Gatsby le magnifique

By grand-brillant

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Jeune homme issu d'une famille aisée du Minnesota et diplôme dé l'université de Yale, Nick Carraway s'install... More

Chapitre 1
Chapitre 1 II
Chapitre 1 III
Chapitre 1 IV
Chapitre 1 V
Chapitre 2
chapitre 2 II
Chapitre 2 III
Chapitre 3
Chapitre 3 II
Chapitre 3 III
chapitre 3 IV
Chapitre 3 V
Chapitre 4
Chapitre 4 II
Chapitre 4 III
Chapitre 4 IV
Chapitre 5
Chapitre 5 II
chapitre 5 III
Chapitre 5 IV
Chapitre 6 II
Chapitre 6 III
Chapitre 7
chapitre 7 II
Chapitre 7 III
Chapitre 7 IV
chapitre 7 V
Chapitre 7 VI
Chapitre 7 VII
Chapitre 7 VIII
Chapitre 8
Chapitre 8 II
Chapitre 8 III
Chapitre 8 IV
Chapitre 9
Chapitre 9 II
Chapitre 9 III
Chapitre 9 IV
Chapitre 9 V

Chapitre 6

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By grand-brillant

  Vers la même époque, un jeune et ambitieux reporter de New-York se présenta un matin chez Gatsby pour lui demander s'il avait quelque chose à dire.

– À quel sujet ? s'enquit Gatsby avec politesse.

– Une déclaration quelconque à faire.

  Il résulta d'une conversation fort obscure, qui dura cinq minutes, que le jeune homme avait entendu mentionner le nom de Gatsby dans sa salle de rédaction en des circonstances qu'il ne voulait pas révéler ou qu'il n'avait pas bien comprises. C'était son jour de congé, et avec une louable initiative il était « venu voir ».

  Un coup au jugé, et pourtant l'instinct du reporter était juste. La notoriété de Gatsby, répandue par les centaines de personnes qui avaient accepté son hospitalité, devenant de ce fait autant d'autorités sur son passé, avait crû tout l'été jusqu'au point d'acquérir presque une valeur d'information.

  Des légendes contemporaines s'attachèrent à lui, tel le « tuyau souterrain » partant du Canada, qui, disait-on, approvisionnait d'alcool les États-Unis.

  Une histoire circulait avec persistance, d'après laquelle il n'habitait pas une maison, mais un bateau qui ressemblait à une maison et qu'on remorquait secrètement la nuit sur la côte de Long-Island. Pourquoi au juste ces inventions étaient-elles une source de satisfaction pour James Gatz, du North Dakota, il n'est pas facile de le dire.

  James Gatz, c'était là réellement, ou tout au moins légalement, son nom. Il l'avait changé à dix-sept ans, au moment précis où débuta sa carrière, quand il vit le yacht de Dan Cody jeter l'ancre sur le plus insidieux bas-fond du lac Supérieur. C'était James Gatz qui flânait sur la plage cet après-midi-là, vêtu d'un chandail vert tout déchiré et d'un pantalon de toile, mais c'était déjà Jay Gatsby qui, empruntant un canot, avait ramé jusqu'au Tuolomee pour informer Cody que le vent pouvait bien se lever et le démolir en une demi-heure.

  Je suppose qu'il tenait déjà le nom tout prêt. Ses parents étaient des fermiers besogneux que le succès avait toujours fuis ; son imagination ne les avait jamais acceptés comme parents. Au vrai, Jay Gatsby, de West-Egg, Long-Island, avait jailli de sa propre conception platonique de soi. C'était un fils de Dieu, phrase qui, si elle signifie quelque chose, signifie cela même, et il lui incombait de s'occuper des affaires de son Père, au service d'une vaste, vulgaire et mercenaire beauté. De sorte qu'il inventa précisément l'espèce de Jay Gatsby qu'un garçon de dix-sept ans pouvait inventer, et à cette conception il demeura fidèle jusqu'au bout.

  Depuis plus d'une année, il voyageait le long de la rive sud du lac Supérieur en déterrant des palourdes, en péchant le saumon, en s'acquittant de toute besogne qui lui pouvait procurer la nourriture et un lit. Son corps tanné, qui allait s'endurcissant, survécut tout naturellement au labeur mi-frénétique, mi-nonchalant de ces salutaires journées. Il connut la femme de bonne heure et comme les femmes le gâtaient, il apprit à les mépriser, les vierges pour leur ignorance, les autres pour leur hystérie en des matières que, dans son insurmontable préoccupation de soi, il tenait pour naturelles.

  Mais son cœur était une constante, une turbulente émeute. Les imaginations les plus grotesques et les plus fantasques le hantaient la nuit dans son lit. Un univers d'un ineffable clin-quant se tissait en son cerveau, cependant que la pendule faisait son tic tac sur la toilette, et que la lune trempait d'une humide lumière ses vêtements répandus sur le plancher. Chaque nuit il ajoutait de nouveaux traits au tracé de ses fantaisies, jusqu'au moment où le sommeil refermait son oublieuse étreinte sur quelque scène éclatante. Ces rêveries servirent un temps d'exutoire à son imagination ; elles étaient une allusion satisfaisante à l'irréalité de la réalité, l'assurance que ce rocher, le Monde, solidement reposait sur l'aile d'une fée.

  L'instinct de sa gloire future l'avait conduit quelques mois plus tôt, au petit collège luthérien de Saint-Olaf, dans le Minnesota méridional. Il y resta deux semaines, découragé par sa féroce indifférence aux roulements de tambour de sa destinée, de la destinée elle-même, méprisant le travail d'homme de charge par lequel il devait payer pour ses études. Puis, il revint à la dé-rive sur les bords du lac Supérieur et il cherchait encore quelque chose à faire, quand le yacht de Dan Cody jeta l'ancre sur les bas-fonds du large.

  Cody avait cinquante ans à cette époque, produit des terrains argentifères du Nevada, du Yukon, de toutes les ruées vers le métal qui s'étaient produites depuis 1875. Les transactions dans les cuivres du Montana qui l'avaient rendu plusieurs fois millionnaire le trouvèrent robuste physiquement, mais sur le bord du gâtisme. Le soupçonnant, un nombre infini de femmes essayaient de le séparer de son argent. Les pratiques peu ragoûtantes qu'Ella Kaye, la journaliste, mit en œuvre pour assumer le rôle de Pompadour auprès du vieillard dont les faiblesses étaient, par comparaison, innocentes, et qui finirent par contraindre celui-ci à se réfugier sur son yacht pour ménager sa vie, furent la propriété commune mais censurable du journalisme de l'an 1902. Il croisait, depuis cinq ans, sur des côtes par trop hospitalières, quand il apparut dans Little Girl Bay pour jouer le rôle du destin en faveur de Jay Gatsby.

  Pour le jeune Gatsby, appuyé sur ses avirons, les yeux levés vers le pont-promenade, ce yacht représentait toute la beauté, toute la splendeur du monde. Sans doute sourit-il à Cody – il avait probablement découvert que les gens le trouvaient sympathique quand il leur souriait. Quoi qu'il en fût, Cody lui posa quelques questions (une d'elles fit jaillir le nom tout flambant neuf) et découvrit que le garçon était vif et ambitieux jusqu'à l'extravagance. Quelques jours plus tard, il le menait à Duluth et lui achetait une vareuse bleue, six paires de pantalons en toile blanche et une casquette de yachtman. Et quand le Tuolomeeleva l'ancre pour les Antilles et la Côte de Barbarie, Gatsby figu-rait parmi son équipage.

  Il servait dans des emplois vaguement confidentiels ; tant qu'il accompagna Cody, il fut tour à tour steward, second, capitaine, secrétaire, voire geôlier, car Dan Cody à jeun savait de quelles prodigalités Dan Cody ivre pouvait se montrer capable, et il se préparait à de telles contingences en faisant de plus en plus de fond sur Gatsby. L'accord dura cinq années, pendant lesquelles le bateau fit trois fois le tour du continent. Il aurait sans doute duré indéfiniment si, une nuit, à Boston, Ella Kaye n'était montée à bord et si, une semaine après, Dan Cody n'avait mis fin à son hospitalité en décédant.

  Je me rappelle le portrait que j'ai vu de ce vieillard dans la chambre à coucher de Gatsby, un homme grisonnant, au teint fleuri, au visage dur et vide – le pionnier débauché qui, pendant une phase de la vie américaine, avait ramené sur la côte orientale la sauvage violence des lupanars et des tavernes de la frontière. Indirectement, c'était à Cody que Gatsby devait de boire si peu. Parfois, au cours d'une fête joyeuse, des femmes frottaient ses cheveux de champagne ; quant à lui, il avait pris l'habitude de ne jamais toucher à la liqueur.

  Et c'est de Cody qu'il avait hérité de l'argent – un legs de vingt-cinq mille dollars. Cet argent, il ne le toucha pas. Il ne comprit jamais l'expédient légal qu'on mit en œuvre contre lui, mais tout ce qui restait des millions revint intact à Ella Kaye. Il resta avec son éducation singulièrement appropriée ; le vague contour de Jay Gatsby s'était arrondi jusqu'à représenter, en substance, un homme.

  Tout ceci, il me le raconta beaucoup plus tard, mais si je l'inscris ici, c'est pour dissiper ces folles rumeurs concernant ses antécédents, lesquelles n'avaient même pas une ombre de vérité. Qui plus est, il me raconta cette histoire à une époque fort troublée, quand j'étais arrivé à croire tout et rien à son sujet. Je profite donc de cette brève halte, pendant laquelle Gatsby, si je puis dire, reprend haleine, pour dissiper toutes ces conceptions erronées.

  C'est également une halte dans mon immixtion dans ses affaires. Pendant plusieurs semaines, je ne le vis plus, je n'entendis plus sa voix au téléphone. La plupart du temps, j'étais à New-York, trottant de tous côtés avec Jordan, m'efforçant de gagner la sympathie de sa vieille tante, mais un dimanche après-midi, je finis par me rendre chez Gatsby. Je n'étais pas là depuis deux minutes que quelqu'un se présentait avec Tom Buchanan, pour boire un verre. Je fis, naturellement, un haut-le-corps, mais ce qui était surprenant en réalité, c'est que cela ne se fût pas produit plus tôt.

  Ils étaient trois qui se promenaient à cheval, Tom, un nommé Sloane, et une jolie femme en amazone, qui était déjà venue avant.

– Enchanté de vous voir, fit Gatsby, debout sur son perron. Enchanté que vous soyez venus.

  Comme si cela pouvait lui importer !

– Asseyez-vous donc. Prenez une cigarette ou un cigare.

  Il tourna rapidement dans la pièce, en appuyant sur des boutons de sonnette.

– Dans un instant on vous apportera à boire.

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