Gatsby le magnifique

By grand-brillant

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Jeune homme issu d'une famille aisée du Minnesota et diplôme dé l'université de Yale, Nick Carraway s'install... More

Chapitre 1
Chapitre 1 II
Chapitre 1 III
Chapitre 1 IV
Chapitre 1 V
Chapitre 2
chapitre 2 II
Chapitre 2 III
Chapitre 3
Chapitre 3 II
Chapitre 3 III
chapitre 3 IV
Chapitre 3 V
Chapitre 4
Chapitre 4 II
Chapitre 4 III
Chapitre 4 IV
Chapitre 5
Chapitre 5 II
chapitre 5 III
Chapitre 5 IV
Chapitre 6
Chapitre 6 II
Chapitre 7
chapitre 7 II
Chapitre 7 III
Chapitre 7 IV
chapitre 7 V
Chapitre 7 VI
Chapitre 7 VII
Chapitre 7 VIII
Chapitre 8
Chapitre 8 II
Chapitre 8 III
Chapitre 8 IV
Chapitre 9
Chapitre 9 II
Chapitre 9 III
Chapitre 9 IV
Chapitre 9 V

Chapitre 6 III

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By grand-brillant


– Eh bien ! il me plaît quand même.

– Moi, si ça ne vous fait rien, j'aimerais mieux ne pas être le joueur de polo, fit Tom d'un air aimable. Je préfère contempler tous ces gens célèbres incognito.

  Daisy et Gatsby dansèrent. Je fus surpris, je m'en souviens encore, par son fox-trot gracieux et décent. Je ne l'avais jamais vu danser. Puis ils allèrent jusqu'à ma maison en se promenant et s'assirent sur les marches une demi-heure, tandis que, à la demande de ma cousine, je montais la garde dans le jardin : « Pour le cas où il y aurait le feu ou une inondation, expliqua-t-elle, ou tout autre intervention de la fatalité. »

  Tom sortit de l'oubli comme nous prenions place ensemble pour le souper. « Excusez-moi, je vais manger avec ces personnes, là-bas, fit-il. Il y a un type qui dit des drôleries. »

– Mais certainement, dit Daisy avec bonne humeur. Et pour le cas où tu voudrais noter quelques adresses, voici mon petit crayon d'or.

  Au bout d'un moment, elle jeta un coup d'œil vers la table de Tom et me dit que la femme était « vulgaire mais jolie ». Je sentis que, exception faite de la demi-heure qu'elle avait passée seule avec Gatsby, elle ne s'amusait guère.

  Nous étions à une table particulièrement ivre. C'était ma faute. Gatsby avait été appelé au téléphone et je m'étais amusé en compagnie de ces mêmes gens deux semaines plus tôt. Mais ce qui m'avait diverti alors maintenant se putréfiait dans l'air.

– Comment vous sentez-vous, miss Baker ?

  La jeune personne à qui s'adressait la question cherchait, sans succès, à s'avachir contre mon épaule. À cette demande, elle se redressa et ouvrit les yeux :

– Quoi ?

  Une femme prit sa défense.

– Elle va très bien maintenant. Quand elle a bu cinq ou six cocktails, elle crie toujours comme ça. Je me tue à lui dire qu'elle ne devrait plus toucher à l'alcool.

– Mais je n'y touche plus, affirma l'accusée d'une voix creuse.

– On vous a entendue crier, alors j'ai dit au docteur Civet – n'est-ce pas, docteur ? : « Voilà quelqu'un qui a besoin de vos soins, docteur ».

– Elle vous en est très reconnaissante, j'en suis sûr, fit un autre ami, sans gratitude, mais vous avez trempé sa robe en lui plongeant la tête dans le bassin.

– S'il y a une chose dont j'ai horreur, c'est qu'on me plonge la tête dans les bassins, marmonna miss Baker. Une fois on a failli me noyer dans le New-Jersey.

– Raison de plus pour que vous ne touchiez plus à l'alcool, attaqua le docteur Civet.

– Parlez donc pour vous ! cria miss Baker avec violence. Votre main tremble. Je ne me laisserais certes pas opérer par vous !

  C'était comme ça. La dernière vision que je me rappelle est celle du directeur de cinéma et de son étoile, que je contemplais, côte à côte avec Daisy. Ils étaient encore sous le prunier, et leurs visages se touchaient presque, séparés par un mince rayon de lune. Il me vint à l'esprit que pendant toute la soirée l'homme s'était lentement penché vers elle. Pendant que je regardais, il se pencha d'un ultime degré et posa un baiser sur sa joue.

– Elle me plaît, fit Daisy. Elle est adorable.

  Mais les autres l'offensaient, et sans argument possible, car il ne s'agissait point d'une pose, mais d'une émotion. Elle était terrifiée par West-Egg, cet « endroit » sans précédent, que Broadway avait enfanté dans un village de pêcheurs de Long-Island – terrifiée par sa vigueur crue qui ruait sous d'antiques euphémismes, et par le trop importun destin qui entassait ses habitants au long d'un raccourci menant du néant au néant. Elle voyait quelque chose d'atroce dans cette simplicité même qu'elle ne parvenait pas à comprendre.

  Je m'assis avec eux sur le perron pendant qu'ils attendaient leur voiture. Il faisait sombre, ici, sous la façade ; seule, la porte projetait dix pieds carrés de lumière dans le doux matin noir. Parfois une ombre remuait derrière le store d'un cabinet de toilette, à l'étage supérieur, cédant la place à une autre ombre, une infinie procession d'ombres, qui se poudraient et se mettaient du rouge devant un invisible miroir.

– Qu'est-ce que c'est donc au juste que ce Gatsby ? demanda Tom tout à coup. Un grand bootlegger ? Un contrebandier d'alcool ?

– Où avez-vous entendu dire ça ? m'enquis-je.

– Je ne l'ai pas entendu dire. Je l'ai imaginé. Beaucoup de ces nouveaux riches ne sont que de gros bootleggers, vous savez bien.

– Pas Gatsby, fis-je brièvement.

  Il garda un instant le silence. Le gravier de l'allée crissait sous ses pieds.

– Eh bien ! il a dû se donner beaucoup de mal pour rassembler cette ménagerie.

  Le vent agita la brume grise du col de fourrure de Daisy.

– Du moins, ils sont plus intéressants que les gens que nous connaissons, fit-elle avec effort.

– Ils n'avaient pas l'air de t'intéresser tant que ça.

– Eh bien ! ils m'intéressaient, na.

  Tom se tourna vers moi en riant :

– Tu as vu la figure de Daisy quand cette fille lui a demandé de la mettre sous une douche froide ?

  Daisy se mit à chantonner avec la musique d'un murmure enroué et rythmique donnant à chaque mot un sens qu'il n'avait jamais eu et qu'il n'aurait plus jamais. Quand la mélodie mon-tait, sa voix se brisait avec douceur, en la suivant, comme font les voix de contralto, et chaque changement déversait dans l'air un peu de sa chaude magie humaine.

– Beaucoup de gens sont venus sans être invités, fit-elle soudain. Cette fille n'avait pas été invitée. Ils s'introduisent tout simplement de force et lui, il est trop poli pour protester.

– J'aimerais bien savoir qui il est et ce qu'il fait, insista Tom. Et je crois que je vais faire mon affaire de le découvrir.

– Je peux te le dire tout de suite, répondit Daisy. Il possédait des pharmacies, un tas de pharmacies. C'est lui-même qui les a fait prospérer.

  La limousine retardataire arriva par l'allée.

– Bonne nuit, Nick, fit Daisy.

  Son regard me quitta pour chercher le palier lumineux du perron. « Trois heures du matin », une gentille et mélancolique petite valse de l'année, se glissait par la porte ouverte. Après tout, dans la nature fortuite de la garden-party de Gatsby, il y avait des possibilités romanesques totalement absentes de son monde à elle. Qu'y avait-il donc là-haut, en cette chanson qui semblait vouloir la rappeler dans la villa ? Qu'allait-il se passer maintenant, aux heures obscures, inimaginables ? Peut-être un hôte invraisemblable allait-il arriver, quelque personnage infiniment rare et digne d'être admiré, quelque authentique et rayonnante jeune fille qui, décochant un frais regard à Gatsby, en un instant de magique rencontre, effacerait ces cinq années de strict dévouement.

  Je restai tard cette nuit-là, Gatsby m'ayant prié d'attendre qu'il fût libre. Je me promenai dans le jardin jusqu'à ce que l'inévitable bande de baigneurs fût remontée au galop, frissonnante et exaltée, de la plage noire, jusqu'à ce que les lumières fussent éteintes dans les chambres d'amis, au-dessus de ma tête. Quand il redescendit enfin le perron, sa peau tannée était plus tirée que d'habitude sur sa figure, il avait des yeux luisants et fatigués.

Elle n'a pas aimé ça, fit-il tout de suite.

– Mais si.

– Mais non. Elle ne s'est pas amusée.

  Il se tut. Je devinais son indicible abattement.

– Je me sens si loin d'elle. Il est si difficile de lui faire com-prendre...

– Le bal, vous voulez dire ?

– Le bal ?

  D'un claquement de doigts, il fit bon marché de tous les bals qu'il avait jamais donnés.

– Vieux frère, le bal est sans importance.

  Il ne voulait rien moins qu'obtenir de Daisy qu'elle allât à Tom et lui dît : « Je ne vous ai jamais aimé. » Une fois qu'elle aurait oblitéré quatre années par cette phrase, ils pourraient chercher une solution quant aux mesures d'ordre pratique qui resteraient à prendre. Une de celles-ci était, après qu'elle serait libre, de retourner à Louisville et de s'y marier – le cortège par-tirait de chez elle – comme si c'était cinq ans plus tôt.

– Et elle ne comprend pas, répétait-il. Elle qui comprenait si bien jadis. On restait assis, tous les deux, des heures...

  Il s'interrompit et se mit à aller et venir sur une piste dés-honorée par les pelures de fruits, les faveurs rejetées, les fleurs foulées. Je hasardai :

– Je ne lui en demanderais pas trop, à votre place. On ne fait pas revivre le passé.

– On ne fait pas revivre le passé ? s'écria Gatsby incrédule. Mais bien sûr que si !

  Il jeta autour de lui un regard égaré, comme si le passé se cachait là, dans l'ombre de la villa, juste hors de portée de la main.

– Je vais arranger tout exactement comme c'était avant, fit-il, en hochant la tête d'un air déterminé. Elle verra.

  Il parla abondamment du passé et je crus comprendre qu'il voulait reconquérir quelque chose, peut-être une idée que jadis il s'était faite de lui-même, qui s'était absorbée dans son amour pour Daisy. Depuis lors, sa vie avait été confuse et désordonnée, mais s'il pouvait seulement revenir à un certain point de départ et refaire lentement le même chemin, il pourrait découvrir ce qu'était cette chose...

... Un soir d'automne, cinq ans plus tôt, ils marchaient en-semble dans une rue au moment où les feuilles tombaient. Ils arrivèrent à un endroit où il n'y avait point d'arbres, où le trottoir était tout blanc de lune. S'arrêtant, ils se retournèrent l'un vers l'autre. Cette nuit était fraîche et pleine de la mystérieuse surexcitation qui vient avec les deux métamorphoses de l'année. Les paisibles lumières des maisons sortaient dans les ténèbres en bourdonnant et dans les étoiles, il y avait comme un frémissement, comme une agitation. Du coin de l'œil, Gatsby voyait que les dalles des trottoirs formaient en réalité une échelle qui montait vers un endroit secret au-dessus des arbres ; il pourrait y monter, s'il y montait seul, et, une fois là-haut, sucer la pulpe de la vie, boire l'incomparable lait de l'émerveillement.

  Son cœur battait plus fort à mesure que le blanc visage de Daisy montait vers le sien. Il savait qu'une fois qu'il aurait donné un baiser à cette jeune fille et marié à jamais ses indicibles visions à son souffle périssable, son esprit d'homme ne s'ébattrait plus jamais comme l'esprit d'un dieu.

  Il attendit donc tendant l'oreille un instant de plus au diapason dont quelqu'un venait de heurter un astre. Puis, il l'embrassa. Au contact de ses lèvres, elle s'épanouit pour lui comme une fleur, et l'incarnation fut complète.

  Tout ce qu'il me dit, et même son effarante sentimentalité, me rappelait quelque chose – un rythme insaisissable, un fragment de paroles perdues, que j'avais entendus quelque part, il y avait longtemps. Un moment, une phrase chercha à prendre forme dans ma bouche et mes lèvres se séparèrent, telles celles d'un muet, comme si quelque chose de plus qu'un souffle d'air frémissant se débattait sur elles. Mais elles ne produisirent aucun son et ce que j'avais failli me rappeler demeura incommunicable à jamais.

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