- Tu peux prendre une petite pause si tu veux, mon grand.
- Non, ça va... Felix ne décollait même pas son regard du livre entre ses mains.
Que lisait-il ? Les règlements, les démarches, les petites lois, tout ce qui concernait l'entreprise de son père, résumés en un assez grand livre de deux-cents pages. Voilà deux jours qu'il était rentré chez lui, et il passait la majeure partie de ses journées dans le bureau de son paternel pour faire plus ample connaissance avec son "avenir". Il ne pouvait qu'espérer que tout se passe bien du côté de ses anciens employés, car lui était déjà sur une nouvelle voie: celui du business.
Le roux s'était mis en tête de satisfaire au maximum son géniteur, et de rendre celui-ci fier de lui. Car après tout, son père faisait déjà beaucoup pour lui et son bonheur. À son tour de faire autant.
- J'aime comment tu t'impliques, sourit monsieur Lee en admirant son fils depuis son bureau.
Ce dernier était allongé sans retenue sur le beau canapé en cuir dans la pièce, le regard toujours plongé dans l'ouvrage presque interminable. De l'extérieur, il avait l'air vraiment intéressé. Mais de l'intérieur, il ne faisait que jurer en n'arrêtant pas de se répéter à quel point ce livre était ennuyeux et inutile. Il ne faisait même plus que regarder les images, les lettres lui donnant bien trop mal aux yeux.
- J'ai fini, il ferma le livre comme s'il tapait des mains. Très intéressant, tout ça...
- Très bien, qu'as-tu retenu d'instrucif aujourd'hui ?
- Oh pff... Il y en a tellement que je ne saurai tous les citer... Il y a ce truc... Et cet autre truc... Puis cet autre-là aussi...
Il tentait d'éviter le sujet en s'approchant de la grande vitrine de verre. La ville était déjà colorée par les nombreuses lumières provenant de maisons diverses. Il devait être dans les environs de 20h, et une autre dure journée de lecture et d'ennui l'attendait encore le lendemain. Sans compter le sommeil qui était apparu en lui dès la première seconde où il avait commencé à lire.
- Je pense que tu dois rentrer fiston, lui dit son père alors qu'il signait quelques papiers. Il se fait tard.
- Pour une fois, je suis d'accord...
- Demande à Seonghwa de t'accompagner jusqu'à la voiture, monsieur Lee le regardait par-dessus ses lunettes. Et couvre-toi bien, il fait un peu froid...
Le jeune fils s'apprêtait à obéir, mais il revint sur ses pas. Un sujet lui titillait bien trop sa curiosité depuis un bon moment.
- Cette recherche d'emplois... Ça avance ? hésita-t-il.
- Tu parles des futurs boulots pour tes anciens employés ? J'y travaille, j'y travaille.
- Oh... Je voulais juste m'en assurer...
Mais il partit en étant peu rassuré. Il n'était pas aussi fort qu'il ne le prétendait. Et il n'y avait pas les mots pour décrire à quel point son majordome lui manquait.
- Tu rentres encore tard aujourd'hui ? il demanda à son géniteur.
- Euh oui j'ai encore du travail. Mais rentre, si tu veux. J'ai encore un entretien très important.
- À 19h ?
- Tu sais bien que ce n'est pas si facile d'être à ma place.
- ... Bonne nuit papa...
- Passe une bonne nuit mon grand.
Tout cela était vraiment étrange. Un entretien à plus de 19h, son père n'aurait jamais toléré une chose pareille. Arrivé dans le hall d'entrée, il avait trouvé Seonghwa en train d'achever un appel téléphonique. Le secrétaire l'avait immédiatement remarqué, avant de le rejoindre une fois son affaire terminée.
- Je vous accompagne ? sourit-il alors que les deux protagonistes se dirigeaient déjà vers la sortie. Vous avez l'air tellement fatigué.
- À toi, je peux bien le dire. Depuis que je suis rentré, je ne dors presque pas. Je fais des cauchemars et je n'arrête pas de penser à mes employés... Donc je manque de sommeil. Mais ici, je dois lire, écrire, apprendre, et ça me fatigue.
- Aish vous vous y habituerez !
- Toi, tu es rentré avec Changbin et les autres, non ? demanda le plus jeune, soudainement intéressé de ses propres paroles. Est-ce que Changbin était triste quand je suis parti ? Est-ce qu'il a dit quelque chose sur moi ?
Seonghwa faisait mine de réfléchir. En réalité, Changbin n'avait été que ça: triste. Alors ce n'était plus là peine d'essayer de se rappeler d'autres choses.
- Oui, il l'était, répondit-il. Il ne parlait pas beaucoup.
Felix était rassuré d'entendre ces paroles. Enfin... Le fait que son ancien majordome soit triste n'était pas une bonne chose mais... Voilà. Le roux était fier de manquer au noiraud.
- Ça me remonte le moral de le savoir, murmura-t-il. J'ai tellement besoin de lui.
- Pourquoi ne pas en parler à votre père ? sourit Seonghwa.
Le roux ignorait pourquoi ce secrétaire ne cessait des sourire. Se moquait-il de lui et de son malheur ?
- Il sait déjà tout ça. Mais il ne comprend rien à rien.
- Oh vous savez qu'il ne veut que votre bien... Allez, je vous dit bonne nuit et à demain.
- À demain Seonghwa.
Ils étaient déjà arrivés en face de la voiture qui allait raccompagner le petit roux chez lui. Désormais, il vivait dans la grande maison de son père, où celui-ci avait vécu seul durant ces dernières années. Mais comme le paternel ne rentrait que très tard, Felix se sentait bien seul, entouré de parfaits inconnus reconnus comme membres du personnel. Temporairement, ses employés à lui vivaient encore "chez lui", dans son vrai chez lui, jusqu'à ce que son père leur trouve un travail.
Mais Felix était seul, dans une grande maison qu'il ne pourrait même pas entièrement visiter. Il montait rapidement les marches de l'escalier et s'était enfermé dans sa chambre, celle que son père avait rénovée pour accueillir son enfant. Habituellement, Changbin serait venu lui souhaiter une bonne nuit, et peut-être même le border. Là, il devait tout faire par lui-même. Il pouvait encore voir la silhouette de son majordome en train d'ouvrir les rideaux pour laisser les rayons argentés de la lune pénétrer la pièce.
Que des bons souvenirs douloureux.
- Voulez-vous que je vous apporte votre dîner dans votre chambre monsieur ?
Oui, Changbin aurait dit la même chose après avoir constaté que son maître n'était pas présent à table. Pourquoi n'arrêtait-il pas de penser à son majordome ? Au fond, il connaissait la réponse. Il avait juste bien trop honte de l'admettre.
- Euh... Monsieur ? Monsieur !
Felix sortit de ses pensées. Un des employés de son père se tenait dans l'encadrement de la porte, attendant sa réponse.
- Oh c'est vous qui aviez dit ça... dit-il, perdu. Je... Je n'ai pas faim.
- Vous êtes sûr de ne pas vouloir manger ?
- Complètement sûr.
Incertain, l'inconnu était directement sorti. Changbin aurait insisté, lui. Parce qu'il se souciait de la santé de son maître. Il n'aurait pas baissé les bras aussi facilement que cet employé x ne l'avait fait. Et voilà, il avait fallu qu'il repense encore à Changbin.
Changbin. Changbin.. Changbin...
Ce prénom restait gravé dans sa tête.
Comment son père pouvait-il ne pas encore comprendre à quel point il voulait retrouver sa vie d'avant, avec toutes les personnes auxquelles il tenait à ses côtés ? C'était sans doute une équation mathématique trop compliquée pour un homme d'affaires.
Le roux avait décidé de dormir. Même s'il savait d'avance que le sommeil ne l'aimait pas trop ces derniers temps. Il avait vraiment besoin de se vider la tête. Et pour une fois, il avait réussi à facilement trouver les bras de Morphée...
Tant mieux...
•°•°•°•°•°•°•°•°•
Les rayons du soleil pénétraient la vaste chambre encore assez vide, se dirigeant vers un jeune garçon allongé dans son lit confortable. Mais contre toute attente, ce garçon en question était déjà réveillé cinq heures plus tôt. Une fois de plus, Felix avait fait des cauchemars, alors il s'était décidé de ne plus fermer l'œil, au risque d'empirer son état. Le reste de la nuit, il avait regardé des vidéos gags sur son téléphone, dans le lit, sous sa couette. Inutile de préciser que c'est très peu recommandable pour les yeux. (Nda: Oui, veillez à toujours avoir un bon éclairage quand vous lisez, et même quand vous êtes sur votre téléphone)
Le pire était qu'il avait faim. La dernière fois qu'il avait mangé, c'était au déjeuner de la veille. Son ventre lui faisait horriblement mal à cause de ça, qu'il avait presque envie de vomir son dernier plat. Aussi, il était tout mou et ne voulait pas bouger. Et il était triste. Parce que oui, sa peine de cœur n'était pas encore soulagée.
Alors qu'il était encore sous sa couette, il entendit sa porte s'ouvrir. Encore un de ces employés qui allait lui demander de manger une seule fois, pour laisser tomber ensuite.
- Voulez-vous que je vous apporte votre petit déjeuner dans votre chambre, monsieur ?
- Nan ! Je n'ai toujours pas faim ! répondit-il sous l'épaisse couverture.
- Vous en êtes sûr ?
- Parfaitement !
Et, le jeune roux le prédisait déjà, ce fichu inconnu allait le laisser mourir de faim. Lui, il voulait que cet employé insiste, et même la veille. Parce qu'il avait réellement une faim de loup.
- Apparemment, vous n'avez pas non plus mangé hier. Et là, vous comptez ne pas manger le matin ? Je peux savoir ce qui vous arrive ?
Surpris, Felix sortit rapidement de sa couette pour regarder qui était en sa présence. Il crut s'évanouir. Il crut mourir.
- Cha-Changbin ??!
Son ancien majordome était là, vêtu d'un costume noir trop grand pour lui, comme celui qu'il portait au début de son service. Et avec, comme d'habitude, cet énorme sourire aux lèvres.
- Bonjour Felix... Je vous ai beaucoup manqué à ce qu'il paraît ?