh bien, je n'ai rien dit à personne. Pourtant je l'adorais cette poupée. Bref, comme je ne voulais pas que Lilly remarque qua sa réponse m'avait blessée, je me suis contentée de hausser les épaules en disant : "Comme tu veux. En tout cas, je sais que tu as touché le tu-sais-quoi de Boris. C'est Tina qui me l'a dit." Mais Lilly, au lieu de paraître offusquée, comme n'importe qui l'aurait été en entendant ça, a levé les yeux au ciel en s'exclamant : "Ma pauvre ! Qu'est-ce que tu peux être gamine ! Franchement, Lilly ! me suis-je exclamée à mon tour, mais d'une voix malheureusement tremblante. Je n'arrive pas à croire que tu ne me l'aies pas dit. Je ne te l'ai pas dit tout simplement parce que ce n'était pas important, a-t-elle rétorqué. Pas important ? ai-je répété. Tu as TOUCHE le truc d'un garçon. Est-on obligé d'avoir cette conversation au beau milieu du réfectoire ? m'a alors demandé Lilly. Et ou veux-tu qu'on l'ait ? A table, devant mon PETIT AMI ? O.K., a fait Lilly. Je l'ai touché. Qu'est-ce que tu veux savoir ?" J'avais du mal à croire qu'on parle de ça devant les yaourts et les fromages. Mais à qui la faute ? Lilly n'avait qu'à m'en parler un soir ou elle était venue dormir chez moi ou moi chez elle, comme n'importe quelle fille l'aurait fait. Oh, mais non ! Pas Lilly. Lilly ne parle pas de ça. Il a fallu que Boris crache le morceau. Le problème, c'est que même si c'était super gênant, j'avais envie de savoir. Je sais. ça craint, mais c'est comme ça. J'ai regardé autour de moi, histoire de vérifier que personne ne pouvait m'entendre et j'ai demandé : "Eh bien pour commencer, à quoi ça ressemble ?" Lilly a haussé les épaules et a répondu : "A de la peau. C'est tout ? me suis-je exclamée. Juste de la peau ? C'est ce que c'est, après tout, a répondu Lilly. A quoi veux-tu que ça ressemble d'autre ? Je ne sais pas", ai-je fait. Ce n'est pas évident de savoir ce genre de choses à travers un jeans. Surtout un jeans à boutons. "Dans les romans d'amour de Tina, ai-je repris, ils disent toujours que ça évoque du satin en fusion sur une tige d'acier tendue par le désir." Lilly a réfléchi, puis elle a haussé les épaules et a dit : "Oui, ça ressemble un peu à ça aussi. O.K., ai-je fait. Je crois que cette fois, c'est bon : je vais vraiment aller vomir. Eh bien, évite de le faire dans mon guacamole, m'a-t-elle prévenue. Je peux continuer à avancer et à choisir la fin de mon repas ? a-t-elle ajouté. Attends, j'ai encore une question. De quoi veut me parler ton frère ce soir ? ai-je demandé. J'ai rendez-vous avec lui aux Baguettes d'Or. Il veut sans doute te demander de toucher le sien", a répondu Lilly. Lorsque j'ai attrapé la cuillère du fromage blanc et que je l'ai visée avec, Lilly a poussé un cris puis a lancé en riant : "Je plaisante ! Je n'en sais rien, Mia. On s'est à peine vus, cet été, Michael et moi. Il était super occupé avec son projet de robotique." J'ai reposé la cuillère. Je savais que Lilly disait vrai. Michael s'était passionné pour son cours de technologie de pointe appliquée à la théorie du contrôle, lequel cours, m'avait-il expliqué quand je lui avais demandé ce qu'une telle appellation pouvait signifier, parlait de robots. Et, pour son projet de fin d'année, il avait construit un bras-robot qui permettrait d'opérer le cur sans ouvrir la poitrine, "le nec plus ultra dans le domaine de la chirurgie cardiaque", avait-il précisé. Eh oui. Mon petit copain construit des robots. C'est TELLEMENT GENIAL ! Quand on s'est installées à table, avec les autres, Lilly et moi, j'avoue que j'avais du mal à regarder Boris - même s'il est un peu plus mignon depuis qu'il n'a plus de bagues, qu'il va chez le dermatologue et s'est fait opérer de sa myopie. Mais bon. Tout ce que je voyais, quand je levais les yeux vers lui, c'était la main de Lilly dans son pantalon. Juste sous son sweat-shirt. "Mia ! s'est exclamée Ling Su quand je me suis assise. Qu'est-ce qui est arrivé à tes cheveux ?" Vous savez quoi ? Ce n'est pas, mais alors pas du tout, le genre de réflexion qu'on aime entendre quand on sort de chez le coiffeur. "Astor Place Hairstylists, ai-je répondu. Pourquoi ? Tu n'aimes pas ? Si, si, j'adore !" s'est-elle empressée de dire. Mais j'ai bien remarqué le coup d'il qu'elle échangeait avec Yan qui, soit dit en passant, a les cheveux encore plus cours que moi. Et je les ai plutôt courts. "Moi, je trouve que Mia est super comme ça", est intervenu J-P, depuis l'autre extrémité de la table, ou il était assis en face de Lilly. Avec ses cheveux blonds ébouriffés striés de mèches plus claires à cause du soleil - les parents de J-P ont une maison à Martha's Vineyard, une des îles au large de cap Cod, ou il a passé une grande partie de l'été à surfer sur les vagues -, son bronzage et ses biceps, il était lui aussi bien plus mignon que l'an dernier. Attention ! Je ne suis pas en train de dire que J-P ma plaît ! En plus, j'ai déjà un petit ami, qui a des bras musclés aussi. Bon d'accord, côté bronzage, je ne suis pas sûre qu'il le soit vu qu'il a passé son été à travailler à son robot. Mais ça n'empêche qu'il est plus sexy que J-P. Qui est, de toute façon, le petit ami de Lilly. Et peut-être même plus "Très gaminesque, a ajouté J-P en hochant la tête. Je sais ce que ça veut dire ! s'est écriée Tina. Gaminesque, parce que tu trouves que Mia est coiffée comme Audrey Hepburn dans Vacances romaines. Je pensais plus à Keira Knightley dans Domino, a-t-il corrigé, mais ça marche aussi." C'est tellement agréable d'avoir des amis qui vous soutiennent. Enfin, pas tous. Quand je pense que Lilly refuse de me dire si elle l'a fait ou pas avec J-P. En tout cas, s'ils l'ont fait, ça ne se voit pas. C'est vrai, quoi. On aurait pu croire que s'ils s'étaient réciproquement offert leur petit capital, ils se seraient fait du pied sous la table, par exemple. Eh bien, non. Le seul geste un peu intime que J-P a eu à l'égard de Lilly, c'est la laisser goûter à sa glace. Moi aussi, je l'ai laissé goûter à la mienne, et plusieurs fois même. Ce qui ne signifie pas que je lui ai donné mon petit capital.

Mardi 7 Septembre, en étude dirigée

Ce n'est vraiment pas juste. En plus d'être en junior pour le cours de création littéraire, j'ai un emploi du temps qui craint. Regardez-le, vous verrez bien : 8h-9h: Permanence 9h-10h: Intro à la création littéraire 10h-11h: Anglais 11h-12h: Français Pause déjeuner 13h-14h: Etude dirigée 14h-15h: EPS 15h-16h: Chimie 16h-17h: Maths (calcul différentiel) EPS, CHIMIE, puis MATHS ? Est-ce que cela aurait été trop demandé d'avoir UN COURS QU'ON A ENVIE DE SUIVRE ? Apparemment non. Il faut que ça craigne de 14 heures à 17 heures. Je vous le dis tout net : ce n'est pas juste. Mais ce n'est pas tout ! J'ai appris aussi que je faisais partie des élèves inscrits en soutien en algèbre : de qui se moque-t-on ? Cela dit, étant donné mes piètres résultats dans cette matière, j'ai peut-être intérêt à demander à mon père de me dispenser des cours de cette année pour les remplacer par des cours particuliers en calcul différentiel ? MICHAEL POURRAIT ETRE MON PROF PARTICULIER !!!!!! Hé, mais oui ! Pourquoi pas ?? Il m'a déjà donné des cours en géométrie, et j'ai eu la moyenne. Pourquoi papa ne pourrait-il pas le payer cette année pour qu'il me fasse travailler ? Il pourrait peut-être même m'aider en chimie. J'ai entendu dire que le programme n'était pas évident. Oh non. Lilly remet ça avec les élections des délégués de classe. Elle dit qu'elle va reproposer mon nom. Sérieux. Elle a déjà tout prévu : le discours, les tracts. Il ne me reste plus qu'à me présenter. Sauf qu'elle oublie que je n'ai pas eu une minute à moi l'an dernier ! Et si je veux vraiment devenir écrivain - ou scénariste -, IL FAUT BIEN QUE J'AIE DU TEMPS POUR ECRIRE. Pour écrire autre chose que mon journal. Et puis, il y a Michael. On s'est à peine vus l'année dernière tellement on avait des emplois du temps chargés l'un et l'autre. Bref, si je veux pouvoir faire ce que j'ai envie de faire - écrire et voir Michael -, je vais devoir renoncer à quelque chose cette année. Mia, je ne savais pas que tu faisais chimie, cette année. Tu veux qu'on se mette ensemble ? Pourquoi changerait-on une équipe qui gagne, hein ?

POURQUOI KENNY ME PROPOSE-T-IL DE PARTAGER SA PAILLASSE ???? D'accord, j'ai une plus jolie écriture que lui, mais à part ça, je ne vois pas quel avantage ça lui apporte. A tous les coups, il ne connaît pas ma note en maths à l'examen du mois de juin. En revanche, il SAIT que je suis archinulle en science. Je ne peux que lui faire baisser sa moyenne. Oh, oh. C'est au tour de J-P de me passer un petit mot.

Hé, Mia, je ne savais pas que tu avais chimie avec Hipskin ce trimestre ! Il paraît que c'est un bon prof. Ca te dit de partager ma paillasse ? J'imagine que Showalter vient de te proposer la même chose. Envoie-le promener, il va te coller toute l'année avec ses déclarations d'amouuuuuur. Je suis celui qu'il te faut.

J'avoue que c'est assez bien vu, mais qu'est-ce que je fais ? J'ADORERAIS faire équipe avec J-P. Il est sympa, drôle, n'a que des A - sauf en anglais. Il avais Mrs. Martinez lui aussi l'an dernier, mais à une autre heure, et il a eu B, comme moi, ce qui nous a fait dire qu'elle n'aimait pas notre style -, mais Kenny m'a demandé d'abord. Et j'ai toujours partagé ma paillasse avec Kenny. C'est vrai, il a raison, on ne change pas une équipe qui gagne. POURQUOI FAUT-IL QUE CE GENRE DE CHOSES M'ARRIVE A MOI ??? J'ai une idée ! Je ne suis pas des cours de diplomatie depuis DEUX ANS pour rien !

Et si on partageait la paillasse à trois ? Qu'en penses-tu ? Mia

Voici la réponse de Kenny : Génial ! Au fait, j'adore ta nouvelle coiffure. Tu ressembles à Anakin Skywalker dans La menace fantôme. Tu sais, quand il fait la course de vaisseaux.

Super. Je ressemble à un garçon de neuf ans.

Et voici celle de J-P : Bien joué, sauterelle. Je vois que les cours de ton sensei t'ont été profitables. Sensei ! C'est la première fois que quelqu'un compare ma Grand-mère à un sensei. Tu penses qu'elle n'apprécierait pas ? Tu plaisantes ? Je l'imagine même très bien en kimono, avec un bâton à la main, en train de me dire : "Certaines leçons ne peuvent être enseignées, Amélia. Elles doivent être vécues pour être comprises." Bref à la Terence Stamp dans Elektra. Pas mal. Sauf que ça s'appelle un gi. C'est quoi ? L'uniforme de karaté. Tu ne t'y connais pas en arts martiaux ? Désolée. J'ai seulement appris à servir le thé. Dans ce cas, tu es parée pour la vie.

Ha ! ha ! J'aime bien échanger des messages avec J-P. C'est comme avec une fille, sauf que c'est mieux, parce que J-P est un garçon. Mais il n'y a aucune tension sexuelle entre nous, puisque je sais que J-P aime Lilly. Finalement, ce n'est pas si mal que ça. Le cours de chimie, je veux dire. Mais sans la chimie, ce serait évidemment mieux.

matière substances pures mélanges

éléments composés homogènes hétérogènes substance pure - composition constante élément - composé d'un seul atome composé - 2 éléments ou plus dans une proportion spécifique mélange - combinaison de substances pures

Encore six heures avant de voir Michael. Faites que je ne meure pas d'ennuie d'ici là.

Mardi 7 Septembre, en maths

Différentiation - trouver la dérivée Dérivée = inclinaison Dérivée également taux

Intégration

Séries infinies Séries divergentes Séries convergentes

Une minute. O.K. QUOI ???? Dites-moi qu'ils plaisantent.

Encore cinq heures avant de voir Michael.

Mardi 7 Septembre, pendant la réunion d'information

Je n'arrive pas à y croire : il n'y a qu'un seul nom qui a été proposé pour le poste de président du comité des délégués de classe : Le mien.

Personne d'autre ne s'est présenté.

La principale est super déçue, c'est du moins ce qu'elle nous a dit. Et rien qu'à sa tête, ça se voit.

Moi aussi, je suis déçue. Je le savais que la majorité des élèves d'Albert Einstein étaient tout sauf engagés. Il suffit de voir avec quelle précipitation ils sont sortis pour acheter le dernier album de Diddy quand ils ont appris qu'il comportait des infos sur le meurtre de Biggie Small provenant de la police de Los Angeles. Lilly en a presque pleuré. Ce n'est pas vraiment une victoire quand il n'y a pas de compétition. J'ai essayé de lui dire que c'est parce qu'on avait fait un super boulot l'an dernier. Du coup, les gens ont pensé que ce n'était même pas la peine de se présenter : on remporterait évidemment les élections. Mais Lilly m'a fait remarquer que, pendant la réunion, tout le monde s'envoyait des textos pour savoir ce qu'ils faisaient après. Bref, personne n'écoutait. Pire, il est possible qu'ils ne savaient même pas pourquoi ils se trouvaient là et devaient penser que c'était une nouvelle fois une réunion sur les dangers de la drogue ou que sais-je encore.

Devoirs

Intro à la création littéraire : décrivez une scène vue de votre fenêtre Anglais : lire Franny et Zooey Français : finir de décrire une palpitante soirée avec des amis Etude dirigée : préparer un résumé pour Mrs. Hill sur ce qu'on aimerait accomplir en étude dirigée cette année EPS : laver short de gym Chimie : demander à Kenny/J-P Maths : franchement, je vous le demande : ce cours, c'est un gag, non ?

MOI, UNE PRINCESSE ? A D'AUTRES ! Scénario écrit par Mia Thermopolis (première mouture)

Scène 13

INT/JOUR

Le Palm Court, au Plaza Hôtel, à New York. Gros plan sur le visage de MIA tandis qu'elle mesure la portée de paroles de son père, le PRINCE PHILIPPE.

MIA, en s'efforçant de ne pas pleurer Je refuse de vivre à Genovia.

PRINCE PHILIPPE, de sa voix voyons-soyons-raisonnable Mais, Mia, je croyais que tu avais compris.

MIA Tout ce que j'ai compris, c'est que tu m'as menti pendant toute ma vie. Pourquoi irais-je vivre avec toi ?

MIA se lève brusquement en renversant sa chaise et sort précipitamment du salon de thé, bousculant au passage le portier, qui lève les yeux aux ciel d'un air écoeuré.

Mardi 7 Septembre, depuis l'hôtel W

Les travaux pour transformer le Plaza en appartement de grand standing ont démarré et Grand-Mère a déjà acheté celui qui se trouvera au dernier étage, avec la terrasse. Mais comme elle ne peut pas vivre au milieu de la poussière à cause de ses sinus, sans parler du bruit que font les ouvriers - ils arrivent sur le chantier à 7h30 -, elle s'est installée à l'hôtel W en attendant. Et apparemment, elle n'est pas très contente. "C'est absolument, absolument, a-t-elle commencé tout en faisant le tour de sa suite à laquelle je n'ai personnellement rien à redire (bon d'accord, la déco est plus moderne que "frou-frou", c'est-à-dire qu'il y a plus de rayures et de cuir que de fleurs et de dentelles, mais la vue sur Manhattan est superbe et il y a de magnifiques boiseries) inacceptable", a-t-elle terminé. Elle s'adressait à un homme en costume qui portait sur le revers de sa veste un badge doré sur lequel on pouvait lire : ROBERT. Robert donnait l'impression d'avoir envie de se jeter par la fenêtre. Le pauvre. Je sais comment est Grand-Mère quand elle est sur le point de piquer une crise. Et celle qui couvait s'annonçait énorme. "Des pâquerettes ? s'est exclamée Grand-Mère d'une voix glaciale. Est-ce que votre personnel pense véritablement que des pâquerettes sont les fleurs appropriées la décoration de la suite de la princesse douairière de Genovia ? Je suis désolée, madame", a fait Robert. Il a alors jeté un coup d'il dans ma direction au moment ou, à moitié affalée sur le canapé blanc, je découvrais un bouton qui, quand on appuyait dessus, faisait apparaître - oui, comme ce que rêve d'avoir Joey dans Friends - une télévision à écran plat. De toute évidence, Robert semblait chercher de l'aide. Mais il n'était pas question que je me mêle de cette affaire. Du coup, j'ai ouvert mon journal à la page de mon scénario et je me suis mise à écrire. J-P m'a dit que quand j'aurais fini, il le montrera à un producteur qu'il connaît et qui pourrait être très intéressé. Oui, oui, très intéressé. Conclusion mon histoire est quasiment vendue. "Nous mettons toujours des bouquets de pâquerettes dans nos chambres, a expliqué Robert en voyant que je ne lui étais d'aucun secours. Aucun de nos clients ne s'est jamais plaint." Grand-Mère l'a regardé comme s'il venait de lui annoncer que personne n'avait jamais brandi un couteau et commis hara-kiri devant lui. "Une PRINCESSE est-elle déjà descendue dans votre hôtel ? a-t-elle demandé Eh bien, justement, la princesse de Thaïlande se trouvait ici la semaine dernière avant de prendre ses quartiers sur le campus de New York University", a déclaré Robert. J'ai grimacé. Mauvaise réponse, Robert ! Dommage. Merci de votre participation. "DE THAILANDE ! a répété Grand-Mère. Savez-vous COMBIEN IL Y A DE PRINCESSES EN THAILANDE ?" Robert a eu l'air affolé. Il venait de comprendre qu'il avait commis une erreur. Mais il ne savait pas encore quelles en seraient les conséquences. Pauvre homme. "Euh... non, a-t-il fait. Des dizaines ! Peut-être même des centaines ! a hurlé Grand-Mère. Et savez-vous combien il y a de princesse douairière à Genovia ? Euh une ? a-t-il murmuré. Oui, c'est exact. Une, a confirmé Grand-Mère. Aussi, ne pensez-vous pas que si LA PRINCESSE DOUAIRIERE DE GENOVIA souhaite des roses dans sa chambre - des blanches et des roses - et non des pâquerettes orange -, VOUS POUVEZ FAIRE EN SORTE DE LA SATISFAIRE ? Surtout quand il se trouve que son chien est allergique aux fleurs des champs ?" On s'est tournés vers Rommel, Robert et moi. Loin de donner l'impression d'être en train de souffrir d'un allergie, il dormait dans son petit lit aux montants dorés, s'agitant de temps en temps dans son sommeil sous le coup des rêves qui peuplent l'esprit des chiens - dans le cas de Rommel, sans doute comment échapper à sa maîtresse. "Comme si, a ajouté Grand-Mère, ça ne suffisait pas que vous fassiez pousser de l'HERBE dans le hall de l'hôtel." Ouille. Je l'avais remarqué moi aussi à mon arrivée. C'est un peu trop moderne pour Grand-Mère. De faire pousser de l'herbe, je veux dire. Elle, elle préfère des bonbons à la menthe dans des vases en cristal. "Je comprends, madame, a repris Robert en s'inclinant légèrement. Je vais immédiatement vous faire livrer des roses, blanches et roses. Je ne m'excuserait jamais assez de cette négligence Non, l'a coupé Grand-Mère. Vous ne vous excuserez jamais assez. Au revoir." Robert a avalé avec difficulté sa salive, s'est retourné puis est sorti sans demander son reste. Grand-Mère a attendu qu'il disparaisse pour s'affaler dans l'un des fauteuils en cuir et acier chromé en face de moi. Sauf que ce n'est pas vraiment le de fauteuil dans lequel on s'affale. "Mais ou suis-je tombée ! s'est-elle écriée en se redressant brusquement. Moi, j'aime bien, ai-je fait. Oui, je trouve que le W est plutôt cool. Tout est brillant et reluisant. N'importe quoi ! a lâché Grand-Mère. Sais-tu que lorsque j'ai commandé un Sidecar, ils me l'ont servi dans une TIMBALE ? Et alors ? Ca en fait plus à boire, ai-je répondu. Les Sidecars ne se servent PAS dans des timbales, Amelia. L'eau, oui, mais les Sidecars, non. Comme tous les cocktails, on les sert dans des VERRES A COCKTAIL ! MON DIEU ! a-t-elle ajouté, QU'EST-IL ARRIVE A TES CHEVEUX ??" Grand-Mère se tenait alors très droite dans son fauteuil en cuir et acier chromé. "Calme-toi, ai-je commencé. C'est un peu court, je te l'accorde UN PEU COURT ? m'a-t-elle interrompue. Tu ressembles à un coton tige ! Ca repoussera", ai-je dit sans conviction. En vérité, je n'ai pas l'intention de me faire repousser les cheveux. J'aime bien les avoir courts parce qu'on n'a pas besoin de s'en occuper, et quand on se regarde dans le miroir, on a toujours la même tête. Je ne sais pas, ça a quelque chose de rassurant. C'est vrai, quoi, c'est PENIBLE de découvrir de nouvelles mèches qui se dressent n'importe comment sur sa tête quand on aperçoit par hasard son reflet ! "Comment comptes-tu porter ton diadème sans peigne pour le retenir ?" a demandé Grand-Mère. Ce qui était une bonne question. A laquelle personne chez Astor Place Hairstylists n'avait songé, et surtout pas ma mère qui trouvait qu'avec ma nouvelle coupe, je ressemblais à Demi Moore dans A armes égales, ce que j'avais pris alors pour un compliment. "Du velcro ? ai-je suggéré d'une petite voix. Mais Grand-Mère n'a pas trouvé ma plaisanterie très drôle. "Ce n'est même pas la peine d'appeler Paolo, a-t-elle déclarée. Vu ce qu'il te reste, je ne vois pas très bien ce qu'il pourrait faire. Ce n'est pas SI COURT !" me suis-je exclamée en portant une main à ma tête.

En fait, en tâtant bien, si. Oh, et puis après tout, tant pis. "Allez, ce n'est pas si grave que ça, ce ne sont que des cheveux, ai-je lancé. Ca repoussera. N'y a-t-il pas des choses plus importantes à combattre dans le monde aujourd'hui, Grand-Mère ? Comme ces juges fondamentalistes en Iran qui font enterrer des femmes jusqu'au cou dans le sable et appellent ensuite la population à leur jeter des pierres pour la seule et unique raison qu'elles ont commis le crime d'adultère ? Aujourd'hui, Grand-Mère ! Il se passe des choses aussi graves AUJOURD'HUI, et toi, tu te fais du souci pour mes CHEVEUX ??" Grand-Mère s'est contentée de lâcher un soupir. Impossible de la faire réfléchir à autre chose que ce qui concerne les têtes couronnées. Pourquoi ? Parce qu'elle s'en fiche. "Ce n'était vraiment pas le moment d'aller chez le coiffeur, a-t-elle déclaré. Vogue vient de contacter l'attaché de presse du palais pour une interview et une série de photos pour leur numéro de cet hiver. Grâce à cet article, Genovia sera dans l'esprit de toutes les femmes qui cherchent une destination ensoleillée pour passer leurs vacances d'hiver. Ils ont déjà contacté ton père. Tu sais qu'il vient à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies. Super ! me suis-je exclamée. Papa pourra peut-être soulever la question de l'Iran ! Sais-tu que le gouvernement iranien a interdit la musique occidentale ? Et que quand il raconte qu'il veut développer le nucléaire pour des raisons d'énergie civile et non pour une utilisation militaire, les organisations internationales pensent qu'il cache en réalité des recherches sur la bombe atomique ? Qu'est-ce qu'on en a à faire alors des vacances d'hiver si on doit sauter du jour au lendemain ? A moins que tu ne portes une perruque, a continué Grand-Mère. Mais comment en trouver une identique à ton ancienne coupe ? Ca va être difficile, des perruques en forme de voile de bateau, ça n'existe pas. Et si on te choisissait une perruque longue que Paolo couperait Est-ce que tu m'écoutes, Grand-Mère ? ai-je presque hurlé. Il se passe des choses bien plus importantes en ce moment dans le monde que mes cheveux ! As-tu conscience de la menace que représenterait l'Iran s'i possédait la bombe atomique ? ILS ENTERRENT DES FEMMES DANS LE SABLE JUSQU'AU COU ET LES LAPIDENT POUR AVOIR COUCHE AVEC UN AUTRE HOMME QUE LEUR MARI. Comment penses-tu qu'ils agiront à l'égard de ceux qui méritent selon eux d'être rayés de la carte ? Et si tu te faisais teindre en rousse, a murmuré Grand-Mère, songeuse. Mmmmm, non, après tout, ça n'irait pas. Avec cette coupe, tu ressembles à ce garçon qui était en couverture des bandes dessinées que ton père lisait quand il avait ton âge" Franchement, je vous le demande : à quoi bon essayer de discuter avec elle ? Cela dit, est-ce que je m'attendais vraiment à ce qu'une femme qui a des préjugés si peu fondés contre les pâquerettes m'écoute ? Parfois, j'ai envie de l'enterrer, ELLE, et jusqu'au cou.

Mardi 7 Septembre, 7 heures du soir, à la maison

Michael est là ! Il est venu me chercher pour m'emmener dîner aux Baguettes d'Or. Il est en train de discuter avec maman et Mr. G pendant que je finis de me préparer. Il ne m'a pas encore vue. Donc il n'a pas vu ma nouvelle coupe. Je sais, c'est idiot des se faire du souci pour ça. Mes cheveux sont très bien. Maman n'arrête pas de me le dire. Même Mr. G m'a juré que je ne ressemblais ni à Peter Pan ni à Anakin Skywalker. Mais bon. Et si Michael n'aimait pas ? Dans Seize ans ils disent tout le temps que les garçons préfèrent les filles aux cheveux longs. Du moins, les garçons qu'ils interviewent, ceux qui traînent toute la journée devant les centres commerciaux. Ils leur montrent des photos de Keira avec les cheveux longs et ils leur demandent sur quelles photos ils la préfèrent. Eh bien, neuf fois sur dix, ils répondent les photos ou elle a les cheveux longs. Bien sûr, Michael n'a rien à voir avec ces garçons, mais quand même. Oh, et puis après tout, il n'aura qu'à faire avec. Et si je rajoutais un peu de gel ? Je l'entends parler avec Rocky. Même si personne ne comprend un mot de ce que baragouine mon frère. A part camion, gâteau, encore, non et à moi - ce qui représente toute l'étendue de son vocabulaire -, le reste est incompréhensible. Mais il paraît que c'est normal à son âge et que Rocky n'est atteint d'aucun retard mental. Cela dit, ce n'est pas évident d'avoir une conversation avec lui, même si personnellement, je trouve ses interventions fascinantes. Mais parce que c'est MON frère. Oh, comme Michael est patient lui ! Ca fait au moins dix fois que Rocky répète le mot "camion" et chaque fois, Michael répond : "Oui, c'est un très joli camion", et d'une voix douce en plus. Je suis sûre qu'il fera un super papa ! Attention, je ne suis pas en train de dire que j'aimerais avoir des enfants tout de suite. Non, je veux finir mes études avant, et travailler pendant quelque temps pour Greenpeace. Mais en tout cas, ça fait chaud au cur de se dire que lorsque le moment sera venu, Michael sera à la hauteur. Je viens d'entrouvrir la porte pour le regarder. Il est siiiiiiiii beau, si grand, si fort ! Je crois qu'il s'est rasé avant de venir. Je n'arrive pas à croire que ça fait UN MOIS qu'on ne s'est pas vus. Oh, mon dieu ! J'ai les cheveux plus courts que lui. J'AI LES CHEVEUX PLUS COURTS QUE MON PETIT AMI. Mais qu'est-ce qui m'a pris ????

Mardi 7 Septembre, dans les cuisines des Baguettes d'Or

O.K. Je vais essayer de comprendre. C'est pour ça d'ailleurs que j'ai demandé à Kevin Yang si je pouvais m'installer ici pendant quelques minutes. Parce que j'avais besoin de faire le point, et que les toilettes pour femmes étaient occupées. Apparemment, il y a quelqu'un à l'intérieur qui n'a pas conscience qu'une jeune fille est en train de voir sa vie se briser en mille morceaux. Je dois me ressaisir et essayer de comprendre ce qui m'arrive. Sauf que je n'y arrive pas. Ca n'a rien à voir avec ma coupe de cheveux ! Michael a eu l'air surpris, c'est vrai, mais je ne pense pas qu'elle lui ait déplu. Il m'a dit que j'étais mignonne et que je ressemblais à Natalie Portman une fois qu'elle a laissé repousser ses cheveux après le tournage de V pour Vendetta. Et il m'a serrée dans ses bras et m'a embrassée. Puis, une fois dans le hall de l'immeuble, quand maman et Mr. G ne pouvaient plus nous voir et que Lars était occupé à attacher son étui de revolver, il m'a de nouveau serrée dans ses bras et embrassée. Mais plus passionnément. Du coup, j'ai pu sentir l'odeur de son cou, et je vous le jure, chacune des synapses de mon cerveau à dû dégager une méga-dose de sérotonine à cause des phéromones de Michael, parce que je me suis sentie super détendue après. Et je suis sûre qu'il a éprouvé la même chose. Bref, on a marché main dans la main jusqu'au restaurant et on a parlé de tout ce qu'on avait fait depuis la dernière fois qu'on s'était vus - Grand-Mère qui avait dû quitter le Plaza, Lilly qui s'était fait teindre en blonde (je ne lui ai pas demandé si à son avis, Lilly et J-P l'avaient fait. J'essaie d'éviter toute discussion qui pourrait rappeler à Michael qu'ON on ne l'a toujours pas fait et qui pourrait enflammer son désir), Rocky et ses camions, et des parents de Michael qui sont plus ou moins en train de se réconcilier. A notre arrivée aux Baguettes d'Or, Rosey, l'hôtesse, mous a installés à notre table habituelle, près de la fenêtre, et a invité Lars à s'asseoir au bar avec elle, d'où il pourrait me surveiller et regarder le match de base-ball à la télé en même temps. On a alors commandé nos plats préférés, des nouilles froides au sésame pour moi, et des travers de porc pour Michael. Avant, on a partagé une soupe, et comme Michael prenait en plus du poulet kung pao, j'ai pris une salade de soja. "Alors, quand retournes-tu sur le campus ? ai-je demandé. La fac a recommencé non ? Justement, je voulais te parler de ça, a répondu Michael. C'est pour cette raison d'ailleurs qu'on est ici, parce que je voulais te l'annoncer moi-même." J'ai fait "Ah oui", persuadée qu'il allait me dire qu'il prenait un appartement en ville parce qu'il en avait assez de partager sa chambre avec un autre garçon, ou alors qu'il emménageait chez son père parce que le Dr Moscovitz ne supportait pas la solitude. En fait, j'étais tellement sûre que ce que Michael allait m'annoncer ne changerait pas grand chose à notre relation que j'ai pris une énorme bouchée de nouilles froides avant qu'il dise : "Tu te souviens du projet sur lequel je travaillais cet été ? Le bras-robot ? Celui grâce auquel les chirurgiens pourront opérer sans ouvrir le thorax ? ai-je répondu. Hum, hum. Eh bien, a commencé Michael, ça marche. Du moins, le prototype. Et mon prof était tellement impressionné qu'il en a parlé à l'un de ses collègues qui travaille pour une firme japonaise - une firme qui cherche à perfectionner la chirurgie robotique - et son collègue aimerait que je vienne au Japon pour voir si on pourrait construire ensemble un robot que les chirurgiens utiliseraient en salle d'op. Ouah !" me suis-je exclamée en avalant mes nouilles et en me préparant une nouvelle bouchée. En fait, j'étais affamée. Je n'avais rien mangé depuis ma salade verte à midi. Ah oui, et quelques petit pois wasabi dans la suite de Grand-Mère (elle en a goûté un et l'a immédiatement recraché en hurlant : "OU SONT LES AMANDES ENROBEES DE SUCRE ?" Pauvre Robert, il ne savait plus ou se mettre). "Tu pars quand ? Et combien de temps ? ai-je demandé. Un week-end ? Non, a fait Michael en secouant la tête. Tu n'as pas compris. Je ne vais pas là-bas pour un week-end. Je resterai jusqu'à ce que mon projet soit achevé. Mon prof s'est arrangé pour mes équivalences. Super ! me suis-je exclamée. Tu pars quoi, alors ? Une semaine ? Mia, la construction du prototype m'a pris tout l'été, a dit Michael. Alors pour fabriquer un modèle, avec une console équipée d'un scanner d'imagerie à résonances magnétiques, il faut compter au moins un an, voire plus. Mais c'est une occasion que je ne peux pas laisser passer. Tu imagines que quelque chose que j'ai conçu pourrait sauver des milliers de vies ? Je ne peux pas ne pas être là-bas quand ils vont le construire." Je me souviens d'avoir pensé, à ce moment-là : qu'est-ce qu'il vient de dire ? Un an ? Voire PLUS ? Evidemment, je me suis étranglée avec mes nouilles et Michael a dû se lever et venir me taper dans le dos et m'obliger à boire un grand verre d'eau. Une fois que j'ai repris mon souffle, tout ce que j'ai réussi à dire, c'est : "Quoi ? QUOI ??" plusieurs fois de suite. Et pendant que Michael essayait de m'expliquer ce qu'il venait de m'annoncer - aussi patiemment que si j'étais Rocky et que je lui montrais un camion -, tout ce que j'entendais dans ma tête, c'était : Il faut compter un an, voire plus. Mais c'est une occasion que je ne peux pas laisser passer. Il faut compter un an, voire plus. Mais c'est une occasion que je ne peux pas laisser passer. Il faut compter un an, voire plus. Mais c'est une occasion que je ne peux pas laisser passer. Michael part au Japon. Pour un an. Peut-être plus. Il part vendredi. Vous comprenez maintenant pourquoi j'ai dû quitter la table ? Parce que dans quel monde ce genre de déclaration a-t-elle un sens ? Dans le monde des Bizarros, peut-être. Mais PAS dans le mien, ni dans celui qu'on partage, Michael et moi. Ou plutôt qu'on partageait. Pourtant, alors même que les mots continuaient de faire leur chemin dans mon esprit - il faut compter un an, voire plus. Mais c'est une occasion que je ne peux pas laisser passer -, j'ai dit : "Ouah, Michael ! C'est extraordinaire. Je suis tellement contente pour toi", tout en pensant dans ma tête : Est-ce que c'est à cause de MOI ? Et puis, je ne sais pas comment, mais la petite voix dans ma tête s'est échappée, et avant que j'aie le temps de la retenir, je me suis entendue demander : "Est-ce que c'est à cause de Moi ? Quoi ? a fait Michael en clignant des yeux. C'était un véritable cauchemar. Parce que même si, intérieurement, je me disais : "Tais-toi, tais-toi, tais-toi", ma bouche semblait être devenue complètement indépendante du reste de mon corps. Du coup, une fois de plus, avant que je puisse la faire taire, je me suis entendue qui répétais : "Bien sûr que non, Mia. Tu ne comprends pas. C'est une occasion formidable ! La firme japonaise a déjà commencé à faire travailler des ingénieurs sur mon projet. MON projet. Quelque chose que j'ai conçu, qui pourrait changer le cours de la chirurgie actuelle. Evidemment que je dois y aller. Mais est-ce qu'ils sont obligés de le fabriquer au Japon ? ai-je demandé. N'y a-t-il pas des ingénieurs, ici, à Manhattan ? Je suis sûre que oui. Tiens, le père de Ling Su, il est ingénieur ! Mia, il s'agit de la firme robotique la plus innovatrice et la plus performante au monde, m'a expliqué Michael. Le siège se trouve à Tsukuba, qui est la Silicone Valley du Japon. C'est là qu'ils ont tous leurs laboratoires, tout leur équipement bref, tout ce dont j'ai besoin pour transformer mon prototype en un modèle de fabrique. Il faut que j'y aille. Mais tu reviendras, ai-je commencé en m'efforçant de contrôler ma bouche, aux vacances de Thanksgiving, de Noel et du printemps, n'est-ce pas ?" Ca allait à toute vitesse dans ma tête. Je me disais : O.K. ce n'est pas si terrible que ça, Michael pars au Japon mais je le verrai pendant les vacances. Finalement, ça ne changera pas grand chose comparé à l'an dernier. D'un certain côté, c'est même mieux : j'aurai plus de temps pour travailler et essayer de comprendre de quoi Mr. Hipskin nous parle en cours de chimie. Je pourrai peut-être même me mettre à aimer le calcul différentiel - une fois que j'aurai compris ce que c'est - et améliorer mes résultats en maths. Et puis, j'aurai tout le temps nécessaire pour finir mon scénario. ET peut-être commencer un roman C'est à ce moment-là que Michael a pris ma main et a dit : "Mia, ça risque d'être un peu serré en matière de timing. Si on veut sortir le modèle le plus tôt possible, on ne peut pas se permettre de s'interrompre. Du coup je ne crois pas que je rentrerai pour Thanksgiving ou Noel. Je pense que je reviendrai l'été prochain, quand on aura quelque chose de définitif à présenter aux chirurgiens." J'ai entendu les mots qui sortaient de sa bouche à lui, je savais qu'il parlait anglais, mais comme avec Mr. Hipskin en chimie, ce que me disait Michael n'avait aucun sens. L'été prochain ? En gros, Michael était en train de m'annoncer qu'il serait absent - donc qu'on ne se verrait pas - pendant UN AN. Bien sûr, je pourrais prendre l'avion pour aller le retrouver là-bas. Dans mes rêves, oui ! Parce que JAMAIS mon père n'accepterait de me laisser son jet privé pour aller au Japon ! Tout comme il refuserait que je prenne un vol sur une compagnie normale. Aucune compagnie aérienne au monde ne pourrait satisfaire les exigences de sécurité de Grand-Mère - sans parler de celles de mon père. Bref, je me suis levée, j'ai demandé à Michael de m'excuser et je suis venue me réfugier ici. Parce que rien de tout cela n'avait de sens. Je m'en fiche que ce soit une occasion formidable. Je m'en fiche de l'argent qu'il va gagner pour fabriquer son robot ou du nombre de vies qu'il peut sauver grâce à lui. POURQUOI UN GARCON QUI AIME SA PETITE AMIE COMME MICHAEL DIT M'AIMER VOUDRAIT ETRE LOIN D'ELLE PENDANT UN AN ? Kevin Yang ne m'est pas d'une grande aide. Il a haussé les épaules quand je lui ai posé la question et a lancé, l'air navré : "Je n'ai jamais compris Michael, et ce depuis le premier jour ou il est venu dans mon restaurant. Il avait dix ans, et je me souviens, il m'a demandé du piment pour manger ses boulettes. Comme si mes boulettes n'étaient pas assez épicées !" Quant à Lars, qui a passé la tête par la porte pour voir ou j'avais disparu, il a dit : "Vous savez, princesse. Parfois les garçons ont besoin d'accomplir certaines choses pour faire leurs preuves." Mais leurs preuves par rapport à qui ? Ne suis-je pas la seule envers qui Michael doit prouver quelque chose ? Et excusez-moi, mais son départ au Japon n'a rien à voir avec le stage que Lars a fait dans le désert de Gobi, ou il a appris à tirer sur des terroristes découpés dans du carton, quand IL a eu besoin de faire SES preuves. Michael, lui, va dans un laboratoire japonais, c'est tout ! Je sais, son robot peut sauver des milliers de vie. ET MA VIE A MOI ??? Finalement, c'était une très mauvaise idée de me réfugier ici. La présence de toutes ces têtes de canard me perturbe psychologiquement. Pas autant que le départ de Michael, c'est vrai, mais presque. Il faut que je retourne dans la salle. Il faut que je me montre enthousiaste. Il faut que je sois heureuse pour Michael. Je ne vais pas lui demander de rester s'il m'aime, parce que ce serait vraiment trop égoïste de ma part. Je l'ai eu pour moi toute seule pendant presque deux ans, je n'ai pas le droit de l'accaparer et priver le reste du monde de sa présence et de son génie. Sauf que QU'EST-CE QUE JE VAIS DEVENIR SI JE NE PEUX PLUS RESPIRER L'ODEUR DE SON COU ?????? Je vais mourir.

Mardi 7 septembre, 10 heures du soir, à la maison

Je n'aurais pas dû faire ça. Je sais que je n'aurais pas dû. Qu'est-ce qui m'a pris d'ouvrir ma bouche comme ça ? Et pourquoi n'ai-je pas dit ce que je voulais dire, comme : "Oh, Michael, je suis tellement fière de toi" et "Oui, tu as raison, c'est une occasion que tu ne peux pas laisser passer." En fait, j'ai dit tout ça. Je jure que je l'ai dit. Mais à un moment - alors qu'on longeait l'Hudson, parce que je n'avais pas envie de rentrer tout de suite pour profiter au maximum de chaque minute qu'il me restait à passer avec Michael avant son départ -, bref, à un moment - Michael me racontait qu'il était super excité à l'idée d'aller au Japon, qu'il avait entendu dire que là-bas, on mangeait des nouilles au petit déjeuner et que les shumai qu'on achète dans la rue sont meilleurs que ceux qu'ils vendent chez Sapporo East -, j'ai lâché : "Mais Michael et NOUS ?" Ce qui est probablement la question la plus pathétique, la plus idiote, la plus Lana Weinberger qu'une fille dans ma position pouvait poser. Franchement. Vous allez voir, dans peu de temps, je vais être du genre à baisser les yeux sur ma propre poitrine et dire : "Pourquoi tu portes un soutien-gorge, Mia ? Tu n'as rien à soutenir !" Mais Michael n'a pas tiqué. "Nous ? a-t-il répondu. Je pense que ça va aller. Evidemment, tu vas me manquer, mais d'une certaine façon, je crois que ça sera plus facile pour moi d'être loin." J'ai pilé net et j'ai dit : "QUOI ?" Je le savais ! Je le savais que son départ avait un rapport avec moi. "C'est juste que je ne sais pas combien de temps encore je vais pouvoir tenir, a précisé Michael. Tenir ? ai-je répété, parce que je ne voyais pas du tout de quoi il parlait. Eh bien, oui, être avec toi et ne pas", a marmonné Michael. Comme je ne comprenais toujours pas ou il voulait en venir (je sais, si quelqu'un doit souffrir d'un retard mental, c'est moi, et pas Rocky), j'ai insisté et j'ai dit : "Être avec moi et ne pas QUOI ?" Cette fois, Michael a été très clair. "Et ne pas coucher avec toi", a-t-il répondu. Oui, vous avez bien lu. Pour mon petit ami, ce n'est pas un problème de passer un an au Japon car ce sera plus facile pour lui d'être loin de moi que près et de ne pas coucher avec moi. A la limite, je devrais m'estimer heureuse puisque d'après ce qu'il vient de m'avouer, c'est manifestement un obsédé sexuel et j'ai probablement de la chance d'être débarrassée de lui.

Mais, bien sûr, ce genre de réflexion ne m'a pas traversé l'esprit à ce moment-là. A ce moment-là, j'étais tellement sous le choc que j'ai dû m'asseoir. Et le siège le plus proche était une balançoire dans une aire de jeux de l'Hudson River Park. Du coup, je m'y suis assise et j'ai regardé mes genoux pendant que Michael disait :

"L'an dernier, je t'ai promis que j'attendrais, et je suis prêt à attendre, Mia. Mais je ne vois pas très bien comment tu peux penser qu'on le fera le soir du bal qui clôturera la fin de tes études secondaires puisque tu sais très bien que je n'irai pas. C'est fini pour moi, tout ça, Mia. Par ailleurs, je trouve assez ringard qu'une fille se fasse accompagner par son petit copain à ce genre de cérémonie. Mais bon. De toute façon, ta remise des diplômes n'aura pas lieu avant deux ans, et deux ans, c'est long pour continuer à faire ce qu'on fait. Je dois t'avouer que je commence à me lasser un peu de toutes ces douches froides."

J'étais INCAPABLE

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