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Erine s'est complètement fermée. Cet ascenseur met des heures ! Ils s'engouffrent tous dedans et c'est partie pour la descente infernale. Du moins pour Erine, puisque Sehan a engagé une conversation avec le parrain de son frère. Afin de pouvoir accueillir des brancards et autres appareils médicaux, l'espace est plutôt grand et Erine va s'appuyer contre l'une des parois en verre et concentre toute son attention sur la tempête de neige à l'extérieur.
Une fois dehors, le froid lui mord les jours et le nez. Ses dents ne mettent pas plus de trois secondes avant de s'entrechoquer bruyamment. Erine enroule ses bras autour de son buste. Sehan et le Capitaine n'ont pas cessé leur conversation. Dans sa vision périphérique, elle voit son ami lui faire signe. Il s'oriente dans une direction. Mais, la gare n'est pas par là. En regardant vers Sehan, elle le voit ouvrir la porte d'un véhicule dans lequel le Capitaine s'engouffre déjà.
Erine dévisage le garçon, offusquée qu'il ose lui proposer de faire le trajet de retour dans le même transport que son géniteur.
— Venez, leur intime-t-il à elle et Miolaine. On sera rentré plus vite.
— Je vais prendre le train ! rétorque Erine avec véhémence en se retournant.
Elle entend Sehan souffler et elle imagine sans mal son air excédé. Grelotante, les mains dans les poches, Miolaine regarde tour à tour ses amis. Erine a conscience que ton attitude la met dans l'embarras. En prenant le véhicule de Malcombe, ils seront à Laorelon dans moins de quinze minutes, le train, si tant est qu'elles l'aient immédiatement, mettrait plus du double de temps.
— Erine, ne sois pas ridicule ! Monte dans ce véhicule !
Tiens, c'est bien la première fois que son père lui donne un ordre. Pour éviter à Miolaine de se frigorifier sur le quai de la gare et parce qu'elle refuse de se donner davantage en spectacle devant l'entrée principale de l'hôpital, Erine enclenche un nouveau demi-tour. Elle grimpe dans la capsule de verre et de plastique qui compose l'habitacle.
— Loan nous aurait pourri si on t'avait laissé prendre le train toute seule, la taquine Sehan.
Loan, lui, aurait compris pourquoi elle préférait prendre le train toute seule. Erine croise les bras, s'appuie contre la vitre et se ferme. Elle sent Miolaine se hisser sur la banquette à côté d'elle. Le pilote automatique s'enclenche, une douce chaleur enveloppe Erine qui relâche doucement sa prise sur les pans de son manteau. Le paysage urbain de l'Enceinte défile et l'hôpital n'est vite plus qu'un point lumineux dans la nuit.
— Je ne m'attendais pas à te voir rester à l'école, confesse Sehan. Avec tout ce qu'il se passe, je pensais que le Capitaine Malcombe serait vite affecté à une autre tâche que celui de professeur.
Si seulement ! pense Erine.
— Pour tout te dire, moi non plus. Je m'attendais à être à la frontière Ontevilienne à l'heure qu'il est, répond calmement le Capitaine.
Erine a toujours été attentive en cours et ne connait que trop bien l'histoire d'Ontevil. Il s'agit d'un peuple, une civilisation, qui commence peu après la limite où s'arrêtent les pouvoirs des Contrôleurs. La carte de la Ligue est comme une sphère creusée, une pomme croquée. La Ligue a su étendre son autorité au-delà de l'efficacité des dons de ses super soldats, sauf dans sa partie nord-est. L'univers peut être pris et retourné pour être vu sous n'importe quel angle. Mais, c'est ainsi que les cartes officielles l'ont érigé : Orfey en son centre tel un noyau, enveloppée par les dix zones qui composent l'univers d'Enmetel.
Erine n'est pas surprise d'entendre son géniteur parler d'une affectation à la frontière Ontevilienne. Cette civilisation est la seule qui résiste à la surpuissance de la Ligue depuis des centaines d'années. Mais pas seulement. Régulièrement, ces ennemis, certes sans pouvoirs, mais dotés d'une intelligence et d'une technologie dépassant celle de la Ligue, tentent d'élargir leurs limites. Seuls les dons des Contrôleurs et les éléments contiennent ces invasions. Malheureusement, aujourd'hui, les Contrôleurs sont affaiblis. Erine en a conscience. Ce qui touche Laorelon se répand forcément au-delà des murs de l'école et de ceux de l'Enceinte. Comme lui a expliqué Loan quelques jours plus tôt, la Ligue va devoir se battre sur plusieurs fronts et si Ontevil n'en fait pas encore partie, ce n'est qu'une question de jours. La frontière est calme depuis des années, mais hautement gardée. Tout comme la Ligue a des espions par-delà les lignes ennemis, eux en ont aussi dans le noyau. La nouvelle de l'affaiblissement des Contrôleurs ne tardera pas à revenir aux oreilles de leurs dirigeants.
— Pourquoi n'y es-tu pas ? l'interroge Sehan.
— Parce qu'on ne m'a pas affecté comme soldat pour défendre notre espace, mais comme enquêteur pour découvrir d'où vient le mal, lui apprend le Capitaine. Et comme pour l'instant, je n'ai aucune piste et que c'est à Laorelon que les dégâts sont les plus gros, je reste ici.
Cette information provoque un sentiment contradictoire chez Erine. D'un côté, elle est mal à l'aise de savoir son géniteur dans le même lieu qu'elle, mais d'un autre côté, il sera une inépuisable source d'informations sur le dérèglement. Tout ce qu'Erine sait déjà sur ce phénomène, c'est ce que Loan a réussi à soutirer à son parrain. Et même si elle refuse de l'admettre, pour une fois, elle va pouvoir tirer profit du lien entre son ami et son père.
— Et pour l'instant, que donnent ton enquête ? se risque Sehan.
L'air de rien, Erine tend l'oreille.
— Rien du tout ! s'exclame Malcombe, montrant son irritation quant à cela.
Erine doit se retenir de pas pousser le même râle d'agacement. Dans sa vision périphérique, elle voit son père pincer ses lèvres et se frotter le menton.
— Et toi tu fais partie de quel camp ? reprend Sehan sur un ton plus léger. Es-tu dans ceux des inébranlables scientifiques ...
Il lance un regard taquin à Miolaine.
— Ou celui de ceux qui croient en la magie ?
Le coin des lèvres du Capitaine se soulève pour laisser échapper un rire bref.
— Je n'écarte aucune piste. Ce que la science ne pourra expliquer, la magie le pourra peut-être. Et ce que la magie ne pourra expliquer, la science le pourra... peut-être.
— Et pour nos amis, s'enquiert timidement Miolaine, est-ce la magie ou la science qui les sauvera ?
Malcombe trouve soudain un certain intérêt au paysage qui défile. Erine suit son regard et voit des enfants jouer dehors malgré le froid. Tous sont des sans-pouvoirs, des jeunes âmes innocentes et protégées qui peuvent s'amuser avec les éléments sans qu'ils ne puissent les blesser.
— Anaiel, elle ressortira de là, un jour ? insiste Miolaine.
Erine perçoit les tremblements dans sa voix. Le Capitaine reporte son regard dans l'habitacle.
— Les pouvoirs des Contrôleurs sont déréglés à cause de celui des éléments...
Erine retient un « on sait » agacé qu'on lui pépète toujours la même chose.
— En ne les utilisant pas, ils s'endorment...
Le Capitaine pointe les gamins à l'extérieur. Se jetant des boules de neiges à la figure, certains ont l'air de se prendre pour des Contrôleurs. Ces jeux sont leur manière à eux de manipuler les éléments.
— Jusqu'à ce que le déréglé revienne à un statut quasi humain, explique Malcombe. Si on ne les stimule pas, ils ne s'agitent plus et n'affectent plus gravement les fonctions vitales de leur hôte.
— Et ? on fait quoi avec cette information ? questionne Miolaine (j'arrive pas à qualifier son ton, mais genre un peu soucieux, pressé...)
— On gagne du temps.
Erine, pour la première fois qu'ils sont montés dans le véhicule, porte ses pupilles sur son géniteur qu'elle dévisage, circonspecte. C'est quoi cette réponse ?
— Tant que les pouvoirs sont en sommeil, la dégénérescence ne progresse pas... c'est le seul remède que nous avons pour l'heure...
Il paraît sincèrement navré par ce constat.
— Le mieux serait encore de pouvoir leur enlever totalement leurs dons ... baragouine-t-il pour lui-même.
Mais ces paroles, bien que murmurées, parviennent jusqu'aux oreilles d'Erine ? Elveler leurs pouvoirs à des Contrôleurs, a-t-elle bien compris ?
— C'est possible ?
Stupéfaite par une telle possibilité, elle ne peut retenir ses mots et finalement se mêler à la conversation. Le gloussement qu'émet son père témoigne de sa satisfaction à la voir parler. Comme s'il était tout content de se prouver qu'elle feind de l'ignorer depuis le début.
— Eh bien, selon certains rapports d'histoire il serait arrivé dans notre histoire que des contrôleurs se voient contraints d'abandonner leurs dons, confesse Malcombe.
— Ça me semble très hypothétique comme option.
— C'est pour ça que le mieux serait encore de trouver la source du problème et le résoudre, dit son père.
Erine, ni même aucun de ses deux amis, ne demande s'il a la moindre idée de ce qui a pu provoquer le dérèglement des éléments. Elle n'a pas envie d'entendre une réponse pessimiste, une fois encore.
Croisant à nouveau ses bras autour de sa taille, Erine s'enfonce dans son fauteuil. Les remparts de Laorelon se dessinent et deviennent de plus en plus nets. Sehan, quelqu'un qui ne supporte pas le silence, repart de plus belles avec des questions sur la dernière mission du Capitaine.
Quand le véhicule s'immobilise quelques mètres après les grilles du portail de l'académie, Erine sort et inspire une grosse bouffée d'air. Le froid s'infiltre dans sa gorge et dans ses poumons au point que ça en devient douloureux. Est-ce ça le froid viscéral qu'Anaiel a ressenti lors de sa contamination ?
— Je suppose que vous allez rester longtemps...
Marmonne Erine à l'intention de son père juste avant que leur chemin ne se sépare.
— Je resterai donc jusqu'à ce que l'on trouve la cause de cette épidémie et qu'on l'arrête.
— Ça risque de prendre du temps, soupire Erine.
— Je ne l'espère pas ! rétorque son père. Mais si ma présence t'indispose tant que ça, fais ce que tu as toujours fait, ignore-moi. Oublie ma présence et surtout, arrête de me rendre responsable de tout.
En prononçant ces mots, Erine sait qu'il pense à Swana. Que veut-il dire par là ? Bien sûr qu'il était responsable de tout !
Erine n'a pas le temps de s'offusquer de la manière dont il lui a parlé que déjà, il a tourné les talons et pris le chemin de son logement. Encore, elle a le sentiment d'être abandonnée. Chaque fois qu'il quitte la pièce où elle se trouve, elle ressent cette même sensation de vide qu'elle a éprouvée ce jour où elle a été en âge de comprendre qu'il les a laissé sa mère et elle.
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Alors, la lecture de ce chapitre, qu'en avez vous pensé ? Si vous étiez dans la Ligue, vous auriez tendance à aller chercher une explication scientifique ou bien magique au dérèglement des éléments ?
J'espère que vous appréciez de découvrir ou redécouvrir cette "nouvelle" version de l'histoire. N'hésitez pas à me faire part de vos retours, positifs ou négatifs, pour que je puisse continuer à travailler convenablement ce texte.
A très vite 😃