Gatsby le magnifique

By grand-brillant

3.2K 135 3

Jeune homme issu d'une famille aisée du Minnesota et diplôme dé l'université de Yale, Nick Carraway s'install... More

Chapitre 1
Chapitre 1 II
Chapitre 1 III
Chapitre 1 IV
Chapitre 1 V
Chapitre 2
chapitre 2 II
Chapitre 2 III
Chapitre 3
Chapitre 3 II
Chapitre 3 III
chapitre 3 IV
Chapitre 3 V
Chapitre 4
Chapitre 4 III
Chapitre 4 IV
Chapitre 5
Chapitre 5 II
chapitre 5 III
Chapitre 5 IV
Chapitre 6
Chapitre 6 II
Chapitre 6 III
Chapitre 7
chapitre 7 II
Chapitre 7 III
Chapitre 7 IV
chapitre 7 V
Chapitre 7 VI
Chapitre 7 VII
Chapitre 7 VIII
Chapitre 8
Chapitre 8 II
Chapitre 8 III
Chapitre 8 IV
Chapitre 9
Chapitre 9 II
Chapitre 9 III
Chapitre 9 IV
Chapitre 9 V

Chapitre 4 II

38 3 0
By grand-brillant

  D'un effort, je parvins à étouffer un rire d'incrédulité. Les phrases étaient si usagées qu'elles n'évoquaient en moi aucune image, hormis celle d'une marionnette livresque perdant sa sciure par tous les pores en poursuivant un tigre dans le Bois de Boulogne.

– Puis, vieux frère, la guerre arriva. Ce fut un grand soulagement pour moi. Je fis mon possible pour me faire tuer, mais je semblais posséder une vie enchantée. Quand ça commença, j'acceptai le grade de lieutenant. En Argonne, je conduisis si loin en avant des lignes les survivants de trois détachements de mitrailleurs qu'il y avait un trou d'un demi-mille de chaque côté où l'infanterie ne pouvait avancer. Nous restâmes là deux jours et deux nuits, cent trente hommes avec seize Lewis, et quand l'infanterie arriva enfin, on trouva les insignes de trois divisions allemandes parmi les monceaux de cadavres. Je fus promu major et décoré par tous les gouvernements alliés – même le Monténégro, le petit Monténégro, là-bas, au bord de l'Adriatique !

  Le petit Monténégro ! Il souleva ces mots en hochant la tête – par son sourire. Le sourire comprenait la trouble histoire du Monténégro et sympathisait avec les vaillantes luttes des Monténégrins. Il saisissait pleinement l'enchaînement de circonstances nationales qui avait fait jaillir cet hommage du petit cœur si chaud du Monténégro. À présent, une fascination submergeait mon incrédulité ; ce récit, c'était comme si j'avais feuilleté à la hâte une douzaine de magazines.

  Il enfouit sa main dans sa poche et un morceau de métal, accroché à un ruban, tomba dans ma paume.

– Voilà celle du Monténégro.

  À ma grande surprise, l'insigne paraissait authentique. « Orderi di Danilo », disait l'inscription circulaire, « Montenegro, Nicolas Rex ».

– Retournez-la.

  Je lus : « Au Major Jay Gatsby, pour son extraordinaire bravoure ».

– Et voici une chose que je porte toujours sur moi. Un sou-venir des temps d'Oxford. Ça a été pris dans Trinity Quad – le type à ma droite est à présent vicomte de Doncaster.

  C'était la photographie d'une demi-douzaine de jeunes gens en blazers qui flânaient sous une arcade à travers laquelle on apercevait un fouillis de clochers. Gatsby était là, l'air un peu – pas beaucoup – plus jeune – une crosse à cricket à la main.

  Ainsi c'était vrai ? Je vis les peaux de tigre rutiler dans son palais sur le Grand Canal ; je le vis en train d'ouvrir un coffre rempli de rubis pour apaiser, de leurs profondes lueurs cramoisies, les tortures de son cœur brisé.

– Je vais vous demander un grand service, fit-il, en empochant ses souvenirs d'un air satisfait. Voilà pourquoi j'ai pensé qu'il convenait de vous donner quelques renseignements à mon sujet... Je ne voulais pas que vous croisiez que j'étais n'importe qui. Voyez-vous, je m'entoure en général d'étrangers parce que je vagabonde ici et là, m'efforçant d'oublier la triste chose qui m'est arrivée.

  Il ajouta, après un moment d'hésitation :

– Vous apprendrez cet après-midi ce que j'attends de vous.

– À déjeuner ?

– Non, cet après-midi. Je sais que vous avez invité miss Baker à goûter.

– Voudriez-vous dire que vous êtes amoureux de miss Baker ?

– Non, vieux frère, pas du tout. Mais miss Baker a eu la bonté de consentir à vous parler de mon affaire.

  Je n'avais pas la moindre idée de ce que pouvait être « son affaire ». Chez moi la contrariété fut plus vive que la curiosité. Je n'avais pas prié Jordan pour causer avec elle de M. Jay Gatsby. J'étais sûr que sa requête serait quelque chose d'absolument effarant, et, un moment, je regrettais d'avoir jamais mis le pied sur sa pelouse surpeuplée.

  Il ne voulut pas ajouter un mot. Sa correction augmentait à mesure que nous nous rapprochions de la ville. Nous traversâmes Port-Roosevelt où nous eûmes la vision fugitive de transatlantiques ceinturés de rouge et filâmes sur les pavés d'un quartier de misère bordé de buvettes aux ors passés – sombres mais non désertes – des années dix-neuf cent. Puis la vallée de cendres s'ouvrit de part et d'autre, et j'aperçus au passage Mrs. Wilson, peinant d'une vigueur haletante à la pompe du garage.

  Ailes ouvertes, l'auto sema de la lumière à travers une moitié d'Astoria – une moitié seulement, car, comme nous nous faufilions parmi les piliers du chemin de fer aérien, j'entendis le « djeug-djeug-spat ! » bien connu d'une moto et un agent furibond surgit à nos côtés.

– Ça va, vieux frère, cria Gatsby.

  Nous ralentîmes. Sortant de son portefeuille une carte blanche, il la brandit devant les yeux de l'homme.

– Parfait ! opina l'agent en portant les doigts à sa casquette. Vous reconnaîtrez la prochaine fois, monsieur Gatsby. Excusez-moi !

– Qu'est-ce que c'était ? demandai-je. La photo d'Oxford ?

– J'ai été assez heureux pour rendre service au préfet de police, et il m'envoie tous les ans un coupe-file en guise de carte de Noël.

  Nous franchîmes le gigantesque pont. Par les travées, le soleil tremblait sans cesse sur les autos en mouvement ; la cité montait sur le bord opposé de la rivière en blancs entassements, en monceaux de sucre édifiés par un simple désir, avec un argent sans odeur. Vue du pont de Queensboro, la cité est toujours la cité telle qu'on la voit la première fois, dans la première pro-messe qu'elle nous fait follement de révéler tout le mystère, toute la beauté que le monde recèle.

  Un mort nous croisa dans un corbillard chargé d'un entassement de fleurs, suivi de deux voitures aux stores baissés et d'autres, moins funèbres, réservées aux amis. Les amis nous dévisagèrent. Ils avaient les yeux tragiques et les courtes lèvres supérieures des Européens du Sud-Est et je me réjouis que la vue de l'auto superbe de Gatsby fût comprise dans leur sombre jour de congé. Comme nous traversions Blackwell-Island, une limousine nous croisa, conduite par un chauffeur blanc, dans laquelle étaient assis trois nègres habillés à la dernière mode, deux gars et une fille. Je ris tout haut en voyant les blancs de leurs prunelles rouler vers nous en une rivalité altière. Je pensais :

– N'importe quoi peut advenir maintenant que nous avons franchi ce pont, n'importe quoi...

  Gatsby lui-même pouvait advenir sans autrement m'étonner.

  Midi, heure rugissante. Dans un sous-sol bien éventé de la 42e rue, je rejoignis Gatsby pour déjeuner avec lui. Me débarrassant en clignant les yeux de la vive lumière du dehors, je le découvris vaguement dans l'antichambre, qui causait avec quelqu'un.

– Monsieur Carraway, je vous présente mon ami, M. Wolfshiem.

  Un petit juif à nez plat leva sa grosse tête et braqua sur moi les longues touffes de poils qui prospéraient dans ses narines. Au bout d'un instant, je découvris ses yeux minuscules dans la demi-obscurité.

– ... alors je lui jetai un coup d'œil, dit M. Wolfshiem en serrant ma main avec empressement, et que pensez-vous que je fis ?

– Que fîtes-vous donc ? demandai-je poliment.

  Mais évidemment ce n'était pas à moi qu'il s'adressait car il laissa retomber ma main et dirigea vers Gatsby son nez expressif.

– Je remis l'argent à Katspaugh et lui dis : « Ça va bien. Katspaugh, ne lui payez pas un penny jusqu'à ce qu'il la ferme. » Il la ferma de suite.

  Gatsby nous prit chacun par un bras et nous poussa dans le restaurant. M. Wolfshiem avala la phrase qu'il entamait et se laissa glisser dans une abstraction somnambulique.

– Des highballs ? demanda le maître d'hôtel.

– C'est un chouette restaurant, fit M. Wolfshiem, en dévisageant les nymphes presbytériennes du plafond. Mais j'aime mieux celui d'en face.

– Oui, des highballs, approuva Gatsby. Puis à M. Wolfshiem : « Il fait trop chaud en face. »

– Trop chaud, oui ; puis c'est tout petit, dit M. Wolfshiem ; mais c'est plein de souvenirs.

Moi :

– De quel restaurant s'agit-il ?

– Du vieux Métropole.

– Le vieux Métropole, rumina M. Wolfshiem, assombri. Hanté de visages morts et disparus. Hanté d'amis disparus pour toujours. Aussi longtemps que je vivrai, je n'oublierai jamais la nuit où Rosy Rosenthal y fut tué à coups de revolver. On était six à table et Rosy avait mangé et bu beaucoup toute la soirée. Quand il fit presque matin, le garçon s'approcha de lui avec un drôle d'air et lui dit que quelqu'un voulait lui causer dehors. « Bon », fait Rosy qui va pour se lever. Mais je le fais rasseoir.

– Que ces bâtards viennent ici s'ils veulent te causer, Rosy, mais, moi vivant, tu ne bougeras pas de cette pièce. Il était quatre heures du matin. Si on avait levé les stores, on aurait vu le jour.

– Et il y est allé ? demandai-je innocemment.

– Pour sûr qu'il y est allé.

  Le nez de M. Wolfshiem me lança un éclair d'indignation.

– Il se retourne dans la porte et fait : « Empêchez le garçon d'emporter mon café. » Là-dessus il s'avance sur le trottoir. Ils lui tirèrent trois balles dans son ventre plein de boustifaille et s'enfuirent en auto.

– On en a électrocuté quatre, fis-je, me souvenant.

– Cinq, si on compte Becker.

  Ses narines se tournèrent vers moi avec intérêt.

– Il paraît que vous cherchez une situation.

Continue Reading

You'll Also Like

323K 12K 69
Kendall se doutait-elle qu'en s'installant à Los Angeles, elle se jetterait tout droit dans la gueule du loup ? Car être une fille au lycée Turnwood...
150K 7.1K 20
de l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas, ou qu'une seule phrase. Je rappelle, que cette fiction aborde des sujet extrêmement sensibles. Ne lisez qu...
293 50 26
Alors que Mia et Lauren parte avec Maddie la petite sœur de Lauren en vacance pendant l'hiver, il vont faire la rencontre de deux beaux gosse s'appel...
839K 15K 17
Devant être marié pour pouvoir devenir chef de la mafia finlandaise, Elías Mulligan épouse Eeva, une femme aussi ravissante que tentatrice. Mais bien...