A 28 ans, j'entame ma "carrière" de vendeuse. C'était vraiment pas intuitif comme décision car j'étais quelqu'un de plutôt introverti et asocial. Même si mon look de gothique et mes années de fête m'avaient un peu délurée, j'étais toujours au fond la gentille timide qui se fait un peu marcher dessus. Parler aux gens, à des inconnus, avoir un contact facile avec eux, c'est essentiel dans ce métier. Et finalement, cela a révélé une autre facette de ma personnalité, que j'appelle aujourd'hui ma Hanji^^
J'ai découvert que quand je le voulais, je pouvais facilement me lier avec les gens par un simple bonjour ou un sourire. Je suis d'un abord facile en vérité, une bonne pâte, comme on dit. Il faut seulement que je le veuille, que je laisse les gens m'approcher et que je décide d'aller vers eux. J'ai développé une attitude et un humour bien à moi qui mettent l'ambiance sur mes lieux de travail. La plupart des gens qui ont travaillé avec moi, ainsi que pas mal de mes clients, se souviennent encore de moi comme quelqu'un d'enjoué, qui a du punch et du bagou.
Mais passé le temps de travail, je chéris ma solitude. Mon bain de vie sociale comme je l'appelle m'est d'autant plus cher qu'il ne se prolonge pas. Même si contrairement à Erwin, je ne suis pas bonne comédienne, je m'efforce de montrer ma face Hanji au boulot, et mes faces Livaï/Erwin sont juste pour moi. J'ai dû me calmer sur mon look gothique, mais au fond je n'ai pas changée (je garde encore mes bagues en argent)^^
C'est à cette époque que j'entame peut-être mon projet le plus ambitieux en terme d'écriture. Celui d'une histoire originale. Pour cela, il aura fallu que je m'en remette à mes rêves au sens propre car c'est suite à un court rêve très étrange que cette envie m'a prise pour ne plus me lâcher les deux années suivantes. Un rêve blanc et bleu dans lequel j'étais un personnage assis, au milieu d'autres personnages qui semblaient dans l'attente de quelque chose, immobiles au milieu d'une étrange forêt nocturne... Je me souviens de la vision de l'un d'eux, debout au-dessus de moi, le regard au loin, et de ses longs cheveux blancs ondulés, de sa peau claire, de ses yeux rougeoyants... Sans savoir pourquoi, j'ai su que cet être étrange était mon frère (jumeau). Et cette connaissance m'est restée quand je me suis réveillée. L'envie irrépressible d'écrire quelque chose sur la gémellité (qui m'a toujours intéressée) est devenue alors frénétique. Ces quelques images éthérées me tourmentaient, comme un genre de message lancé par-delà les étoiles, et je me suis mise à écrire quelques heures plus tard.
Gemminy était en gestation. Je me sentais prête à écrire ma propre histoire, à tout créer moi-même. A me sentir totalement libérée-délivrée d'un quelconque canon.
Ecrire une histoire originale est différente d'écrire une fanfiction. Ce n'est pas plus dur ou plus facile, c'est juste un processus différent (à moins d'écrire des AU tellement éloignés du canon qu'au final on ne reconnaît plus l'original, comme cela m'est arrivé avec déplaisir). Là où la fanfiction implique de s'approprier des éléments appartenant à un autre, et de les utiliser au mieux afin que les fans (et l'écrivain) s'y retrouvent, l'écrit original implique de tout créer soi-même, du moins en grande partie (car s'inspirer d'autres oeuvres n'a rien de honteux, même les grands écrivains le font). On part de zéro, sans fil directeur et la première chose c'est de trouver ce fil. Ma première initiative fut de dessiner la carte de mon monde. C'est un procédé étonnant mais c'est en la dessinant que le scénario s'est dévoilé peu à peu. Gemminy est construit sur une spirale géographique... Mais comme je ne veux pas vous spoiler, allez le constater par vous-mêmes^^
En plus de la gémellité, j'étais aussi passionnée de cristaux et je me demandais comment intégrer ces éléments à mon idée de base. La solution était assez simple et ceux qui connaissent Final Fantasy l'auront deviné. A cette époque, je (re)jouais à l'épisode 4 (un de mes préférés) et il est bien évident que cela a beaucoup influencé mon scénario. Je l'assume tout à fait du reste. Créer quelque chose de totalement nouveau est très rare de nos jours ; toutes les histoires ont déjà été écrites et celles que nous lisons encore ne sont finalement que des variantes, des rééditions, la plupart du temps, du même thème : le voyage initiatique, la quête du héros. Quel schéma est plus universel que celui-ci ? Je puisais donc largement dans Final Fantasy 4 en terme d'inspiration (ceux qui iront se renseigner sur les éléments de scénario de celui-ci trouveront vite les points communs avec Gemminy) tout en désirant y ajouter des éléments plus originaux.
Je décidais vite de mêler fantasy et science-fiction (comme le fait Final Fantasy 9, mon préféré absolu de la saga), en les faisant s'entremêler de manière progressive. Le cadre de l'histoire est classique, mais les détails que j'y incruste sont malgré tout assez uniques et j'en suis fière. Ainsi, peu de bestiaire de fantasy habituel au profit de créatures d'un autre type, plus proches de la réalité mais dotées de mutation surprenantes. La mythologie que j'instaure avec les cristaux est ici aussi différente de celle des FF puisqu'ils deviennent quasiment la base de toute vie, animale, végétale, etc, jusqu'à devenir l'unique reliquat que laissent les êtres vivants derrière eux quand ils meurent.
Autre défi : gérer une coterie de plusieurs personnages, un peu à la manière d'un RPG, en usant de stéréotypes de jobs (barde, archer, guerrier, soigneur, etc...) tout en leur donnant une présence et une identité qui leur seraient propres et intéressantes pour le lecteur, qui feraient qu'on s'y attache. Ce ne sont pas moins de 9 personnages, le noyau dur du groupe, tous différents, que je place aux côtés de mes héros Beryl et Krysos dans cette aventure et tous doivent avoir leur temps de parole (à part Sappir qui parle presque jamais lol). Sans compter les personnages secondaires qui ont aussi leur mots à dire. Organiser tout ça dans une fresque épique, c'est du boulot.
Je récupère le langage inventé des années plus tôt pour ma première fanfiction, le peaufine un peu, et ainsi naît le langage lunaire dont j'use dans Gemminy. J'en ai écris un véritable dictionnaire personnel depuis^^ J'utilise les noms des cristaux afin de nommer personnages et villes, et le tout commence à prendre forme.
Je fréquente à l'époque un forum d'écrivains amateurs et y poste le premier chapitre. Critique acerbe (et peu diplomate) en pleine poire. Disciplinée, je revois le texte et corrige ce qui pèche. Peu d'enthousiasme pour mes écrits, donc je pars me vendre ailleurs. J'atterris sur un autre forum, un peu plus modeste, mais où je parviens peu à peu à faire mon trou. Je ne me souviens plus de son nom, mais il a dû fermer depuis car une bande de trolls venue de nulle part s'est mise à pourrir tous les topics pour une raison inconnue. L'admin étant parti depuis longtemps, nous nous exilons, mes collègues et moi, vers un autre forum de notre invention, dont je suis désignée admin : Le petit forum des auteurs. Il existe toujours si vous voulez y jeter un oeil mais je n'y touche plus depuis longtemps. Malgré tout, une lectrice se passionne alors pour Gemminy et devient ma béta lectrice (Stan, si tu passes par là, coucou^^). Nous passons beaucoup de temps à discuter de ces aventures et les chapitres s'enchaînent.
Sur le premier forum que je fréquentais (celui pollué par les trolls), il existait une rubrique consacrée aux éditeurs cherchant de nouveaux auteurs. L'un d'eux, Angel Publications, me remarque et me demande alors si je serais prête à les laisser publier mon roman un fois terminé. J'en crois juste pas mes yeux, je crois même à une blague au début. Mais apparemment c'est sérieux. Cependant Gemminy n'est pas encore terminé et je les informe qu'il sera sans doute conséquent. Qu'importe, ils veulent Gemminy. Je redouble d'effort alors, toute contente de me dire que je vais peut-être pouvoir réaliser un rêve : être publiée en format papier. Ils me font même signer un pré-contrat.
Gemminy se termine au bout d'environ 2 ans d'écriture (23 chapitres en tout). Je suis plutôt satisfaite de l'ensemble. Même si j'avais écris un plan de départ afin de ne pas me perdre, je m'étais aménagé assez de zones de flous pour que mes personnages puissent me surprendre, et j'aimais ça. Cependant, à titre d'exemple, la dernière phrase du roman était déjà écrite dans ma tête depuis le... chapitre 2. Quand je vous dis que je suis bornée.
Le tapuscrit terminé, j'imprime le tout et l'envoie à Angel Publications. Un sacré pavé. En format poche, il fait entre 600 et 800 pages, pas mal pour un premier. Mais j'allais apprendre à mes dépends que le trop peut-être l'ennemi du bien. Dans un premier temps, un travail de correction de fond doit être effectué et je corresponds avec la ME par mails ou par courrier. Ils corrigent les fautes formelles, ce qui ne me dérange pas, mais commencent aussi à vouloir s'attaquer au fond, ce qui me plaît moins. Les critiques du genre "tel personnage ne sert à rien, il faudrait l'enlever" commencent à arriver et je me place en désaccord. Il faut dire que j'avais écrit Gemminy dans l'idée d'étoffer ensuite le scénario et les personnages avec des récits parallèles, un peu comme une grande saga. Donc si mes personnages principaux étaient bien assez détaillés, d'autres au passé trouble restaient davantage dans l'ombre afin de me donner du grain à moudre plus tard. Mais ça, la ME ne le comprenait pas trop. Il pense sur le court terme alors qu'un auteur pense souvent à tout ce qui peut se développer autour d'une seule oeuvre.
De plus, ils me conseillèrent par la suite de couper le manuscrit en deux parties pour des raisons de risques. Il faut savoir que quand on est un auteur inconnu, pondre un premier roman comparable à un pavé est un handicap. Les éditeurs ne font pas de l'humanitaire ; produire un livre coûte cher, surtout les pavés, et quand on est pas sûr de faire des ventes, c'est un pari risqué, car un auteur inconnu n'a pas encore de lectorat. Un conseil donc : si vous voulez être publié, commencez par des petits formats.
Cependant, je compris vite que Gemminy était un peu trop lourd pour eux. Ils n'avaient pas envisagé qu'il serait aussi volumineux malgré mes mises en garde, et leur amateurisme me sauta alors aux yeux. Comme pour le confirmer, Angel Publications mis la clef sous la porte peu de temps après, alors que Gemminy était encore sur leur table de travail. Ils eurent des ennuis concernant les droits d'auteurs sur leurs livres publiés, mais j'y échappai, le mien étant encore un projet. Je récupérai donc les droits de mon oeuvre, dépitée par cette première expérience et peu désireuse de réitérer.
Je le proposais pourtant à d'autres ME. Sans succès. Pour les mêmes raisons. Tapuscrit trop volumineux pour un auteur inconnu, ligne éditoriale pas en adéquation avec mes thèmes, etc. Je laissai donc tomber et me contentai de le publier sur mes blogs, et aussi sur Wattpad évidemment (oui, mon bébé est tout en bas de la liste pour ceux qui me feraient l'immense plaisir de vouloir le lire^^).
Aucun regret sur Gemminy, je le trouve toujours super. Il ne s'est pas écrit tout seul, j'en ai sué, mais quel pied. J'avais envisagé de le dédier aux lecteurs qui m'avaient soutenue, mais aussi à mon cousin, décédé dans la fleur de l'âge durant la rédaction (j'écrivais alors la fin du chapitre 10 et je pense que l'état d'esprit de Krys refléte très bien le mien à ce moment-là). Gemminy ne s'adresse pas à une cible particulière et mêle les éléments de légèreté parfois drôles à d'autres bien plus dramatiques et sérieux (prélude aux Chroniques de Livaï peut-être ?). J'avais pu exprimer des idées personnelles à travers des personnages divers et variés, en me mettant parfois dans leur peau pour connaître leurs pensées les plus intimes, et, avec SH : Return to Paradise (ou j'utilisais aussi une narration externe mais intimiste), j'avais dorénavant acquis des techniques d'écriture nouvelles. J'avais l'impression de pouvoir écrire dans pas mal de registres différents tout en étant crédible.
J'imaginais déjà des petits frères à Gemminy : une préquelle dont j'ai déjà écrit le préambule, une suite dont j'ai déjà écrit le plan, et une histoire parallèle à celle du roman principale mais se situant dans un autre lieu. Bref, plein de projets, mais j'ai toujours tendance à m'éparpiller et à n'en concrétiser aucun. Qu'à cela ne tienne, cela reste dans mes placards, la vie est longue et peut-être aurais-je la chance de retourner à Zyrconia un jour ou l'autre. Mes enfants ne me laisseront jamais tranquille. Chut, Amber !...