Arsène Flamingo va mourir.
Niels Pearl était assis comme Le Penseur de Rodin sur le banc d'une station-service WeCare à fixer son artefact. Cherchant où était passé le « fun » dans toute cette aventure devenue trop sérieuse et morose.
On lui avait promis des rires, des sensations fortes et la célébrité... Il n'avait rien eu de tout ça. Tout n'était que mensonge.
Il savait que c'était pour une cause noble, c'était d'ailleurs lui qui avait été le premier à faire le grand saut mais n'était-il pas en train de perdre son objectif ?
Soudain, comme Ariel la petite sirène, Niels se mit à passer la fourchette en argent et en diamant faisant de la musique dans ses cheveux bruns pour se coiffer. Ignorant les gens le regardant étrangement et se rappelant pour une énième fois la façon dont il l'avait obtenue.
Mais surtout cette discussion catastrophique avec le capitaine Flamingo :
— Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux de vous parler, capitaine Flamingo !
— C'est le magnif-
— Le magnifique, le merveilleux, l'extraordinaire, le majestueux capitaine Arsène Flamingo du SS-Barbara. Je suis un... fan ? On peut dire ça comme ça...
— C'est limite flippant petit. Mais flatteur donc j'accepte que tu sois fan de moi !
— Euh... merci ?
— Tu voulais un autographe c'est ça ?
— Euh... non.
— T'es pas un vrai fan alors ?
— Si mais... bref, on perd du temps ! Il fallait que je vous dise quelque chose d'important : « il y a des choses qui se perdent toutes seules et n'ont pas besoin d'être retrouvées ».
— What The Fuck ?
— « Ne jouez pas au héros si vous n'en avez pas l'étoffe. »
— T'as disjoncté gamin ? Pourquoi tu me sors des citations genre « vieux films » ?
Sur le coup, il avait fait mauvaise impression alors que c'était peut-être un des moments les plus importants de sa vie... Et pourtant il n'avait que peu de regrets.
Il avait pu parler à son modèle et sa seule erreur avait été de ne pas insister sur ce qu'on lui avait demandé de réciter au millimètre près : « Il y a des choses qui se perdent toutes seules et n'ont pas besoin d'être retrouvées. Ne jouez pas au héros si vous n'en avez pas l'étoffe. »
Est-ce que le message était bien passé ? Il était sûr à 99% que, comme les lecteurs ayant oublié ce moment, Arsène Flamingo n'avait aucun foutu souvenir de cet échange avec lui.
*BIDUM BIDUM*
La sonnerie de son téléphone d'urgence, un Nokia 3310 le fit sursauter, avant de voir s'afficher le numéro de cette personne ayant un œil sur chacun de ses gestes et ça, peu importe le temps et la distance.
« Je prends l'appel, « Gloire à WeCare »... Allo ? »
Une respiration essoufflée et un vrombissement étrange lui répondirent, l'inquiétant en quelques millisecondes.
— Capitaine ! s'exclama-t-il contre son téléphone. Capitaine, tu vas bien ?!
— Comme une none à une soirée bondage, plaisanta son interlocuteur avant de tousser.
— Merde... Tu es où ?! Tu es seul ? Est-ce qu'on doit venir t'aider ?!
— Dream Reaper m'a eu.
Niels lâcha son Nokia sur le sol carrelé et fendu à l'impact du téléphone ultra solide, le cœur battant à cent à l'heure dans sa poitrine avant de le ramasser et de le coller le plus fort possible contre son oreille.
— Non, non, non, non ! répéta-t-il en boucle, sentant les larmes monter.
— Je me suis fait avoir comme un vagin. Comme un con. Un traquenard. Il savait que je viendrais seul et il m'a eu. Je pensais que c'était l'unique occasion de l'arrêter, les autres m'ont dit que j'allais faire preuve de stupidité et ils ont eu raison.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! Je croyais que Dream Reaper n'était pas dans le coin ? Qu'il était trop loin de nous ?
— Non, il est bien là et il attend. Il veut être aux premières loges pour voir Arsène Flamingo mourir. Il m'a provoqué et il savait que j'aurais du mal à laisser passer ça... Putain Niels...
— Q-Quoi ? bégaya entre deux reniflements le jeune homme.
— J'ai oublié de regarder la fin de Game of Thrones. Je ne veux pas mourir en ne connaissant pas la fin, bordel !
— Franchement, ce n'est pas ouf. Tu veux que je te la raconte ?
— Non, je veux que tu fasses un truc pour moi : efface mon historique U-ternet. S'il te plait, je suis sérieux. Si Barbara voit mon historique, elle serait capable de remonter le temps pour venir me tuer de sa main et-
Soudain, l'interlocuteur de Niels se tut.
Dans le sens « taire », pas dans le sens « se tuer ».
Le brun commença à paniquer, faisant les cent pas dans la station-service et commençant à attirer les regards des employés robotiques WeCare voulant lui parler des dernières promotions de la supérette d'à côté.
— MAIS OUI ! s'écria l'homme à l'autre bout du fil. Je sais ce qu'on doit faire ! C'est tellement simple mais idiot de ne pas y avoir pensé plus tôt...
— Quoi ? QUOI ?
— Arsène Flamingo va mourir.
— Merci, tu me le répètes depuis un bon moment cette phrase et ça ne m'aide pas du t-
— Non, je veux dire, Arsène Flamingo va mourir là, bientôt, dans quelques jours, disons un mardi. Au chapitre 49 ou 50, ça dépend.
— Mais mais mais mais non ! Tu m'avais dit que ça n'arriverait pas si je répétais mot pour mot ce que tu m'as dit ! J'étais même en préparation psychologique il n'y a même pas cinq minutes pour me faire arrêter par WeCare, envoyé au siège et profiter de la situation pour sauver Arsène ! C'était le plan !
— Alors on change de plan, la vie est faite d'imprévus. C'est les risques du métier. C'est la vie que l'on a décidé de men-
— Ta gueule putain ! s'énerva soudain Niels en essuyant ses joues. Je n'ai pas fait tout ça pour rien ! Je te rappelle qu'à la base, moi, j'avais mon plan ! Et toi t'arrives avec ton beau vaisseau, tes belles paroles et ta belle gueule pour foutre le bordel ! Tu m'as dit que « sauver Arsène » c'était dans le script de la Grande Créatrice mais là, tu es en train de tout changer ! T'as pas le droit putain !
— C'est bon ? Tu as fini de faire ton enfant capricieux ?
— N-Non !
— C'est qui le patron ?
— ...C'est toi. Mais moi j-
— Toi, tu vas laisser mourir Arsène Flamingo. Sa mort va rétablir l'ordre de l'univers et ensuite...
— Ensuite ?
— C'est moi qui gère le reste.
— Pourquoi est-ce que chacune de tes interventions est stylée ?
— J'ai eu le meilleur des profs. Encore un Martin.
Niels ne put s'empêcher d'esquisser un sourire en reniflant à nouveau avant d'essuyer la morve de son nez avec le col de son t-shirt.
— Alors on repart tous à zéro ?
— Non, pas tous.
— Arsène Flamingo va vraiment mourir ?
— Yep. Sauf que tu oublies toujours un truc.
— « Un Flamingo est toujours éternel » ? « La chance dans l'œil et Let's Fucking go » ?
— « Tous les jours doivent être comme un MARDI PIZZA. »
« Ça n'a aucun putain de sens » se contenta de penser Niels en raccrochant à son interlocuteur. Soupirant et espérant que contrarier les plans scénaristiques de la Grande Créatrice n'allait pas leur porter préjudice.
Car oui, la Grande Créatrice par énervement à cause du mauvais retour sur investissement de son écriture avait décidé de tuer Arsène Flamingo et de l'annoncer en avance pour préparer psychologiquement ses lecteurs.
Était-ce puéril ? Oui.
Sadique ? Totalement.
Mais n'était-ce pas son plan depuis des temps immémoriaux ? Peut-être bien. On ne savait jamais à quoi s'attendre dans cet univers régi par des lois incompréhensibles.
Ce qui était sûr, c'était qu'une seule de ses créations avait le pouvoir de sauver Arsène Flamingo et qu'elle n'était pas prête à le laisser faire sans sacrifice.
⭐⭐⭐
— Ça va ?
— Non, j'ai l'impression que l'histoire par en couille...
— L'histoire ?
— Notre histoire.
— Mais j'ai la solution.
— Ah oui ?
— OUI ! Avec les nouvelles assurances WeCare Life, tu peux garantir ton capital immobilier, familial et santé pour le simple prix d'un rein !
— Juste un rein ?! Mais c'est génial ! WeCare est bon et bienveillant.
« WECARE VOUS AIME »
« C'est vraiment à gerber ces pubs. » cracha Almyra en donnant un dernier coup de tournevis à sa dernière création. Elle souleva l'arme avec difficulté, activant un viseur holographique s'affichant directement sur les fesses de son frère en train de se pencher pour ramasser un boulon.
Son ricanement fit réagir Cox qui se redressa d'un coup avant de faire une mine faussement colérique et de se rassoir devant son poste diffusant sur trois écrans différents les épisodes des séries qu'il avait manqués en prison.
Le pilotage automatique enclenché, le siège de capitaine du SS-Barbara était vide.
Et aucun des deux jumeaux n'y avait prêté attention.
Un signe en apparence anodin mais à noter.
Les portes automatiques s'ouvrirent pour laisser entrer un Arsène Flamingo remontant la braguette de son pantalon avant de remettre sa veste en similicuir sur ses épaules et de prendre sa place.
Ses cheveux noirs encore humides, il passa ses mains dedans de façon un peu trop sexy pour ses deux non-spectateurs kratzoriens avant de déclarer comme une fleur :
« C'est décidé, dès que je retrouve Niki, je lui avoue clairement que je l'aime. »
Cox et Almyra tombèrent de leur chaise de façon sur exagérée et on entendit même un « QUOI ?! » provenant de l'écran de communication du capitaine l'ayant laissé allumer et avec sa sœur Barbara et Jim Aukanai à l'autre bout.
— T'es sérieux ? demanda Jim depuis l'écran de communication s'affichant devant le capitaine. Genre à l'instant que tu la retrouves ? Ce n'est peut-être pas la plus brillante des idées de l'univers.
— C'est carrément à chier, rajouta Barbara en léchant sa Chupa Chups. Vu ce que tu m'as raconté, ta Niki elle va sûrement te foutre un pain dans la gueule si tu le fais.
— Moi je pense qu'elle va lui frapper les couilles, intervint Almyra. On prend les paris sur la zone qu'elle va viser ?
— En plein dans le ventre ! s'exclama Cox en se relevant.
— Les jambes si elle est maligne, ajouta Jim en rigolant.
Mais le capitaine du SS-Barbara était hermétique aux plaisanteries de ses amis.
Des mois sans la tueuse qu'il aimait appeler chaton lui avaient confirmé que même avec le plus grand rassemblement de fanatiques de sa personne, il n'arriverait pas à chasser Niki de son cœur.
— Capitaine, commença Cox, je viens de me rappeler d'un truc. Vous nous aviez autorisés à vous poser chacun une question. N'importe laquelle. Vous nous avez répondu à moi et Almyra mais vu qu'on a plus de nouvelles de Robbie, on a le droit de voler sa question ?
— Non, mdr.
— Mais qui dit « mdr » à l'oral de nos jours ? souffla Barbara.
— Allez capitaine ! Il ne reste que deux questions !
— Trois, rectifia Almyra en tendant sa nouvelle création à son frère. La fameuse « Question bonus pour le groupe », je m'en souviens ! Arsène Flamingo, pour combien tu te maries avec Niki et te cases avec elle sur une petite planète tranquille et avec tout ce que ça implique du style petit pavillon de banlieue, reconversion professionnelle, chien qui s'appelle Chocolat et surtout enfants. *
— C'est quoi cette question ?
— On l'avait décidée entre Cox, Robbie et moi avant de vous laisser partir sur Terre avec Niki. Alors ? Pour combien ?
Ils étaient tous pendus aux lèvres du capitaine qui retira ses lunettes de soleil pour les essuyer en prenant bien tout son temps.
— Si j'avais un chien, je l'appellerais Robbie numéro 2.
— Ce n'est pas la question capitaine ! Alors, combien ?
— Rien. Zéro. Nada. C'est nul comme plan de vie, ce n'est pas assez flaminguesque ! En plus ça ne fonctionnerait jamais, Niki aurait autant horreur de ça que moi, voire plus ! Imaginez la, enfermée dans un pavillon tranquille avec des marmots lui courant tout autour... Beurk !
— J'avoue que c'est le genre de situation qui pourrait lui faire péter un câble et tuer tout le quartier pendant la Fête des Voisins, murmura Almyra en frottant son menton.
— Niki est une femme d'action, comme moi ! Je suis une femme d'act-... euh non attendez. Un homme d'action ! Je lui ai offert la liberté, ce n'est pas pour l'enfermer avec mon amour. Si par le plus grand des miracles elle accepte mes sentiments, on continuera à écumer l'univers pour vivre au jour le jour, sans barrière, sans obstacle, libre jusqu'à la fin.
— C'est trop beau, pleurnicha Cox trop ému par la déclaration.
Arsène Flamingo fit un geste avec ses doigts vers le kratzorien en clignant de l'œil, se vantant de la beauté de ses propres mots mais avec tout de même une petite appréhension : est-ce que face à Niki, il arriverait à être aussi sincère ?
Soudain, le bruit signalant leur arrivée sur la planète voisine à celle du siège de WeCare le sortit de ses pensées. Toute l'équipe dans les deux vaisseaux commença alors à s'armer et se préparer méticuleusement à débarquer lorsque la voix de Barbara se fit entendre :
— Arsène, ne fais pas preuve de stupidité, d'accord ?
— Je me détesterais moi-même pour ça ! plaisanta-t-il en faisant son fameux sourire en direction de son équipage. On suit le plan comme prévu. C'est ok pour toi, Jim ?
— Ouais. Mais je suis jaloux.
— Quoi ? Je te laisse déjà Almyra dans votre équipe pour le plan. Tu me veux c'est ça ? Le pauvre Cox qui déjà a chialé parce que je l'ai remplacé par José la patate... Tu lui fais mal là !
— Hey ! s'exclama le géant vert toujours vexé par le court épisode de la patate José qu'il avait réglé en découpant celle-ci pour en faire une portion de frites qu'il avait mangées devant ses séries.
— Non, je suis jaloux parce que moi aussi je devrais avoir le droit de poser une question. J'ai aussi aidé à te faire revenir de l'univers C-404 je te signale. Pas autant que ton équipage mais un peu tout de même... Et puis je suis ton plus vieil ami ici.
— Ces kratzoriens et céléniens, intervint Barbara visiblement saoulée, toujours aussi sensibles ! Qu'il la pose sa question comme ça on en sera débarrassés !
— Ok Jim, vas-y. C'est bien parce que c'est toi mon diable bleu préféré.
— En fait, c'est une question qui vous concerne tous les deux, Arsène et Barbara... Ben justement. C'est ça.
— Quoi ça ?
— « Arsène Whizz-Kid Flamingo et Barbara PopGun ». C'est bien mais vous êtes frère et sœur et je pense qu'on est légitime d'enfin connaître votre nom de famille, non ?
— Qu'est-ce que ça va changer ? répondirent en cœur les deux concernés.
— Allez, s'exclama Cox, ne faites pas vos timides ! On veut savoir !
— Vous allez être déçus. C'est mille fois moins stylé que nos noms de capitaines. Genre c'est vraiment « casseur de charme ».
Les deux kratzoriens et le céléniens continuèrent à insister, pour le plus grand plaisir de tous, lorsque Barbara et Arsène finirent enfin par céder en soupirant au même moment. La grande sœur laissa à son petit frère l'honneur de révéler l'information la plus inutile de l'univers qui pourtant, dans l'imaginaire des théoriciens les plus fous, expliquait et révélait énormément de choses :
« Arsène Martin et Barbara Martin. »
Martin comme son SS-Martin. Martin comme l'un des noms de famille les plus répandus en France sur notre planète Terre. Martin comme « Martin Matin ». Voilà. Pas de quoi casser six pattes à un blop.
Oui, Arsène Flamingo va mourir pour de vrai. C'est annoncé depuis plus d'un semaine et c'est irrévocable, tel les plans de La Grande Créatrice... Mais si irrévocable que cela ? Que pensez-vous de l'échange entre Niels et son mystérieux interlocuteur qui croit avoir une chance de changer mes plans ? Vont-ils y arriver et comment ?
De la décision d'Arsène d'avouer encore une fois mais plus sincèrement son amour à Niki en la retrouvant ? Vos théories sur comment va-t-elle réagir ?
Et enfin, pour la révélation de fin de chapitre, pour les non-théoriciens, je vous conseille de relire le chapitre 24 - Caravelle-5, histoire de vous faire tiquer sur ce que ça implique (peut-être).
J'espère que ce chapitre vous a plu ! Si c'est le cas n'hésitez pas à cliquer sur l'étoile et donner votre avis en commentaire. On se retrouve un mardi aléatoire pour la suite et la mort de mon personnage préféré ever !
FLAMINGO OUT !
[Correction du 6 décembre 2020]
Musique ♫ Petit Biscuit - You